Julien Granger, batteur de Mur, a pris le temps de répondre à mes questions pour la sortie de Truth, le nouvel EP du groupe.
Bonjour et tout d’abord, merci de votre disponibilité ! Comment pourriez-vous présenter le groupe Mur à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de vous ?
Julien Granger (batterie) : Mur est un groupe de musique français basé à Paris.
Mur est à mon sens un groupe assez inédit, puisqu’il mélange Post-Black Metal et Synthwave, comment vous est venue l’idée de mélanger ces deux styles qui semblent pourtant opposés ?
Julien : Le terme « opposition » quand il s’agit de création nous semble souvent trop peu fertile. Aujourd’hui, les styles apparaissent bien souvent comme des concepts fabriqués afin de pouvoir marketer et commercialiser des produits musicaux, et autres. Dans la musique extrême comme ailleurs, on constate bien vite qu’ils sont rarement porteurs de sens. Nous ne nous sentons pas concernés par ce genre de notions. Nous composons et jouons la musique que nous souhaitons produire sans nous soucier des termes qui pourraient la qualifier. En revanche, à l’usage, nous prenons beaucoup de plaisir à faire se marier des couleurs musicales qui nous inspirent. La musique de Mur est en perpétuelle évolution mais notre style reste unique, c’est vrai.
Le Post-Black et la Synthwave sont tous deux des styles assez futuristes au son généralement très bien mixé, qu’est ce qui vous attire autant dans l’un et dans l’autre ?
Julien : À vrai dire, nous ne sommes réellement familiers ni du Post-Black metal, ni de la Synthwave. En revanche, les membres de Mur sont de grands admirateurs du Black Metal (des origines) et des scènes Post-Punk des 80s, de la Cold Wave aux musiques industrielles et électroniques. Plutôt que des groupes, ce sont les énergies que ces périodes musicales nous évoquent qui sont présentes dans la musique de Mur. Définir des horizons nouveaux est ce qui nous intéresse fondamentalement. A quoi bon jouer de la musique, si ce n’est pour vraiment participer à son évolution?
Votre nouvel EP Truth est sur le point de sortir, qu’est ce que vous pouvez me dire à son sujet ? Que ce soit au niveau du concept, du processus de composition, de sa signification à vos yeux…
Julien : Ce mini album est conçu comme un chemin qui d’une révélation («Epiphany»), mène à une vérité («Truth»). Nous avons travaillé sur la théorie de l’effondrement comme ligne directrice de Truth. L’effondrement du monde, qui selon nous commence avec l’effondrement de l’individu. À l’intérieur de lui-même, cet individu qui cesse de prendre soin de lui-même, qui s’abandonne. Ce mini album traite du renouveau du pacte avec soi. De la grandeur de ce pacte et de l’élévation de l’âme.
Et concernant l’artwork, quel a été votre ligne directrice ? Quel est le lien avec la musique de l’EP ?
Julien : Le visuel qui figure sur la pochette de Truth est issu de clichés du premier test nucléaire réalisé dans l’histoire : l’explosion de Trinity. Cette détonation marque, pour l’humanité entière, un réel moment de vérité ; une vérité du pouvoir de destruction mais surtout, de la nécessité du dépassement de cette dernière. Mettre en scène de manière colorée ces photographies montrant les premières millisecondes de l’explosion, y mettre en valeur les formes organiques qui en émergent, au centre desquelles on aperçoit comme un cosmos, était pour nous l’occasion de mettre en image le dépassement de la fin. Truth, c’est l’espoir.
Vous avez choisi de dévoiler Epiphany puis Inner Hole de cet EP, pourquoi avoir choisi ces titres-là ? Quelle est leur histoire ?
Julien : Présenter sa musique, la façon dont on la présente, c’est un choix, une stratégie. Une fois les morceaux enregistrés, nous avons fait le point sur ce qui nous semblait le plus cohérent en terme de narration pour que la musique de Mur entre en résonnance avec son auditoire. Ces deux morceaux, dans cet ordre de parution nous sont apparus comme les plus adéquats à cette démarche. Nous aurions tout aussi bien pu sortir chaque morceau en single sur une période plus longue.
Vous avez également choisi de reprendre Such a Shame, un titre des Talk Talk, qu’est-ce qui vous a inspiré pour cette reprise ?
Julien : Nous sommes des inconditionnels de la musique des 80s. C’est pour nous une période de référence musicale. L’usage des synthétiseurs et l’énergie qui se dégage de ces ambiances nous inspirent. Nous savions que nous réaliserions une reprise sur ce disque. Talk Talk nous est apparu comme une évidence et Such A Shame en est la plus belle réussite selon nous. L’énergie de ce morceau s’intègre parfaitement à la narration de Truth. Nous avons pris un grand plaisir à retravailler Such A Shame et avons découvert un bijou de composition et d’arrangement lors des séances de travail.
Sur l’EP, on retrouve également une longue composition instrumentale sans (ou presque) influences Black, pourquoi avoir fait ce choix ? Est-ce que c’est différent pour vous de composer des titres exclusivement Synthwave ou du Metal ?
Julien : De nouveau ici, nous avons convoqué les couleurs des synthétiseurs des 80s lors de la composition de ce morceau. Nous savions dès le début de l’écriture de « Truth » que nous souhaitions un morceau instrumental, long, à l’énergie puissante. Encore une fois, ce qui nous influence rayonne dans notre musique hors du cadre des styles. Nous avons composé ce morceau à trois, Alex (claviers), Thomas (basse) et moi-même. Nous avons abordé ce morceau de la même manière que nous composons habituellement notre musique : presque exclusivement par le jeu instrumental. Construire un morceau sur ces ambiances sonores par le jeu et non par la programmation sur ordinateur comme c’est l’usage dans les musiques électroniques nous semblait essentiel dans notre approche. Avec le souhait de servir au mieux l’énergie que nous souhaitons transmettre. Nous sommes très satisfaits du résultat et c’est une démarche qui promet pour la suite.
Même si le terme Synthwave est assez récent, elle prend ses racines dans la New Wave et l’Electro des années 80/90, voir même avant, qu’est ce que vous ressentez à propos de l’évolution de la musique électronique ?
Julien : La musique électronique comme le black metal évolue. Les styles émergents, les nouvelles énergies qui y sont développées nous renseignent aussi sur les amateurs de musique. Je dirais simplement que notre ressenti quant à une production musicale dépend également de l’ambition de cette dernière. La qualité de la musique, selon moi, dépend aussi de l’honnêteté de cette dernière et de son message. Il y a aujourd’hui en musique électronique autant d’artistes intéressants porteurs de messages d’ouverture esthétique et stylistique que dans le métal extrême. Tout comme, à l’inverse, on peut y trouver autant d’artistes stériles engoncés dans une simple rémanence de concepts usés que dans le métal. Nous ne nous sentons pas plus concernés par un artiste techno qui ferait l’apologie des drogues que par un artiste black metal qui en 2021 mènerait encore une guerre anti cléricale digne de celle que menait des ados en Norvège dans les années 90s. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a ni ambition, ni vision. Fort heureusement, des exceptions existent toujours dans ces deux scènes.
Même si Mur est récent, le groupe est plutôt bien accepté dans la scène extrême française, quel est votre regard au sujet de cette scène ?
Julien : Nous remercions la scène extrême française pour l’accueil qu’elle nous réserve. Chacune de nos sorties est saluée par les auditeurs et par les professionnels. Comme chaque scène musicale, la scène metal française produit des groupes ambitieux, novateurs, visionnaires, et d’autres moins.
Quel est votre regard sur la scène Black Metal française ?
Julien : Blut Aus Nord, à lui seul, place la « scène » française dans l’élite. Un style de musique, c’est comme une langue. Il faut des ajouts réguliers pour qu’elle reste vivante et des fondamentaux pour qu’elle soit intelligible. Nous n’avons pas d’avis réel sur la scène Black Metal française. Nous pensons qu’elle se porte bien, au vu du nombre de groupes qui y émergent. Je dirais simplement que nous sommes plus occupés à créer l’univers musical qui nous plait qu’à concevoir un avis sur des œuvres que nous n’écoutons pas nécessairement. Je reste pour ma part un inconditionnel de Darkthrone, Immortal, Mayhem… Mais aussi plus récemment de Liturgy ou encore de Ulcerate, pour ne citer qu’eux.
Je ne connais absolument pas la scène Electro (au sens large), que ce soit en France ou à l’étranger, d’où viennent vos inspirations à ce niveau ? En quoi est-ce qu’elles se rapprochent ou diffèrent de vos inspirations Black Metal ?
Julien : A vrai dire, nous ne sommes pas réellement concernés par la notion de style musical. Nous aimons certains artistes, ces derniers nous inspirent. Le black metal, comme les musiques électroniques recèlent de talents exceptionnels. Nous convoquons nos ressentis, nos expériences, nos sensibilités lorsque nous écrivons de la musique. Les rencontres musicales qui se présentent dans la vie d’un musicien l’inspirent, nécessairement.
Comment avez-vous commencé la musique ? Que ce soit Metal ou Electro. Quel a été votre premier instrument et comment est-ce que ça s’est passé ?
Julien : Nous avons tous commencé la musique assez tôt, adolescents voire enfants. J’ai commencé le piano à 6 ans et la batterie à 12. Le piano car mes parents m’ont assis derrière, la batterie parce que j’ai un rapport fusionnel avec cet instrument. Les autres membres de Mur pourraient t’en dire autant. Nous sommes musiciens, au-delà des styles, au-delà des modes.
Est-ce qu’il y a une chose que vous aimeriez ajouter à l’univers de Mur ? Que ce soit un instrument, un guest…
Julien : Nous sommes sensibles aux autres formes d’art et pourrions envisager des collaborations avec des artistes visuels, de réalisateurs dont nous apprécions le travail. Une collaboration, c’est aussi une rencontre. L’univers de Mur est inclusif. Nous restons à l’écoute des créations contemporaines et recevons régulièrement des sollicitations de collaborations.
Quels sont vos hobbies en dehors de la musique ? Je pense connaître la réponse, mais est-ce que vous réussissez à vivre de votre musique ?
Julien : La nature et l’art sous toutes leurs formes. Nous aimons échanger sur ces sujets et nous immerger dans des univers créatifs et inspirants. Nous ne vivons pas de la musique pour l’heure. Mais nous travaillons à ce que la musique et le message de Mur soient diffusés au plus grand nombre. Nous souhaitons faire rayonner ce message de Lumière.
A quel plat typiquement français identifieriez-vous la musique de Mur ?
Julien : Les escargots. On ne se doute pas de ce qui se trouve sous la coquille et cela ne laisse jamais indifférent. Mur est unique et le restera.
Dernière question : je vous laisse créer la tournée de vos rêves avec Mur en ouverture et trois autres groupes français ! Même question avec trois groupes internationaux.
Julien : Nous partagerons l’affiche avec les groupes que notre agent estimera être les meilleurs pour promouvoir l’univers de Mur. Les tournées sont des moments de rencontre entre individus et je suis sûr que nous aurions beaucoup de bons moments à partager avec bien des groupes. Dès que cela sera possible, Mur prendra la route. Les concerts de Mur sont toujours des moments de transmission réciproque d’énergie entre le groupe et l’audience.
Merci encore pour le temps que tu m’as accordé, je te laisse les mots de la fin !
Julien : Merci