Interview : Marianas Rest

Peu avant la sortie de Fata Morgana, leur troisième album, j’ai eu l’opportunité de poser à quelques questions à Nico M. (sorcier guitariste exemplaire) et Jaakko (assaillant vocal suprême), membres de Marianas Rest.

Chronique de Fata Morgana

English version?

Bonjour et tout d’abord merci de votre temps. Pourriez-vous vous présenter, Marianas Rest et vous, pour quelqu’un qui n’aurait jamais entendu parler du groupe ?
Jaakko (chant) : Bonjour ! Merci de nous recevoir. Nous sommes six mecs de la ville de Kotka située sur la rive sud de la Finlande. Notre musique est le type de Metal qui évolue sans se presser et qui se construit ainsi. Pas d’écoute facile ou de titre direct. D’habitude nous essayons de faire en sorte que nos morceaux aient un côté hideux et un côté merveilleux. Si tu devais poser une étiquette dessus, Doom/Death Mélodique et mélancolique résume plutôt bien la chose.

D’où vient le nom du groupe ?
Nico (guitare) : Je pense qu’on essayait juste de trouver quelque chose qui reflète notre musique. Quelque chose de profond, froid, sombre et pressurisé. Nous tournions autour de l’idée de la fosse des Mariannes (“Mariana” en anglais, ndlr) et on voulait trouver notre propre touche à cette idée. Comment c’est devenu Marianas Rest, seul Bacchus s’en souvient 🙂

Votre troisième album, Fata Morgana, va bientôt sortir, comment vous vous sentez à ce sujet ?
Nico : Je pense que chaque groupe a une réponse assez similaire à cette question mais je pense honnêtement que c’est le meilleur album que nous ayons fait. Je pense que nous avons trouvé notre son et aussi qu’on a trouvé nos habitudes de travail qui nous correspondent en tant que groupe. Je pense que cet album semble plus cohérent et relaxé comparé aux précédents.
Jakko : Ouais, c’est notre meilleur jusque là mais évidemment nous sommes très excités d’entendre ce que les auditeurs en pensent. J’ai dis excité ? Je voulais dire terrifié.

Quelle est l’histoire derrière Fata Morgana ? Est-elle liée au mirage ?
Jaakko : Ouais, le célèbre mirage qui peut être causé par les températures extrêmes. Sur cet album, c’est la froideur du monde. Le personnage principal de l’album a eu une sorte de parcours difficile. Il a fait des erreurs et il a fait une dépression nerveuse. Maintenant il commence une longue aventure vers le bout du monde. Tout au long de sa route, il essaye de comprendre ce qui l’a mené à ce qu’il est et ce qui a causé ses mauvais jugements. Quelque part au cours de sa route il se rend compte que sa vision est déformée par le froid et qu’il ne peut pas y voir clairement. C’est pourquoi il a fait ses erreurs et c’est notre Fata Morgana.

Comment s’est passé le processus de composition pour cet album ? Est-ce qu’il était différent des albums précédents ?
Nico : La plus grande différence pour cet album est que notre bassiste Niko a commencé à apporter plus d’idées sur la table. Sur le précédent album il venait juste de rejoindre le groupe, alors il cherchait encore ses marques. L’un de nous (Niko, Harri le guitariste ou moi) apporte une démo d’une idée pour un morceau et nous commençons à travailler dessus. Une fois que nous avons l’idée d’une forme à peu près jouable nous commençons à trouver des arrangements avec le groupe entier, ce qui arrive assez tôt. Puis par la suite on casse et on remonte les titres quelques fois, pour nous-mêmes. Enfin avant le studio on se retrouve dans un chalet isolé avec notre producteur Teemu Aalto et nous revoyons les morceaux, on leur donne une bonne tournure. 

Il y a deux invités sur l’album, Lindsay Schoolcraft (Antiqva, ex-Cradle of Filth) et Timo Virkkala, comment êtes vous entrés en contact avec eux ? Comment s’est passée votre collaboration ?
Nico : Timo jouait du violon sur notre précédent album, et je pense qu’il a fait un super boulot dessus. Donc quand nous avons commencé à écrire des titres pour ce nouvel album, nous avons pensé aux lignes de violon dès les premiers stages de composition. Les lignes finales ont été trouvées sur le terrain, en studio. Je pense que son jeu donne une nouvelle dimension à la musique.
Jaakko : L’idée d’avoir une voix féminine sur cet album est venue quand nous entrions dans la phase de pré-production. Teemu avait travaillé avec Lindsay auparavant et il nous l’a directement recommandée. Sa voix est tout simplement parfaite pour ce genre de musique. La collaboration était facile, puisque Lindsay avait quasiment tout bon dès le premier essai. Tout s’est vraiment super bien déroulé. Soyez sûrs d’écouter son nouveau groupe Antiqva et son travail solo !

Quand je regarde les paroles, je vois qu’elles sont principalement axées sur des sujets mélancoliques, parfois des moments douloureux. Elles se combinent parfaitement avec la musique, mais est-ce que c’est facile de parler de ces sujets ? Qu’est-ce qui vous inspire pour créer de la musique et/ou des paroles ?
Jaakko : Le groupe est un filtre pour nous. Une façon de faire avec l’aspect négatif de la vie. Beaucoup de paroles ont un background assez personnel, mais nous essayons de construire le tout de manière plus générale, comme ça les gens ont un moyen de s’y rattacher. Certains morceaux font resurgir des souvenirs qui sont douloureux, mais c’est comme ça que c’est censé être. Une part du processus de guérison.

Vous avez d’abord sorti le titre Glow From the Edge avec un clip vidéo. Qu’est-ce que vous pouvez me dire à propos de ce titre ? Pourquoi avez-vous choisi celui-ci pour présenter le nouvel album ?
Nico : Quand nous avions les titres prêts et qu’on a commencé à réfléchir aux singles, nous savions tous que Glow From the Edge serait l’un d’entre eux. C’est difficile d’identifier la raison exacte qui a fait qu’il le soit, mais je me souviens que nous avons pensé que le titre avait cette atmosphère lancinante et captivante, et nous avons pensé qu’elle résonnerait bien auprès des auditeurs. Nous avons aussi pensé que ce titre capte plutôt bien ce à quoi le groupe aspire.

A part le bassiste, tous les membres du groupe sont présents depuis le premier album, comment avez-vous fait face au départ d’un membre, et à l’accueil d’un nouveau ?
Nico : C’est étrange. Dans ce cas précis, le fait est que tous connaissions, plus ou moins, Niko avant qu’il ne rejoigne le groupe et ça a rendu les choses plus simples. Ça a également été une décision consensuelle sans bagarre ou drama ou toute autre connerie dans ce genre. Cependant c’est déchirant quand tu dois laisser partir un membre du groupe. C’est pourquoi ce serait très difficile pour nous de rien que penser à changer un membre du groupe pour une prétendue amélioration.
Jaakko : Nous sommes un groupe très uni et nous avons une très bonne alchimie donc avec un peu de chance nous n’aurons pas plus de changements. Notre ancien bassiste Harri est toujours un ami proche, et il a même pris part à la vidéo de South of Vostok.

Vous venez de Finlande, et nous connaissons tous au moins un ou deux groupes finlandais dans l’univers du Metal. J’ai toujours ressenti une certaine froideur dans les groupes finlandais que les autres groupes n’atteignent pas, est-ce que vous avez également cette sensation ?
Nico : Eh bien si je regarde par la fenêtre pendant que j’écris ça, je peux voir d’où ça vient. Ce n’est pas nécessairement une chose consciente mais ce serait étrange si les sombres et froids hivers n’avaient pas d’effet. Je pense aussi que cette froideur est présente dans toute la musique finlandaise, que ce soit de la Pop, du Rock, du Metal ou quelque chose d’autre. C’est dans notre ADN je pense?

Te souviens tu de la première fois où tu as pris un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Nico : J’étais ado, c’était chez l’un de mes amis. J’avais tout simplement un intérêt naturel pour la guitare, mais quelque part je n’aurais jamais pensé que je pourrais en jouer jusqu’à ce point. Je n’ai jamais regardé en arrière…
Jaakko : J’ai été attiré dans la scène par un ami d’enfance à l’aube du changement de siècle. Je n’avais absolument aucune idée de ce que je faisais à la base, mais je me souviens que j’essayais de crier dans le micro aussi fort que je le pouvais. Quelque chose a dû bien se passer tout de suite. Ça te permet d’emporter ton esprit à part des choses du quotidien d’une manière que rien d’autre ne peut faire. Aujourd’hui c’est difficile de m’imaginer une vie sans un groupe dans lequel évacuer son désespoir.

Comment as tu découvert le Metal à l’époque ? Est-ce que tu écoutes uniquement du Metal ?
Nico : Un titre d’Iron Maiden jouait à la radio et j’ai trouvé ça cool. C’est comme ça que s’est passé ma première introduction au Metal. Quand j’étais gamin il y a eu quelques années où j’écoutais exclusivement du Metal, mais avec les années mes horizons musicaux se sont élargis à un point où je n’en ai plus rien à faire de quel genre est le morceau/album, du moment que c’est un bon morceau/album. Je me retrouve toujours à graviter au vers le Metal, mais ce n’est définitivement pas le seul genre.
Jaakko : Mes deux oncles m’ont fait démarrer avec leurs collections d’enregistrements et de cassettes. Iron Maiden, Metallica et Alice Cooper étaient les premiers groupes qui m’ont vraiment emporté dans de nouveaux endroits. J’écoute beaucoup de choses différentes cela dit. Pop, Rap, des trucs Prog, Punk, Metal… Si c’est bon, je n’ai pas de souci à l’écouter.

Peux-tu vivre des revenus de ta musique, ou est-ce que tu as toujours un travail à côté ? Est-ce que c’était différent au début du groupe ?
Nico : Nous avons toujours nos boulots, et je ne peux pas vraiment imaginer un point où la musique pourrait nous soutenir financièrement. Ce serait bien toutefois. Mais qui sait, des trucs plus étranges sont arrivées.

Est-ce que tu as d’autres hobbies, à part la musique ? Qu’aurait été ta carrière de rêve si tu n’avais pas commencé la musique ?
Nico : Je pense que ça prend tellement de mon temps libre qu’il n’y a pas de place pour un autre hobby. Est-ce que l’alcoolisme écrasant compte ?
Jaakko : Je n’ai toujours pas d’explication sur le fait que personne ne m’ait encore offert un contrat en tant que footballeur professionnel. A l’âge respectable de 38 ans, moi et mes genoux biogénétiques sont meilleurs que jamais.

Je sais que le Covid a foutu en l’air pas mal de choses l’an passé, et cette année aussi, mais comment avez-vous fait face à la situation en tant que groupe ? Et comment avez-vous fait face à la situation personnellement ? Est-ce que ça a également affecté le nouvel album d’une quelconque manière ?
Nico : En tant que groupe je pense que nous pouvons opérer normalement, à part que nous n’avons pas de concert. Comparé à d’autres pays, la situation en Finlande a été plutôt bonne (du moins jusqu’ici), donc nous avons pu répéter et se voir en groupe quasiment normalement excepté le printemps dernier quand nous étions en confinement ici aussi. Quand on a fait l’album on a eu la chance d’avoir les morceaux déjà prêts avant le confinement, et le studio était réservé pour quand le confinement a été levé. Nous avions simplement quelques mesures de sécurité (seulement quelques uns d’entre nous dans le studio en même temps par exemple) mais autrement nous avons pu faire ce qui était planifié pour l’album.

Quelle est ta meilleure et ta pire expérience en tant que musicien ?
Nico : La meilleure : je dirais chaque concert, grand ou petit. Je ne peux pas vraiment les ordonner. La pire : je ne sais pas vraiment, les gueules de bois après les nuits de concert ?
Jaakko : J’adore être sur scène. Après un bon concert, tu sens une sorte de lumière, ça purifie ton esprit. Les pires moments sont ceux où je gâche quelque chose d’une façon ou d’une autre et tout le groupe en souffre à cause de ça. J’ai été malade quelques fois quand nous allions en studio, et toute la production a été ralentie à cause de ça. Même si ce n’est pas vraiment la faute de quelqu’un, ça te fait te sentir comme une merde.

Avez-vous déjà entendu parler de la scène Metal française ? Quels groupes français connaissez-vous ?
Nico : Alcest et Gojira me viennent à l’esprit. J’aimerais qu’on me présente un peu mieux cette scène.
Jaakko : Alcest, Gojira, Regarde Les Hommes Tomber… Ils sont tous bien mais j’ai probablement manqué une tonne d’autres bons groupes.

Si je vous demandais de comparer la musique de Marianas Rest à un plat ? Lequel choisiriez-vous et pourquoi ?
Nico : Nous avons eu énormément de discussions à ce sujet, et d’habitude nos débats se transforment en combats aux poings. Il y a beaucoup de manières d’approcher le problème. Dans toute interprétation présentée il y a des forces et des faiblesses. Cependant. Notre déclaration officielle est le Strudel. Doux, rugueux, onctueux et sucré.
Jaakko : Tout comme nous.

Dernière question : avec quels autres groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec Marianas Rest et trois autres groupes !
Jaakko : Le premier choix serait Paradise Lost. Un groupe très important qui a influencé une tonne de jeunes groupes comme le nôtre. J’ai entendu dire qu’ils étaient très gentils également.
Nico : Le second choix serait Katatonia. Quel super groupe !
Jaakko : Le troisième est Lana Del Rey. Autrement, nous ne pourrons jamais convaincre notre autre guitariste Harri de rejoindre la tournée.

C’était ma dernière question, merci beaucoup pour votre temps et votre musique, je vous laisse les mots de la fin !
Nico : Restez forts. Toute cette merde va passer, les concerts commenceront à arriver et la bière coulera. On se voit quelque part bientôt !
Jaakko : Et souvenez-vous d’acheter des produits estampillés Marianas Rest. Nous avons besoin de chaque sou pour assouvir notre but ultime de domination du monde.

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