Deuxième jour du Hellfest Open Air 2024, et la fatigue commence à peine à pointer le bout de son n… je plaisante, j’ai la flemme, vous me connaissez. Mais aujourd’hui sonne pour moi comme un grand jour, et j’aurais l’occasion d’y revenir à de très nombreuses reprises, alors n’attendons plus et embarquons dans la navette pour une journée remplie de Metalcore/Prog et Black Metal !
On commence donc avec Karma Zero, formation dont j’avais complètement oublié l’existence, mais qui compte bien nous rappeler leur puissance dès qu’ils entrent en scène ! Au programme, une avalanche de mospharts modernes et de headbang pour les nantais, qui n’hésitent pas à haranguer une foule assez timide mais qui va rapidement s’échauffer pour rejoindre la ferveur. Mais bien qu’énergique, leur set est relativement court, et les musiciens nous font aisément comprendre qu’ils sont heureux d’être de retour sur scène après cette absence, avec de ce que j’ai compris une petite exclusivité.
Passage obligatoire sur la Temple pour soutenir Houle, qui viennent de sortir leur premier album, et les hostilités démarrent sans attendre lorsqu’Adsagsona (chant) se met à tituber dans toute la fosse avec sa lanterne. Les musiciens en profitent pour prendre place sur scène et nous faire entrevoir les prémices de la tornade qui nous attend, et qui nous frappe lorsque la vocaliste reprend sa place à leur côtés en vociférant et en arpentant la scène. J’ai beau connaître le groupe et leurs morceaux, ils prennent ici une toute autre ampleur en nous engloutissant grâce à un mix parfait, et la tente se remplit progressivement jusqu’à déborder et à entrer en éruption lorsque la banshee lâche “Marins, loups de mer, nous sommes Houle”. En quatre titres, les cinq fantômes marins ont déclanché un véritable raz-de-marée que le Hellfest n’est pas prêt d’oublier !
Pour me remettre de mes émotions, j’ai choisi de découvrir Solitaris, car bien qu’ils soient très présent au sein de la scène parisienne, je n’avais jamais poussé la curiosité jusqu’à écouter ce qu’ils proposent actuellement. Je me retrouve donc face à quatre musiciens mystérieusement cachés par des vêtements amples et foulards sur les yeux qui jouent une mixture moderne entre Metalcore, Djent et influences Trap qui n’auront aucun mal à séduire leur audience. Si quelques passages me semblent lourds et énergiques, on reste comme vous l’aurez deviné loin de mes goûts de prédilections, mais l’expérience n’était pas désagréable !
On retourne dans des paysages connus avec Imperial Crystalline Entombment, groupe sorti des glaciers américains en 2003, puis parti en hibernation avant de reparaître 20 ans après, et qui célèbre aujourd’hui son tout premier concert. Quand j’ai vu leur nom sur l’affiche, j’ai d’abord refusé d’y croire, mais ce sont bien cinq silhouettes blanches qui se tiennent devant moi et qui délivrent un son tout aussi glacial et tranchant que leur univers singulier. Au centre, IceSickKill (chant) brandit son bâton d’un air menaçant, renforcé par l’impassibilité de son masque ainsi que de celui de ses camarades, et encore une fois le mix sublime autant la violence que la mélancolie. Pas d’interaction, pas de temps mort, le groupe reprend immédiatement ses esprits pour nous enfermer dans son cocon polaire pendant les courtes trentes minutes de ce show dantesque.
Le sport reprend avec le Deathcore de The Acacia Strain, mené par Vincent Bennett (chant) qui n’arrête pas de bouger plus d’une seconde. Parfois aidé par quelques choeurs, le frontman n’aura de cesse de hurler en courant absolument partout sur son espace de jeu, rejoignant tantôt l’un ou l’autre de ses musiciens, et ce n’est pas la fin des morceaux qui mettra fin à son manège ! “What the fuck is up Hellfest?” nous demande-t-il régulièrement avant que la formation ne recommence à distribuer des claques sous forme de breaks épais, ce qui plaît également à la foule présente. Pas de temps mort, pas de pitié, l’affaire est pliée en quarante minutes de rage.
L’ambiance change du tout au tout dès que Shores of Null termine ses balances, car dès que le sample introductif se termine, Destination Woe s’empare de la Temple, laissant ses mélodies déferler en nous. La superbe voix claire de Davide Straccione (chant) fait parfois place à des hurlements massifs, soutenus par les choeurs de ses camarades et ils donnent ensemble vie à la plus pure et sincère des tristesses qui grandit au fur et à mesure que le show avance. Les larmes coulent, entrecoupées de “raise your hands” de la part du vocaliste qui nous encourage à rejoindre les italiens dans leurs torrents d’émotions aussi sombres que saisissantes, et la lourdeur des titres nous assommeront jusqu’aux derniers instants de ce qui est pour moi l’une des meilleures performances du jour.
On repart dans le Metalcore avec Textures, dont je n’attendais pas grand chose, et qui vont peu à peu réussir à leur tour l’exploit de me faire apprécier des éléments de Metal Progressif tant leur setlist est bien gérée. Les musiciens sont tous aussi mobiles les uns que les autres, et Daniël de Jongh (chant) ne manquera pas de nous faire part de sa joie d’être de retour non seulement au Hellfest, mais aussi tout simplement dans la course, car le groupe revient d’une pause de six ans (leur retour officiel a été annoncé l’an dernier). Et pour célébrer ça, le groupe enchaîne les titres sans sourciller et avec une précision de maître, ce qui leur vaut des acclamations bien méritées à chaque final !
Ce sont les visiblement très attendus suédois d’Ereb Altor qui assureront la suite des opérations sur la Temple avec un Black Metal Viking épique aux influences parfois Doom selon les morceaux et les époques. La différence entre les périodes est clairement perceptible, allant de passages fédérateurs aux racines païennes à des accélérations furieuses qui ne manqueront pas de plaire aux amateurs de sensations fortes, à en juger par les quelques mouvements de foule qui viennent troubler le rituel. Côté son, on notera une petite faiblesse dans le mix lorsque Mats (guitare/chant) pousse sa voix, mais le tout reste parfaitement appréciable côté riffs, surtout lorsque l’on connaît les récents événements tragiques qui ont secoué la formation.
Après une pause bien mérités qui nous ont permis de féliciter Houle au stand de leur label, je rejoins à nouveau la Temple pour Mork, qui nous offre enfin un show français. Après la qualité des albums, je ne pouvais qu’être présent, et je retrouve cette fureur sombre et glaciale qui habite les musiciens, et en particulier Thomas Eriksen (chant/guitare), leader du projet, qui vocifère dans son micro pendant que ses camarades headbanguent avec leur rythmique. Bien que très impliqués dans leur musique, les musiciens n’hésitent pas à lever le poing pour nous remercier, en particulier le fondateur qui lâchera un “Oh fuck yeah Hellfest, thank you very much for coming! Skol!” entre deux morceaux, s’accordant à peine quelques secondes de répit avant d’enchaîner, revenant à l’essence même du Black Metal Norvégien pur jus pour un set incroyablement bien ficelé.
Une fois n’est pas coutume, c’est avec du Metal Progressif que la journée continue, et le moment sera présidé par Einar Solberg – connu pour être le frontman/claviériste de Leprous – qui vient nous présenter ici son travail solo au chant, accompagné par quelques choeurs. Et même si le tout est incroyablement cohérent, qu’Einar est très en voix, et qu’il ne peut s’empêcher de retourner vers son instrument de prédilection… ce n’est tout simplement pas pour moi. Pourtant, son album 16 a reçu d’excellentes critiques, et je ne peux que vous encourager à aller l’écouter si son univers habituel vous plaît. Petit moment bonus, où l’homme nous demandera “Answer my fucking question”, à laquelle la fosse s’empressera de répondre “yeah”, comme à son habitude. “Yeah is not an answer”, comme le dit si bien le chanteur norvégien !
Setlist: Grotto – Remember Me – 16 – Where All the Twigs Broke – Home – A Beautiful Life – The Glass is Empty
On retourne au front pour aller voir le combat de Kanonenfieber, qui ont redécoré la scène en véritable champ de bataille. Masques, pyrotechnie, explosions, neige… tout l’attirail est de sortie pour habiller le Black/Death martial des allemands dirigés par leur charismatique frontman Noise (chant). Les autres musiciens semblent légèrement plus effacés, à l’inverse du son de la grosse caisse qui va parfois mâchouiller les instruments dans les moments les plus intenses, mais l’équipe technique tentera tant bien que mal de corriger le tir, et l’offensive continue, entrecoupée de silences pesants entre les morceaux. Un bon show, mais à revoir dans des conditions plus clémentes.
Setlist: Grossmachtfantasie – Menschenmühle – Dicke Bertha – Die Schlacht bei Tannenberg – Battle Sounds (sur bande) – Der Füsilier I – Grabenlieder – Ubootsperre (Intro sur bande) – Kampf und Sturm – Die Havarie – Over There (sur bande) – The Yankee Division March
Ne Obliviscaris était un des groupes que j’attendais de revoir, et je n’étais visiblement pas le seul, car la tente est plutôt remplie ! Le violon de Tim Charles (chant/violon) nous enchante pendant que les musiciens se déchaînent, créant un contraste avec sa voix claire et les hurlements de James Dorton (chant), vocaliste distant mais efficace, mais le groupe réussit toujours à garder sa touche majestueuse en toutes circonstances. L’orage frappe avec précision (vu le niveau des membres, ce n’est pas une surprise !), et on constate que malgré le remplacement de deux membres, la machine est parfaitement huilée, pour le plus grand plaisir des premiers rangs qui les admirent entre deux séances de headbang.
Setlist: Equus – Suspyre – Intra Venus – Devour Me, Colossus (Part I): Blackholes – And Plague Flowers the Kaleidoscope
La Norvège revient à l’honneur avec Satyricon, qui y mélange son drapeau avec une croix inversée, chose visiblement très appréciée par un public massé devant la scène pour leur grand retour. Car en effet, Satyr (chant) avait récemment eu quelques problèmes de santé, mais vu la fureur de l’homme, ils semblent désormais très loin derrière lui, et le vocaliste rugit comme jamais pendant que ses musiciens headbanguent à ses côtés ou jouent entre eux. On notera tout de même que le claviériste et le batteur sont presque toujours invisibles, mais les guitaristes et le bassiste remplissent facilement l’espace autour du chanteur, qui n’hésitera pas à s’accrocher à son pied de micro en forme du symbole du groupe pour remuer lui aussi le crâne. Le groupe ne m’avait jusqu’alors jamais déçu, et ce n’est pas la leçon du soir qui va changer mon avis sur eux !
Encore un groupe dont les concerts riment automatiquement avec qualité mais qui nous vient cette fois de Finlande, c’est avec Amorphis que la soirée se poursuit au rythme de cette constante dualité entre douceur envoûtante et quelques parties plus brutes. S’il souffre parfois de quelques imprécisions dans le mix, Tomi Joutsen (chant) n’hésite pas à haranguer une foule déjà entièrement acquise à sa cause, ou au contraire à se mettre en retrait pour laisser ses camarades se mettre en avant lors des parties Prog, renforçant le contraste que j’évoquais. Chaque morceau frappe juste, que ce soit les plus récents comme The Bee et The Moon, les plus Old School que sont Black Winter Day et My Kantele, ou encore l’une de mes favorites, House of Sleep. Le show est roadé, et rien ne peut plus les arrêter dans leur ascension. Sauf peut-être leurs lumières, qui sont parfois inexistantes…
Je retrouve la Temple très remplie pour la légende qu’est Emperor, et ayant déjà vu le groupe de nombreuses fois auparavant, je savais plus où moins à quoi m’attendre. On aura beau dire que le groupe ne se renouvelle pas, que les morceaux sont toujours les mêmes, qu’Ihsahn (chant/guitare) a toujours les mêmes gestes, que le son est soumis aux aléas de la tente et de ses imprécisions… il n’empêche qu’on y revient tous ! Le groupe a composé des monuments du Black Metal Symphonique, et il nous les envoie en pleine face pour notre plus grand bonheur trente ans après. Ca n’a pas de prix.
Setlist: Into the Infinity of Thoughts – In the Wordless Chamber – Thus Spake the Nightspirit – The Loss and Curse of Reverence – With Strength I Burn – The Burning Shadows of Silence – I Am the Black Wizards – Inno a Satana – Ye Entrancemperium
Petit passage par la Valley où officie Fu Manchu pour la claque Stoner de la journée. Je ne pensais pas la formation si attendue, mais on circule à peine lorsque Scott Hill (guitare/chant) et Brad Davis (basse/chant) commencent à placer leurs parties vocales sur des riffs gras et accrocheurs, ce qui fera le bonheur des premiers slammeurs, ce qui nous surprendra tout autant que l’équipe de sécurité ! Si côté son je n’ai rien à redire, le mix faisant autant la part belle à la rythmique groovy qu’aux harmoniques perçantes, les lumières sont beaucoup plus pénibles à appréhender, offrant parfois des zones d’ombre dont nous aurions préféré nous passer… Quoi qu’il en soit, je me promets d’explorer la discographie des Californiens du Sud !
Setlist: Eatin’ Dust – Evil Eye – Hands of the Zodiac – California Crossing – Laserbl’ast! – Hell on Wheels – Loch Ness Wrecking Machine – Squash That Fly – Weird Beard – The Return of Tomorrow – Mongoose – Saturn III
Dernier show de la journée, mais surtout pas le moins intense, car c’est Anaal Nathrakh, un de mes groupes favoris, qui aura la lourde tâche de fermer la journée dans la violence la plus pure et la plus déchaînée. Car pour ceux qui ne le savent pas, le combo anglais mené par Dave “V.I.T.R.I.O.L.” Hunt (chant) ne jure que par la rage et la puissance, que ce soit avec le Black/Grind de ses débuts ou avec les ajouts Industrial plus récents. Vous allez me dire que je ne suis pas impartial (et vous aurez raison), mais le groupe va nous offrir ce soir un set d’une force phénoménale, entrecoupé de ces pointes d’humour anglais décapantes qui nous permettent de rire avant de nous démonter à nouveau la nuque. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre du nouveau lineup (le groupe ayant récemment hésité à s’arrêter, puis finalement recruté des membres d’Akercocke et Voices pour continuer), mais tout ce que je peux vous dire, c’est que l’expérience permet de clore ce deuxième jour en beauté, avec une setlist certes principalement axée sur les trois derniers albums, mais qui a réservé aux présents de belles courbatures !
Setlist: Acheronta Movebimus – Unleash – Bellum Omnium Contra Omnes – Forward! – The Age of Starlight Ends – The Road to… – Obscene as Cancer – Feeding the Death Machine – Idol – In the Constellation of the Black Widow – Forging Towards the Sunset – Endarkenment – Submission Is for the Weak
Le Hellfest réserve toujours des surprises, et celle du vendredi était de taille. Le Black Metal était mis à l’honneur, mais la journée a également proposé ses touches de brutalité et de mélancolie bienvenues à mes yeux. Il serait difficile de faire un véritable top, mais je peux vous assurer que Shores of Null, Anaal Nathrakh, Houle et Imperial Crystalline Entombment ont largement gagné mon coeur ! On continue ?