Avant de commencer cette lecture, vous ne saviez probablement pas ce que signifiait Sycomore.
Créé en 2015, le groupe au nom désignant des arbres – et plus particulièrement un figuier – compte sur Tim Drelon (guitare/chant), Guillaume “Desta” Destalminil (basse/chant) et Guillaume Maillard (batterie) collabore avec le label Source Atone Records pour la sortie d’Antisweet, son quatrième album.
Le groupe dévoile un son assez brut et lourd sur Eternal Watts, la première composition, mais on retrouve également un groove assez naturel suivi des voix rauques qui n’hésitent pas à se transformer en hurlements. Les quelques harmoniques dissonantes s’intègrent parfaitement aux accélérations accrocheuses qui nous mènent à l’énergique Like Sulphur où le groupe propose un son saccadé entêtant bourré d’espérimentations un peu folles qui créent un contraste parfaitement géré avec les parties vocales plus douces. Le groupe ne se prive pas pour placer des patterns pesants et oppressants en fin de parcours, avant que le silence ne laisse place à Drink Water, une composition qui, en plus d’être de bon conseil, viendra placer des riffs motivants et surprenants sous des cris déchaînés ou des éléments Post/Prog étranges, comme ce break intrigant. Le groupe conserve cette étincelle de folie sur Masquerader, le titre suivant, qui place dans sa rythmique assez remuante des éléments plus agressifs assez surprenants. Le son rebondit habilement, créant une dynamique intéressante qui s’achève sur une marche militaire en arrière-plan, puis la courte Slurs va créer une sorte de noirceur lancinante dans laquelle les parties vocales prennent racine puis s’enflamment pour perturber la quiétude, avant de la faire littéralement voler en éclat avant que Parallel Lines ne débute. Le morceau reste guidé par cette dualité étrange, laissant les éruptions de démence intervenir de temps à autre ou créer des parties solides plus vives, laissant Hear the Wind revenir à un rythme plus modéré. Les parties vocales furieuses tiendront le contraste en permanence, s’apaisant même lors des passages les plus intenses de ce morceau étouffant, qui sera suivi par Captain Vitamin, le dernier titre, qui s’approche des dix minutes. Si le début du morceau est réellement sauvage et effréné, le groupe ne tardera pas à le faire ralentir, et à le laisser mourir pendant que la nuit reprend ses droits. Vous y avez cru ? Après presque trois minutes de silence, les musiciens font exploser leurs riffs une dernière fois avant de véritablement disparaître.
Sycomore est un projet totalement fou, qui affiche une base de Sludge écrasante mais également des éléments Post et Prog piochés un peu partout. Antisweet sonne comme une mixture explosive dont un ne peut détacher son attention.
80/100
Quelques questions à Tim Drelon, guitariste et chanteur du groupe Sycomore, pour la sortie de leur nouvel album Antisweet.
Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Sycomore sans utiliser les habituelles étiquettes des styles musicaux ?
Tim Drelon (guitare/chant) : Salut, de rien, avec plaisir de répondre à tes questions ! Ouh, celle-là est déjà compliquée, haha, mais ok… Alors je dirais que Sycomore est un cheval enragé, ayant renoncé à rejoindre son écurie, trouvant du réconfort là où ça lui semble accueillant.
Antisweet, votre quatrième production, est sur le point de sortir, comment vous sentez-vous ? Est-ce que vous avez déjà eu des retours à son sujet ?
Tim : On se sent épaulé par le label Source Atone Records et l’agence de presse Agence Singularités. C’est un réel changement d’avoir des gens qui travaillent sur notre album de façon professionnelle. Après on verra si ça porte ses fruits, si ça élargit notre public. Je pense que c’est bien parti. De notre côté on y a mis du cœur. Les premiers retours qu’on a pu avoir sont très positifs. Ça fait du bien !
Comment résumerais-tu Antisweet en trois mots ?
Tim : Alors peut-être pas trois « mots » exactement mais ce qui est sûr, c’est qu’on a voulu revenir à une forme de « simplicité » sans pour autant délaisser le côté « chaotique », et donner plus de « variétés » au chant.
Antisweet sort trois ans après l’album précédent, Bloodstone, comment s’est passé sa composition ? Est-ce que tu as remarqué des changements, ou des évolutions dans le processus créatif ?
Tim : On a commencé à composer pour ce nouvel album alors que le précédent, Bloodstone, n’était même pas encore sorti. Depuis le début on a pris l’habitude de composer beaucoup et on a sorti trois albums avec moins de deux ans d’écart à chaque fois. Pour Antisweet, on a pris plus de temps. Déjà avec la pandémie car nos perspectives étaient restreintes, mais aussi parce qu’on avait envie de prendre plus de recul et être sûr de ne pas trop se répéter. Le processus au départ était le même, Guillaume et moi composons la musique, mais cette fois la différence est que Desta a eu une plus grande implication au niveau du chant. Comme on voulait partir dans une direction plus Rock, ça a tout de suite collé, et donné de nouvelles couleurs aux chansons.
Comment relies-tu le nom Sycomore à votre musique ? Est-ce que c’est parce que vous êtes tous les trois de grands amateurs d’arbres ?
Tim : Alors c’est marrant car je découvre avec le temps différentes symboliques à ce nom. Au départ, il y avait cette idée de l’arbre comme une « figure solide », qui prend diverses formes au fil des saisons, des années. Et quand on a trouvé ce nom, ça faisait résonance avec un bouquin de Houellebecq que j’étais en train de lire. Puis je me suis rendu compte, bien après, que dans Twin Peaks il y avait cette référence aux sycomores qui constituent une « porte » vers la « Black Lodge. » D’un autre côté, il y également la référence à Shakespeare pour qui le « sickamour » est un concept qui traverse toute son œuvre. Enfin le sycomore désigne deux arbres différents en réalité : celui dans l’Égypte ancienne où il s’apparente au figuier et celui qu’on retrouve plutôt en Europe et en Amérique du Nord qui est une variété d’érable. Je laisse aux lecteurs le plaisir de creuser le sujet.
En découvrant votre musique, j’ai été surpris par la présence d’éléments assez remuants, presque même enjoués, qui créent un véritable contraste avec la lourdeur et les hurlements. Comment arrivez-vous à créer un équilibre entre tous les éléments ?
Tim : On essaye de ne pas se cantonner à exprimer la même émotion. Même si je pense que dans l’ensemble on est plus sur un truc sombre et violent, ça n’empêche pas d’avoir des moments solaires. Accentuer les nuances me semble nécessaire pour mettre en valeur cette tendance « agressive ». Personnellement j’apprécie autant la brutalité d’un riff Metal Extrême que la légèreté d’un couplet des Beatles.
D’où puisez-vous votre inspiration ? Que ce soit pour les textes ou les riffs.
Tim : On a tous les trois une culture commune en ce qui concerne la musique des années 90/2000, le Grunge, le Hardcore, le Stoner, le Néo Metal… On est forcément marqué par ce qu’on a écouté en boucle à un certain âge. Et bien sûr les nouveautés et même des trucs plus anciens nous intéressent également. On pioche là où ça semble nous correspondre, que ce soit dans une mosh part ou dans le timbre éraillé d’un chanteur Folk. Quant aux textes, c’est encore différent. Il y a une grande part d’introspection. On va parfois chercher dans nos vies ce qui pourrait se traduire en chanson. Et aussi on peut être inspiré par une histoire qu’on a entendue, dans un film, dans un livre, dans la rue.
Le titre qui m’a le plus surpris est Captain Vitamin, qui dure près de dix minutes avec trois minutes de pause. Quelle est l’histoire de ce titre ?
Tim : Captain Vitamin c’est l’idée d’un chef qui nous mène droit dans le mur. Le titre est venu avant le texte et au début j’imaginais une histoire de pirates qui aurait mal tourné. Au final, j’ai l’impression que ça parle surtout d’un personnage qui aurait simplement une mauvaise influence sur son entourage. L’interlude dans ce morceau est effectivement pensé comme une sorte d’arrêt sur image, qui tout d’un coup plonge l’auditeur dans une écoute profonde.
Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Tim : Ouais dur de choisir un titre plutôt qu’un autre, mais je dirais Hear the Wind. C’est le 2e morceau qu’on a composé pour cet album et il a donné la direction à suivre. C’est un gros pavé avec plein de parties complémentaires. Et il a une énergie assez « fluide » qu’on a déjà testé plusieurs fois en concert. Et au niveau du sens, le texte prend sa source dans du vécu aussi donc oui il est un peu particulier.
Antisweet est votre premier album à sortir chez Source Atone Records, comment s’est passée la transition, et comment se passe la collaboration avec ce nouveau label ?
Tim : On connaît Krys depuis quelques années notamment via ses groupes et lorsqu’il a créé le label avec Arnaud, ça nous a semblé logique d’envisager de sortir un album chez eux. Leur direction artistique est bien spécialisée sans pour autant que les groupes se ressemblent.
Comment as-tu découvert le Metal ? Quels sont selon toi les groupes immanquables de la scène actuelle en France et à l’étranger ?
Tim : Ha le Metal j’ai pris mes premières claques avec Roots Bloody Roots de Sepultura et la scène Metal Alternative de la fin des années 90. Ensuite j’ai dérivé vers des trucs plus Hardcore comme Converge, Neurosis. Et puis forcément, au bout d’un moment je me suis intéressé aux classiques des 70’s / 80’s. C’est un genre extrêmement large. Il y en a pour tous les dégoûts, haha. Actuellement j’ai beaucoup aimé le dernier Avenged Sevenfold, qui a une sorte de feeling à la Faith no More, la prod est fabuleuse. Ensuite, l’album Petrodragonic de King Gizzard qui est incroyable, je ne m’attendais pas à autant de punch. Et en France, il y a le groupe Death Metal Mandibula, on a fait quelques dates avec eux. De la pure magie !
Avez-vous des plans pour la suite de Sycomore ?
Tim : Pour le moment le plan c’est de faire des concerts pour défendre Antisweet. On est prêt. On espère que notre son atteindra un maximum d’oreilles.
Comment se passe un live du groupe Sycomore ? Comment voyez-vous l’évolution des lives à l’avenir ?
Tim : On donne tout ce qui est en notre possible pour délivrer un moment intense. On a une approche plutôt Rock’n’Roll, ça dépend aussi de l’ambiance avec les gens, si on est à l’aise techniquement, et surtout la forme physique et mentale, ça joue beaucoup. Ce que je peux dire c’est que j’adore cette sensation de pouvoir déchaîner cette furie en public. Pourvu qu’il y ait de la sueur, des sourires.
Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels vous souhaiteriez collaborer dans le futur ?
Tim : Et bien on n’a jamais eu vraiment cette idée ou l’occasion de collaborer avec d’autres musiciens, après rien n’est fermé, à partir du moment où on s’y retrouve. Nos vies sont déjà bien remplies en dehors du groupe. On considère que c’est déjà une chance de se retrouver tous les trois pour faire de la musique. En revanche, pour l’aspect visuel, on a travaillé avec des artistes différents à chaque album. On aime la surprise que ça engendre. Pour la suite, on verra. On aime tester de nouvelles choses.
Pensez-vous vous être amélioré en tant que musiciens avec cet album ?
Tim : Oui, enfin j’espère qu’on n’a pas régressé en tout cas. Pour cet album on a mis moins de blast beats et on a osé plus de mélodies. On essaie de s’améliorer, que ce soit au niveau de l’écriture ou de la performance. Pour autant, notre approche, depuis les débuts, est la même. On fait en sorte que ça nous semble facile, mais pour atteindre cet état, il faut beaucoup pratiquer.
Avec quels groupes rêveriez-vous de de jouer ? Je te laisse imaginer une date pour la sortie de Antisweet avec Sycomore en ouverture, et trois autres groupes.
Tim : Ok alors si on reste sur des groupes qui tournent encore, je dirais Mr Bungle, la folie de Patton associée à des monstres du Thrash Metal. Melvins, car j’adore leur côté bizarre et sarcastique. Et Zao, le groupe Hardcore, ils sont trop méconnus à mon sens, pourtant ils sortent du lot. Le dernier album The Crimson Corridor est un bijou.
C’était ma dernière question, je vous remercie pour votre disponibilité, et je vous laisse les mots de la fin !
Tim : Merci et on espère que vous passerez un bon moment avec nous à travers cet album.