Découvrir des groupes est probablement l’une des choses les plus intéressantes. Veuillez accueillir Daemon Forest, groupe de Black Metal portugais.
Bonjour et merci de m’accorder de votre temps. Pourriez-vous présenter ce qu’est Daemon Forest selon vous ? Comment avez vous trouvé le nom du groupe ?
Daemon Forest : Merci pour l’interview et pour l’attention que tu portes à notre projet. Le nom du groupe a été quelque chose d’assez spontané. Il nous est “juste apparu”. Bien qu’initialement nous n’étions pas sûrs de quel genre de musique nous voulions jouer au début, depuis que nous avons vu que nous prenions une approche plus orientée Black Metal, Sharkuel (batterie/synthétiseurs) a suggéré que nous changions de nom de Demon Forest pour Daemon Forest, vu que “daemon” représente à la fois une divinité ou un être surnaturel entre dieux et humains, et qu’il est également l’orthographe archaïque du mot démon.
Daemon Forest a été créé en 2016 mais a déjà sorti un EP, un album et dernièrement une démo appelée Lisbon Pogrom 1506. Comment s’est passé le processus de composition ? Était-il différent de votre manière de travailler à la création du groupe ?
Daemon Forest : L’EP était principalement une découverte de notre identité. L’EP Dissonant Walk c’était principalement notre version Black Metal. On chantait sur des thèmes sataniques, et tout ça. A ce moment, nous étions lourdement influencés par des projets comme Deathspell Omega et Leviathan, et je pense que ça se ressent dans le son de notre EP.
Quand nous avons commencé à composer pour l’album, notre “plan” était fixé. Nous avions décidé d’embrasser l’agression pure envers le fanatisme religieux, et à ce moment il y avait une grande tentative de camouflage d’agressions d’enfants au sein de l’Eglise Catholique. Azazel et Sharkuel ont décidé de faire quelque chose de plus attaché à leur côté humain, comme pour lier la santé mentale au fanatisme/confort religieux, du point de vue du persécuté mais des bourreaux également.
Quel est l’histoire derrière Lisbon Pogrom 1506 ?
Daemon Forest : Lisbon Pogrom 1506 est un cas très sensible. C’est un épisode très sombre de l’histoire portugaise, quand la communauté juive qui n’avait pas accepté l’amour de Jesus Christ fut la proie des flammes de l’église, brûlés vifs à la vue de tous, comme un exemple pour quiconque voudrait défier l’Eglise à cette époque. C’est juste une autre conséquence du fanatisme religieux, qui utilise la violence pour affirmer sa dominance sur le commun des mortels de l’époque.
Ironiquement, ce n’est pas mentionné dans tous les livres d’histoire, et nous avons seulement un petit monument qui sert d’hommage à ce tragique événement (la couverture de la démo elle-même). Nous avions décidé de rendre notre propre hommage et de défier l’Église portugaise (qui a une forte présence politique) pendant qu’on y était.
Quand j’écoute votre musique, je ressens immédiatement une sombre, oppressante et mystérieuse ambiance, qu’est ce qui vous inspire pour créer un mélange entre Raw Black Metal et ces sonorités Ambiantes/Expérimentales ?
Daemon Forest : Le fait qu’ils se complètent l’un l’autres et qu’ils renforcent le message des titres. Nous abordons des thèmes profonds, sombres et oppressants, donc ce mélange colle à la perfection. Également, Sharkuel aime simplement faire du sound design et des expérimentations sonores, c’est son domaine principal après être le batteur du groupe, il est globalement ingénieur du son.
Quelq groupes ou univers pourriez-vous citer en tant qu’inspirations principales du groupe ?
Daemon Forest : Comme dit précédemment, Leviathan et Deathspell Omega étaient nos principales influences et nous ont fait trouver notre propre identité. Un autre exemple de groupe plus ambiant serait Blut Aus Nord, ou encore la présence violente de Watain et Archgoat qui ont aidé à nous inspirer pour construire notre propre son, et ce que nous faisons en ce moment. Actuellement, nous nous penchons aussi sur des musiques aux inspirations folkloriques de pays exotiques du monde. Côté films, La Lapidation de Soraya M., Les garçons de Saint-Vincent, Perfect Obedience, Bad Education et quelques documentaires comme Sex Crimes and the Vatican sont des moteurs d’inspirations majeurs pour nous.
De plus, Sharkuel adore H.P. Lovecraft.
Vous venez du Portugal, un pays que nous connaissons principalement grâce à Moonspell, Infernal Kingdom et plus récemment Gaerea. Que pouvez vous nous dire à propos de la scène Metal ici ?
Daemon Forest : Malheureusement, c’est une scène qui ne nous soutient pas. Qu’on ne s’y trompe pas, Moonspell n’étaient personne jusqu’à ce qu’ils aillent à l’étranger et enregistrent Wolfheart en Allemagne. Maintenant ils sont adorés par tout le monde et vus comme “le meilleur groupe portugais”, juste parce qu’ils sont connus à l’étranger. C’est la même chose pour Gaerea et nous avons d’autres groupes cools comme Hyubris, Tod Huetet Uebel, the Firstborn, Filii Nigrantium Infernalium, etc… qui n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent, et qui passent sous la plupart des radars. Il y a un remarquable manque de soutien ici, et le fait que certains groupes de Metal ici font partie d’un groupe d’amis proches, les nouveaux groupes ont beaucoup de difficultés. Ca a failli nous dégoûter au point d’arrêter, pour être honnête, mais quand nous avons sorti notre album, nous avons vu que notre musique était appréciée à l’étranger, et ça nous a donné de nouvelles forces tout en éclaircissant notre vision des choses.
Pour référence, les metalheads portugais dans leur globalité pensent que les groupes locaux qui ne sont pas connus, ou qui n’ont pas de statut/réseau, ne devraient pas demander beaucoup d’argent pour leurs concerts, des fois 3 ou 4 groupes jouent dans une petite salle, avec des tickets entre 10 et 20€ si ce n’est moins. Par contre quand Metallica ou Iron Maiden viennent et mettent en vente des tickets entre 75 et 120€… Je n’ai rien contre ces groupes, qu’on soit bien clairs, mais ces gars qui paient un énorme montant pour voir de gros groupes vont voir des concerts gratuitement car “ils connaissent quelqu’un du groupe ou de l’organisation”, puis ils vont sur les réseaux sociaux se vanter de “soutenir la scène underground”. Ca et les organisateurs qui veulent nous payer en nourriture et boisson au lieu de nous payer un cachet, parce que eh, les groupes qui ne sont pas célèbres ne sont pas censés recevoir de l’argent, simplement de l’exposition, même si eux gonflent les prix des tickets et des boissons. C’est ce type de “soutien” que nous avons ici.
Ca peut sembler condescendant, mais c’est un fait dont les gens n’aiment pas parler. Et je pense que si un portugais lit ça, il va penser qu’on est imbus de nous même, jaloux et toute cette “critique positive” qu’ils aiment partager.
Je sais que le Covid-19 a foutu en l’air pas mal de choses, mais comment est ce que vous avez géré la situation en tant que musicien ? Est-ce que ça a également affecté votre vie personnelle ?
Daemon Forest : Evidemment. Nous n’avons pas pu nous voir pendant des mois à cause du confinement. Nous n’avons pas pu enregistrer un EP, donc nous avons sorti Lisbon Pogrom en tant que démo, comme ça les gens ont pu voir que nous étions actifs. Et d’autres choses, comme nos boulots, problèmes de santé, etc… Ces temps sont étranges, et nous assistons à un déclin social majeur. Les gens ne font pas attention, et certains meurent. Nous retombons peu à peu sur nos pieds, et nous sommes pleins d’énergie.
Est-ce que vous avez des prévisions pour le futur dont vous pouvez déjà parler ? Que ce soit de la musique, des concerts ?
Daemon Forest : Nous avons pour but de terminer l’EP Lisbon Pogrom, et de sortir les titres restants cette année. Également, si le Covid-19 le permet, nous jouerons au Blackland Festival, en Allemagne, le 2 Octobre.
Concernant les concerts, que peut on espérer en allant voir Daemon Forest sur scène ?
Daemon Forest : Tu pourras voir trois mecs, un qui fait des sonorités basses, l’autre qui tape sur des trucs et un troisième qui shred sur sa guitare et qui crie comme un taré, hahaha.
Plus sérieusement, il te sera donné de ressentir la même atmosphère que sur nos enregistrements. La même énergie, la même intensité, le même sound design. Trois individus qui partagent un message à travers de la musique extrême, à quiconque est impatient d’écouter ce que nous avons à offrir.
Y a t-il un plat que vous pourriez associer à la musique du groupe ? Quelle en est sa recette et pourquoi ?
Daemon Forest : Un steak de thon, “a Lagareiro”. Croustillant à l’extérieur, mais juteux à l’intérieur. Prends un pavé de thon, du sel, de l’huile d’olive, du poivre, de l’ail, du thym, du citron et du vinaigre. Mets le dans une poêle à frire et fais frire le steak dans l’huile d’olive jusqu’à ce qu’il devienne brun clair. Sers chaud et mange le pendant qu’il est encore “saignant”.
Dernoère question : imaginez que vous pouvez créer une tournée avec Daemon Forest en ouverture et trois autres groupes, qui choisiriez-vous ?
Nous avons tous les trois des goûts distincts, nous répondrons un par un :
Azazel: Gorgoroth, Archgoat, Impaled Nazarene
Sharkuel: Mayhem, Dodheimsgard, Anaal Nathrakh
Gadreel: Venom, Darkthrone, Celtic Frost
Merci encore pour le temps que vous m’avez accordé, et pour votre musique ! Est-ce que vous avez quelque chose à dire pour conclure l’interview ?
Je pense que chacun de nous a quelque chose à dire.
Sharkuel : Ca va donner mielleux comme tout, mais à tous ceux qui lisent cette interview, croyez en vous. Vous pouvez tout réussir, il faut juste que vous soyez concentrés sur votre objectif. Si quelqu’un te dit que tu n’en es pas digne, fais le mieux et montre à cette personne qu’elle à tort. Nous avons le pouvoir de changer nos vies, parfois ça prend du temps, parfois nous sommes chanceux et c’est immédiat, mais ne laissons jamais nos opposants nous rabaisser, la plupart sont simplement envieux des réussites des autres, et veulent juste nous mettre à leur niveau, et vous êtes meilleurs que ça.
Azazel : Comme mon frère Sharkuel l’a dit, croyez-vous en vous mêmes et n’écoutez jamais ceux qui veulent vous rabaisser vous et vos idées, soyez toujours honnêtes avec vous-mêmes. N’arrêtez jamais de croire en vous même si les choses que vous avez fait ne rentrent pas dans les standards de la société moderne.
Gadreel : Comme mes camarades l’ont dit et portent ce message à travers la musique, à quiconque lit cette interview nous vous demandons de soutenir la musique underground. Pas seulement nous, mais tous les musiciens de cette scène. Nous savons tous que nous avons et pouvons toujours plus à apprendre, à améliorer nos compositions et notre musique, mais pour faire cela, tout ce soutien est important. Pas seulement les concerts, mais aussi acheter du merchandising, suivre les artistes et leur travail à travers les retours qui nous font évoluer et devenir meilleurs et plus efficaces concernant le message que nous voulons transmettre.
Daemon Forest : Merci à nouveau pour cette interview et nous t’autorisons à ne pas lire toute cette interview, mais nous te souhaitons une excellente journée, prenez soin de vous et de votre santé.