Alta Rossa travaille sa médication.
Antoine Lauzel (chant), David « Dess » Demesmay (basse), Jordan Daverio (guitare), Thomas Dubois (guitare) et Mathieu Martinazzo (batterie) reviennent deux années après leur précédente production avec A Defiant Cure, leur deuxième album, toujours chez Source Atone Records.
La dissonance emplit immédiatement l’air lorsque Exalted Funeral débute, accueillant par la suite le chant éraillé, renforçant ce sentiment d’oppression et de lourdeur déroutante tout en apportant une touche encore plus agressive. Le groupe s’offre tout de même des passages plus planants avant de céder sa place à Delusion et à sa rythmique parfois énergique qui sait ralentir pour temporiser la fureur avant d’exploser à nouveau. Le son s’apaise une fois de plus avant de donner vie au groove remuant et saccadé de The Emperors qui nous attrape par la gorge et nous matraque sauvagement dans un premier temps, puis qui freine et reprend progressivement du poil de la bête. On prend enfin le temps de respirer avec Dédale, interlude aérien inquiétant qui retrouve de la saturation en arrivant à The Art Of Tyrant #SlashTheMinotaur, la plus longue composition de l’album, qui débute avec des tonalités mystiques et quelques choeurs. Le chant hurlé refait alors surface et est rejoint par des vagues de puissance brute qui contrastent avec les passages plus lancinants, avant d’être à nouveau soumis à la quiétude en rejoignant Where We Drown Our Nightmares, où le groupe nous accorde une nouvelle pause douceur. L’atmosphère s’intensifie lentement, puis From This Day On prend la suite pour nous proposer des tonalités futuristes écrasées par un Sludge épais et qui semble ultra-pessimiste, tout comme sur Stratification qui construit peu à peu sur agressivité avant de lâcher totalement les rênes grâce à une batterie déchaînée. Le final angoissant déteindra sur Fields Of Solar Flames qui nous dévoile ses riffs insondables qui s’abattent sur nous très régulièrement avec une ambiance de fin du monde, puis And Chaos Fell Silence… nous enfermera une dernière fois dans son voile suffocant, avec à peine quelques sursauts de vitalité après la moitié du morceau.
L’univers d’Alta Rossa est plus sombre que jamais. Le groupe développe sur A Defiant Cure une approche tellement oppressante et abrasive que l’on se sent littéralement enfermé dans leur musique, et que l’on y développerait presque un syndrôme de Stockholm !
90/100
Quelques questions au groupe Alta Rossa pour la sortie de leur nouvel album, A Defiant Cure.
Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de votre temps ! La dernière fois que nous avons parlé remonte à deux ans, comment percevez-vous l’évolution du groupe ?
Alta Rossa : Merci à toi de nous accorder ce moment. On a toujours trouvé Acta Infernalis passionnant, alors l’échange est un plaisir. Pour nous, nos envies en terme de couleur de son, d’influences et de compositions pures sont mieux digérées dans une sincérité plus brute, et l’émotion s’y taille une place plus grande. Nos vies et nos désirs ont évolué, tout comme notre musique. Ensemble, on a pris le temps de peaufiner nos arrangements en préproduction, cherchant ce point d’équilibre où nos sensibilités résonnaient. C’est un vrai travail de groupe, où chacun apporte sa vision et ses envies. On gère presque tout en autonomie : les dates, l’administratif, les dossiers de subventions… c’est un esprit DIY, mais un DIY profondément collectif.
Votre nouvel album A Defiant Cure sort dans quelques semaines, comment vous sentez-vous ?
Alta Rossa : L’impatience monte, surtout à l’idée de défendre cet album sur scène. On est vraiment fiers de ce disque, il sonne exactement comme on l’avait imaginé. Source Atone Records a même permis une sortie en vinyle, avec deux superbes éditions qui nous tenaient à cœur. Voir cet album prendre vie physiquement c’est quelque chose de cool à vivre.
Comment résumeriez-vous A Defiant Cure en trois mots ?
Alta Rossa : Trois mots ? Difficile, mais certainement : rage, mélancolie et espoir. Des passages plus tempérés, presque doom, se mêlent à des ambiances atmosphériques, comme dans Fields of Solar Flames ou Stratification. La colère n’est jamais loin, elle reste notre essence, mais on a voulu aller plus loin, faire vibrer des mélodies qui nous touchent. C’est cette sincérité qui guide, qui rejoint les thèmes des textes, parfois écrits avant même une seule note de musique.
L’album A Defiant Cure sort deux ans après Void Of An Era, pourquoi avoir choisi ce nom pour l’album et que signifie-t-il ? Que s’est-il passé au sein du groupe en deux ans ?
Alta Rossa : Void Of An Era a été composé avant le confinement, à une époque morose, mais nous sommes dans « le monde d’après ». Il y a toujours cette étincelle, cette force qui nous empêche de sombrer ou de devenir complices de ce qu’on déteste. Malgré un contexte sombre, le fatalisme n’est pas notre voie. A Defiant Cure incarne cette résistance, cette volonté de trouver un remède dans le collectif, dans un espoir qui se matérialise par la force quand il le faut.
On remarque une noirceur et une oppression plus intense que sur l’album précédent, vos influences ont-elles évolué ?
Alta Rossa : Plus qu’une évolution des influences, c’est notre façon de travailler qui a changé. On s’est enfermés en résidence, explorant chaque arrangement, chaque nuance. En studio, on a eu la liberté d’expérimenter, que ce soit sur le choix des cymbales, des amplis, des haut-parleurs, etc.. Ce processus intense a donné une teinte sombre et assumée à l’album, et peut-être plus digérée que sur le premier. Des morceaux comme The Emperors ou Delusion viennent de cette époque mais ont trouvé leur pleine place ici…C’est un travail assez titanesque que l’on n’aurait jamais pu faire sans Thomas Fournier qui s’est occupé de l’enregistrement, du mixage et du mastering. Finalement ta question, on la prend comme un compliment !
Le titre The Art Of Tyrant #SlashTheMinotaur est le plus long de l’album, mais il marque également son point central, entouré par deux interludes plus courtes. Comment avez-vous composé ce morceau, et comment l’avez-vous agencé dans l’album ?
Alta Rossa : Ce texte est né d’une plongée dans l’art, inspirée par un podcast sur Picasso, où la tyrannie qu’exerçait ce peintre nous a profondément touché. Les mots sont venus presque d’eux-mêmes, puis la musique, en répétition, s’est imposée comme une évidence pour accompagner ce texte chargé de tristesse, de rage et d’engagement. Nous tenions aussi à inclure une voix féminine. Le choix de notre amie, Lauve, avec qui Jordan travaillait pour son premier EP, s’est imposée naturellement malgré son éloignement de la scène Metal, et tant mieux même. La mise en avant des artistes féminines est une cause qui nous est chère, même si nous sommes cinq hommes, nous sommes très solidaires et enthousiastes à soutenir des initiatives comme More Women On Stage & Backstage, par exemple. Au final, The Art Of Tyrant s’est détaché comme le morceau central de l’album, intense mais jamais déconnecté du reste.
Quelles ont été les directives pour l’artwork ? Comment s’est passée la collaboration avec Simon Chognot (Blaeks) ?
Alta Rossa : C’est un très bon lien avec la question précédente puisqu’à l’origine, le morceau devait s’appeler Minotaur, mais un groupe français avait un titre similaire et une pochette assez proche. Nous avons changé le titre pour éviter la redondance, mais l’idée restait la même. Nous avons envoyé quelques éléments de musique et de textes et Simon a eu carte blanche, et connaissant son talent, nous savions que le résultat serait fidèle à notre vision.
Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Alta Rossa : Je pense que chaque membre a sa préférence, mais nous nous retrouvons globalement sur deux titres choisis comme singles et clips : The Art Of Tyrant pour sa mélancolie et From This Day On pour sa hargne. Ces morceaux réunissent toutes nos influences, du Doom au Black en passant par le Hardcore et le Sludge.
A Defiant Cure sort sur le label Source Atone Records, comment se passe la collaboration ? Pourquoi avez-vous choisi de leur renouveler votre confiance pour ce nouveau projet ?
Alta Rossa : Nous sommes vraiment heureux qu’ils aient accepté de sortir ce deuxième album. Dès que nous avons eu les premiers prémixes, nous leur avons envoyés sans attendre, et il semble qu’ils aient accroché tout de suite. Après une ou deux réunions pour discuter du planning et des couleurs de vinyles, tout était lancé ! La première collaboration s’était déroulée à merveille, tout avait été fluide et rapide. En plus, s’associer à un roster de groupes aussi solides, comme Junon, Membrane, Sunstare, c’était une véritable chance. Ils ont également été rejoints par Yann, de Parlor et feu Saar, et ont même organisé leur premier festival début 2024. C’était un bel événement, et on espère que l’initiative ne fera que grandir ! Comme pour l’album, voir les choses évoluer ensemble, c’est tout ce qu’on recherche.
Je n’ai malheureusement pas encore eu la chance de vous voir à l’œuvre, comment pourriez-vous décrire un live d’Alta Rossa en quelques mots ? Comment le vivez-vous en tant que groupe ?
Alta Rossa : Premièrement, tu demandes, on t’invite avec plaisir ! Côté live, on mise vraiment sur une intensité et une énergie qui frappent fort. On embarque notre lighteux avec nous dans cette démarche, car au-delà du son, on veut créer un impact visuel tout aussi puissant. Sur scène, c’est plus qu’un concert, c’est un véritable exutoire pour nous. Tu vois la crème pour les douleurs musculaires ? Elle n’est pas là pour décorer la valise, crois-moi ! Pour les prochaines dates, on expérimente différentes configurations. Sur des sets courts, on lâche tout dans la violence brute, tandis que pour les formats plus longs, on s’accorde un ou deux moments de répit – mais juste pour prendre de l’élan. On réfléchit aussi à avoir quelque chose de visuellement marquant, on essaie de réfléchir et de travailler à quelques éléments “scénographiques” pour la suite. Pas question de quitter la scène avec un t-shirt sec. Pour nous, il est essentiel de transmettre quelque chose de physique, de viscéral, et de le vivre intensément. Pas de compromis, jamais.
Quels sont les prochains projets pour Alta Rossa ?
Alta Rossa : On prépare actuellement la sortie d’un nouveau clip/single qui arrivera peut-être en même temps que la publication de cette interview, juste avant la sortie officielle de l’album prévue pour le 22 novembre. Côté concerts, on sera à Lyon le 22 novembre au Rock N Eat pour célébrer la sortie de l’album dans le cadre du Warm Up du Deathawaits Fest. Ensuite, on fête ça chez nous, à Besançon, à La Rodia le 23 janvier, où on vous réserve quelques surprises… il faudra venir pour voir ça ! En parallèle, on commence à booker les dates pour 2025 et attendons quelques retours pour des projets encore un peu “secrets”. Rien de confirmé pour l’instant. La priorité pour l’instant est de jouer un maximum pour la promotion de A Defiant Cure.
Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels vous souhaiteriez collaborer dans le futur ?
Alta Rossa : Pour l’instant, rien de concret en vue, mais nous réfléchissons sérieusement à faire venir Lauve sur scène pour The Art Of Tyrant. Ce serait un réel plaisir et honneur qu’elle ait sa place sur scène avec nous.
Pensez-vous vous être améliorés en tant que musiciens avec cet album ?
Alta Rossa : En tant que musiciens au sein d’un groupe, on a clairement évolué. La synergie entre nous et notre manière de travailler ont été très enrichissantes. Une répartition naturelle des rôles s’est mise en place. Car dans un groupe comme le nôtre, la musique ne fait pas tout ; il y a tout l’aspect logistique à gérer. Et à travers tout ça, on a vraiment grandi.
La dernière fois, vous aviez comparé la musique d’Alta Rossa à un couscous vegan, est-ce que vous maintenez cette comparaison pour le nouvel album ?
Alta Rossa : Mais pourquoi tu retiens ça ? Haha. Bien sûr, la comparaison tient toujours, sauf que notre table s’est agrandie, avec des chaises pour quiconque souhaite s’y asseoir, et peut-être aussi une dose d’harissa bien plus généreuse. Le plat restera toujours chaud, car on a envie de partager, de raconter des histoires et d’en entendre de nouvelles. Des récits authentiques, des utopies, des théories, des déceptions… On ne ressent aucun désir de nostalgie. On ne veut pas un monde qui pense que c’était mieux avant !
C’était ma dernière question, je vous remercie pour votre disponibilité, et je vous laisse les mots de la fin !
Alta Rossa : Merci à toi, c’est toujours un plaisir d’échanger. On espère te voir en concert et te revoir par la suite ! Encore une fois, on est hyper heureux et fier de sortir cet album chez Source Atone Records. N’hésitez pas à le précommander sur le site du label, à venir en concert, acheter du merch ou juste discuter. Notre musique est dispo aussi dans les réseaux de distribution Season Of Mist. N’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux, les plateformes de streaming, etc…et à harceler vos programmateurs locaux pour nous faire jouer ! Merci.