Michael Schindl, compositeur, guitariste, chanteur et créateur du groupe Impure Wilhelmina, a répondu à mes questions à propos de la sortie d’Antidote, le nouvel album du groupe.
Bonjour et tout d’abord merci de prendre de votre temps pour mes questions ! Comment présenteriez-vous le groupe Impure Wilhelmina à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler ?
Michael Schindl (guitare/chant) : Impure Wilhelmina est un groupe de Metal avec des influences plutôt Rock. Notre musique se caractérise par son aspect mélodique et mélancolique et aussi par une large palette d’influences, allant du Rock Gothique au Black Metal, en passant par le Doom et même par la Pop. En bref, c’est un groupe difficile à définir.
Que signifie le nom Impure Wilhelmina ? Quel est son lien avec votre musique ?
Michael : Le nom vient du roman Dracula de Bram Stoker, ou le personnage principal féminin se nomme Mina, qui est le diminutif de Wilhelmina. Il n’y a pas vraiment de lien avec notre musique, c’est juste un nom compliqué qui sonne un peu classieux, germanique et dix-neuviémiste.
Antidote, votre huitième album, vient de sortir. Comment sont les retours à son sujet ?
Michael : (En fait c’est notre 7ème album si on considère que Undressing our Soul est un EP, et que notre premier album est Afraid). Nous avons de très bon retours, de belles chroniques dont beaucoup élèvent cet album au rang de véritable œuvre d’art, ce qui fait très plaisir ! Les retours viennent d’un peu partout, on a même eu droit à une chronique thaïlandaise qu’on a dû faire traduire.
Quelle est l’histoire de cet album ? Que signifie Antidote pour vous ?
Michael : Nous avons commencé à travailler dessus il y a environ 2 ans, ce qui, compte-tenu des circonstances actuelles, semble être une éternité ! A la base, nous voulions créer une rupture avec Radiation, notre précédent album, que je considère un peu comme dans la continuité de Black Honey. Nous avons donc travaillé avec un nouvel ingénieur du son, Yvan Bing, qui a aussi produit l’album. L’idée était d’explorer un son plus ample, plus diversifié, mais pas d’aller “picorer” des idées ici et là, plutôt de chercher pour chaque morceau l’ambiance, les arrangements, les sonorités qui lui conviendraient le mieux.
Pour renforcer la cohérence de l’album, nous avons pris une semaine, juste nous quatre avec Yvan pour enregistrer en live la base de chaque morceau dans un studio en Allemagne (HOFA Studios), dans une sorte d’autarcie. Les voix et d’autres arrangements ont été faits par la suite dans le studio d’Yvan à Genève.
Pour toutes les personnes pour qui la musique joue un rôle important ou central dans leur vie, elle peut être considérée comme un antidote, ou du moins avoir un aspect thérapeutique voire cathartique (surtout pour le Metal). D’où le nom de l’album. Dans le contexte de la pandémie, ce titre avait aussi une résonance un peu particulière.
Côté son, je suis le groupe depuis quelques années déjà, et on sent une réelle progression dans votre son, qui inclut de plus en plus d’influences Prog et Post-Rock,quelles sont vos influences ? Comment s’est passé la composition ?
Michael : Heureux d’apprendre qu’après 7 albums, nous progressons toujours ! Comme tu l’imagines probablement, nos influences sont variées. Quelques groupes en vrac : The God Machine, Paradise Lost, Blut Aus Nord, Neurosis, Crowbar…
En ce qui concerne la composition, c’est moi qui amène la plupart des éléments. Je propose des riffs, des enchaînements de riffs ou des enchaînements couplet-refrain, mais assez souvent des morceaux déjà relativement aboutis. Nous travaillons sur cette base, modifiant, améliorant, parfois rejetant, jusqu’à ce que tous les quatre soyons satisfaits. Parfois mes idées subissent de grands changements, parfois non. En tant que producteur, Yvan a aussi fait des propositions et mis sa patte.
Vous avez sorti deux clips pour cet album, Gravel et Midlife Hollow. Pourquoi avoir choisi de mettre ces deux morceaux en avant ? Comment s’est passé le tournage des clips ?
Michael : Ce sont des morceaux plutôt accrocheurs pour lesquels nous avons eu assez rapidement des idées de clips, notamment pour Gravel. Ces deux clips ont été réalisés par Steven Blatter, un vidéaste suisse ami du groupe. Les idées de base étaient très simples.
Pour Gravel (gravier), on a voulu jouer avec les textures minérales, le gravier, la terre, la boue, le tout en filmant de manière assez abstraite, avec des gros plans, des flous, et le noir et blanc. Steven a beaucoup travaillé sur la profondeur de champ de caméra.
Pour Midlife Hollow, lors d’une randonnée, je suis tombé par hasard sur la voiture abandonnée qu’on voit au milieu du clip, et je me suis dit “parfait, cette voiture représente un homme d’âge moyen détruit par la vie, ce qui est plus ou moins le thème du morceau. Le clip est donc simplement les déambulations d’un homme qui finit par rencontrer son destin”.
Pour chacun de ces clips, les tournages ont été faits en une seule grosse journée. Un peu froid en fin de journée/soirée pour Gravel, du beau temps pour Midlife Hollow (que l’on a un peu caché avec le noir/blanc), si tu veux tout savoir ! Nous avons aussi fait une lyric-vidéo pour Dismantling, réalisée par Julien Diels à qui on doit aussi l’artwork de l’album, dont nous sommes très fiers. Julien est aussi un ami. Nous aimons collaborer avec des proches : ça facilite beaucoup les choses.
Les deux clips sont en noir et blanc, tout comme beaucoup de vos photos promo, c’est un choix artistique de votre part ?
Michael : Tout à fait. Les photos promo ont été réalisées par Mehdi Benkler, un photographe suisse très actif dans le milieu du rock, qui travaille beaucoup en noir et blanc et en argentique. Nous aimions son travail, et pensions que le noir et blanc, que j’apprécie généralement beaucoup, irait bien avec le côté sombre de notre musique. Les clips sont le prolongement de ce choix. Cette logique se retrouve dans l’artwork de l’album, à l’exception de la cover.
Comment arrivez-vous à établir un équilibre entre son clair et son saturé, chant clair et hurlements, parties dissonantes et mélodies ?
Michael : On se laisse guider par l’inspiration. Mais nous essayons aussi de bien structurer nos compositions, et cela implique donc que l’on doit y trouver un certain équilibre entre les différents éléments. Mais il n’y a pas de recette magique, chaque morceau ayant sa propre logique.
Est-ce que la crise sanitaire du Covid-19 a eu un quelconque impact sur votre album ? Comment avez-vous géré la situation en tant que groupe depuis plus d’un an ?
Michael : L’enregistrement en Allemagne que j’évoquais plus haut a eu lieu en février 2020, juste avant le confinement. Pour la suite, pour les voix et les autres arrangements, j’étais la plupart du temps seul au studio avec Yvan, donc là aussi pas de problèmes. Peut-être que tout le processus a été un peu plus lent que prévu. Le nom de l’album fait écho à la crise sanitaire, comme je l’ai dit plus haut. On avait du mal à trouver un nom. Et pendant nos nombreuses séances de brainstorming pour trouver ce titre d’album, nous parlions aussi de la situation que nous traversions. Et donc de sujets médicaux. Et c’est là que Antidote a émergé, peut-être dans l’idée secrète que la sortie de l’album allait coïncider avec la sortie de crise, ce qui n’est peut-être pas si faux finalement. Par la suite, nous avons aussi donné le nom Antidote au morceau instrumental en avant-dernière position, qui est le moment le plus “léger” du l’album.
Le groupe fête cette année ses 25 ans, est-ce qu’en créant le groupe vous vous attendiez à une telle longévité ?
Michael : Non. Il n’y a jamais eu de projet à long terme dans Impure Wilhelmina, surtout au début. Simplement, quand on commence à composer sa propre musique et qu’on accumule les morceaux, on se dit faisons un EP, faisons un album, puis un autre, etc… Peut-être aussi que notre manque quasi-pathologique d’ambition nous a paradoxalement aidé à durer, même si je pense que globalement il nous a desservi. Mais au moins nous ne nous sommes pas brûlés les ailes !
Même si les temps sont encore assez incertains, quels sont vos plans pour l’avenir du groupe ?
Michael : Comme évoqué précédemment, la crise sanitaire n’a pas eu trop d’impact sur Impure Wilhelmina jusqu’à présent. Même avant son début, nous savions que notre projet pour 2020-2021 était la réalisation de cet album, et pas de faire des concerts. Nous avons donc échappé à la vague d’annulation dont beaucoup d’autres groupes ont souffert. Mais à présent, nous cherchons des dates, et c’est très difficile. Nous avons annulé/reporté ce qui était prévu au mois de juin pour la sortie de l’album, et espérons pouvoir monter sur scène en septembre-octobre, et même tourner. Mais les salles et festivals ont tendance à reprogrammer les groupes qui étaient prévus puis annulés pendant la crise, donc en fait tout est encore incertain pour nous.
Comment avez-vous découvert l’univers des musiques saturées ? Quel a été le premier morceau de Metal que vous avez écouté ?
Michael : Probablement du AC/DC, mais le premier album acheté était Powerslave de Iron Maiden, si je me souviens bien. Je devais avoir 13 ans. Ensuite Metallica, Slayer, le Death Metal, le Doom, et des choses plus Noise. C’est avec le Metal que j’ai appris la musicalité, c’est-à-dire à écouter de la musique, et pas simplement à la “subir”. En effet, et je crois que n’importe quel amateur du genre pourrait dire la même chose, l’important, c’est ce qui se passe dans ou derrière le mur de son, toutes ces finesse qu’un initié peut déceler.
Comment s’est passé la première fois où vous avez joué d’un instrument ?
Michael : Enfant, je prenais des leçons de solfège et de piano, mais sans grande passion. La première révélation, c’est quand j’ai commencé à jouer des mélodies de Iron Maiden sur la guitare classique de mon père. C’est sur cette guitare que j’ai appris les bases, les positions d’accords, les barrés. Le solfège m’a finalement beaucoup aidé. Puis j’ai acheté une guitare électrique pour jouer les riffs qui me plaisaient, et j’ai commencé à composer…
Quels sont vos hobbies, musique mise à part ? Est-ce que vous arrivez à vivre de votre musique ?
Michael : Non, nous travaillons tous à côté. Je fais beaucoup de randonnée, été comme hiver. Les autres membres du groupe : sport de combat, surf, grimpe…
Qu’est-ce que vous aimez dans votre musique que vous ne retrouvez pas chez les autres groupes ?
Michael : L’aspect nuancé, trouble, qui est un peu contre-intuitif dans l’univers Metal.
Quelle est votre meilleure et votre pire expérience en tant que musicien ?
Michael : La meilleure expérience est de m’apercevoir que même sans alcool, je continue à être créatif. Je suis abstinent depuis 5 ans. La pire, c’est les trop nombreuses fois où j’ai joué bourré.
La seule fois où je vous ai vus jouer, c’était dans une sorte de cave à Paris en 2017, est-ce que vous préférez les petites salles comme celle-ci, ou les grandes scènes ? Pourquoi ?
Michael : Cela dépend des conditions d’accueil, du public, de l’atmosphère du lieu, du niveau de fatigue, des groupes avec qui on partage la soirée (avec qui cela se passe très bien la plupart du temps), du son sur scène, de plein de choses en fait qui font que l’on peut avoir de très bons souvenirs d’un concert, ou pas, indépendamment de la taille de la scène.
Dans quel état d’esprit êtes-vous lorsque vous jouez sur scène ?
Michael : Très concentré, tout en essayant de garder à l’esprit que nous sommes là pour transmettre quelque chose et se faire plaisir. Lorsque tout se passe bien, je me sens de plus en plus détendu au fur et à mesure que le concert avance, et c’est tant mieux. A la fin, généralement, je me dis que c’était trop court.
A quel plat ou boisson pourriez-vous comparer la musique d’Impure Wilhelmina ?
Michael : Du caviar, ou de la choucroute. Un Wienerschnitzel (mes origines viennoises) avec de la confiture d’airelles (pour le côté pop). De la Williamine, une eau-de-vie valaisanne à base de poire. Clin d’œil à certaines personnes qui nous appellent parfois “Impure Williamine”.
Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une affiche sur laquelle Impure Wilhelmina est le groupe d’ouverture, et trois autres groupes !
Michael : Affiche totalement improbable créée selon l’humeur du moment : Impure Wilhelmina, Bolt Thrower (j’écoute ça en tapant ces lignes, jamais vu sur scène, mais je me dit que ça doit être monstrueux en live), Kyuss, Death.
Merci encore d’avoir pris de votre temps, je vous laisse les mots de la fin !
Michael : Merci à toi, on espère bientôt remonter sur scène et noyer le monde dans un glaçage de mélancolie.