Death Engine est de nouveau en marche.
Créé en 2012 en France, le groupe sort un premier EP, suivi par deux albums avant de tourner intensément, puis de disparaître progressivement. En 2022, après deux années de travail, le groupe mené par Mikaël Le Diraison (guitare/chant), Tony Bozanic (guitare), Sébastien Mollo (basse) et Tom Shannon (batterie) refait surface pour annoncer la sortie d’Oceans, son troisième album, chez Code Records, leur propre label, en collaboration avec Throatruiner.
La batterie a été enregistrée par Joris Sai?dani (Birds in Row).
Hyperion nous inonde de larsens avant de lâcher les premiers riffs dissonants, rapidement accompagnés par une base grasse et oppressante. Un chant torturé trouve son chemin dans ces vagues de sonorités brutes et travaillées qui nous écrase continuellement avant de soudain laisser place à Leaden Silence et ses mélodies envoûtantes. La rythmique s’embrasera à nouveau pour laisser des tonalités lancinantes et pesantes nous envahir en compagnie des hurlements persistants, puis Pulled Down nous autorise un court moment de répit avant que la rage ne se mêle à la douceur. Quelques parties de chant clair apportent une touche apaisante à la saturation lourde, puis un break aérien nous mène au dernier refrain ainsi qu’à Lack, une composition bien plus agressive et énergique, notamment au niveau de la batterie. Le morceau reste tout de même sombre et oppressant, tout comme Mess qui dévoile une mélancolie viscérale avant de laisser la saturation alourdir le son en lui donnant cette touche massive, mais en conservant tout de même les leads aériens sur les refrains, complétés par le break planant. Dying Alone développe une ambiance inquiétante grâce à sa section rythmique, qui sera complétée par des guitares chaotiques et un chant entêtant pour nous mener à Empire, le dernier et plus long morceau, qui viendra refermer l’album avec un son progressif qui navigue habilement entre saturation et harmoniques planantes jusqu’à ce point d’orgue chaotique, qui fera ralentir le titre avant un final enjoué.
Lorsque Death Engine avance, quiconque se met sur son chemin se fait écraser par une saturation explosive, un chant lancinant et des influences lourdes. Ocean est aussi chaotique que travaillé, révélant un potentiel immense.
90/100
Quelques questions à Mikaël Le Diraison, chanteur et guitariste de Death Engine.
Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de ton temps ! Comment présenterais-tu le projet Death Engine sans utiliser les habituelles étiquettes “Metal” ?
Mikaël Le Diraison (chant/guitare) : Mais tout le plaisir est pour moi. Question difficile je dirais cold sombre & violente.
D’où vient le nom du groupe, et comment le relie-tu à la musique que vous jouez ?
Mikaël Le Diraison : C’est une comparaison entre un véhicule s’écrasant contre un mur et ce monde devenu fou dans lequel nous vivons. Nous sommes spectateurs et acteurs d’un effondrement écologique sans qu’il n’y ai de remise en question radicale du système par nos dirigeants ni de véritable prise conscience générale. Il en émane chez moi des sentiments de colère, d’impuissance, de profonde mélancolie et de peur. Ce sont sûrement des mots qui décrivent bien la couleur musicale du groupe.
En 2023, le groupe sort Ocean, son troisième album. Est-ce que vous avez déjà des retours dessus ?
Mikaël Le Diraison : Il n’est pas encore sorti, quelques chroniques sont parues. Elles sont positives, nous attendons la suite. Nous avons hâte d’avoir des retours car cet album est le résultat d’un long processus. A certains moments il nous a paru être un véritable chemin de croix tellement nous avons enchaîné les galères. Sa conception nous a poussé dans nos retranchements, il a fallu être résilient et ne rien lâcher. Il aurait tout aussi bien pu s’appeler Obstacle ou Complications ahahaha.
Comment s’est passé le processus de composition ? Ainsi que l’écriture des paroles ?
Mikaël Le Diraison : Il s’est étendu sur un espace-temps assez long qui a débuté en mars 2020 durant le premier confinement pour se terminer début 2022. Tout le travail de composition a été réalisé en MAO avec des allées venues en studio avec le groupe pour mettre en commun mais toujours dans le cadre de la MAO. La situation sanitaire nous a poussé à travailler différemment. Concernant l’écriture des paroles, elle est peu secondaire chez moi, ne pas comprendre par-là moins importante mais il arrive que ce soit la dernière phase dans le processus. S’il n’y a pas d’idée directrice, si le placement des voix n’est pas naturel et limpide durant la phase de maquettage, le titre est écarté. Concernant les textes je n’avais pas de thèmes de prédilection, j’y suis allé naturellement sans trop me poser de questions, écrire ce qui me passait par la tête. Ne pas être trop frontal mais être un peu plus dans la suggestion voire l’abstraction sur certains titres. J’écris en fonction de la musique et au moment T, le sens m’apparaît parfois plus tard, j’aime cette manière de procéder. Donc ce n’est pas la franche rigolade, c’est très axé sur le mal-être au sens large additionné aux difficultés de réalisation et aux problèmes personnels pour certains d’entre nous.
Le groupe a connu une période d’inactivité après 2019, qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre le chemin du studio ?
Mikaël Le Diraison : La situation sanitaire, c’est elle qui nous a remis sur les rails. Nous avions arrêté le groupe après avoir traversé une période assez chaotique. Et puis la frustration aussi, l’impression d’avoir laissé les choses en plan après deux albums et un mini, l’impression de ne pas avoir tout dit. Finir de cette manière c’était tellement pathétique, ça m’a bouffé. Donc voilà pour répondre à ta question, nous nous sommes retrouvés confinés, le moment a été propice à l’introspection … et à la reprise des hostilités.
On retrouve pas mal d’influences dans votre musique, que ce soit dans le Post-Metal, le Post-Hardcore, le Sludge… comment arrivez-vous à conjuguer tous les éléments pour créer un son cohérent et lancinant ?
Mikaël Le Diraison : Pour la musique et cet album en particulier, je te parlais de l’importance de la temporalité. Ça nous permis de reprendre tous les éléments propres à l’identité du groupe, d’en enlever certains parfois, d’en rajouter d’autres, d’expérimenter. Nous avons souvent laissé reposer les titres pour les reprendre plus tard ou tout simplement les écarter. Au départ nous avions une idée assez claire du ressenti général, disons que nous avions le fond sans avoir obligatoirement la forme et nous avons pris le temps de construire pièce par pièce. Nous avons tous connu des chocs d’anxiété ces dernières années et cet album devait raconter cela. Ensuite effectivement il y a la question des influences musicales, je n’écoute pas les mêmes choses tout au long d’une année et ça impacte ma manière de composer. Cet album devait former un tout homogène et nous devions y retrouver de la diversité. La cohérence dont tu parles est le résultat de travail et de choix, il fallait que ce soit cohérent, c’était un objectif que nous nous étions fixé. J’écoute moins aujourd’hui les genres musicaux que tu as cité dans ta question même si nous sommes estampillés dans cette esthétique et c’est bien normal. Unfold, Breach, Neurosis, Unsane… font partis de l’ADN musical de Death Engine, c’est indéniable.
Le titre qui m’a le plus intrigué est Pulled Down, où on retrouve également quelques choeurs en chant clair pour créer un univers extrêmement contrasté. Est-ce que ce morceau a une histoire particulière ?
Mikaël Le Diraison : Oui nous pouvons dire ça. C’est l’histoire d’un titre que j’ai écrit et maquetté en 3 jours, voix comprise, ce qui ne m’était jamais arrivé. Généralement les grandes lignes, la vision globale d’un titre, tout ça me parvient plutôt rapidement après l’avoir débuté mais pour celui-ci, ça a été assez fulgurant. J’avais très envie d’une chanson comme celle-ci, j’y travaillais depuis un moment sans trouver de véritable issue. Puis un jour je branche ma guitare, je sors cette intro et tout le reste a suivi. J’avais réussi à trouver le point de connexion entre un titre plus “easy listening” peut-être et le déferlement de lourdeur, d’intensité et de mélancolie propre à Death Engine. D’un autre côté il a été le titre le plus compliqué à enregistrer en studio, il a subi quelques modifications. Nous avons accentué cette touche Cold sur le pont qui sonnait plus Krautrock au départ, avec ces guitares clean baignées dans du chorus et enregistrées sur un vieux Peavey Musician à transistor. Les prises voix ont été faites à la fin des sessions studio et j’étais littéralement épuisé. Il a fallu arrêter car je perdais ma voix, nous avons repris un peu plus tard pour terminer, ça n’a pas été facile j’étais lessivé. Donc oui il a une histoire un peu particulière, à la fois très facile et très difficile, c’est bizarre. Les paroles traitent de dépression, des questions incessantes à ne plus pouvoir en dormir, à quel point il est difficile parfois de se lever le matin, de trouver un sens à tout ça, d’aller puiser moment très loin par moment pour trouver les ressources et rebondir.
Quels sont vos plans pour le futur du groupe ? Que ce soit un éventuel passage au live, d’autres sorties…
Mikaël Le Diraison : Le live est bien sûr notre priorité, nous voulons défendre cet album sur scène après tout ce temps passé à le réaliser et préparer sa sortie. Nous avons aussi créé un label associatif, Code Records, et nous voulons continuer à le développer. Des projets bien sûr … mais il est encore un peu trop tôt pour en parler.
Est-ce qu’il y a des musiciens avec lesquels vous souhaiteriez collaborer ? Que ce soit pour un titre, un album…
Mikaël Le Diraison : Milena Eva de Gggolddd sans aucune hésitation pour un titre.
Avec quels groupes aimeriez-vous tourner ? Je vous laisse créer une tournée ou une date avec Death Engine et trois autres groupes !
Mikaël Le Diraison : Gggolddd, Health et Hangman’s Chair.
Merci à nouveau de ta disponibilité, je te laisse les mots de la fin !
Mikaël Le Diraison : J’ai vu Titane de Julia Ducournau récemment. Son précédent, Grave, m’avait déjà mis une sacrée gifle et j’ai beaucoup apprécié celui-ci. C’est tellement bon de voir des réalisatrices.teurs aussi talentueuses.eux, faisant preuve d’autant d’audace et de courage dans le cinéma français aujourd’hui. Merci à toi pour cette interview et merci pour ton soutien. A très bientôt.