Chris “The Lord” Harms, leader, vocaliste et parfois guitariste du groupe Lord Of The Lost, a répondu à mes questions à propos de Judas, le nouvel album du groupe.
Bonjour Chris et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder de ton temps ! Comment présenterais tu Lord Of The Lost selon tes propres termes à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du groupe ?
Chris “The Lord” Harms (chant/guitare) : Je ne le ferais pas. Je n’aime pas essayer de me promouvoir auprès de quelqu’un qui ne connaît pas, c’est assez étrange et c’est comme une auto-éloge. J’inventerais plutôt une histoire fausse en disant que je suis plombier ou un autre boulot normal.
Judas, le dixième album du groupe (si on considère tous les Swansongs en tant qu’albums), est sur le point de sortir. Comment vous sentez-vous à ce sujet ? D’où vous est venue l’inspiration pour cet album ?
Chris : Je suis, nous sommes, super super fiers. Nous y avons mis tout notre coeur, notre temps et notre argent. Et au final, nous avons obtenu exactement ce que nous souhaitions, mais en plus grand et meilleur. Nous sommes très heureux. La principale inspiration découle du personnage de Judas Iscariot lui-même. L’un des personnages les plus incompris et unilatéralement observés de l’histoire de la religion. Mais il ne faut pas se fier aux apparences ! Si tu regardes plus loin, réfléchis un peu et commence à réinterpréter ce qui a pu se passer, le rôle que Judas a joué ici devient quelque chose d’autre. Si tu le pousses à l’extrême, Judas devient le véritable sauveur. Sans Judas, pas de crucifiction, pas de “sauveur”, pas de croix comme symbole de la chrétienté, pas même de chrétienté tout court, pas d’église, rien de tout ça. Cette zone de tension entre le fait d’être une victime, un bouc émissaire, un traître, un sauveur, un pêcheur, un saint ? Le mot-clé ici est ce qu’on appelle la “trahison salvatrice”. Et quelle était l’intention ici ? Dieu ? Est-ce que Dieu a été voir Judas en lui disant de créer cette réaction en chaîne ? Est-ce que l’idée de Judas en tant qu’acte de pure amitié envers Jesus Christ ? Est-ce que Jesus lui a demandé ? Est-ce qu’ils ont échangé leurs places et Judas est mort sur la croix ? Toutes ces choses sont des interprétations communes. Elles le sont beaucoup plus en réalité. Si tu crois à tout ça, le “fait” est que Judas a été en enfer pour son acte, même si ce n’était pas une trahison sans raison mais plutôt le martyre absolu. Et Jesus est allé au paradis. Incroyablement intéressant. L’album Judas ne raconte pas une seule histoire cela dit, ce serait super ennuyeux. C’est plutôt toutes ces différentes réflexions et émotions dans Judas et comment son personnage y est réfléchi en chacun de nous. Ce n’est pas un album contre la religion, ni même un album religieux, ce qui serait bizarre pour des agnostiques comme nous. Nous avons divisé l’album en deux parties a cause du “CD”. C’est fondamentalement ça. Pour donner une sorte de sens, nous avons mis les titres que nous sentions un peu plus sombres sur Damnation et ceux qui étaient un peu plus “80’s” nous les avons mis dans Salvation. En plus de cette manière on a eu la chance de créer deux arcs de suspens avec une courte pause en mode “il faut que j’aille pisser” au milieu. Comme la longue édition Director’s Cut d’un film à gros budget.
Sur cet album, l’atmosphère est à la fois majestueuse et sombre comme toujours, comment faites-vous en sorte de créer un tel univers équilibré pour 24 morceaux ?
Chris : Est-ce que ça sonne arrogant si je dis que, moi-même, en tant que producteur musical professionnel, et mon équipe en studio, devons être capables de gérer ça ? C’est notre pain quotidien.
Comment fais-tu pour placer ta voix sur chaque morceau ? Comment décides-tu à quel point il faut que tu sois profond, agressif ou doux ?
Chris : C’est quelque chose qui ne peut être planifié, conçu ou construit. C’est uniquement un souci de ressenti. Les lignes vocales et la façon de les interpréter sont un processus naturel. Ces choses viennent du cœur.
Cet album contient également une partie bonus, appelée LOTL+. Comment avez-vous eu l’idée de donner vie à ce projet ? Comment avez-vous choisi les musiciens et groupes qui y participent ?
Chris : Je souhaitais faire une expérience de ce genre depuis que j’ai étudié pour être ingénieur du son, il y a une vingtaine d’années. Donc ça a pris du temps. J’ai demandé à environ 35 artistes, à qui j’ai d’abord pensé, et la plupart ont dit oui, évidemment. C’est une expérience incroyable. Aucun des autres artistes ne connaissait nos mélodies vocales ou nos paroles. Pas même le titre du morceau. Et ils ne connaissaient pas le concept de l’album. Donc ils ont été 100% libres de trouver leur propre manière de jouer dessus, sans être influencés. Et l’expérience montre à quel point une voix peut mener un seul morceau dans 32 directions très, très différentes. C’est toute la perception du genre qui peut changer, simplement grâce au chant et à l’interprétation des paroles.
Tu as fait quelques dessins expérimentaux pour créer la marque de fabrique de Judas’, qu’est ce qui t’as mené vers ce style visuel ? Qu’en est il de l’identité visuelle du groupe ?
Chris : Encore une fois, l’intuition. Les idées créatives sont toujours juste des idées. Elles viennent. De manière incontrôlable. A propos de notre style visuel, nous n’en avons jamais eu qu’un seul. Nous avons toujours changé, et nous changerons toujours.
Il y a eu des changements de line-up au fil des années depuis la création de Lord Of The Lost, comment avez-vous fait en sorte de garder le groupe en vie et motivé ?
Chris : Nous avons gardé le groupe en vie et motivé CAR nous nous sommes autorisés à faire ces changements de line-up. Si une personne doit partir pour des raisons personnelles ou liées au travail, il n’y a pas besoin d’essayer de rester soudés ensemble même si ça ne fonctionne pas. C’est comme construire sur du sable. Donc c’est mieux de faire des changements AVANT que la tempête ne frappe, comme ça tout le monde est heureux et reste heureux, au sein et à l’extérieur du groupe.
Les premiers morceaux à avoir été révélés pour promouvoir l’album ont été Priest et For They Know Not What They Do. Pourquoi avoir choisi ceux-ci ? Est-ce que tu as un “titre préféré” sur l’album ? Ou du moins un morceau que tu préfères jouer ?
Chris : Nous les avons choisis car ils sonnaient bien pour faire plonger dans le paysage musical de Judas. Je n’ai jamais eu de “préféré”. Ça peut changer à chaque seconde. Actuellement ça peut être The Heartbeat Of The Devil. Dans une heure, ça peut être un autre.
Peux-tu nous parler de la direction artistique de ces deux clips vidéos ?
Chris : Non. La direction artistique atteint l’auditeur en regardant les clips. En parler de cette façon n’a pas de sens pour moi, si internet est accessible par tout le monde et qu’il est aisé de passer à autre chose.
Malheureusement, le Covid-19 a frappé le monde au début de l’année 2020 et a affecté beaucoup de gens et de domaines. Est-ce que Judas a été affecté par la pandémie ? Comment avez-vous géré la situation en tant que groupe ?
Chris : Oui, il l’a été, de manière positive. Sans le Covid, Judas aurait été un album de 12 morceaux. A cause du Covid, nous avons eu plus de temps que prévu. Donc au début de la production, nous avons décidé de tout simplement faire le double, pour TOUT. En tant que groupe, nous ne voulons pas nous plaindre. Nous avons les meilleurs fans au monde, qui ont compris qu’acheter du merchandising aide vraiment les groupes. Merci à eux, nous sommes reconnaissants à jamais !
Qu’est ce qui t’a mené à créer le groupe à l’origine ? Quelles étaient tes influences, et est-ce qu’elles ont changé avec le temps ?
Chris : J’ai commencé à écrire des titres qui ne collaient pas avec les autres groupes que j’avais à l’époque. Je les écrivais et je faisais la production pour moi-même jusqu’à ce que mes amis me persuadent de démarrer un groupe et de les sortir. Le reste appartient à l’histoire… Je ne m’autorise pas à être influencé par des choses. De manière passive, je suis influencé par tout ce dont j’ai déjà fait l’expérience.
Te souviens tu de ce qui t’a mené dans l’univers Gothique/Metal ?
Chris : Non, car je n’y suis toujours pas. Je ne ressens aucune identification avec un quelconque type de scène. La musique que nous faisons est simplement celle que nous aimons, et ça semble coller, en partie, à l’univers Metal et Gothique. Jusqu’à aujourd’hui, à l’exception de la définition Wikipédia, je n’ai pas compris ce que “être goth” signifie. J’aime simplement le son sinistre combiné au maquillage.
Te souviens-tu de la première fois où tu as essayé de chanter ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Chris : Non je ne me souviens pas, car je suis sûr que j’avais déjà chanté en étant enfant, comme tous les enfants. Mais je me souviens d’avoir chanté, seul, pas dans une chorale, sur scène pour la première fois. C’était pour L’Opéra de quat’sous de Brecht en terminale. En 1998…
Qu’est-ce que tu aimes dans ta musique que tu ne retrouves pas dans celle des autres groupes ?
Chris : Chaque musicien crée sa propre musique, car c’est l’ultime chose qu’il aime. Mais je n’ai jamais ressenti le besoin de définir pourquoi c’est la chose optimale pour moi. Ou ce que j’aime là dedans en particulier. Je n’analyse pas les choses, si je n’y vois pas une raison. Si j’aime quelque chose ou quelqu’un, je n’ai pas besoin de comprendre pourquoi.
Est-ce que tu as des hobbies en dehors de la musique ? Est-ce que tu as également un travail, ou est-ce que les revenus de ta musique te permettent de vivre ?
Chris : J’aime les sports. Les arts martiaux et la musculation. A part ça, tout mon temps libre est pour mon fils. Je vis de Lord Of The Lost et de mes autres boulots en tant que compositeur et producteur musical.
Quelle est ta meilleure et ta pire expérience en tant que musicien ?
Chris : Encore une fois, c’est difficile à dire pour moi, je ne catégorise pas les choses ainsi. Le meilleur de tout ça serait le fait général d’avoir ce travail. Et j’en suis plus que reconnaissant ! L’une des pires choses s’est passée à la fin de la tournée européenne de l’an dernier, j’ai dû annuler le concert de Londres après 3 morceaux, avec près de 40 degrés de fièvre, j’étais vraiment malade. C’est l’une des choses les plus embarrassantes et cruelles que j’ai eu à faire en tant que musicien. Tout le monde m’a soutenu dans ma décision. Mais j’ai toujours l’impression que j’ai fait quelque chose de mal. Mais je ne pouvais pas faire autrement…
Je n’ai malheureusement eu la chance de ne vous voir sur scène qu’une seule fois, pendant la tournée avec Equilibrium. Est-ce que tu as un souvenir spécial de cette nuit-là ?
Chris : Malheureusement ? Est-ce que c’était si mauvais que ça ? (NDLR: Non c’était génial, je dis “malheureusement” car j’aimerais voir le groupe à nouveau !) Oui j’ai un souvenir spécial, c’était la veille de mon 40e anniversaire. Donc à minuit, après le concert, à la seconde même où le bus a commencé à rouler vers Toulouse, c’était mon anniversaire.
Et si je te demandais de comparer la musique de Lord Of The Lost avec un plat allemand ? Lequel choisirais-tu et pourquoi ?
Chris : Tu devines ma réponse à présent. Je ne peux pas faire de choses comme ça.
Dernière question : avec quels groupes rêverais-tu de tourner ? Je te laisse créer une tournée avec Lord Of The Lost et trois autres groupes.
Chris : Je n’ai pas envie d’imaginer la tournée de mes rêves et de la voir annulée à cause du Covid.
C’était ma dernière question, encore merci pour avoir pris de ton temps et pour votre musique. Est-ce que tu as une dernière chose à dire à tes fans français pour clore l’interview ?
Chris : Je viens de recevoir un message qui dit que nous reviendrons bientôt… si les choses fonctionnent bien, ce qui est discutable pour le moment, pour des raisons bien connues.