Interview : Jack and the Bearded Fishermen

Thomas et Peete, respectivement bassiste et guitariste de Jack and the Bearded Fishermen ont répondu à mes questions pour la sortie de Playful Winds, leur quatrième album.

Chronique de Playful Winds

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenterais-tu le groupe Jack and the Bearded Fishermen sans utiliser les habituelles étiquettes “Metal”?
Thomas (basse) : Bonjour à toi, merci pour ton intérêt pour le groupe! Alors je pense que ça ne sera pas trop difficile de répondre car nous n’avons pas l’impression de faire du « Metal », on est plus dans un mélange de plein d’influences que l’on puise dans la Noise, le Post-Hardcore ou l’Indie Rock.

Pourquoi ce nom ? Quel est sa signification et son lien avec la musique du groupe ?
Peete (guitare) : Le lien est assez lointain. Lors de la création du groupe, l’ambition était plutôt de faire de la surf music crado. On avait alors choisi un nom qui aurait pu être celui d’un obscur groupe de garage. Et puis très vite, on n’a plus fait de surf du tout. Mais on a gardé le nom. Disons que cela témoigne du large panel musical qui nous touche et nous a construit – ce qui fait écho à la première question.

Playful Winds, votre quatrième album, sort bientôt, comment pourriez-vous le décrire en trois mots ?
Thomas : Difficile cette question, on va dire “Mélodie, puissance et spontanéité”.

Comment s’est passé le processus de composition ? Était-il différent des débuts du groupe ?
Thomas : Sur les précédents albums, on travaillait énormément et régulièrement, avec 2 à 3 répètes par semaines, à composer et remanier les morceaux sans cesse, pour avoir un résultat qui plaise à tous. Pour celui-ci, le contexte a fait qu’on a dû s’adapter et trouver une autre méthode. On a plus les mêmes emplois du temps, l’un d’entre nous habite à Grenoble, les autres à Besançon, avec le covid en plus, on a donc travaillé par sessions de travail de 3-4 jours bien intenses. C’était super agréable et on a avancé hyper vite, on avait des bribes de morceaux qu’on a travaillé tous ensemble, ça s’est avéré très efficaces, on a rarement mis si peu de temps à composer des morceaux. 

Y a t-il un concept sur cet album ? Les morceaux sont-ils liés entre eux ? Également, quel est le lien avec l’artwork ?
Peete : Ce genre de projet ne correspond en fait pas avec notre manière travailler – qui est d’accumuler les morceaux un peu comme ils viennent et de faire un tri pertinent au moment de penser concrètement à l’album. Le choix de la pochette se comprend autant par rapport au contenu de l’album que par rapport aux pochettes de nos autres albums. Depuis Places to Hide on a privilégié les photos de lieux ordinaires saisis sous une perspective originale, qui leur rendent un peu de mystère. Dans le cas de la pochette de Playful Winds, on nous a conseillé le travail Blanca Viñas, qui est magnifique et qui correspond tout à fait à cet esprit : décaler un peu le regard sur ce qui nous entoure, ce dont on est familier et en trouver matière à s’émouvoir. 

Je retrouve des influences qui vont du Post-Metal au Post-Punk dans votre musique, ce qui ouvre selon moi un éventail de sonorités très varié. Comment prenez-vous en compte toutes les influences des membres ?
Thomas : On écoute tous des choses très différentes, que ce soit du Punk Rock, de l’Electro, du Jazz, du Metal, de la Pop, donc ça doit se ressentir dans notre musique. On compose tous ensemble, on se connaît tous très bien depuis très longtemps, donc on a réussi à créer un certain équilibre entre nous où chacun s’y retrouve et amène sa patte !

Vous avez l’envie de garder “une part de mystère” dans chaque titre, quel est votre ligne directrice pour composer ?
Peete : Je ne crois pas me tromper en disant que cette « part de mystère » c’est tout simplement la volonté d’être le plus nuancé, le moins unidimensionnel dans ce l’on joue et compose. Genre, on ne fait pas de chansons 100 % joyeuses ou 100 % tristes ou 100 % énervées. Très souvent, c’est un mélange de tout cela, par touches successives ou empilées.

Pour ma part, je sens une certaine froideur dans chaque morceau, qui est assez marquante. Comment pouvez-vous mêler cette sensation à une base accrocheuse ?
Peete : Déjà, je crois qu’on est tous plus ou moins sensible à la musique “froide” en tant qu’auditeurs (Cold Wave, Post-Hardcore…). C’est quelque chose sur lequel on se retrouve généralement quand on joue ensemble. Mais dans la vie de tous les jours, comme je te le disais dans la réponse précédente – même si on a tous notre sensibilité – on correspond assez mal au cliché des gars introvertis et romantiques. On a d’autres centres d’intérêts que la musique, on est plutôt sociables, etc. Au final, je crois que ce que tu décris, c’est un peu le mélange entre ces deux aspects.

Depuis 2020, le monde souffre du Covid-19. Comment avez-vous vécu les différentes périodes de restrictions en tant que groupe ? Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’album ?
Thomas : La pandémie a été déterminante dans l’existence de l’album ! Après 4 ans de pause, on a décidé de reprendre fin 2019, avec l’envie de rejouer rapidement, refaire les anciens morceaux, voir ce que ça dit et se laisser guider par nos envies pour la suite. Tous ces plans sont vite tombés à l’eau, donc on s’est dit qu’on allait profiter de ce temps pour composer de nouveaux morceaux. De fil en aiguille, on a refait pas mal de morceaux, les dates prévues étaient sans cesse annulées ou repoussées, on a finalement acté le fait qu’on ne rejouerait pas avant d’avoir un nouvel album, d’être patients et de faire ça bien. Sans cette pandémie, on n’aurait jamais eu le temps de faire des concerts et écrire et enregistrer un album en même temps !

Bien que le futur soit toujours incertain, est-ce que vous avez déjà des plans pour le  futur du groupe ?
Thomas : On a jamais eu de plan bien établi avec ce groupe, on s’est toujours laissé guidé à l’envie et l’instinct. On a envie de faire les choses bien, essayer de faire des bons disques et se faire plaisir en jouant ensemble ! C’est une formule qui a marché jusqu’à maintenant, on va continuer encore comme ça et on verra bien où tout ça nous mènera !

Qu’est-ce qui vous a poussé dans l’univers du Metal ? Quel a été votre premier album de Metal ?
Peete : Alors, ça tombe mal, je suis peut-être le moins fan de métal et musiques extrêmes de nous cinq. J’ai toujours écouté des groupes un peu extrêmes depuis que je suis ado – des groupes qui avaient une dimension un peu rock cependant. Je pense à des trucs comme Pantera qui m’a beaucoup marqué, surtout pour l’articulation entre blues et gros son – que j’apprécie particulièrement. Vulgar Display of Power, c’est la première cassette que j’ai eu d’un truc qui ressemble le plus à du métal. J’avais l’impression de toucher à quelque chose de dangereux. J’écoutais ça à fond dans mon walkman le soir. Mais je ne suis jamais allé à fond dans le truc. Parce que ce n’est pas mon truc et que la vie est trop courte pour être monomaniaque. Mais les autres ont une culture Metal beaucoup plus complète et ancrée que moi. Ça se ressent d’ailleurs un peu dans notre musique. En général, je suis vu par les autres comme l’empêcheur de trop “métalliser” les compositions. Dès que se pointe un plan avec une double pédale ou une mosh trop appuyée, c’est moi qui vais mettre le hola.

Quel est votre regard sur la scène française ? Et la scène internationale ?
Peete : Wow, difficile celle-là. Surtout au regard de la période où pas mal de cartes sont rebattues et où on est loin d’avoir une visibilité qui permette de faire un vrai état des lieux. Je dirais joker-covid. On en reparle quand les groupes et les réseaux de diffusion auront retrouvé un semblant d’équilibre.

Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels vous aimeriez collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
Thomas : Moi je rêve d’une collaboration avec Shannon Wright, autant pour son jeu de guitare incroyable que pour sa voix, son approche de la mélancolie et de la mélodie nous inspire beaucoup ! Je suis sûr que ça pourrait marcher et faire un truc chouette !

Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2022 selon vous ?
Thomas : Johnny Mafia / The Huile, fraicheur Pop Punk qui fait plaisir à voir ! Et pas loin de la France, Emilie Zoé qui vient de Suisse, des albums incroyables et un magnétisme sur scène, troublant et fascinant !
Peete : Laetitia Sheriff, l’album sorti entre les deux confinements est super, bluesy, grosse charge émotionnelle, énergie : ce qu’on aime ici.

Vous souvenez-vous de votre première expérience avec un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Peete : On a chacun notre expérience particulière sur ce point. Certains ont commencé à jouer d’un instrument au début du groupe, quand on avait autour de 20 ans. D’autres jouent de la musique en groupe ou seul depuis l’enfance ou l’adolescence. Moi, j’ai commencé assez tôt à jouer de la musique (vers 6-7 ans). C’était pas de la guitare électrique encore, mais du violoncelle. C’est un instrument que j’ai choisi en allant à un concert public du conservatoire de ma petite ville. J’ai vu des gens en jouer et je me suis dit : “C’est ça que je veux faire”. Donc acte, j’ai commencé l’année d’après et j’ai continué jusqu’à mes seize ans où je suis passé à la guitare électrique.

Quels sont vos hobbies en dehors de la musique ? Est-ce que vous réussissez à vivre de votre musique, ou est-ce que vous avez un métier qui n’a pas de rapport avec la musique pour vivre ?
Thomas : On est loin de vivre de notre musique, en tout cas avec ce groupe ! On est sur une économie très compliquée, on fait tout nous-même ou presque (label, booking, etc), donc on peut dire que le groupe nous a plus coûté que rapporté au niveau financier, mais il nous a par contre beaucoup apporté sur tous les autres plans ! Donc on a tous un métier à côté, certains en rapport avec la musique d’autres non ! Et en dehors de la musique, on a tous un attrait pour la culture de manière général, le cinéma, la littérature, la peinture, la bande dessinée, tout ce qui fait que cette vie vaut d’être vécue !

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Si je vous demandais à quel plat français vous pourriez comparer la musique de Jack and the Bearded Fishermen, lequel choisiriez-vous? Pourquoi ?
Peete : Une tarte tatin au beurre salé : parce que c’est à la fois sucré, acide et salé. Et que c’est délicieux avec une touche de crème un peu aigre.

Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Jack and the Bearded Fishermen en ouverture.
Peete : Un plateau avec Killing Joke, Hot Snakes et Shannon Wright, ce serait magnifique.

Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
Peete : Merci à toi !
Thomas : Merci beaucoup, on va un peu tourner en France cette année, on espère vous croiser sur la route !

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