Spectral Lore nous offre un nouvel EP.
Créé en 2005 en Grèce, le projet du multi-instrumentiste Ayloss (Divine Element, Auriferous Flame, Mystras…) nous a déjà proposé cinq albums, six splits et trois EPs avant d’annoncer 11 Days pour 2023 chez I, Voidhanger Records.
Accompagné d’un membre du Yovel Collective au chant, le musicien dévoile avec Moloch, le premier titre, un son atmosphérique entêtant, pesant et parfois complexe qui se base sur des patterns répétitifs couplés à une base lourde. Les hurlements massifs donnent également une touche de noirceur inquiétante au morceau, faisant des interventions fantomatiques des passages aussi bruts qu’écrasants, et si la violence disparaît avec Fortitude-Sunrise, l’ambiance ne sera pas moins étouffante. Aidé par Nate Collins, le musicien nous propose un véritable brouillard sonore épais et mystérieux qui se renforce presque imperceptiblement tout en plaçant des sonorités électroniques avant que la douceur n’apparaisse enfin. Quelques samples vocaux nous guident lentement vers Ando Onzi, où la puissance du Black Metal refera surface en compagnie de V (chant) et K (guitare) du groupe italien VOAK ainsi que d’Odile Aurora Strik (claviers) et Aris « Sadistik » Thanasoulas (chant). L’alliance des cinq musiciens crée une vague sonore dévastatrice entre sonorités Old School et éléments martiaux qui nous inondent aisément sous cette rage, qu’elle soit rapide ou plus modérée. On constate également des leads lancinants sur ce passage plus lent avant que la rythmique ne s’enflamme à nouveau pour nous mener à Tremor-Kalunga Line, le dernier des quatre titres, qui va clore l’EP avec ce voile de sonorités inquiétantes mais mélodieuses où le claviériste Nate Collins viendra également apposer sa touche sombre ainsi que quelques samples vocaux avant de laisser les sons aériens s’intensifier jusqu’au final.
Spectral Lore est un projet surprenant. Bien qu’ancré dans un Black Metal Atmosphérique lancinant et entêtant, son créateur sait également inclure des passages ambiants pesants, apaisants ou mystérieux, faisant d’11 Days une pièce unique et addictive.
95/100
Quelques questions à Ayloss, maître à penser du projet Spectral Lore.
Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup pour votre temps ! Pourrais-tu vous présenter, le groupe Spectral Lore et toi, sans utiliser les « étiquettes » habituelles du Metal ?
Ayloss (tous les instruments) : Bonjour, je suis Ayloss (les gens me connaissent sous le nom de Chris dans les royaumes terrestres). J’écris de la musique, je joue de tous les instruments et je produis des albums chez moi sous plusieurs noms. Ma musique est à la fois agressive, intense et atmosphérique, du moins j’aime à le croire. J’écris généralement de longues chansons et des albums auxquels il faut consacrer du temps pour s’y plonger. Si vous pouviez imaginer le son d’un paysage naturel majestueux où l’on se perd tout en essayant de survivre à un blizzard, cela pourrait être une approximation proche de la façon dont ma musique sonne.
11 Days, ton nouvel EP, est sur le point de sortir. Comment te sens-tu ? As-tu déjà des retours ?
Ayloss : Je crois que j’ai élevé le niveau de production de cet album et que j’ai beaucoup travaillé sur chaque petit détail. Je suis également très enthousiaste à l’idée de réaliser un concept politique pour la première fois. J’ai eu quelques réactions, toutes les critiques ont été positives jusqu’à présent.
Comment résumerais-tu 11 Days en trois mots ?
Ayloss : L’immensité sublime de l’océan.
Comment as-tu abordé le processus de composition de cet album ? As-tu remarqué des changements entre cet album et les autres ?
Ayloss : Le processus de composition a été très différent de tous mes autres albums dans la mesure où la forme et la structure ont été décidées avant d’écrire la moindre musique, ce qui n’arrive jamais dans un de mes albums, puisque d’habitude je me contente de prendre la guitare dans mes mains ou les claviers et de voir où les idées me mènent. Ainsi, faire deux morceaux de Metal et deux morceaux d’Electronic Ambient, travailler sur la transition entre les deux en fonction d’une « carte » émotionnelle préconçue selon l’histoire/le concept était un nouveau processus pour moi, et un processus très intéressant.
Que signifie « 11 Days » pour toi ? Comment as-tu choisi son nom ?
Ayloss : Le titre s’inspire d’un événement réel au cours duquel trois personnes ont réussi à survivre et à atteindre les îles Canaries, perchées sur la partie métallique d’un navire-citerne. Bien que l’histoire que j’ai inventée ne soit pas une narration directe de cet événement (il pourrait s’agir de personnes sur un petit bateau essayant de traverser la Méditerranée, ou n’importe où ailleurs où des conditions et des raisons similaires existent), elle m’a donné l’idée de base et le concept pour parler de la question des réfugiés et de l’immigration, ainsi que de l’hostilité et du racisme des nations en Europe (et pas seulement) envers les personnes pauvres d’origines différentes.
L’EP est composé de quatre chansons, deux « Black Metal » et deux « Ambient », qui peuvent être écoutées comme un seul morceau. Comment parviens-tu à créer une telle cohérence entre les quatre ?
Ayloss : Je dirais que la cohérence vient surtout de la direction conceptuelle de l’album, si cela a un sens. Les morceaux de Metal et les morceaux Electro sont très différents les uns des autres, mais je pense que l’auditeur peut sentir que l’album va quelque part et qu’il ne s’agit pas de morceaux jetés au hasard. À part cela, j’ai veillé à mélanger les fins et les débuts des morceaux les uns avec les autres et à faire attention, lors du mixage, à ce qu’en termes de fréquences et de dynamiques, les morceaux ne se distinguent pas trop les uns des autres.
Sur cet EP, tu as plusieurs invités sur chaque chanson. Comment décides-tu de la personne à qui tu vas demander de participer à une chanson ?
Ayloss : En ce qui concerne les artistes qui ont contribué aux morceaux Electro, j’avais en tête depuis le début de collaborer avec des artistes spécialisés dans ce genre de musique pour m’aider à élever le niveau de mes morceaux de musique Electro. Je connaissais déjà Odile et elle a été la première personne à me répondre lorsque j’ai demandé à des personnes dans la liste d’amis de mes réseaux sociaux. Lorsque j’ai découvert la musique de Nate Collins par contre, je lui ai demandé moi-même vu que nous avons une esthétique très similaire et bien que je ne le connaissais pas avant, nous avons eu une excellente et fructueuse collaboration. En ce qui concerne les chanteurs invités, ce sont tous des amis à moi et nous partageons des opinions sur beaucoup de choses, c’était donc une bonne occasion de les réunir.
Peut-être as-tu une chanson préférée sur cet album ? Ou celle que tu as hâte de jouer sur scène ?
Ayloss : C’est vraiment difficile car c’est un album dont je suis vraiment satisfait de toutes les pistes, mais je dirais que la piste de fin Tremor/Kalunga line est ma préférée, car elle a une sorte de sensation cinématique et offre une fin épique à l’album, du moins à mon avis.
As-tu déjà des projets pour l’avenir du groupe ?
Ayloss : Continuer à faire de la musique. Pour l’instant, je me concentre sur mon double album intitulé IV, qui devrait sortir cette année.
Y a-t-il des musiciens ou des groupes avec lesquels tu aimerais collaborer ? Que ce soit pour une chanson, un album…
Ayloss : Absolument, j’adorerais pouvoir travailler avec certains de mes artistes contemporains préférés, comme Moses Somney, Arca, Fka Twigs, Caroline Polachek par exemple. Bien sûr, il s’agit de grands noms, donc ce n’est pas vraiment possible. J’aimerais également collaborer avec de nombreux artistes de Metal, mais j’ai déjà demandé à la plupart d’entre eux de le faire.