Review 2613 : Grima – Nightside

Grima vit toujours dans les ténèbres.

Avec ce sixième album intitulé Nightside, les jumeaux arborant un masque de chouette en bois Vilhelm (chant/guitare) et Morbius (guitare) – tous deux membres d’Ultar et Second To Sun – accompagnés par Serpentum (basse), Vlad (batterie, Ultar, Morokh), Valentina Astashova (claviers, Eoront) et Sergey Pastukh (bayan), marquent le début de leur collaboration avec Napalm Records.

Le duo est rejoint sur scène par Vlad Yungman (batterie, Ultar, Morokh) et Denis Susarev (guitare, Ultar).

L’album s’ouvre en douceur sur Intro (Cult), où la guitare aérienne accueille le bayan, d’abord très lentement puis assez frénétiquement avant que Beyond the Dark Horizon ne nous enveloppe dans ses ténèbres oppressantes. La froideur des riffs fait immédiatement effet, tout comme l’impressionnante diversité vocale de Vilhelm qui propose des cris perçants et des grognements caverneux effrayants, mais les leads ne sont pas en reste et ils nous hypnotisent sans mal en nous menant à Flight of the Silver Storm qui célèbre le retour des ambiances folkloriques. Le son devient majestueux et on se retrouve à nouveau captivé par les harmoniques planantes, la batterie omniprésente et seulement ramené à la réalité par le final qui mène à Skull Gatherers où une brume sonore apaisante apparaît, mais les interventions vocales guident nos pas dans cette forêt ténébreuse, nous imposant leur rythme parfois beaucoup plus soutenu. L’accordéon apporte ces tonalités presque festives à une rythmique virulente, mais l’agressivité transparaît sur Impending Death Premonition, la composition suivante qui révèle les différentes facettes de la palette du groupe, et qui contient même quelques instants de chant clair mystique par Savely Nevzorov et Ilya Panyukov. Comme son nom l’indique, The Nightside nous capture à nouveau dans les ténèbres, d’abord grâce à une berceuse apaisante puis par ses riffs saisissants, mais le titre n’est pas un long fleuve tranquille et des vagues de violence viennent le secouer jusqu’à ce que Where We Are Lost ne nous accorde un petit moment de répit. L’introduction reste assez mystérieuse, la rythmique prendra rapidement sa forme la plus imposante et malgré quelques passages légèrement plus accessibles on se retrouve violentés par le tumulte environnant que même le break nous permet d’anticiper et qui nous balaye jusqu’à la douceur de Curse of the Void. A l’image du précédent, le morceau nous laisse reprendre notre souffle puis nous cloue à nouveau au sol en intégrant tour à tour riffs saccadés, tonalités Folk et choeurs clairs avant le son plus dissonant et ambiant de Mist and Fog. Le morceau porte d’ailleurs merveilleusement bien son nom, car on se croirait dans une forêt hantée à la tombée de la nuit, guidés par une lumière mourante au fond de ce tunnel boisé, où l’on se trouve tout de même parfois obligés de courir pour notre vie avant d’atteindre Outro (Memories of a Forgotten Home), le dernier échappatoire qui nous confirme que nous sommes arrivés au bout du chemin, et que la quiétude règne à nouveau.

La folle danse de Grima a pris une autre tournure avec Nightside, intégrant toujours plus de diversité et de rythme à un Black Metal Atmosphérique glacial. Peu importe si vous cherchez à être hypnotisés où à rencontrer la noirceur pure, le groupe saura vous convaincre.

95/100

English version?

Quelques questions à Morbius, guitariste et bassiste du groupe sibérien de Black Metal atmosphérique Grima.

Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Grima sans utiliser les mots “Black Metal” ?
Morbius (guitare/basse) : Grima est une musique sombre et magnifique qui transporte l’auditeur au cœur de la forêt sibérienne.

Le nom du groupe est-il lié à Grima Langue de Serpent, le personnage du Seigneur des Anneaux, ou seulement au mot islandais qui signifie “masque” ? Comment l’associez-vous à la musique que vous jouez et à l’identité visuelle du groupe ?
Morbius : Le nom a été créé comme un nom propre. Grima est le nom d’un personnage que nous avons inventé, un esprit gardien de la forêt sibérienne et de ses créatures. Il sonne sombre et fort, ce qui correspond à l’ambiance de notre musique. Nous sommes de grands fans du groupe Summoning, qui s’inspire fortement de l’univers du Seigneur des Anneaux. Mais notre Grima n’a rien à voir avec ce monde.

Le groupe est sur le point de sortir son sixième album, Nightside. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà des retours ?
Morbius : Notre nouvel album est sorti le 28 février !

Comment résumerais-tu l’identité de Nightside en trois mots ?
Morbius : Nightside est nocturne, lourd et mélodique.

Comment s’est déroulé le processus de création de Nightside ? Y a-t-il eu des différences par rapport aux premiers albums du groupe ?
Morbius : Nous avons beaucoup travaillé sur l’écriture des chansons de cet album. Nous avons un processus bien établi depuis des années : nous commençons par composer et enregistrer des démos détaillées pour explorer le bon son en studio. Certaines chansons ont été écrites la nuit, et l’album est imprégné de l’atmosphère d’une forêt sombre. Nightside mélange des éléments de nos deux derniers albums, tout en apportant de nouvelles idées de composition. Nous avons travaillé sur le son avec notre ingénieur du son de longue date, Vladimir Lehtinen, qui nous comprend parfaitement et nous aide à obtenir le meilleur résultat. Nous enregistrons dans un studio entièrement analogique et utilisons un large éventail d’équipements. Notre son est 100 % organique – nous le construisons nous-mêmes à partir de zéro, sans utiliser les préréglages numériques à la mode qui sont si courants dans la production moderne.

Le son du groupe est bien sûr ancré dans le Black Metal Atmosphérique et les influences sibériennes, mais comment créez-vous votre propre touche ? Quels sont les groupes que tu pourrais citer comme source d’inspiration ?
Morbius : Nous nous inspirons de la nature magnifique et unique qui entoure notre ville natale de Krasnoïarsk. Enfants, mon frère et moi avons découvert la musique lourde et avons commencé à collectionner les CD. Nous avons commencé par le Nu Metal. Korn a toujours été notre groupe préféré. Leur approche de la création d’un son unique avec des couches d’effets de guitare nous a beaucoup influencés. Plus tard, nous avons plongé dans des genres de métal plus extrêmes. Le Black Metal a toujours occupé la première place dans notre collection. Des groupes comme Immortal, Cradle of Filth, Summoning, Wolves in the Throne Room, Deafheaven et Paradise Lost ont façonné notre identité musicale. Nous sommes également très influencés par les bandes originales de films d’horreur des années 80 et 90. L’un de nos compositeurs préférés est Fabio Frizzi, qui a composé la musique de nombreux films de Lucio Fulci.

Avez-vous une chanson préférée sur cet album ? Ou peut-être la plus difficile à réaliser pour l’album.
Morbius : J’ai tendance à considérer nos albums comme un tout, il est donc difficile de choisir un morceau en particulier. Mais je peux dire que la première partie de l’album présente de nouveaux choix stylistiques que nous n’avions pas explorés auparavant. Au milieu de l’album, vous entendrez des références claires à notre son classique.

J’ai remarqué un plus grand contraste entre les parties calmes et les parties violentes, comme sur la chanson Where We Are Lost, est-ce volontaire ?
Morbius : Oui, le contraste entre les parties calmes et explosives est intentionnel. Comme le calme avant la tempête, les passages acoustiques cèdent soudainement la place à des blast beats implacables et à des riffs de guitare écrasants. Ces changements dynamiques ont pour but d’intensifier l’impact émotionnel sur l’auditeur.

Où trouvez-vous l’inspiration pour créer de la musique ? Y a-t-il un concept sur Nightside ?
Morbius : Nous sommes entourés d’une nature à couper le souffle. Krasnoïarsk est entourée de forêts sibériennes denses et de montagnes rouges aux falaises abruptes. La neige recouvre le sol pendant cinq à six mois chaque année, et l’hiver semble interminable. En hiver, nous puisons notre inspiration dans le froid et l’obscurité de la nature. Chaque été, nous faisons des randonnées dans les montagnes et descendons en rafting la rivière Mana, qui se faufile entre les falaises et se jette dans le puissant Yenisei. Le nouvel album raconte l’histoire du côté nocturne de la forêt, de ses secrets et de ses dangers qui ne peuvent être compris qu’après la tombée de la nuit. C’est l’histoire d’âmes perdues qui errent sur des chemins enchevêtrés. C’est l’histoire des collectionneurs de crânes, serviteurs dévoués de Grima, qui recueillent les trophées des morts pour les ajouter à leurs sinistres collections. C’est l’histoire de la dernière demeure de ceux qui trouvent la paix dans la taïga, d’un royaume d’ombres nocturnes, de nature brutale et de mysticisme.

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien et compositeur avec ce nouvel album ?
Morbius : La croissance est inévitable lorsque vous écrivez et enregistrez constamment de nouvelles chansons. Avec cet album, nous avons réussi à créer des chansons plus courtes, ce qui nous a permis d’inclure plus de morceaux dans l’ensemble. Peut-être qu’en raison de leur brièveté, certains d’entre eux se sont avérés plus accrocheurs. Nous avons également expérimenté davantage d’éléments d’autres sous-genres du metal – vous entendrez des touches de Doom et de Death Metal. Vilhelm aime essayer différentes techniques vocales, en utilisant sa large palette vocale. Je pense que nous avons mûri en tant que musiciens.

Vous avez travaillé en collaboration avec le peintre Paolo Girardi, quelles étaient les directives que vous lui avez données pour l’artwork ?
Morbius : La pochette a été peinte par le talentueux artiste italien Paolo Girardi, connu pour ses œuvres massives pour de nombreux groupes de métal extrême. L’image représente l’entrée d’une forêt sibérienne la nuit. Nous avons partagé notre concept avec Paolo et lui avons envoyé l’album pour qu’il puisse saisir pleinement l’atmosphère et refléter sa vision de notre musique dans la peinture.

Nightside est aussi le premier album sur le nouveau label Napalm Records, comment se passe la collaboration ? Comment êtes-vous entrés en contact ?
Morbius : Au début de l’année 2024, Napalm Records nous a contactés et nous a proposé de sortir notre nouvel album sur leur label. Je pense que cela s’est produit grâce à notre travail constant – tous les deux ans, nous avons sorti un nouvel album et tourné. Ces dernières années, nous avons donné près d’une centaine de concerts à travers l’Europe. Le groupe est devenu plus visible pour les labels, les promoteurs et les festivals. Nous avons toujours voulu signer avec un grand label. Il est important pour nous d’avoir un réseau de distribution solide pour nos albums et nos produits dérivés, ce qui est désormais possible grâce au soutien du label. Napalm nous a fourni une excellente équipe chargée de la promotion et des relations avec les médias. Nous avons maintenant une attachée de presse et un directeur de production.

Le groupe a déjà donné beaucoup de concerts sur tout le continent européen, mais je me souviens de quelques concerts que vous avez faits à Paris, notamment sur la Péniche Antipode en 2022 puis au Glazart en 2024. Avez-vous des souvenirs à partager sur ces concerts ? Ou même simplement de jouer en France.
Morbius : Oh oui ! Nous avons joué notre premier concert à Paris sur le bateau Péniche Antipode en 2022. En 2023, nous nous sommes à nouveau produits là-bas, et en raison de la forte demande, nous avons dû jouer deux nuits d’affilée. C’était des concerts endiablés ! La salle était pleine à chaque fois, et il faisait très chaud – c’était assez intense pour notre santé, mais nous avons tenu le coup. La dernière fois, nous avons joué dans un vrai club. C’était le dernier concert de notre dernière tournée. Nous aimons vraiment jouer en France.

D’une manière générale, comment vous préparez-vous à jouer sur scène ? Quel est votre meilleur et votre pire souvenir de la scène ?
Morbius : Nous n’avons pas de rituels particuliers avant le concert. Nous nous occupons généralement de l’installation de la scène nous-mêmes et nous faisons un soundcheck. Avant de monter sur scène, nous nous maquillons et nous nous costumons, et c’est là que le rituel commence.

Je ne veux pas demander d’opinion politique avec cette question, mais en tant que groupe russe, vous avez souvent des problèmes pour faire approuver vos visas. Comment la guerre affecte-t-elle la situation pour vous en tant que groupe en tournée, et en tant que musiciens dans votre pays ?
Morbius : L’obtention de visas de longue durée a toujours été un défi pour les artistes étrangers. Aujourd’hui, les délais d’attente ont augmenté et tous les pays ne les délivrent pas. Il y a aussi des difficultés logistiques lorsque l’on voyage depuis la Russie.

Quelle est la prochaine étape pour Grima ? J’ai vu que le groupe allait bientôt partir pour une tournée européenne, puis quelques festivals (dont le Hellfest), comment vous préparez-vous pour cela ?
Morbius : Lors de cette tournée européenne, nous jouerons notre nouvel album Nightside en live pour la première fois ! En ce moment, nous répétons intensivement et nous aimons vraiment la façon dont les chansons sonnent sur scène. L’année dernière, nous avons fait beaucoup de concerts et nous avons expérimenté de nouveaux éléments dans notre performance. Aujourd’hui, nous avons modernisé notre sonorisation et notre scénographie. Nous aimons adopter une approche artistique pour nos spectacles – la lumière, le son, les costumes et les effets spéciaux jouent tous un rôle important.

Y a-t-il des musiciens ou des artistes avec lesquels vous aimeriez collaborer ? Que ce soit pour une chanson, ou peut-être plus.
Morbius : Il y a beaucoup d’artistes avec lesquels nous aimerions collaborer. Les premiers noms qui nous viennent à l’esprit sont Dani Filth, Abbath, Andy LaRocque et Mortiis.

Que sais-tu de la scène Metal Française ? Y a-t-il des groupes que tu connais et que tu apprécies ? Quels sont tes groupes préférés parmi tous ceux avec lesquels tu as tourné ?
Morbius : La scène Metal Française est vraiment unique. Quelques noms marquants pour nous sont Alcest, Amesoeurs, Griffon, et bien sûr Gojira. Au fil des années, nous avons partagé la scène avec de nombreux groupes, mais notre expérience préférée a été de tourner avec Kanonenfieber. Nous avons une très bonne relation avec eux – nous nous aidons mutuellement pour l’installation de la scène et nous passons toujours un bon moment ensemble.

Si vous deviez organiser un concert pour la sortie de Nightside, avec quels groupes aimeriez-vous jouer ? Je vous laisse créer une affiche avec Grima et trois autres groupes ! Même les réponses irréalistes sont acceptées.
Morbius : Grima, Mayhem, Immortal, Cradle of Filth.

Dernière question amusante : à quel plat comparerais-tu la musique de Grima ?
Morbius : La soupe aux pois.

C’était la dernière question pour moi, alors merci à nouveau de m’avoir accordé de ton temps et pour ta musique, je te laisse les mots de la fin !
Morbius : Écoutez la musique que vous aimez et soutenez les artistes qui la créent !

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