
Bank Myna célèbre son deuxième album.
Débutée en 2013, l’aventure continue pour Maud Harribey (chant/violon/claviers), Fabien Delmas (guitare/lap steel), Daniel Machón (basse/noise box/samples) et Constantin du Closel (batterie/percussions) qui annoncent la sortie d’Eimuria en collaboration avec Medication Time Records, Stellar Frequencies, Araki Records et Modulor.
L’album s’ouvre avec la pesante No Ocean Of Thoughts qui est de loin la composition la plus courte, et qui laisse la voix de Maud rencontrer une instrumentale mystérieuse faite de claviers et quelques notes saturées en arrière-plan. Plus le son avance, plus il devient étrange, mais il n’en est rien comparé à The Shadowed Body qui démarre très progressivement, offrant toujours plus d’oppression dans sa rythmique bruitiste jusqu’à ce qu’elle devienne presque insoutenable avant d’exploser d’un coup, permettant à la saturation de s’exprimer pleinement pendant un moment. Le retour au calme se fait naturellement, mais on sent que la noirceur n’est pas complètement partie et le groupe la laisse regagner doucement du terrain, offrant même un moment d’une extrême lenteur presque apaisant avant un moment de terreur suivi par The Other Faceless Me qui renoue avec une véritable quiétude. Quelques sons entêtants apparaissent lentement pour accompagner la chanteuse, se faisant de plus en plus insistants et contribuant à cette atmosphère presque mystique qui se tisse continuellement et de manière assez régulière avant de se couper net pour faire place à Burn All The Edges où le son est d’abord brumeux, puis finalement lourd. La vocaliste laisse parfois l’instrumentale avancer seule, mais cette dernière va finalement changer pour devenir plus intrigante, marquant le retour du chant puis enfin de la saturation abrasive, mais d’une manière plus hypnotique qu’agressive et qui s’intensifie jusqu’à ses derniers instants pour rejoindre L’Implorante, dernière composition qui débute de manière assez minimaliste. La chanteuse, la guitare et ses effets dansent seuls, puis accueillent des claviers, un violon ou quelques bruits qui participent à la création de cette toile pour finalement adopter d’autres motifs, plus ou moins étouffants qui peuvent même prendre la forme de riffs aériens ou de cet imposant brouillard sonore avant de laisser Maud nous guider vers la fin de l’album.
Bank Myna est un projet unique avec une signature sonore aux multiples facettes, faisant d’Eimuria un album aux différents atouts pour séduire. Lenteur et oppression sont au programme, mais ils sont loin d’être seuls grâce aux différentes influences des musiciens.
80/100
Crédits photo : Pierre Sopor Montali
Quelques questions à Maud Harribey, chanteuse/claviériste/violoniste du groupe Bank Myna, à propos de la sortie de leur nouvel album Eimuria.
Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de votre temps ! Sans utiliser une quelconque étiquette de style, telles que “Post-Rock”, “Shoegaze” ou leurs dérivés, comment pourriez-vous décrire le groupe Bank Myna ?
Maud : Bonjour Matthieu, merci de nous interviewer ! Notre musique joue particulièrement sur les contrastes, les variations d’intensité, les textures, le tout dans une atmosphère sombre et cathartique. On n’a pas peur d’étirer le temps à l’envi si cela sert le propos musical. On aime les ambiances éthérées et aériennes, tout autant que les moments lourds et incisifs. Je me rappelle d’une des toutes premières chroniques sur notre musique qui titrait “éloge de la lenteur”, en 2015, déjà. Cela me semble particulièrement bien nous représenter.
D’où vient le nom Bank Myna et comment le relies-tu personnellement à la musique du groupe ?
Maud : Lors de notre création, en 2013 (soit, une éternité), nous étions quatre personnes complètement déracinées. On venait de débarquer à Paris (pour la plupart), loin de nos proches. Nous est alors venue l’idée de piocher notre nom dans une liste d’oiseaux migrateurs. Bien entendu, l’oiseau venait souligner le côté aérien que nous souhaitions donner à notre musique. Bank Myna nous a tout de suite sauté aux yeux et plu, tant visuellement que phonétiquement.
Votre deuxième album, Eimuria, vient de sortir, comment vous sentez-vous au sein du groupe ? Comment sont les retours à son sujet ?
Maud : Assez épuisés pour être honnête. Cet album a été un vrai parcours du combattant (même si je ne suis pas fan des métaphores guerrières). Il a fallu beaucoup de persévérance, de pragmatisme et de résilience pour qu’il puisse voir le jour. Mais, on est aussi super heureux et super fiers de sa singularité. On a eu la chance de pouvoir le défendre, dès sa sortie sur trois super scènes en Allemagne, (après un concert test dans les superbes allées des Beaux Arts de Paris), notamment au Culthe Festival à Münster, probablement le meilleur festival de Black Metal (et genres affiliées) à taille humaine de toute l’Europe.
Comment résumerais-tu Eimuria en trois mots ?
Maud : sacré challenge tant je le trouve multiple ! Peut-être : cathartique, intense, enveloppant ?
Comment s’est passé le processus de composition de l’album Eimuria ? Avez-vous remarqué des changements par rapport à vos précédentes productions ?
Maud : Premier changement, et non des moindres, nous avons pleinement intégré Constantin du Closel, notre nouveau-plus-si-nouveau batteur, à nos compositions. Il est d’ailleurs allé bien au-delà des aspects rythmiques car il a une vraie vision musicale. Je crois aussi qu’on avait vraiment envie de faire quelque chose de plus lourd que nos disques précédents, quelque chose de plus puissant et d’encore plus sombre. On s’est donc assez naturellement orienté vers des sonorités plus Post-Metal qu’auparavant.
Le son du groupe est un mélange entre Post-Rock, Shoegaze et influences aériennes, comment arrivez-vous à créer votre propre touche ?
Maud : Personnellement, je ressens pas vraiment d’influence Shoegaze dans ce que nous avons écrit et composé. Je parlerais plus d’ambiances texturées, façon musique Drone. Je ne sais pas réellement comment nous créons notre propre univers si ce n’est que nous composons à 4 et chacun apporte sa propre vision musicale et ses propres envies. C’est sans doute cela qui singularise notre son. Nous ne cherchons pas à sonner d’une certaine manière. Nous jammons, nous confrontons nos visions musicales et c’est là que la magie opère !
Quels groupes pourriez-vous citer comme vos influences ? Comment parvenez-vous à relier toutes les envies de chaque membre pour créer quelque chose de cohérent ?
Maud : C’est une excellente question parce qu’en effet, nous n’avons pas les mêmes influences et pourtant, nous arrivons toujours à trouver un équilibre, un terrain d’entente. Si je devais donner les quatre points cardinaux de notre musique, je dirais : Anna von Hausswolff / ISIS / Godspeed You! Black Emperor / Messa
Comment avez-vous décidé des thématiques abordées dans les morceaux ? Comment avez-vous choisi les titres à dévoiler pour présenter l’album ?
Maud : Il n’y a pas vraiment eu de décisions à proprement parler. Cela s’est fait très naturellement et on a “construit” ces thématiques au fur et à mesure du processus de composition. J’ai proposé des paroles et Constantin, Dani et Fab ont partagé leur ressenti un à un et c’est comme cela qu’on a affiné les thématiques (et que j’ai réellement pris conscience de celles-ci !).
Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Maud : Mon morceau préféré, c’est sans doute L’Implorante, et pourtant, c’est celui qui nous a donné le plus de fil à retordre et que nous avons finalisé seulement quelques jours avant d’aller en studio… composé dans l’urgence, il a cette fluidité et cette spontanéité qui me touche un peu plus que les autres.
Eimuria sort en collaboration avec les labels Medication Time Records, Stellar Frequencies, Araki Records et Modulor, comment s’est passé le travail avec ces quatre entités ? Qu’en est-il de votre partenariat avec Clément de Vous Connaissez ? PR pour les relations presse ?
Maud : On a de la chance car on est entouré de personnes passionnées et qui aiment ce qu’elles font. Ils se sont tous vraiment positionnés dans un rôle d’accompagnant et nous ont vraiment laissé carte blanche pour le processus créatif dans son ensemble (y compris la manière dont nous souhaitions présenter l’album et le groupe). C’était hyper précieux et important pour nous de conserver cette liberté là. Et puis bien entendu, ils ont été très impliqués et engagés pour la diffusion de cet album. On les en remercie, très sincèrement !
Vous allez jouer avec Point Mort et WuW au Glazart le 22 mai, comment vous préparez-vous pour cette release party ? Avez-vous un rituel, ou des petites habitudes avant de monter sur scène ?
Maud : On a adoré cette soirée. C’était un sacré pari pour nous car nous avons co-assumé l’organisation de la date, dont les risques financiers associés. On a été très heureux de voir autant de têtes connues et de nouveaux visages. On s’est vraiment éclaté sur scène et c’était dingue d’avoir ce coplateau. On adore WuW depuis des années et on a suivi l’évolution de Point Mort qu’on trouve assez incroyable (j’avais beaucoup écouté leur EP R(h)ope !). On a tous les trois des styles très singuliers et assez différents mais c’était parfaitement cohérent d’être réunis ce soir là ! Et je me rends compte que je ne t’ai pas totalement répondu. On a pas vraiment de rituel mais tu me donnes des idées pour la suite !
Quels sont les prochains projets pour Bank Myna ?
Maud : Il est encore tôt pour se prononcer dessus ! Dans l‘immédiat, on compte surtout défendre notre album en live, avec le plus de concerts possibles… Et malheureusement, ce n’est pas une mince affaire. La culture a vraiment pris un coup en France ces deux dernières années. On le ressent dans nos prises de contact. Beaucoup de lieux ont fermé, beaucoup d’orgas ont jeté l’éponge et les restants croulent sous les demandes, encore plus qu’avant. Difficile de tirer son épingle du jeu dans ces conditions !
Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels vous souhaiteriez collaborer dans le futur ?
Maud : C’est tellement difficile de répondre à cette question ! Je ne suis pas sûre qu’on soit un groupe à collaborations mais j’adorerais composer avec A Swarm of the Sun ou Year of no Light (deux groupes que j’affectionne particulièrement et que je viens de revoir au Dunk! Festival).
Pensez-vous vous être améliorés en tant que musicien avec cet album ?
Maud : Oui, définitivement. Pour ma part, j’ai vraiment poussé mes capacités vocales notamment. Pas nécessairement techniquement mais j’ai beaucoup travaillé sur les nuances et les couleurs que je souhaitais donner à chaque passage. C’est la première fois que je me sens satisfaite de ce que j’ai pu accomplir musicalement et je l’écris vraiment sans prétention aucune parce que je suis extrêmement exigeante envers moi-même. Cette fois-ci, je suis tout simplement fière !
Avec quels groupes rêves-tu de jouer ? Je te laisse imaginer ta date de rêve avec Bank Myna en ouverture, et trois autres groupes.
Maud : Anna von Hausswolff car elle a eu une énorme influence sur ma pratique musicale. Year of no light car en plus d’être incroyablement bons, ils sont aussi très sympas et sincères dans ce qu’ils délivrent. Et ensuite, Big/Brave, avec qui nous avons déjà partagé la scène mais qui ont eu une évolution musicale absolument remarquable. Leur dernier album expérimental est une pépite ! Je pense également à Oiseaux-Tempête dont nous adorons le côté très “live” et “impro”, ISIS (dans nos rêves les plus fous, on pourrait imaginer qu’ils se reforment ?!)…
Dernière question : à quel plat pourrais-tu comparer la musique de Bank Myna ?
Maud : Je dirais des lasagnes un peu twistées : quelque chose de doux et de réconfortant en bouche, avec son lot de couches et d’imprévisibilité gustative, de texture et de lourdeur en quantité juste suffisante.
C’était donc ma dernière question, je te remercie pour ta disponibilité, et je te laisse les mots de la fin !
Maud : Merci encore pour ton temps et longue vie à Acta Infernalis !