Sortir de sa zone de confort de temps, c’est vivifiant, alors je quitte le Metal un instant pour un show qui s’annonce déjà d’anthologie : l’étape parisienne de Wardruna à la légendaire Salle Pleyel, où ils sont accompagnés par Jo Quail, et jouant à guichet femé. La récente actualité du groupe a piqué ma curiosité, moi qui ne les ai pas vus depuis 2017 dans une toute autre configuration (le Hellfest).
La soirée débute avec une écoute en avant-première du nouvel album, Birna. Nous étions onze, à rejoindre la scène, totalement vide, puis à profiter de ce qui était officiellement une petite heure, mais qui nous a semblé passer en l’espace d’un instant, tant les morceaux sont captivants et rythmés. L’écoute est suivie d’une brève rencontre avec le groupe, très amical et disponible, mais également assez pressé par le temps, et nous rejoignons donc rapidement la file d’attente. Les portes souffriront d’un léger retard, mais nous sommes de toute façon retenus dans le hall principal, le temps de siroter une coupette de bière.
A l’heure prévue, Jo Quail s’avance, son violoncelle électronique à la main, et après un court réglage de dernière minute, elle commence son set, son logo projeté sur le fond de scène. Déjà familier avec la musique de la demoiselle suite à son passage au Hellfest 2019, j’y redécouvre les notes aériennes précises qui, couplées à son looper et à sa touche de folie, emplissent l’air de la Salle Pleyel, et nous envoûtent. Si la stabilité de la musicienne est appréciable pour nous autres photographes, nous devons tout de même composer avec les retours et autres décorums prévus pour la tête d’affiche, rendant l’expérience de l’étroit pit photo assez originale, mais l’expérience sonore est beaucoup trop plaisante pour être gâchée. “Bonsoir, I am afraid that this is the limits of my French” admet la jeune femme entre deux morceaux, avant de nous raconter l’histoire de ses morceaux, leur ambiance, et même un petit cours d’accordage. Côté son, il reste constant, et permet une immersion totale dans son univers, surtout lors de la dernière composition, la chaotique et tumultueuse Adder Stone, qui nous embarque au beau milieu d’un océan furieux. Le set fut court, mais très appréciable, et bien évidemment unanimement salué par l’assemblée.
Setlist: Rex Infractus – Supplication – Adder Stone
L’ambiance change lorsque les musiciens de Wardruna prennent place, devant une salle comble, et débutant leur rituel. Pourquoi utiliser le mot rituel ? Car c’en est véritablement un, entre les diverses percussions, la pénombre étouffante et bien entendu les notes glaciales des instruments folkloriques. Au centre, Einar Selvik et Lindy Fay Hella, les deux vocalistes principaux de notre épopée du soir, sont régulièrement illuminés pour sublimer leur présence, mais surtout leurs interventions vocales, se répondant et se complétant sous les choeurs de leurs camarades. Entre les morceaux, le silence se fait, et l’ambiance suivante s’installe, tantôt utilisant des ombres, des projecteurs, des samples de nature, et différents instruments pour recréer les conditions de l’époque que nous conte le groupe. La fosse est extrêmement attentive (sauf 2 ou 3 hurluberlus sans gêne, mais c’est le jeu, ma pauvre Lucette), et ne perd pas une miette de la performance qui se déroule devant ses yeux, que ce soit les moments les plus calmes ou les plus intenses, où les voix se mêlent, la fumée emplit l’espace pendant que l’on voit Lindy danser, ou encore ce moment où Einar et l’un des musicien s’emparent des deux énormes cors pour donner un ton incroyablement oppressant et majestueux à leur morceau.
Après une bonne heure de performance, Einar prend enfin la parole “It’s so good to be back in France, with such passion and such energy”. Il va bien évidemment nous remercier d’être présents ce soir pour célébrer la musique, expliquant la raison de leur musique avec ce solennel “What happened in the past belongs to the past, but sometimes it still resonates! That’s why we are here”, mais aussi nous encourager à chanter : “Singing is a medicine, it’s my medicine” – avec également un trait d’humour “If you feel sad, sing! You will appreciate! Maybe your neighbors”. Mais leur temps de jeu n’est pas terminé, et les braseros s’enflamment pour Helvegen, annoncé comme le dernier morceau où musiciens et fosse semblent en véritable communion. L’assemblée applaudit avec fougue, et le musicien l’interprète comme “this is French for another song”, nous demandant d’abord de remercier ses compagnons avant de nous conter une partie de l’histoire de Ragnarr Loðbrók, personnage historique et héros de la série Vikings, pour laquelle il avait composé une partie de la bande originale. Il nous explique également la signification des anciens textes, qui bien que très doux, racontent des passages sanglants et désastreux, comme la fameuse Snake Pit Poetry, avec laquelle il ironise un “poems first, and then die”, puis nous l’interprète de manière vibrante avant de se faire une dernière fois acclamer, puis de quitter la scène.
Setlist: Kvitravn – Skugge – Solringen – Heimta Thurs – Hertan – Kvit hjort – Lyfjaberg – Voluspá (Skaldic Version) – Tyr – Isa – Grá – Runaljod – Rotlaust tre fell – Fehu
Rappel: Helvegen – Snake Pit Poetry (Skaldic Mode)
La salle se vide lentement, mais les sourires sont encore présents sur toutes les lèvres. Si l’introduction de Jo Quail fut une excellente découverte pour bon nombre de spectateurs, la performance de Wardruna est une confirmation de la qualité, autant de composition que d’interprétation, d’Einar, Lindy et leur troupe. Merci à Garmonbozia Inc. pour l’organisation de cette date unique, ainsi qu’à Oktober Promotion pour l’accréditation presse & photo.
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