Roland Neubauer, chanteur et compositeur du groupe hongrois de Black Metal Atmosphérique WitcheR, a répondu à quelques questions à l’occasion de la sortie de Lélekharang, le troisième album du groupe.
Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder de ton temps ! Peux-tu s’il te plaît vous présenter, le groupe WitcheR et toi, sans utiliser les étiquettes « Metal » habituelles ?
Roland Neubauer (chant/instruments) : Salut Matthieu ! Je salue les lecteurs et nous vous remercions pour votre soutien sans faille à notre groupe. WitcheR existe depuis plus de 12 ans maintenant, où Karola et moi pouvons utiliser librement notre liberté créative, presque sans aucune limite. Nous ne nous soucions pas de la tendance actuelle, nous jouons ce qui vient de nous. Notre objectif est de créer une certaine atmosphère et d’offrir quelque chose aux gens.
D’où vient le nom WitcheR, et quel est son lien avec la musique que vous jouez ? Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez décidé de garder le R en majuscule ?
Roland : Le nom WitcheR a été inspiré par les romans exceptionnels d’Andrzej Sapkowski et les jeux vidéo qui en ont été tirés, qui ont ensuite été reconnus par le monde entier sous le nom de The Witcher – principalement après la série télévisée. Nous voulions un nom court et simple pour le groupe, lié à la sorcellerie et aux anciennes valeurs, que les gens puissent comprendre partout dans le monde et auquel ils pourraient se connecter. Il n’y a pas de raison particulière pour le R majuscule, nous voulions juste nous séparer un peu du monde bien connu de Sapkowski.
Votre troisième album, Lélekharang, est sur le point de sortir, comment vous sentez-vous à ce sujet ?
Roland : L’album est déjà sorti et nous en sommes très fiers. C’est une grande partie de notre vie, notre monde traditionnel, il y a une grande quantité de travail dedans et en ce qui concerne les retours, nos auditeurs l’apprécient. Je ne changerais pas une seule de ses notes, chaque chanson fait écho à un souvenir en moi, et c’est un grand sentiment que de pouvoir donner quelque chose aux autres avec cet album.
Comment pourrais-tu résumer l’album Lélekharang en seulement trois mots ?
Roland : Sorcellerie, atmosphère et tradition.
Que peux-tu me dire sur la composition de l’album Lélekharang ? Était-elle différente de celle des précédents albums ?
Roland : Notre routine de travail est la même depuis plus de 10 ans, nous travaillons sans pression ni rien de tel, donc Lélekharang a été créé comme les disques précédents. Évidemment, nous avons évolué en tant que compositeurs, notre équipement s’est amélioré, mais les bases sont toujours les mêmes. Nous nous en tenons obstinément à notre façon de faire.
Que peux-tu me dire concernant l’artwork ? Avez-vous donné des directives à l’artiste pour le créer ?
Roland : Oui, j’avais une idée précise en tête lorsque je suis entré en contact avec Balázs, le leader de Grafit & Hamu, qui a fait preuve d’une attitude exemplaire, il a été très coopératif, a eu d’excellentes idées et le résultat a été étonnant. Sur la couverture, on peut voir un bûcher de sorcière contemporain dans le petit village de ?rség (?rség est le nom de l’endroit où nous vivons). Il a également un message symbolique, puisqu’il s’agit d’une sorte d’appel à l’aide envers les anciennes valeurs et les anciennes connaissances de plus en plus oubliées.
Votre musique est un mélange de chant brut, de riffs sombres et de sublimes claviers, comment parvenez-vous à donner une place à chaque élément et à garder les compositions cohérentes ?
Roland : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question ; la musique de WitcheR est une sorte de magie, elle ne fonctionne que lorsque j’ajoute mes guitares et ma voix brute aux belles mélodies de Karola. Je pense que cette dualité fonctionne assez bien, mais il n’y a vraiment aucun effort à faire, cela vient simplement de nous, nous ne faisons pas vraiment attention à quoi, où et combien il y a, seulement ce que notre humeur exige.
C’est difficile de choisir, mais la chanson que je préfère sur cet album est la chanson éponyme, Lélekharang – Soul Bell. Que peux-tu me dire sur ce titre mélancolique ?
Roland : Elle n’a pas été choisie par hasard pour la chanson éponyme et pour notre tout premier clip. Lorsque Karola a proposé cette mélodie enchantée, j’ai immédiatement su que c’était la chanson à laquelle la plupart des gens identifieraient l’album. Elle s’est mise en place facilement, c’est peut-être la première chanson que nous avons terminée et elle définit très bien le WitcheR de 2022. Les paroles parlent de s’en tenir aux anciennes valeurs, de ne pas oublier d’où l’on vient, où sont nos racines. « Là où je suis né, ma croix restera, et la vieille cloche de l’âme sonne lentement… »
Sur chaque album que vous avez sorti, la dernière chanson est une reprise de musique classique, pourquoi ? Cette fois vous avez choisi Ludwig van Beethoven, pourquoi avoir choisi cette chanson précise ?
Roland : Il y a beaucoup d’éléments de musique classique dans la musique de WitcheR, et comme Karola est musicienne de formation, elle a joué et appris ces morceaux toute sa vie, d’une certaine manière c’est devenu une tradition que nous aimerions maintenir dans le futur, et nous aimerions même y consacrer un album complet. Nous verrons ce qu’il en sera… Pourquoi Beethoven ? Karola a eu cette idée, nous l’avons essayée, et le résultat correspondait parfaitement à notre style et au concept de l’album. Je ne pouvais pas imaginer une meilleure fin pour Lélekharang.
Depuis 2020, la crise de Covid-19 a foutu beaucoup de choses en l’air, comment avez-vous fait face à la situation en tant que groupe ? Cela a-t-il eu un impact sur l’album ?
Roland : En aucun cas le Covid-19 n’a affecté le groupe et l’album, la raison principale est que nous ne jouons pas en live, et autant que possible, nous avons exclu toute cette misère de nos vies, nous ne regardons pas les infos, nous ne suivons pas beaucoup les événements mondiaux.
Avez-vous des projets pour l’avenir du groupe ?
Roland : Bien sûr. Nous avons encore une sorte de grande surprise pour les fans de Lélekharang, comme une clôture pour cette ère et une ouverture pour la prochaine. Le nouvel album est déjà en cours d’écriture, sans changements significatifs, mais avant cela nous aimerions sortir quelques choses intéressantes. Je ne veux pas entrer dans les détails, nous verrons comment les choses se passent, mais nous avons beaucoup d’idées différentes.
Je sais que le groupe n’est qu’un duo, mais envisagez-vous de jouer en live ?
Roland : Non, nous n’avons pas prévu de jouer en live. Je ne dis pas que WitcheR n’apparaîtra pas sur scène à l’avenir, mais pour l’instant, je ne peux pas l’imaginer.
Pensez-vous que vous vous améliorez encore en tant que musicien ?
Roland : Sans aucun doute. Malheureusement, je ne m’entraîne pas autant que je le devrais, mais j’essaie de repousser mes limites, parce que par rapport à Karola, je ne fais que jouer avec mon cœur, essentiellement après avoir entendu. Karola, par contre, est une musicienne formée, diplômée, qui écrit des partitions pour tout, qui connaît le solfège et la théorie; moi, je n’en ai aucune idée.
Qu’est-ce qui vous a conduit à l’univers du Metal dans le passé ? Quel est le tout premier album que vous avez acheté ?
Roland : Personnellement, mon oncle m’a contaminé avec le Metal il y a plus de 25 ans. C’est un amour éternel, je ne peux pas y échapper depuis mon enfance. Le premier album que j’ai réellement payé était une cassette d’Iron Maiden, Virtual XI, qui venait de sortir à l’époque en 1998. Elle fait toujours partie de ma collection, d’ailleurs.
Que peux-tu me dire sur la scène Metal en Hongrie ?
Roland : Si tu m’interroges sur l’ensemble de la scène Metal, nous pourrions en parler pendant des heures ; nous avons (encore) un grand magazine Metal, des labels, beaucoup de groupes et de nombreux concerts, à mon avis, notre scène underground est également plein de bons groupes, mais il y a aussi des problèmes. Tout d’abord, ce genre est toujours à la périphérie, on est toujours considéré comme un outsider si on adopte ce style musical, mais ce qui me dérange particulièrement, c’est qu’aujourd’hui ce genre n’est plus synonyme de rébellion et de résistance, comme à l’époque. Il y a encore beaucoup de choses contre lesquelles on peut se rebeller… Pour résumer, aussi petits que nous soyons, je ne pense pas que nous ayons de raison de nous plaindre de notre scène Metal.
Connais-tu et aimes-tu certains groupes de Metal français ?
Roland : Bien sûr. Nous avons une collection de milliers de pièces et nous collectionnons des disques du monde entier, donc nous connaissons et aimons beaucoup de grands groupes français. Mes favoris personnels sont Mütiilation et Nocturnal Depression, mais Celestia, Anorexia Nervosa, Alcest, Seth, Blut Aus Nord et Manzer sont également dans la collection, mais je suis sûr que j’ai oublié de mentionner beaucoup d’autres groupes.
Et si je te demandais de comparer la musique de WitcheR à un plat ? Lequel et pourquoi ?
Roland : J’ai donné beaucoup d’interviews dans ma vie, mais je n’ai jamais eu de question plus bizarre, ha-ha. Que ce soit le ‘vérsterc’ (ndlr: une sorte de boudin). Je ne sais pas si c’est connu ailleurs, mais en Hongrie, lors de l’abattage d’un porc, le sang frais du porc tué est frit avec des oignons et des épices. Ce plat est noir comme du charbon et peut sembler sauvage et mystique de l’extérieur, mais quand tu le goûtes, il a un goût captivant, d’un autre monde. Tout comme WitcheR.
Y a-t-il des musiciens ou des groupes avec lesquels vous aimeriez collaborer ? Que ce soit pour une chanson, un album…
Roland : Je ne peux évidemment que citer Burzum ici. Ou Summoning. Ceux-ci ne se réuniront évidemment jamais, alors je vais dire quelque chose de plus réaliste : je pourrais très bien imaginer un split Vvilderness/WitcheR.
C’était ma dernière question, merci beaucoup de m’avoir accordé de ton temps et pour votre musique, je te laisse les mots de la fin !
Roland : Nous te remercions pour ton soutien indéfectible, car tu aides notre travail publication après publication, ce que nous apprécions énormément. Si quelqu’un est intéressé, suivez-nous sur les médias sociaux, les CDs, t-shirts et cassettes peuvent être commandés à tout moment sur notre page Bandcamp.