Alta Rossa vient de sortir Void Of An Era, son nouvel album. Pour l’occasion, le groupe a accepté de répondre à mes questions concernant leur parcours.
Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenteriez-vous le groupe Alta Rossa sans utiliser les habituelles étiquettes “Metal” ?
Alta Rossa : Salut. Difficile de faire sans ces étiquettes même si la définition du style nous importe peu, on a tous évolué dans des univers distincts, avec des projets Electro, Black, Indus, Death Metal, Punk HxC, Post, etc… Toutes ces zones explorées participent aujourd’hui à élaborer la musique de Alta Rossa, c’est certainement pour cela qu’on se retrouve souvent sous l’étiquette “Post-Metal”. Au-delà de ce terme, on voulait avant tout créer quelque chose de sombre et efficace, un ensemble très frontal, qui puisse illustrer nos textes et nos idées. Une intensité qui se retrouve en live comme sur le disque. Bon… on a quand même dit “Metal” en disant qu’on ne le dirait pas !
Que signifie le nom du groupe et en quoi est-il lié à votre musique abrasive ?
Alta Rossa : Ce nom renvoie à un état de conscience général. Un constat rempli par la vision pessimiste qu’on a du monde tel qu’il est aujourd’hui, et tel qu’il sera demain. C’est ce qui pourrait définir le nom du groupe Alta Rossa, comme une sorte d’alerte rouge.
Void Of An Era, votre premier album, sort bientôt, comment pourriez-vous le décrire en trois mots ?
Alta Rossa : Sombre. Rage. Froid.
Comment s’est passé le processus de composition ?
Alta Rossa : C’est le premier disque, qu’on a terminé en pleine période de restriction, avec un rythme de travail relativement décousu et plusieurs mains à l’écriture. Il y a eu un temps d’installation, où l’on à apprivoisé les influences de chacun et la période à laquelle le morceau a été composé à son importance. Souvent c’est Jordan (Daverio, guitariste) qui compose les premiers riffs de guitare puis tout le reste se fait ensemble en répétition, les arrangements, les modifs, etc…
En quoi les différentes périodes de restrictions imposées suite à l’arrivée du Covid-19 ont alimenté votre créativité ?
Alta Rossa : L’isolement, la privation du collectif, la rupture du quotidien et de ses habitudes, bonnes ou mauvaises, sont déjà forcément source de créativité. La notion du temps pour soi également, seul face à son manche ou sa feuille blanche est aussi un facteur important. Une partie des morceaux étaient déjà écrits ou bien avancés avant toute cette période, alors cette parenthèse interminable aura certainement servi à peaufiner tout ça , à alimenter et augmenter toute cette frustration, cette rage déjà bien présente dans notre écriture.
Sur les sept titres de l’album, on sent une certaine mélancolie doublée d’une rage qui s’exprime sous une couche de saturation évidente. Comment avez-vous fait en sorte de mêler toutes vos influences pour créer votre propre son ?
Alta Rossa : Comme partout dans l’art, chacun à sa sensibilité, et c’est là dessus qu’on s’est retrouvé avec l’ensemble du groupe. Il y a une certaine colère, une violence qui fait partie de la recette, c’est quelque chose qui a souvent fait partie de notre démarche musicale, mais pas que, car tu évoques la mélancolie à juste titre (À ne pas confondre avec une forme de nostalgie ou de passéisme). Ce qu’on cherche avant tout à transmettre, c’est une esthétique, forgé par notre vision de la vie sur cette terre, et l’impact que cela peut avoir sur chacun d’entre nous. Il faut voir cela comme un tableau très sombre ou un récit de fin du monde que l’on transforme en musique.
Le titre qui m’a le plus interpellé est Dawn Will Never Rise, celui qui me semble être le plus pessimiste. Quelle est son histoire ?
Alta Rossa : Ce titre parle de l’absurdité des religions et leurs effets pervers. Dieu fera de vous l’ennemie de quelqu’un ! Chacun rangé derrière ses croyances, s’appuyant sur des doctrines menant le plus souvent au mépris de l’autre; de celui qui ne croit pas ou qui croit aux mauvaises choses et que l’on devrait convertir de façon plus ou moins subtil. Que l’on soit jihadiste kamikaze, ou que l’on aille à l’église du coin le dimanche, le résultat est le même, les convictions religieuses de chacuns n’apportent rien de bon. Cela s’est vérifié à travers les âges et l’histoire s’écrit encore aujourd’hui, aussi bien en orient, en Chine, que dans nos pays occidentaux de “chrétiens civilisés” par exemple. On peut être assasiné, violé, sacrifié, réduit en esclavage, traité de malade, cachées, au nom de dieu. “Children of doom, forget your prayers… dawn will never rise!” C’est un appel au rejet de toutes formes de croyances, et de leurs injustices qui touchent toutes les couches de la population à travers le monde. Il ne faut pas mettre son espoir au service d’une idéologie religieuse, car on vit tous à l’ombre de cette montagne, au sommet de laquelle vivrait un dieu inaccessible, on a beau en faire le tour pour chercher la lumière, l’image de ce dieu changera à chaque pas que l’on fera à travers la brume, mais en vain, car le soleil ne brillera jamais.
Bien que le futur soit toujours incertain, est-ce que vous avez déjà des plans pour le futur du groupe ? Le groupe a-t-il vocation à jouer en live, ou à rester un projet studio ?
Alta Rossa : On a déjà défendu nos titres pour quelques lives malgré la situation un poil compliquée et on a le plaisir de jouer chez nous, à Besançon, avec nos potes de Jack & The Bearded Fishermen, Horskh et Generic, le 5 Mars à la Rodia. D’autres dates devraient être annoncées par la suite et on continue de travailler sur de nouveaux morceaux pour le prochain disque.
Qu’est-ce qui vous a poussé dans l’univers du Metal/Hardcore, et principalement du Post-Metal/Post-Hardcore ? Quel a été votre premier album de Metal ?
Alta Rossa : On ne sait pas si c’est dans le premier album acheté qu’il faut voir l’influence de la musique que l’on crée aujourd’hui. C’est un peu une soupe qui mijote doucement à laquelle on ajoute de temps à autre des ingrédients pour la rendre meilleure. Des fois c’est de la musique, des fois des livres, des discours, des films, etc…Nous ne sommes pas des créateurs ex nihilo, on pense que personne ne l’est par ailleurs. Il y a forcément une influence, une inspiration qui vient d’une expérience vécue, détournée, répétée, etc…et est-ce que c’est uniquement par la musique que se créent d’autres musiques ? on ne pense pas. Alors bien sûr, si tu cherches des influences marquantes pour notre musique, ça va se situer vers Converge, Botch, Amenra ou encore Breach. On peut sûrement en faire une liste très longue !
Quel est votre regard sur la scène française ? Et la scène internationale ?
Alta Rossa : Les scènes sont investies par de plus en plus de mixité. Les thématiques évoluent également, même si on reste sur quelque chose d’assez “énervé” dans l’intention. Des questions de société s’immiscent plus frontalement dans le Metal que cela soit en France ou à l’international en fonction du pays, bien évidemment. Je pense que les Algériens, les Palestiniens ou les Coréens ne vivent pas les mêmes enjeux qu’en France ou au Brésil par exemple. Cela se joue y compris dans le Metal extrême, type Black ou Death, qui étaient squattés par pas mal d’idées nauséabondes et dont il reste pas mal de coprophages. L’idée n’est pas non plus de faire une guerre culturelle et politique ouvertement. Ça, ça se pratique indépendamment de la musique.
On a pas envie de voir le Metal comme un bloc de marbre immuable sur sa façon d’être fait, joué et écouté. Il y a des “puristes”/”élitistes”, mais pas que, et ça permet de voir des expérimentations et autres avant-gardes intéressantes qui seront peut être la musique de demain.
Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels tu aimerais collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
Alta Rossa : Cult Of Luna a déjà son album avec Julie Christmas, Thou avec Emma Ruth Rundle, Converge avec Chelsea Wolfe, Amenra a collaboré avec Lingua Ignota, Stephen Brodsky avec Marissa Nadler… Est-ce qu’on partirait pas sur un Alta Rossa avec Anna Von Hausswolff, A.A Williams ou Jane Pain du groupe Melissa ! Choix difficile !
Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2022 selon vous ?
Alta Rossa : Celeste, Hangman’s Chair, Blockheads, Wohrs, Heir, Membrane, Non-Serviam, Etxegiña… Honnêtement, la liste des groupes qu’on apprécie est longue, voire infinie !
Vous souvenez-vous de votre première expérience avec un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Alta Rossa : Un souvenir lointain et douloureux pour les oreilles des voisins à coup sûr !
Quels sont vos hobbies en dehors de la musique ? Est-ce que vous réussissez à vivre de votre musique, ou est-ce que vous avez un métier qui n’a pas de rapport avec la musique pour vivre ?
Alta Rossa : Chasser le soja pendant la bonne saison, un hobbie de qualité ! Sinon à côté de ça, nous ne vivons pas tous de nos activités musicales mais évoluons quand même dans le secteur que cela soit par un côté comm, technicien, régie, etc…
Et si je vous demandais à quel plat français pourriez-vous comparer la musique d’Alta Rossa, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Alta Rossa : Un Couscous Vegan. Parce qu’on a pas pour vocation à être un groupe Carno-nationaliste ou les Etchebest du Post-Metal !
Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Alta Rossa en ouverture.
Alta Rossa : Amenra / Gravpel / Code Orange / Alta Rossa. Ce serait vraiment une bonne idée, bien éprouvante. Avis aux boîtes de booking !
Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
Alta Rossa : Merci à vous, n’oubliez pas de vous distancer d’un maître !