Interview : Demande à la Poussière

Krys Fruit-Denhez, Edgard Chevallier et Neil Leveugle, respectivement chanteur, guitariste et bassiste de Demande à la Poussière, ont pris le temps de répondre à quelques questions concernant Quiétude Hostile, deuxième album du groupe. 

Chronique de Quiétude Hostile

Bonjour et pour commencer, merci de prendre de votre temps pour mes questions ! Comment décririez-vous Demande à la Poussière à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du groupe ? D’où vient ce nom ?
Krys Fruit-Denhez (chant) : Demande à la Poussière est un groupe de 4 musiciens qui explorent au travers des morceaux une noirceur propre au projet, une mélancolie significative. On tente via notre musique de susciter des images à l’auditeur et l’emmener dans un voyage initiatique dans des tableaux sombres et personnels. C’est le résultat de nos vies et notre vision du monde. On teinte notre musique de sludge et d’autres aspects Doom ou encore black metal pour créer un univers propice aux voyages mélancoliques.
Le nom est le titre d’un roman de John Fante qui symbolise bien la quête de la perfection sur un chemin semé d’embûches avec toutes les complexités inhérentes  au mode de vie actuel, qui charrie en permanence son lot d’événements inattendus. J’invite toute personne à lire ce roman. Toutefois pour être précis le 1er album comportait des extraits du livre comme textes, on était beaucoup plus liés à l’œuvre que dans le second album.

Le groupe va bientôt sortir Quiétude Hostile, son deuxième album. Pourrais-tu m’expliquer le concept de l’album ? Que ce soit au niveau du nom, de l’artwork…
Krys : Le titre de l’album est très fort selon nous, il amène à se poser la question : je me situe ou ? Entre la quiétude donc un aspect méditatif ou du côté hostile ou l’on attend de l’action… c’est la première lecture, mais notre définition en tant que groupe est que cela reflète nos compositions : le calme qui amène ensuite vers un chaos que l’on peut voir hostile et empli de rage.  Il faut juste songer au fait qu’avant que déferle le chaos il y a toujours un instant de calme qui le précède comme signe avant-coureur. Il n’y a pas de concept en tant que tel au niveau de l’écriture des titres, en dehors d’une vision un peu terne du monde actuel. Une recherche esthétique autour du son entièrement analogique sans trigger sur la batterie, juste entendre les gamelles des amplis rugir dans les micros lors des prises de sons. Cette recherche de cet esthétisme nous a guidé vers une artiste avec un immense talent, Aurélie Raidron, elle travaille avec de vieilles pellicules et elle a une vision bien personnelle de la photographie. Cela nous a de suite totalement captivé. Le grain de la photo de l’artwork est dément et il souligne à la perfection ce que l’auditeur va pouvoir découvrir dans l’album. C’est une alchimie totale. Cette photographie tout comme les textes de l’album donne une piste mais pousse surtout à faire travailler l’imaginaire de l’auditeur. 

Côté musique, le son du groupe est plutôt lourd et dissonant, qu’est ce qui vous a mené à mélanger toutes ces influences ? Qu’est-ce qui vous inspire pour composer ?
Neil Leveugle (basse) : Tout d’abord, l’essentiel a été de travailler dans de bonnes conditions : du vin de qualité, de la charcuterie fine, quelques bons repas en échangeant sur la musique tout en écoutant des tonnes de disques. C’est la base ! Nous sommes tous des dingues de son avant d’être musiciens. Puis on a composé sans s’imposer de cahier des charges préalable. Tout le monde a apporté ses idées, en produisant beaucoup, et nous avons vu une couleur émerger de tout ce qui était proposé – et une fois cette teinte capturée, nous avons fait coller la musique au son et pas l’inverse. L’essentiel était d’avoir cette atmosphère pesante, terreuse et sale … A partir de là mélanger les influences n’était pas un problème, on proposait tout ce qui nous venait et on éliminait ce qui détonnait trop. Edgard Chevallier (guitare) : le groupe a surtout profité d’un mûrissement en live ! (car le projet était initialement né en studio) donc la direction artistique est venue assez spontanément; du « grain » de « l’énergie » et de « l’authentique « , c’est pour cette raison, que nous avons choisi de ne pas recourir à du son numérique, cette album a été réalisé avec une approche du sons quasi 100% analo. 

Les paroles sont assez énigmatiques et emplies de métaphores, de passages complexes et de références sombres, comment trouves-tu l’inspiration pour écrire un texte aussi intéressant ?
Krys : Merci de souligner les textes. Tout peut être source d’inspiration, il est délicat de véritablement décrire le processus d’écriture, je peux simplement te dire que les textes ont été écrits au fur et à mesure qu’on s’échangeait des idées de riff ou de sons. Souvent pour écrire ce type de texte, je prends le temps d’attacher de l’importance au champ lexical et trouver parfois des mots peu usités de nos jours pour souligner la mélancolie dont souvent je suis habité. Cela pourra paraître paradoxal mais je suis assez misanthrope et méfiant. J’ai un regard personnel sur certaines situations. J’utilise pas mal de métaphores qui je l’espère pousse à la réflexion et peuvent être comprises dans des sens différents. Je m’emploie à tenter de décrire des sentiments et la complexité est réelle car on ressent tous des situations analogues d’une façon parfois diamétralement opposée.

Pourquoi avoir choisi le chant en français, à l’heure où énormément de groupes choisissent l’anglais, un langage plus “universel” ?
Krys : Tout simplement car la langue française est riche et que cela était un réel plaisir de chanter en français. J’ai par le passé tenu le micro dans des groupes qui désiraient chanter en anglais, mais je n’arrivais pas à vraiment retranscrire avec exactitude l’essence des textes, ce que m’apporte le français. Car lorsque l’on traduit parfois une image française en anglais cela ne parlera pas à des anglo-saxons et donc on sera moins compris. Et la langue française est juste magnifique. 

Est-ce qu’il y a un titre qui t’a plus marqué que les autres dans cet album ?
Krys : Expiravit car il ouvre une lecture nouvelle sur l’ensemble de ce que l’on propose.
Edgard : Perdu.

Est-ce que vous avez senti une progression par rapport à l’opus précédent dans le groupe ? Que ce soit au niveau cohésion, composition…
Krys : La scène nous a totalement aidé à entrevoir le second album, le fait qu’on ait pas mal joué a vraiment créé une cohésion et une force au sein de Demande à la Poussière. Au regard du 1er album, cette fois on a tous participé à la composition et l’écriture. 

Un clip vidéo a été réalisé pour Éréthisme, est-ce que tu peux nous en parler un peu ?
Neil : Le clip a été réalisé par Chariot of Black Moth, un réalisateur polonais dont on apprécie beaucoup le travail. Son univers collait parfaitement à la couleur de notre son ainsi qu’à l’artwork d’Aurélie Raidron. La discussion avec lui a été rapide, il a compris et parfaitement interprété la thématique du texte.

Est-ce que votre album a été impacté d’une façon ou d’une autre par la crise du Covid ? Comment avez-vous vécu la situation en tant que groupe ? Et de manière personnelle ?
Neil : Tout le monde a été touché par cette crise de près ou de loin, je te mentirai si je te disais le contraire. En tant que groupe nous l’avons vécu comme une frustration, car ça va faire un an que nous n’avons pas joué sur scène … c’est long. Et de manière personnelle on s’est retrouvé isolés chacun de notre côté, sans sortie, sans concert, et dans la peur de voir quelque chose de terrible s’abattre sur nos proches les plus fragiles. La composition de l’album s’en est forcément ressentie.

Est-ce que vous avez prévu quelque chose pour la sortie de l’album ? Ou pour le futur, malgré les conditions incertaines ?
Krys : On a hâte que les lives reprennent, c’est un réel aspect que l’on aime développer avec notre musique. On met ce temps à profit pour véritablement préparer de nouvelles choses pour le live. Notre unique date actuellement sera le 13 novembre 2021 au New Blood Fest.

Quel est ton avis sur la scène Black Metal française ? En quoi est-elle différente de la scène internationale pour toi ?
Krys : La scène black metal et toutes ses ramifications sont en plein essor en France et c’est une bonne chose. Le black metal français a toujours su tirer son épingle du jeu même au niveau international. Il se passe d’excellente chose pour le black actuellement notamment dans ses rapprochements avec d’autres formes artistiques, c’est intéressant. Toutefois il ne faut pas basculer dans l’art pour l’art uniquement, car l’essence du Black Metal peut s’en trouver atténuée et perdre son sens et ne faire juste partie que d’une posture et non d’une volonté musicale.

Quel aurait été ton métier de rêve si tu n’avais pas été happé par la musique ?
Krys : Écrivain ou gérant d’une librairie
Neil : Rentier.
Ed : sportif 

Comment s’est d’ailleurs passé ton premier contact avec la musique extrême ? Ton premier instrument, ton premier titre de Metal…
Krys : Mon premier contact je le dois a Dje de Withinsane que je salue au passage, il m’a fait découvrir Megadeth, Testament et Pantera. Mais tres vite, je me suis orienté vers du Hardcore ou du Black Metal tel qu’Anorexia Nervosa ou encore Gorgon. Mon premier instrument a été la voix, la guitare est venue ensuite.

Est-ce qu’il y a une chose que tu aimerais ajouter à l’univers de Demande à la Poussière ? Que ce soit un instrument, un guest;;;
Krys : La liste est longue, mais vu qu’on ne se met aucun frein si cela fonctionne, je peux dire de la harpe, harmonica ou peut être de la cornemuse. En guest la liste est longue et je la garde pour moi a ce stade. 

Quels sont tes hobbies en dehors de la musique ? Je pense connaître la réponse, mais est-ce que tu réussis à vivre de ta musique ?
Krys : J’adore lire et écrire, j’ai une passion simple aussi cuisiner et passer du temps en famille. Oui, je vis de la musique dans le sens où elle me permet de vivre de grand moment, mais pécuniairement c’est au stade de passionné pour l’instant.

A quel plat typiquement français identifierais-tu la musique de Demande à la Poussière
Krys : Je dirais une carbonade flamande a la Chimay bleue. Plat goûtu et lourd à digérer, voilà ce qui me vient en tête.
Neil : Un bon apéritif français : de la charcuterie, du fromage, quelques (rares) crudités, et du vin, du vin et encore du vin.
Edgard : Un Aligot /Saucisse au roquefort (ou cantal).

Est-ce que tu as un conseil à donner à un groupe qui voudrait se lancer dans l’univers de musiques extrêmes ?
Krys : De tout tester, d’explorer et de n’avoir de cesse d’être curieux. Travailler et surtout ne pas craindre de vos propres envies artistiques. L’idée est d’avoir certes des références mais de travailler pour que celles-ci s’effacent au bénéfice de votre propre identité artistique.

Dernière question : je te laisse créer la tournée de tes rêves avec Demande à la Poussière en ouverture et trois autres groupes français ! Même question avec trois groupes internationaux.
Krys : Tournée avec des groupes Français : Crown, Throane, Glaciation. Tournée avec groupes internationaux : Amenra, Eyehategod, Harakiri For The Sky.
Neil : Français : Fange, Throane, Ingrina. Internationaux : Cult of Luna, Harakiri For The Sky, Ilsa.

Merci encore pour le temps que tu m’as accordé, je te laisse les mots de la fin !
Krys : Merci aux medias tels que le tien de suivre la scène et de permettre de la faire vivre durant cette période de trouble que l’on vit, merci également aux spectateurs qui continuent à soutenir les groupes et partager avec nous.

Laisser un commentaire