Le quatrième et dernier jour du Hellfest s’ouvre (déjà ?) à nous. Un peu plus calme, et surtout un peu moins long, mais tout aussi intense, qui s’apprête à être arrosé comme il se doit par un ciel peu clément.
On démarre avec le Sludge/Doom occulte et pesant de Blod sur la Temple, où j’arrive pile à l’heure pour voir Ulrich (guitare) faire sonner les premiers riffs malsains en compagnie de sa bassiste et de son batteur. Anna (chant) reste relativement calme, mais dès ses premiers rugissements, le show prend une tournure plus agressive, plus brute et plus bestiale qui va rapidement faire entrer le peu de public présent dans une transe partagée avec le groupe. Malheureusement, les parisiens n’auront qu’une audience réduite en cette matinée, mais ils ont tout donné et les présents l’ont ressenti.
Passage en Mainstage pour accueillir SKYND, duo (mais trio en live visiblement) australien qui nous parle de true crimes avec un mélange d’Industrial, Trap, Alternative et autres genres relativement modernes. La scène est épurée, laissant Skynd (chant) déambuler sur scène en chantant pendant que Father (basse/effets) et le batteur masqué sont relégués à l’arrière-plan. La vocaliste au maquillage cybernétique de poupée captive littéralement le regard et… je dois reconnaître que même si c’est très éloigné de mes goûts musicaux, la performance dégage quelque chose, comme peut en témoigner la fosse massée à la barrière.
On revient sous la Temple pour le passage attendu de Strigoi, side-project mené par Gregor Mackintosh (chant) qui n’hésite pas à se cabrer sur scène de manière très théâtrale pour maudire le public de ses hurlements massifs. Si la lenteur du Black/Doom est principalement de mise, on notera tout de même quelques accélérations viscérales qui empruntent au Crust et au Death, laissant les musiciens au teint pâle violenter leurs instruments avant de revenir à la lenteur en refermant les morceaux, acclamés par une foule qui semble grossir.
La pluie nous a rejoint et Schizophrenia s’apprête à démarrer son show devant une assemblée venue à la base s’abriter, mais qui va rapidement se prendre au jeu devant un Death/Thrash vif et incisif. Si le son n’est tout d’abord pas vraiment au rendez-vous, on saluera le travail de l’équipe pour l’améliorer tout au long de ce set énergique, où les musiciens ne peuvent s’empêcher d’arpenter la scène ou d’haranguer les premiers rangs, créant une ambiance électrique. Les cris massifs de Ricky Mandozzi (basse/chant) couplés aux riffs efficaces remplis de leads tranchants de ses camarades ont très largement assuré, et on regrette que le groupe n’ait eu que si peu de temps de jeu.
La quiétude viendra à nouveau régner sur la Temple avec l’arrivée de The Old Dead Tree, qui nous confieront plus tard ne pas avoir été très assurés de monter sur leur scène décorée d’ampoules et de branchages devant un tel public. Pourtant, aucun d’entre eux n’a démérité. Que ce soit Manuel Munoz (chant) qui passe d’un chant clair intense à des hurlements viscéraux ou n’importe lequel des musicien qui assure un son planant et pénétrant à chaque instant, chaque personne sur cette scène nous a fait vivre une demie-heure captivante qui a été savourée par une foule impliquée et qui répond instantanément aux sollicitations. Avec une telle performance, et surtout ce nouveau titre sorti très récemment, on ne peut qu’avoir hâte pour la suite !
Retour sous l’Altar pour une leçon de Thrash avec Evil Invaders, qui… sont de toute évidence en retard. L’équipe technique s’active, et le groupe parvient finalement à monter sur scène sous les acclamations, avant de débuter un set énergique pendant lequel le headbang sera de mise autant sur scène que dans une fosse excitée. Régulièrement entouré de jets de fumée, Joe (chant/guitare) ne manquera pas un seul instant pour haranguer la foule et courir sur scène, suivi par ses camarades qui cavalent à ses côtés pour jouer face aux premiers rangs. A nouveau, on regrette la courte durée du set.
La pluie incessante a réveillé ma couardise, et je reste sous les tentes en attendant que Treponem Pal, “légende” de l’Industrial français, n’entre en scène. J’avais déjà eu l’occasion de voir le groupe à deux reprises, en 2017 et 2018, et je n’avais été que guère convaincu, mais je me suis surpris à penser que les changements de lineup pouvaient modifier mon avis, chose qui ne se fera finalement pas. Entre le mix chaotique, rendant les riffs inaudibles sous la voix de Marco Neves (chant) qui reste totalement stoïque, et les lumières à faire pâlir les plus grands épileptiques, même la foule semble amorphe. Je passe mon tour.
Le temps commence à peine à s’apaiser lorsque Vektor prend possession de l’Altar, devant une assemblée de bonne taille, qui va à nouveau réagir positivement à cette dose de Thrash Metal. Si David DiSanto (chant/guitare) reste relativement statique au centre de la scène, ses camarades se chargent de remuer et de motiver le public, qui est visiblement là pour mosher sous les riffs énergiques, et le pit s’élargit de plus en plus, s’apaisant à peine lorsque le vocaliste lâche quelques remerciements entre les morceaux.
Alors que les nuages partent, She Past Away démarre sous la Temple un set de Post-Punk brumeux et Old School qui conquiert facilement le coeur des spectateurs. J’entendais beaucoup de critiques positives concernant le duo Turc, et bien que ce ne soit absolument pas mon style de prédilection, on se laisse facilement entraîner par les mélodies vintage des deux hommes, qui vivent leur musique tout en faisant renaître, le temps d’un set, les années 80, grâce à ce son identifiable entre mille.
Place à la violence avec Paleface, qui marque mon premier passage en Warzone. Dès que le batteur monte derrière ses fûts, le regard menaçant, la fosse se tient prête, et c’est en un instant que le show débute avec l’arrivée de Zelli (chant) qui commence à hurler, parfois soutenu par quelques chœurs. Le vocaliste décrira même son groupe comme “Switzerland’s finest heavy music”, et cette déclaration sera suivie d’un break pachydermique, corroborant à la perfection ses propos. D’ailleurs, l’intégralité du show ne sera qu’un enchaînement de moshparts, de breaks et d’incitations à la violence, et c’est tout ce que l’on demande !
Retour à l’ombre de la Temple pour une nouvelle dose de Post-Punk avec les finlandais de Grave Pleasures, qui étaient visiblement attendus par une poignée de festivaliers. Même si la fosse est relativement clairsemée, Mat « Kvohst » McNerney (chant) et ses acolytes nous ouvrent les portes de leur univers au son brumeux, servi par un mix relativement clair cette fois. Le chanteur attire tous les regards pendant que les musiciens restent chacun dans leur monde en jouant, envoûtant le public par la même occasion.
Retour du Death Metal pur et dur en ce début de soirée avec l’arrivée de Benediction, remplaçants d’Exodus. La tente est pleine, le son est gras, et les musiciens ont à peine besoin de grimacer en regardant les premiers rangs que la séance de headbang débute sous les riffs accrocheurs. Avec l’arrivée de Dave Ingram (chant), le combo de Birmingham passe la seconde et nous offre une véritable leçon de Death Old School à l’anglaise, orchestré par des guitares au son de tronçonneuse, une section rythmique plus solide que du béton armé, et des hurlements possédés. Entre deux titres, le vocaliste nous remerciera de notre présence, nous demandant même comment traduire “cheers” en français, et peu à peu le set se transforme en véritable carnage organisé, laissant une foule conquise prouver au groupe qu’ils nous ont cruellement manqué en France.
L’ambiance change radicalement avec l’arrivée des très attendus Lord of the Lost, qui a visiblement abandonné les paillettes pour une tenue plus sobre, mais qui n’a pas perdu son énergie ! Après une entrée en scène acclamée, les musiciens ne vont pas hésiter à nous offrir toute leur énergie titre après titre dans une setlist relativement rythmée qui fait honneur à Blood & Glitter, leur dernier album. Une fois de plus et sans surprise, la fosse réagit aux demandes de Chris “The Lord” Harms (chant), mais tous les musiciens n’hésitent pas à haranguer le public et à arpenter la scène, faisant de ce show un véritable spectacle autant pour les oreilles que pour les yeux !
Très court arrêt devant Tenacious D qui unit la Mainstage grâce à des titres loufoques mais entraînants menés par le charisme inégalé de Jack Black et Kyle Gass, qui n’hésitent jamais à se tourner en ridicule via des tirades mémorables ou l’utilisation de pyrotechnie. “Wait… Who’s in charge of it? We paid many euros!” Ne cherchez pas à comprendre, ces deux hommes sont des génies.
Deuxième et dernier passage en Warzone pour célébrer le retour de Rise of the Northstar, dont le dernier album m’avait fait changer d’avis sur le groupe. Et ce concert confirme cette seconde impression, l’efficacité du groupe est sans pareille, laissant Vithia (chant) mener la danse pendant que ses comparses assènent riff après riff à une foule relativement excitée pour ce début de soirée. Les nouveaux morceaux passent parfaitement la barrière du live, les mosheurs et slammeurs sont de la partie, le groupe tient ses promesses !
La fin de la journée approche, et c’est avec Paradise Lost que la Temple se referme, laissant les ambassadeurs de la tristesse nous envelopper dans leur mélancolie contagieuse et intense. Au centre, Nick Holmes (chant) reste impassible sous des lumières épaisses et aveuglantes, laissant ses camarades headbanguer en rythme avec leurs sublimes mélodies gothiques qui font l’unanimité au sein de l’assemblée. L’heure, parfois interrompue par les quelques mots du vocaliste, est passée en un éclair.
La soirée se termine avec Testament qui prend d’assaut une Altar visiblement peu remplie mais dévouée au Thrash Metal et motivée à mosher, malgré l’heure tardive. Chez les vétérans californiens, c’est la grande forme avec non seulement des musiciens mobiles et qui n’hésitent jamais à remuer le crâne tout en plaçant des harmoniques cinglantes, mais aussi du côté de Chuck Billy (chant) qui harangue la fosse, qui joue avec son demi-pied de micro et qui lance même des médiators en visant les premiers rangs ! Le groupe connaît son art sur le bout des cordes, avec une setlist extrêmement efficace, et la fosse en redemande
Putain… c’est fini. C’est déjà fini. Quatre jours éreintants, mais qui viennent de prendre fin avec le traditionnel feu d’artifice. Les coups de soleil se comptent par dizaine, les douleurs à la nuque ne partiront que dans quelques jours, mais le Hellfest 2023 est terminé. Merci encore à tous, groupes, bénévoles et organisation, pour avoir organisé une seizième édition incroyable, et pour nous y avoir accueillis ! A l’année prochaine, très cher Hellfest !