Il y a des moments où la vie nous joue des tours, et cette date a en partie été conditionnée par l’actualité mondiale. L’inséparable duo russe Grima et Ultar s’est retrouvé amputé des deux tiers de sa tournée européenne, mais par chance, les concerts français ont été conservés. En ouverture de la date parisienne à Glazart, nous accueillons Trëma, formation nantaise très récente dont vous connaissez sans aucun doute déjà l’existence.
Premier groupe à fouler les planches ce soir, Trëma, dont j’avais déjà longuement parlé à deux reprises, lors des sorties respectives de son album, puis de son EP. L’introduction assez soudaine, la fumée, le maquillage et les capuches nous rappellent immédiatement l’ambiance dans laquelle Disheol (chant) et ses camarades vont nous plonger ce soir, entre dépression, sonorités aériennes et tout de même une certaine fureur viscérale qui se déverse par vagues. Si les musiciens restent relativement ancrés sur leur position respective, le vocaliste n’hésite pas à arpenter la scène et venir hurler sa rage devant le premier rang, avant de se replacer au centre pour se saisir d’une guitare et ajouter des harmoniques lancinantes à ses compositions saisissantes. Bien qu’un peu rapide, le show est fluide et les compositions semblent avoir déjà marqué les esprits, au vu des acclamations franches qui leur sont adressées.
La soirée continue avec l’arrivée d’Ultar pour un Black Metal lovecraftien devant un public agglutiné devant la scène, déjà transporté par les riffs cosmiques. Le combo mené par les frères Sysoev, Gleb (chant) et Max (guitare), complété par Denis Susarev (guitare), Pavel Dil (basse) et Vlad Yungman (batterie), est également assez statique, préférant le headbang et les regards sombres derrière leurs maquillages, plutôt que les interactions avec leur public, totalement acquis à leur cause. Côté son, il est parfaitement bien réglé pour accentuer les phases d’oppression abreuvés par les flashs incessants qui laissent transparaître les silhouettes imposantes des musiciens, mais également les rares passages plus lents et aériens où nous sommes autorisés à reprendre notre souffle jusqu’à ce que la déferlante ne nous emporte à nouveau. Il va sans dire que la performance est applaudie comme il se doit par la même masse stagnante, conquise par le show.
Malgré un léger retard, le vent Sibérien souffle pour annoncer l’arrivée de Grima devant un parterre presque hiératique qui attend le groupe masqué. Vlad Yungman (batterie) entre, suivi par Denis Susarev et Morbius (guitares) et le rituel débute, invoquant littéralement Vilhelm (chant) qui en plus de son impressionnant masque, arbore également des griffes faites de racines, et qui lui donne un aspect totalement inhumain. A part de rares moments d’excitation, la foule est littéralement plantée devant les quatre musiciens dont les mouvements lents semblent presque irréels sous les lumières étranges, et j’ai l’impression d’arpenter un bosquet extrêmement dense en me déplaçant pour tenter d’apercevoir les guitaristes, reclus dans l’ombre. Après quelques titres, le vocaliste se séparera de ses griffes, et prendra sa guitare, faisant du duo un trio pour ajouter toujours plus d’harmoniques glaciales et envoûtantes à la mélopée sombre qui hypnotise la foule jusqu’aux derniers instants, chaleureusement saluées par le public.
La soirée se termine, et la salle se vide après le traditionnel passage au stand de merchandising. Si Grima et Ultar, dont la performance fut à nouveau un sans-faute, sont déjà bien connus de la scène Black Metal, il y a fort à parier que Trëma, dont le show du soir était le quatrième, les rejoigne peu à peu, tant il a prouvé sa valeur aujourd’hui au Glazart. Ne manquez pas une occasion de voir ou revoir les groupes dès que vous le pourrez.