Interview : Lux Incerta

Les membres de Lux Incerta, groupe de Doom/Death français, ont répondu à mes questions concernant Dark Odyssey, leur deuxième album.

Chronique de Dark Odyssey

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenterais-tu le groupe Lux Incerta sans utiliser les habituelles étiquettes ‘Metal’ ?
Benjamin (chant) : Bonjour Matthieu, merci à toi de nous accorder cette interview. Lux Incerta c’est avant tout un concept, celui de la dualité, de la lumière et des ténèbres, de la vie et de la mort, du bien et du mal… Notre univers et notre musique retranscrivent cette dualité au travers de contrastes entre puissance et calme, espoir et désespoir. Nous proposons un voyage dans ces contrées en clair-obscur au travers du vecteur qui est notre passion : la musique et les paroles, qui ont un rôle très important dans notre œuvre.

Que signifie le nom du groupe et en quoi est-il lié à votre musique mélancolique?
Benjamin : Lux Incerta est une expression latine qui signifie « lumières crépusculaires », c’est le moment durant lequel les lumières du jour laissent place aux ténèbres de la nuit. Ce nom incarne notre univers et notre musique, les ténèbres vont l’emporter mais il reste toujours une lumière, même vacillante, au loin. C’est effectivement un concept mélancolique, car il représente les émotions que nous pouvons ressentir dans des moments difficiles, mais pas dépressif car l’espoir demeure toujours. C’est d’une certaine manière la quintessence de l’existence humaine.

Dark Odyssey, votre deuxième album, sort bientôt, comment pourriez-vous le décrire en trois mots ?
Benjamin : En trois mots cela sera compliqué mais je dirais Dantesque pour la production, Odysséen car c’est un véritable voyage et Baudelairien pour l’esprit mélancolique et esthétique. Phil : Un voyage, vous faisant traverser des paysages emplis tantôt de puissance, tantôt de douce noirceur.

Comment s’est passé le processus de composition ? Était-il différent des débuts du groupe ?
Benjamin: Le processus de composition a évolué car Phil a participé à la composition et l’orchestration de nos morceaux, alors qu’auparavant il n’y avait que Gilles et moi. Nous avons un fonctionnement qui est de plus en plus efficace, et chaque morceau a connu au minimum une dizaine de versions test avant d’être approuvé. Notre niveau d’exigence est très élevé, ce qui a pour conséquence un très gros travail de préproduction et de grandes discussions sur la structure, le sens des morceaux. Nous n’avons pas hésité à supprimer certaines parties présentes sur les compositions d’origine quand elles n’apportaient rien ou n’avaient pas de sens pour la cohérence de l’ensemble. Quant aux paroles, et aux lignes de chant, le travail a également été très poussé. Ce sont des centaines d’heures de travail qui ont été nécessaires pour faire naître ‘Dark Odyssey’.
Gilles : Nos expériences musicales de ces dix dernières années nous ont fait évoluer artistiquement, et nous ont appris certaines méthodes de travail. De plus, Phil maîtrise parfaitement les outils de MAO, et cela nous a permis d’expérimenter et de faire aboutir toutes nos idées avec un premier rendu très prometteur. Concernant la composition pure, Benjamin et moi avons chacun apporté des ébauches de compos instrumentales. Phil et moi avons ensuite tout retravaillé en détail au niveau des structures, harmo, arrangements, samples. Ce fut une phase de pré-production de près d’un an, lors de laquelle Michel, notre deuxième guitariste à cette période, est venu nous aider. Les lignes de chant et textes sont arrivées seulement une fois que les instrus étaient suffisamment avancées, ce qui a engendré quelques modifications de structures. Début 2021, avant l’entrée en studio, tous les titres existaient en version ‘preprod’ à l’identique des versions actuelles.
Phil: Cela commence souvent par une maquette que l’un des membres ébauche, qui comporte déjà quelques samples. Ces derniers sont en effet imaginés très tôt dans la création d’un titre. Finalement, nous ne nous imposons pas trop de limites, nous pouvons nous permettre de chambouler beaucoup un titre, tant qu’il ne convient pas à tous, et surtout tant que nous ne sommes pas entrés en studio.

Y a t-il un concept sur cet album ? Les morceaux sont-ils liés entre eux ? Également, quel est le lien avec l’artwork ?
Benjamin: Oui, il y a un concept, celui d’un voyage, d’une odyssée comme le titre l’indique. Il s’agit d’un voyage solitaire, dans lequel nous invitons l’auditeur à se plonger en lui-même, dans les profondeurs de son âme, de ses sentiments, de ses espoirs et désespoirs. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un concept album car les morceaux n’ont pas de lien direct entre eux, mais ils sont tous liés par ce concept de voyage imaginaire et spirituel. L’artwork, réalisé par Marianne Blanchard, symbolise la dualité de ce voyage : visuel noir et blanc, un oiseau qui s’envole au-dessus d’un autre oiseau mort, des fleurs de pavot ainsi que des rayons de lumière dans l’obscurité. L’oiseau qui s’envole représente-t-il l’âme de celui qui est mort ? Est-ce une réincarnation, ou s’agit-il de deux personnages différents ? Ces questions restent en suspens et chaque auditeur pourra se forger sa propre conviction…
Phil : Au niveau des compositions, nous avons d’abord travaillé individuellement chaque titre afin d’en tirer le mieux. Mais il est vrai que les paroles de Benjamin ont amené une cohésion à l’ensemble, et nous avons prêté une attention particulière à l’agencement des morceaux dans l’album. Enfin, le son global de l’album, enregistré et mixé par Fabien Devaux (Hacride, Step In Fluid, …), que nous remercions beaucoup pour son excellent travail en passant, amène aussi une certaine cohésion à l’ensemble.

Votre son est très clairement ancré dans l’héritage pionniers de la scène Doom/Death Gothique, mais quelles sont vos autres sources d’inspiration ? Qu’elles soient musicales ou non.
Benjamin : Je suis un enfant du Doom Metal des années 90 principalement. Mon passage de l’enfance à l’âge adulte s’est fait à l’écoute d’albums comme Draconian Times de Paradise Lost, Eternity d’Anathema, The Angel and the Dark River de My Dying Bride ou Discouraged Ones de Katatonia notamment… J’ai cette musique ancrée en moi, elle est une partie de moi-même. Alors naturellement lorsque je compose, cela se ressent. Mais j’écoute beaucoup d’autres styles de musique également : du baroque, notamment Marin marais ou Charpentier, des artistes ou des groupes comme Ben Howard, Elend, Dead Can Dance, et beaucoup d’autres styles de Métal également. Au niveau artistique, j’aime beaucoup le travail de réalisateurs comme Christopher Nolan, Denis Villeneuve, de peintres comme François Baranger, Peter Mohrbacher, et d’écrivains comme De Nerval, Baudelaire ou Verlaine.
Phil: On ne peut pas dire que le Doom/Death Gothique soit ma spécialité à la base. Ce qui m’a motivé à rejoindre le groupe en 2017, c’est cette musique qui peut véhiculer des émotions et certaines ambiances, agressives ou non, cette froideur ou noirceur, qu’on retrouve dans d’autres styles que j’affectionne, tel que le Black, ou tout ce qui est un peu atmosphérique;
Gilles : Musicalement, mes sources d’inspirations sont assez vastes. Cela va de la musique dite gothique des années 80 tels que les Sisters of Mercy, Christian Death ou The Cure, en passant par le Rock Prog de Pink Floyd, le Pop Rock de Bowie, le Punk des Ramones, le Heavy Metal de Maiden et Priest, pour arriver enfin sur les styles dits extrêmes que sont le Death, le Doom et consorts. Quand je compose quelque chose toutes ces influences m’accompagnent. Beaucoup d’idées me viennent également en voyageant. J’aime les grands espaces, les décors gigantesques où il n’y a rien d’autre que les éléments naturels. Ce type d’environnements me laissent des images et des sons que je trouve très inspirants

Comment arrivez-vous à mêler la quiétude mélancolique aux parties plus brutes et pesantes ? Comment décidez-vous de la manière dont les paroles seront chantées ?
Phil : Nous aimons beaucoup varier les ambiances, alterner entre les moments puissants, ou plus intimistes, afin d’éviter que la musique ne soit trop linéaire. Pour que cela fonctionne, nous avons pris le temps de tester, puis d’ajouter des petits arrangements là où c’était nécessaire, mais certaines cassures sont restées volontairement brutales.
Benjamin : Il faut envisager chaque chanson comme une histoire que nous allons raconter. Il y a un script, un scénario qui donne une cohérence et une évolution, nous y sommes très attachés. L’expression du chant doit correspondre au sens des paroles et à l’émotion ressentie à cet instant précis. Il doit y avoir une synergie entre l’instrumental et le chant. Nous décidons ensemble où il doit y avoir du chant, quel type de chant cela sera, et il faut ensuite ciseler les paroles pour qu’elles expriment le message voulu à la fois à cet instant précis mais également pour l’ensemble du morceau. Les lignes mélodiques vocales, et les harmonies se précisent au fur et à mesure de l’écriture des paroles.

Le titre qui me parle le plus sur cet album est Farewell, un titre qui mélange des sonorités sombres mais apaisantes, et qui laisse également place à une partie beaucoup plus violente et massive. Quelle est son histoire ?
Phil : Benjamin a apporté les mélodies principales du titre dès le début, et avait une idée assez précise pour poser son chant dessus. Nous avons essayé de la diversifier un peu afin de casser sa linéarité, et cela permet de retranscrire un plus large spectre d’émotions.
Benjamin: Farewell est un titre très particulier pour nous. Le protagoniste de cette chanson est passé de l’autre côté et cherche à exprimer ce qu’il n’a pas pu dire à ses proches. J’avais écrit l’essentiel des paroles, mais le 19 janvier 2021, notre guitariste et ami Michel Héjazy est décédé et nous avons décidé d’adapter les paroles pour lui rendre hommage. Cette chanson a donc une dimension très forte pour nous, et je pense que cela se ressent en l’écoutant.

Depuis 2020, le monde souffre du Covid-19. Comment avez-vous vécu les différentes périodes de restrictions en tant que groupe ? Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’album ?
Gilles : Oui, cela a ralenti de plusieurs mois la phase de composition. Comme la plupart des gens, nous ne pouvions plus nous voir, ni pour faire de la musique, ni pour simplement passer du temps ensemble. Cela a entraîné un décalage dans notre planning, notamment pour l’entrée en studio qui était initialement prévue en septembre 2020 et qui a été repoussée à février 2021. Le seul point positif dans tout ça c’est que j’ai pu passer beaucoup de temps enfermé chez moi à travailler sur Far Beyond the Black Skies. C’est d’ailleurs peut être pour cette raison qu’elle dure quinze minutes ! (rire)
Phil : Lors des confinements, nous avons continué à maquetter chacun dans notre coin, Gilles me transmettait quelques unes de ses prises guitares afin que je rajoute une batterie de mon cru dessus. Cela a malgré tout mis en suspens le groupe, ne pouvant plus répéter ou travailler directement ensemble. Ceci dit, peut-être que cela a pu faire mûrir quelques compositions… Benjamin: Les deux ans de pandémie ont été paradoxaux. Cela nous a empêché de nous voir autant que nous le voulions, et nous aurions pu penser que cela aurait mis la vie du groupe entre parenthèses. Mais nous avons mis à profit ce temps pour avancer sur l’écriture et l’enregistrement de l’album, et l’atmosphère étrange, entre les confinements, les couvre-feu, les rues vides, ont été une source d’inspiration pour une introspection féconde.

Bien que le futur soit toujours incertain, est-ce que vous avez déjà des plans pour le futur du groupe ?
Gilles : Nous souhaitons soutenir Dark Odyssey sur scène le plus possible, et poursuivre sa promo, car c’est un album qui nous a demandé énormément de travail, et dont nous sommes très fiers. Pour la suite, nous avons quelques idées de projets et de compos, mais rien d’abouti pour l’instant. Nous verrons cela dans quelques mois.
Benjamin: Comme le dit Gilles, Dark Odyssey est une aventure incroyable qui nous a mobilisés durant trois ans et que nous souhaitons partager avec le public. C’est notre seule priorité pour l’instant, mais nous allons naturellement nous atteler à l’écriture de nouveaux titres dès que cela sera possible.

Qu’est-ce qui vous a poussé dans l’univers du Metal ? Quel a été votre premier album de Metal ?
Gilles : Mon premier contact avec le Metal a eu lieu dans un magasin de disques lorsque j’étais enfant : mon œil fut attiré par la pochette de The Number of the Beast. Je trouvais ça à la fois effrayant et attirant, sans avoir la moindre idée de ce que c’était. Quelques années plus tard j’ai entendu le titre Wasted Years et ce fut le déclencheur pour moi d’une passion aussi bien pour Iron Maiden que pour leMetal et ses dérivés Punk, Hardcore… etc. Mon premier album de metal écouté fut Piece of Mind, et mon premier achat Somewhere in Time.
Benjamin: c’est mon frère qui m’a fait découvrir le Metal en 1991. Je me souviens d’être entré dans sa chambre et d’entendre l’intro de For Whom the Bell Tolls, et ce fut un choc esthétique pour moi. La puissance, l’énergie, les guitares électriques, le chant, tout m’a immédiatement plu. On a écouté ensemble tout le reste de l’album et cela a changé ma vie. J’ai demandé comme cadeaux de Noël et d’anniversaire à ma famille d’autres albums de Metal, de Metallica, Iron Maiden, Slayer et Megadeth pour commencer. C’était vraiment une période géniale de ma vie, avec tout un univers à découvrir. C’est peut-être cliché à dire, mais j’ai su immédiatement que je serai fan de Métal pour le restant de mes jours.
Phil : Mon premier contact avec le Metal a eu lieu lorsque mon beau-frère m’a offert le Black Album de Metallica. Cependant, j’ai continué à écouter des styles très variés et j’y suis revenu par l’Indus, notamment avec Nine Inch Nails, puis le 1er album de Slipknot… et enfin beaucoup de Death et de Black.
Maxime: Mes premiers contacts avec le rock étaient assez tôt, grâce aux vinyles Heavy de ma mère et de mon parrain. C’est ensuite à l’adolescence, en même temps que j’apprenais à jouer de la musique, que je me suis mis à explorer un petit peu tous les genres de Metal, en commençant par le Neo-Metal, puis le Prog et le Death, avec un gros blocage dans le Stoner pendant quelques années. Je n’ai pas vraiment de souvenir de premier album Metal acheté, mais je me souviens très bien quand je me suis offert Toxicity de System of a Down.

Sur l’album, vous mélangez chant en anglais et quelques paroles en français, est-ce une fierté de chanter en français ?
Benjamin: Pour moi c’est une grande fierté. Pour tout te dire, si mes comparses ne me réfrénaient pas, la majorité des paroles de l’album serait en français ! J’ai juste réussi à glisser quelques phrases au prix d’une lutte acharnée. Notre langue est extrêmement riche et subtile, et tu ne peux que te sentir inspiré lorsque tu lis Victor Hugo, Lamartine ou de Nerval. Cela étant, l’usage du chant en français dans le Metal est un exercice de style très périlleux, qui peut tourner au grotesque si les paroles sont trop basiques ou mal écrites. Je m’efforce de ne pas tomber dans ces travers, et je trouve que cela amène réellement de la profondeur et du sens à notre musique.
Gilles : Le chant en français dans le Metal reste un sujet assez compliqué je trouve. Étant une musique globalement extrême et sombre, les sujets abordés doivent forcément être en accord avec l’ambiance musicale. Exprimer cela en français peut vite être très caricatural, voire totalement ridicule si c’est mal écrit. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que les paroles des groupes anglo-saxons ne soient pas moins caricaturales, mais il se trouve que, d’un point de vue purement musical, le chant anglais sonne mieux à l’oreille dans le rock. Cela étant dit, les quelques passages en français sur notre album collent parfaitement à ce que nous voulions faire et apportent une vraie couleur. Notamment sur Decay and Agony ou cela rend le morceau encore plus riche. 

Quel est votre regard sur la scène française ? Et la scène internationale ?
Maxime: La scène Metal en France mériterait certainement plus de visibilité car tellement de groupes existent et produisent de bons sons.
Gilles : C’est vrai qu’il y a toujours eu de très bons groupes en France suivant les périodes, mais, culturellement, notre pays a toujours été à la traîne, et les groupes n’avaient que peu de place pour s’exprimer. Depuis l’avènement du Hellfest, l’image du Metal en France a complètement changé, à la fois pour les gens qui n’y connaissent rien et qui voyaient ça comme un sous genre, mais aussi pour les groupes étrangers qui ont pu se rendre compte qu’on a en France des groupes aussi talentueux que partout ailleurs dans le monde. Grâce à ce genre de gros festival, des groupes français peuvent jouer aux côtés de groupes internationaux, des plus célèbres au plus undergrounds, et gagner en crédibilité et en professionnalisme. Beaucoup de festivals Metal de moindre envergure se sont également créés ces 15 dernières années, et certains parviennent à se maintenir sur plusieurs éditions. Cela prouve qu’il y a toujours eu un public metal en France. Malheureusement il n’y a pas que des avantages à tout cela, car trop de popularité peut dénaturer, voire carrément tuer un mouvement. Finalement, on pourrait se demander si le Metal n’est pas devenu mainstream ?
Benjamin: Culturellement, la France n’est pas une terre de Métal, contrairement aux pays du Nord de l’Europe. On nous regarde souvent comme des brutes. Il n’y a quasiment aucun soutien et la scène française doit se débrouiller toute seule. Cela a forgé une certaine entraide et solidarité entre les groupes, et une résilience qui est devenue une force. Le niveau global des groupes a augmenté ces dernières années et de nombreux groupes français peuvent rivaliser avec d’autres groupes internationaux. Le paradoxe est toujours le même: rester un style pour les initiés, mais gagner en popularité.

Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels vous aimeriez collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
Benjamin: Il y en a beaucoup ! Mais si je devais choisir, ce serait sans hésiter Heike Langhans (Draconian, Ison…) , j’aime vraiment beaucoup son timbre de voix et ses mélodies vocales, et je pense qu’un duo entre nos deux voix serait très intéressant. J’adorerais collaborer également avec Jonas Renkse (Katatonia), sa voix se poserait à merveille sur notre musique je pense.
Gilles : Etant un gros fan de My Dying Bride, je serais ravi si Aaron Stainthorpe acceptait de venir chanter sur une de nos futures compos. Idem pour Thomas Gabriel Fischer que j’admire beaucoup. Je trouverais par ailleurs vraiment intéressant de faire appel à des musiciens d’un autre univers musical afin de créer de nouvelles sonorités et ambiances dans notre musique. Je pense notamment au trompettiste Erik Truffaz qui peut parfois créer des ambiances assez sombres et ambiantes, ou à Beth Gibbons qui avait fait une excellente apparition sur la reprise de Black Sabbath avec Gonga. Expérimenter ce genre de choses serait artistiquement très intéressant.

Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2022 selon vous ?
Maxime: Il y en a tellement qui existent, que ce soit dans le Doom, le Prog ou le Black. À l’échelle locale, c’est toujours un plaisir d’écouter des groupes comme Nothing But Echoes ou Aetheria Conscientia. En dehors de la région nantaise, Maudits est une superbe découverte et c’est un plaisir immense de partager la scène du Ferrailleur avec eux.
Gilles: Il y a en effet beaucoup de bons groupes et dans tous les styles. Je ne vais pas être hyper original, mais, parmis les très bons groupes français actuels qui me viennent à l’esprit, je citerais Hangman’s Chair, Regarde les Hommes Tomber, Horskh et Igorrr que j’ai eu la chance de voir sur leur dernière tournée commune, ou encore Maudits qui a, je pense, un bel avenir devant lui. Benjamin: Lux Incerta bien sûr ! Concernant les autres groupes, je rejoins l’avis de mes comparses, même si la grande majorité des groupes que j’écoute sont étrangers.

Vous souvenez-vous de votre première expérience avec un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Benjamin: Vers la fin de la 4ème, je devais avoir 14 ans environ, j’ai décidé d’apprendre la guitare classique, j’ai donc commencé à prendre des cours et j’ai tout de suite adoré cette sensation incomparable que tu as quand tu joues d’un instrument. En 3ème, nous avons fait un voyage en Angleterre avec ma classe et le dernier jour, juste avant de reprendre le ferry, je me suis arrêté devant un magasin de musique et je suis tombé amoureux d’une Stratocaster rouge et blanche. Elle coutait 80£, ce qui était une grosse somme pour moi à l’époque, et que je n’avais pas ! Alors j’ai fait le tour de tous mes camarades et j’ai réussi à réunir les 80£ in extremis et à l’acheter. J’étais vraiment très très heureux ! En rentrant à la maison, à Paris, j’ai dû expliquer à mes parents que j’avais dû emprunter l’équivalent de 1000 francs de l’époque à mes amis pour acheter une guitare. Autant te dire qu’ils n’étaient pas ravis. Ils m’ont donné l’argent pour rembourser mes camarades mais je n’ai rien eu pendant un an, pas d’argent de poche ni de cadeau d’anniversaire ! Mais je ne regrette absolument pas mon choix!
Phil: Mon père prenait des cours de synthé et, un jour, il m’a emmené et inscrit avec lui, je devais avoir 8 ou 9 ans… Je n’en ai pas fait très longtemps mais ça a contribué à forger mon oreille. À l’adolescence j’ai un peu joué avec des trackers sur ordinateur. Ce n’était pas très glorieux mais c’était assez fun, depuis je me suis toujours intéressé à la MAO, de plus ou moins loin selon certaines périodes. Une fois au lycée j’ai commencé la basse et peu de temps après j’ai acheté ma première batterie d’occasion pour 400 francs !
Gilles: C’est la découverte de la musique d’Iron Maiden qui m’a donné envie d’apprendre à jouer de la guitare. A 10 ans, je ne comprenais pas comment il était possible de créer de tels sons avec des instruments. C’était le mystère total pour moi. D’autant plus que, comme dit plus haut, le Métal en France dans les années 80 n’était pas du tout visible. Du coup j’imaginais comment ils pouvaient faire ça en lisant notamment Hard Rock mag. Finalement, c’est en 5ème, qu’un camarade de classe, qui avait dû voir que je m’intéressais à la musique, est venu me parler de sa Fender Stratocaster. J’ai un peu insisté pour l’essayer, et quelques mois plus tard j’en avais une ! Au début je faisais n’importe quoi, mais fort heureusement j’ai très rapidement pris des cours de guitare qui m’ont permis de pouvoir très vite reproduire des riffs de Metallica, Maiden, Accept et autres. 

Quels sont vos hobbies en dehors de la musique ? Est-ce que vous réussissez à vivre de votre musique, ou est-ce que vous avez un métier qui n’a pas de rapport avec la musique pour vivre ?
Benjamin: En dehors de la musique, j’ai beaucoup d’autres passions, la principale étant tout ce qui a trait aux univers fantastiques, au travers des jeux de rôle, de plateau, vidéo, ainsi que la littérature ou le cinéma. Pour être tout à fait transparent, la musique nous coûte beaucoup plus d’argent qu’elle ne nous en rapporte. Le budget direct pour produire un album tel que Dark Odyssey est très élevé, et cela n’inclut pas tout l’investissement en matériel et les budgets annexes pour les répétitions, les concerts, les déplacements… Comme tu le sais, le streaming a presque tué l’industrie du CD qui était la principale source de revenus pour les groupes de Métal notamment. Le streaming ne rapporte quasiment rien aux groupes, les revenus sont vampirisés par les plateformes. Il est donc extrêmement difficile de se rembourser de l’investissement financier d’un album, c’est presque impossible pour un album de Doom Metal. C’est la raison pour laquelle les acteurs passionnés comme toi qui nous permettent de partager notre musique avec de nouveaux auditeurs sont vitaux pour nous. En ce qui me concerne, j’ai un métier qui n’a pas de rapport direct avec la musique, mais j’ai toujours pensé à créer une activité en rapport direct avec le Metal. Je pense que je me lancerai dès que je serai prêt.
Phil: Personne ne vit de la musique dans le groupe, nous avons tous un travail à côté. Nous espérons plutôt rembourser notre investissement sur cet album dans un premier temps, et faire en sorte que cela finance nos futurs projets et nos déplacements pour se produire en concert. La musique est une passion déjà assez envahissante pour ma part… avec la vie de famille à côté, et les quelques soirées entre amis, il ne me reste plus beaucoup de temps pour les jeux vidéos.
Gilles: Vivre de la musique est très compliqué. Encore plus si l’on joue du Metal. Et encore plus si l’on joue du Metal en France. C’est donc purement une passion qui se traduit par le plaisir de passer du temps ensemble pour créer, interpréter nos morceaux, les enregistrer et les partager avec le public. On passe aussi beaucoup de temps à boire des bières !

Si je vous demandais à quel plat français vous pourriez comparer la musique de Lux Incerta, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Benjamin: Question très difficile ! Je dirai une belle côte de boeuf, grillée à l’extérieur et saignante à l’intérieur, à la fois savoureuse, délicate et puissante !

Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Lux Incerta en ouverture.
Gilles: My Dying Bride, Triptykon, Satyricon
Benjamin: Iron Maiden, Katatonia et Paradise Lost ! Ça aurait de la gueule je pense !

Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
Lux Incerta : Merci beaucoup à toi et à Acta Infernalis, et à bientôt pour un concert !

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