Review 2264 : Blóð – Mara

Blóð dévoile enfin son troisième album.

Actif depuis 2018, le duo formé par Ulrich W. (tous instruments, Otargos, Volker, ex-Regarde les Hommes Tomber) et Anna W. (chant, LYNN Project) signe en 2024 chez Talheim Records Germany pour la sortie de Mara.

L’album débute dans une ambiance ritualistique avec Gehenna, une première composition d’abord faite de chants d’enfants, puis d’une rythmique poisseuse et grésillante pour accueillir les parties vocales envoûtantes. Les riffs épais intègrent parfois quelques touches plus mélodieuses qui vont de pair avec l’approche lancinante et les hurlements avant de s’effacer pour rejoindre Malignant où la batterie plus virulente rend l’atmosphère oppressante. Les vagues d’agressivité finissent toujours par s’apaiser avec un son entêtant avant de laisser place à Martyr, un morceau torturé qui débute dans une lenteur étouffante d’où les cris plaintifs peinent à trouver leur chemin, mais le break lui donnera une toute autre saveur en l’ancrant dans une noirceur encore plus profonde. Mara, la composition éponyme, suit une sorte de progression assez linéaire et enivrante entre saturation régulière et rythmique simple qui colle parfaitement à l’approche éthérée du groupe, mais qui va également nous surprendre et faire naître l’angoisse avec The White Death et ses grognements en arrière-plan. Des touches étranges emplissent l’air avant que la rythmique ne reprenne le dessus pour nous exposer à sa dissonance qui ne cesse que pour laisser Chthonia nous envelopper de son voile hypnotique et abrasif. L’intensité est cependant de courte durée, puisque l’ôde ténébreuse laisse place à la douce Frost qui nous offre un instant d’apaisement total grâce à quelques harmoniques mélodieuses, qui se perdront dans le silence pour devenir plus métalliques et menaçantes avec l’arrivée de Covenant, où la lourdeur reprend sa place grâce à des racines Doom vaporeuses. On sent une certaine mélancolie dans ce titre mené par la voix d’Anna, tout comme sur Queen ov Hades qui se renforce imperceptiblement pour se briser puis reprendre sa marche damnée jusqu’à Mother ov All, qui débute par une approche similaire couplée à des éléments plus solennels qui entraînent la composition jusqu’à sa chute… mais le son renaît pour se métamorphoser en Drone brumeux et obscurcir notre esprit jusqu’aux derniers instants.

La force de Blóð réside dans sa capacité à mêler l’oppression du Black Metal et la lenteur pesante du Doom, voire même par moments du Sludge. Mara est une fenêtre sur la noirceur, un véritable océan de ténèbres brut qui n’est pas prêt de vous lâcher.

85/100

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Quelques questions à Ulrich W., compositeur du groupe Blóð, pour la sortie de leur troisième album Mara.

Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Blóð sans utiliser les habituelles étiquettes des styles musicaux tels que Sludge, Doom…?
Ulrich W. (tous instruments) : Salut. Blóð est un duo qui propose une expérience musicale proche d’un rituel de Sabbath de sorcières, un voyage au travers d’ambiance pesante, angoissante et poisseuse…

Que signifie Blóð, et comment le relies-tu à la musique actuelle du groupe ?
Ulrich : Blóð signifie sang en islandais. Le sang est l’essence même de la vie mais a aussi une connotation morbide et occulte.

Mara, votre troisième album, vient de sortir, comment te sens-tu ? Comment sont les retours à son sujet ?
Ulrich : On est heureux de pouvoir enfin le présenter, cela fait bien au moins un an qu’il est déjà en boîte, des histoires de labels et cie ont vachement décalé la sortie qu’on prévoyait début 2024 à l’origine… Les retours sont très bons et j’avoue que c’est assez plaisant. Même si on fait de la musique avant tout pour soi-même c’est toujours gratifiant.

Comment résumerais-tu Mara en trois mots ?
Ulrich : Cauchemard, angoisse, femmes.

Comment s’est passée la composition de Mara ? As-tu remarqué une évolution par rapport aux précédentes productions du groupe ? Est-ce que le fait de fonctionner en duo est plus simple pour vous ?
Ulrich : On à travaillé de la même manière que pour les deux autres albums, je m’occupe de tout la partie musique et Anna apporte chant, textes et thématiques. La plus grosse évolution pour ma part est l’agressivité plus prononcée que sur les premières prods du groupe. Le côté Black Metal est bien plus présent il en résulte un album moins aérien et éthéré mais plutôt lourd et oppressant qui mène à la suffocation. Oui, le fait d’être un duo est parfait pour Anna et moi. On se comprend et se complète parfaitement, naturellement.

On retrouve sur Mara une base évidente de Sludge et de Doom, mais aussi quelques influences plus orientées Black Metal. Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire ta musique ?
Ulrich : Qu’est ce qui m’inspire ?… je dirais que c’est plutôt des ambiances sonores ou des décors psychologiques plutôt que de la musique à proprement parler. J’aime beaucoup tout ce qui est B.O. et films de SF/fantastique/horreur…  sur les deux premiers album j’ai essayé de limiter voir freiner cette touche Black Metal car le but n’était pas de faire de Blóð un groupe de Black Metal, mais le fait est qu’avec l’évolution du groupe et surtout du chant de Anna cela devenait évident. 

Que raconte Mara dans sa globalité ?
Ulrich : On est sur des histoires de sorcières, de cauchemars, de mythes et de divinités liés à la nuit, la mort, l’occulte, l’au-delà, mais aussi à la nature. Ce n’est pas un concept album, les morceaux peuvent être écoutés séparément, mais l’ensemble forme une unité massive. 

Le titre Mother of All est de loin le plus long de la discographie de Blóð, comment avez-vous travaillé dessus ?
Ulrich : C’est un titre un peu particulier car il se compose de deux parties, entièrement instrumentales. La lourdeur pachydermique puis la chute dans le chaos. Le travail n’a pas été différent des autres, mis a part qu’Anna lors de l’écoute du morceau a jugé qu’il n’avait pas besoin de chant et que la musique se suffisait à elle-même.

Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Ulrich : Le morceau préféré d’Anna est sans aucun doute Mara, mais pour ma part c’est plutôt Gehenna, le premier titre de l’album, c’est celui qui me transporte le plus de par ses dissonances, sa simplicité et sa lourdeur.

Que représente l’artwork, et quelles ont été les étapes de sa conception ?
Ulrich : Nous avons eu plusieurs idées pour la pochette, mais celle-ci est celle qui a le plus plu à Anna, non pas parce qu’elle est le modèle, mais par la “douceur mystique” qui s’en dégage. On trouvait très intéressant le contraste entre la pochette et la musique de l’album, comme les deux aspects de la divinité Mara.

Vous avez signé chez Talheim Records Germany pour la sortie de Mara, comment se passe la collaboration avec le label ?
Ulrich : Ca se passe bien pour le moment, ils gèrent la com à l étranger et nous avons fait un deal avec Solstice Promotions, pour la promo française.

Quels sont les plans pour la suite de Blóð ?
Ulrich : Être sur scène ! On bosse sur le booking pour la fin d’année et 2025. Quelques dates ont déjà été annoncées.

J’ai pour ma part pu vous voir deux fois, la première au Mennecy Metal Fest 2019, puis au Hellfest 2023. Comment visualisez-vous un concert de Blóð de ton point de vue ?
Ulrich : Comme une cérémonie, un rituel. Mais aussi comme une communion avec le public, en instaurant quelque chose d’intimiste.

En quoi le recrutement de musiciens live a changé l’approche du groupe ?
Ulrich : En rien je pense. Blóð reste un duo malgré tout. On a opté pour rajouter des musiciens live pour ne pas perdre en ampleur sonore sur scène, et pouvoir garder le côté immersif et massif en live. A l’heure actuelle nous avons Alex (aussi guitariste de Otargos) et Jen à la basse. On a choisi de rester avec une batterie programmée en live, comme en studio, pour renforcer le côté glacial de notre musique.

Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels tu souhaiterais collaborer dans le futur ?
Ulrich : Je ne sais pas, j’avoue être un peu autiste et égoïste lorsqu’il s’agit de ma musique, j’ai du mal à partager mes idées et à incorporer celles des autres… et je sais que ca peut être un défaut. Je suis plus partant pour collaborer avec des professionnels du son, de la photo ou de la vidéo. Nous avons une date avec Celeste en Octobre dans le cadre du Ex Tenebris Lux fest dans le sud, ce sera un grand moment je pense…

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien avec cet album ?
Ulrich : Certainement oui. Cela n’a pas été facile et il nous a fallu beaucoup de travail avec Anne pour arriver à matérialiser nos idées et sentiments mais cet album est le plus abouti de Blóð en tant qu’entité musicale.

Avec quels groupes rêves-tu de de jouer ? Je te laisse imaginer une date pour la sortie de Mara, avec Blóð en ouverture et 3 autres groupes.
Ulrich : Il y en a pas mal, mais je citerai bien entendu (DOLCH), Wolvennest et Amenra

Dernière question : à quel plat pourrais-tu comparer la musique de Blóð ?
Ulrich : Un plat de fugu !

C’était ma dernière question, je te remercie pour ta disponibilité, et je te laisse les mots de la fin !
Ulrich : Merci à toi, et merci à tous ceux qui suivent le groupe.

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