
KHNVM récidive encore.
Deux ans ont passé depuis son dernier album, mais le maître à penser Obliterator (guitare/basse/chant, Nekrohowl, ex-Homicide), accompagné par M. à la batterie (ainsi que Chasmist (basse) et J. (batterie) en live) est déjà prêt à dévoiler son quatrième album, Cosmocrator.
Le vent glacial de Purgatorial Pyre nous accueille et nous guide jusqu’à quelques notes mélancoliques qui se développent et esquissent une rythmique à l’aide de quelques percussions avant de s’embraser d’un seul coup. Les parties vocales se joignent au mélange épais et dissonant qui progresse à une allure constante jusqu’au solo final, puis Fetid Eden prend sa place et se montre rapidement beaucoup plus agressive, alternant les harmoniques mélodieuses avec des éruptions de violence saccadées. Le morceau est bien plus vif que le précédent, empruntant même au Black Metal certaines touches virulentes mais c’est bel et bien avec sa lenteur que le groupe renoue et nous captive en tissant ses leads avant d’accélérer à nouveau pour rejoindre l’intrigante Mercurial Remnants qui place ses riffs tranchants et parfois même un peu complexes qui s’entremêlent de manière assez chaotique. Le morceau est toutefois assez court, et il finira par laisser Fathomless Enigma nous offrir un instant de répit avec des touches mystiques et aériennes avant que l’éponyme Cosmocrator ne vienne à son tour nous piétiner en révélant des leads perçants. Le morceau reste assez sauvage, bénéficiant également de quelques choeurs et d’harmoniques très présentes, surtout sur ses derniers instants avant de laisser place à nouveau à la mélancolie de Venom Spawn et ses influences presque orientales qui nous hypnotisent dans un premier temps. Mais après un long moment, la violence brute refait surface à toute allure pour nous molester avant de revenir à cette lenteur étouffante puis de laisser à Haunting Blight la primeur de refermer l’album d’abord avec une touche Prog saccadée, puis avec sa lourdeur habituelle mais surtout sa vélocité qui ne s’effacera que lorsque ses derniers instants ne seront actés.
KHNVM est toujours aussi régulier, que ce soit en terme de quantité ou de qualité. Les albums se suivent mais ne se ressemblent pas, et Cosmocrator nous surprendra non pas par sa puissance brute, mais par ses nouvelles influences, en particulier ces touches lancinantes.
85/100
Quelques questions à Obliterator, fondateur de KHNVM, à propos de la sortie du nouvel album du groupe, Cosmocsrator.
Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder un peu de ton temps ! Comment présenterais-tu le groupe KHNVM sans utiliser les étiquettes musicales telles que “Death Metal” ou l’un de ses sous-genres ?
Obliterator (guitare/basse/chant) : Merci beaucoup de m’avoir invité à cette interview. KHNVM canalise les profondeurs de la tristesse et de la souffrance humaines, transformant l’angoisse en son, où l’émotion brute se heurte à la réalité pour créer une musique qui résonne avec la douleur, la vérité et la catharsis.
Te souviens-tu comment tu as trouvé le nom KHNVM et comment le relies-tu à la musique que tu joues ?
Obliterator : C’était une froide nuit d’hiver dans la bibliothèque universitaire de Magdebourg, une ville tranquille de l’est de l’Allemagne. J’étais épuisé, plongé dans la préparation de mon examen d’apprentissage automatique, et j’avais besoin d’une pause, de quelque chose de complètement différent pour me changer les idées. Fasciné par la mythologie égyptienne, un livre a attiré mon attention : Le Livre des Morts. En le feuilletant, un chapitre intitulé “KHNUM” m’a interpellé. Khnum, le plus ancien dieu de la mythologie égyptienne, créateur du Nil, de l’humanité et gardien des morts. Son nom m’a profondément intrigué. J’ai découvert que “Khnum” est dérivé de Ka (âme) et num (créateur), qui signifient ensemble « créateur d’âmes ». Ce moment m’a profondément marqué. Ce nom a résonné en moi. J’ai immédiatement su que ce serait le nom de mon projet musical. Au fil du temps, il a évolué pour devenir KHNVM, une incarnation sonore de la tristesse, de la souffrance et de la réflexion existentielle, à l’image du poids mythologique porté par son homonyme.
KHNVM s’apprête à sortir son quatrième album, Cosmocsrator. Comment te sens-tu à ce sujet ? As-tu déjà reçu des retours ?
Obliterator : Au moment où j’écris cette interview, mon quatrième album studio est déjà sorti, depuis le 29 août. C’est un sentiment doux-amer. Cet album est resté sur mon bureau pendant plus de huit mois avant que je trouve enfin un label prêt à le soutenir. Malgré l’attente, je suis incroyablement fier de ce que j’ai créé. Je l’ai enregistré pendant l’une des périodes les plus difficiles de ma vie, et à part les enregistrements de batterie, je me suis occupé moi-même de tout ce qui concernait la composition. Il m’a fallu énormément de temps et d’énergie pour en faire quelque chose que je trouvais vraiment abouti. Voir l’album recevoir aujourd’hui les éloges de la presse est profondément gratifiant. La plupart des commentaires ont été positifs et élogieux, ce qui me donne le sentiment que l’album a trouvé sa place et qu’il est, à sa manière, un succès.
Comment résumerais-tu l’identité de Cosmocrator en trois mots seulement ?
Obliterator : Éthéré, intemporel, abyssal.
Comme tu es désormais le seul responsable de KHNVM, comment se déroule le processus de création ? Est-ce devenu plus facile de composer maintenant ?
Obliterator : J’ai toujours été le responsable de ce projet, et c’est peut-être ainsi que cela doit être. Au début, je pensais qu’être dans un groupe signifiait collaborer, partager un espace créatif et écrire de la musique ensemble. Mais la réalité m’a prouvé le contraire. J’ai eu du mal, et j’ai encore du mal, à trouver des personnes dont la vision musicale correspond à la mienne. Mes amis me disaient souvent que j’avais besoin de membres stables et d’une salle de répétition pour monter un vrai groupe. Mais je leur ai prouvé qu’ils avaient tort. Si je ne trouve pas les bonnes personnes avec qui créer de la musique, je le fais moi-même et j’engage des musiciens pour les concerts. C’est exactement ce que je fais actuellement. Le processus créatif se déroule entièrement dans ma tête. Je suis un programme d’entraînement à la guitare très strict, avec du temps dédié à la composition de nouveaux riffs. J’écris sans arrêt. Dès que je termine un album, je me lance dans le suivant. Jusqu’à présent, j’ai sorti deux albums par an. Cependant, avec mon cinquième album, le rythme pourrait ralentir à un album tous les trois ans, car je me concentre davantage sur l’interprétation des chansons en live.
Le son du groupe est ancré dans le Death Metal, avec des influences Black et Doom qui lui permettent de créer sa propre identité. Quels groupes citerais-tu comme tes principales influences ?
Obliterator : Je me considère comme quelqu’un de simple, et mon parcours musical a commencé avec Black Sabbath, en particulier l’ère Dio, qui m’a beaucoup plus marqué que les années Ozzy. Depuis le tout début, j’ai une profonde admiration pour Geezer Butler et Tony Iommi. Pour moi, ce sont des dieux. Dans le domaine du Death Metal, mes influences principales proviennent de la scène floridienne du début des années 90 : Morbid Angel, Deicide, Death. Une grande partie de ma technique de picking a été façonnée par l’étude des œuvres de Dallas Toler-Wade et Karl Sanders de Nile. Je suis également de près le travail de Dave Suzuki pendant son passage chez Vital Remains. Ces artistes ont contribué à définir mon approche de la guitare et de la composition. Ces dernières années, en particulier avant l’enregistrement de mon dernier album, mes trajets quotidiens à vélo pour aller au travail sont devenus un rituel d’immersion musicale. Pendant ces moments, je me suis retrouvé à être attiré à plusieurs reprises par Churchburn pour leur lourdeur Doom, et par Deathspell Omega et 1349 pour leur énergie Black Metal brute et chaotique. Ces groupes continuent d’alimenter mon feu créatif.
Où trouves-tu ton inspiration pour créer de la musique et des paroles ?
Obliterator : Mon inspiration provient de différentes sources. La première chose à propos de la musique, c’est que, étant donné que le monde n’a pas vraiment besoin de plus de groupes, de plus de musique, et que l’industrie est la plus petite de tout le secteur du divertissement, on pourrait vraiment se demander pourquoi je fais de nouveaux albums. La raison est simple : pour moi, c’est un moyen de me purifier. Je considère la création musicale comme une porte d’accès à la création d’un artefact significatif à partir de mes émotions. Je trouve l’inspiration en moi-même, dans mes expériences et mes réflexions sur la réalité, mais aussi dans certaines influences extérieures comme Christopher Hitchens, Stephen King, Carl Jung et parfois les mythologies ou les histoires anciennes. La façon dont j’écris les paroles dépend entièrement des riffs. Pour Cosmocrator, les paroles ont été écrites de manière très différente. En août 2024, ma femme a subi une opération chirurgicale critique, une période très émouvante qui m’a rendu vulnérable et introspectif. Pendant cette période, j’ai canalisé mes pensées et mes émotions dans l’écriture de six paroles, qui sont finalement devenues la colonne vertébrale lyrique de Cosmocrator. Ces mots reflètent un éventail de sentiments qui défient toute catégorisation simple : ni noir ni blanc, mais quelque chose de bien plus complexe et humain. C’est à ce moment-là que mon moi artistique a été poussé à contenir ces émotions dans un format plus tangible, et c’est ainsi qu’est née l’idée de créer un album qui est devenu Cosmocrator.
As-tu une chanson préférée sur Cosmocrator ? Ou peut-être celle qui a été la plus difficile à réaliser pour l’album.
Obliterator : Je choisirais sans hésiter Mercurial Ramnants, Fetid Eden et Cosmocrator. Elles sont vraiment captivantes et physiquement exigeantes à jouer. Venom Spawn et Purgatorial Pyre seront les prochaines à figurer dans la setlist.
Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien/compositeur avec ce nouvel album ?
Obliterator : “Amélioration” est un terme vague lorsqu’il s’agit de musique. Ce qui compte vraiment, c’est l’évolution, tant dans l’écriture que dans l’expression musicale. Si un artiste continue d’explorer les dimensions de son instrument et de son esprit créatif année après année, il est tout à fait naturel qu’il dépasse le point de départ. Ce n’est pas seulement une question de croissance, c’est une transformation. La vraie question n’est pas de savoir si je me suis amélioré, mais plutôt : “Dans quelle mesure ai-je réussi à faire le lien entre les riffs que j’ai composés et les paroles que j’ai écrites ?” Et ma réponse est oui. Avec cet album, je voulais me prouver que je n’avais pas à être prisonnier de ma propre ombre. Pourtant, même si j’évolue, les riffs portent toujours indéniablement l’identité de KHNVM. Je pense avoir atteint cet objectif. Cosmocrator témoigne de ce parcours et, honnêtement, c’est peut-être l’album le plus difficile à surpasser.
Cosmocrator t’as permis de renouer avec le label Testimony Records, qui avait sorti ton premier album en 2019. Qu’est-ce qui t’as poussé à signer à nouveau avec eux, et comment se passe la collaboration ?
Obliterator : La nouvelle direction de Testimony Records est très professionnelle et facile à vivre. J’ai rencontré Thomas pour la première fois au Party San il y a quelques années. Nous avons partagé quelques bières et nous nous sommes tout de suite bien entendus. Quand je lui ai envoyé l’album, il l’a accepté sans hésiter et nous avons immédiatement commencé à travailler ensemble. La collaboration s’est déroulée de manière incroyablement fluide. Thomas est un type formidable, toujours disponible, réactif et encourageant. Honnêtement, je n’aurais pas pu rêver mieux. C’est un 100/100 sans hésitation.
Comme je l’ai dit, tu es désormais le seul leader de KHNVM. Qu’est-ce qui a motivé cette évolution ? Comment as-tu choisi les musiciens qui jouent avec toi sur scène ?
Obliterator : Monter un groupe, ce n’est pas seulement jouer de la musique, c’est aussi s’engager, faire preuve de discipline et partager une vision commune. Le succès dépend des compétences, de la motivation, de la passion, de la loyauté et d’un sens aigu des responsabilités. C’est un jeu, certes, mais ce n’est pas un jeu amusant ou décontracté. Il y a des règles, des attentes et une manière professionnelle de faire les choses. Julian Dietrich a toujours été mon batteur attitré, mais comme son emploi du temps est de plus en plus chargé, j’ai dû chercher des remplaçants pour les concerts. Je gère ce projet de manière professionnelle et j’attends le même niveau de professionnalisme de la part de toutes les personnes impliquées. Julia, notre guitariste, est une présence nouvelle et talentueuse, pleine de potentiel. Elle est encore en train de chercher sa voie, mais son jeu en dit long. Notre nouveau bassiste, Thomas, apporte sa motivation, son talent et beaucoup d’enthousiasme. Nous n’avons répété que deux fois jusqu’à présent, mais j’espère que cette formation restera stable pendant au moins un an de concerts.
Y a-t-il des artistes avec lesquels tu aimerais collaborer ? Que ce soit pour une chanson, un album, une pochette…
Obliterator : C’est une question difficile. J’ai toujours voulu faire une tournée avec Behemoth, Immolation, Deicide, Morbid Angel (I am Morbid), Decapitated, 1349, etc. Il n’y a pas de raison particulière, si ce n’est celle de partager la scène avec ses idoles. C’est tout.
Je n’ai malheureusement jamais assisté à un concert de KHNVM, que peut-on attendre du groupe sur scène ?
Obliterator : Pas de playback, pas de gadgets, pas de conneries. Du Death Metal pur et dur pendant 50 minutes. C’est tout.
As-tu déjà entendu parler de la scène Metal Française ? Y a-t-il des groupes que tu connais et que tu aimes ?
Obliterator : J’adore la scène Metal française. Par exemple, j’adore Deathspell Omega (mon préféré), Gorod, Arkhon Infaustus, Blut aus Nord, Skelethal, etc.
Si je te demandais de créer une affiche avec KHNVM en tête d’affiche et trois autres groupes pour la sortie de Cosmocrator, avec quels groupes aimerais-tu jouer ? Même les réponses irréalistes sont acceptées.
Obliterator : Black Sabbath, Immolation, Necros Christos.
Dernière question amusante : à quel plat comparerais-tu la musique de KHNVM ?
Obliterator : La musique de KHNVM peut être comparée à une paella à l’encre de seiche (Arroz Negro). Elle a toutes les saveurs des fruits de mer, mais reste complètement NOIRE ! Hahahahah.
C’était ma dernière question, merci beaucoup pour ton temps et ta musique, le mot de la fin t’appartient !
Obliterator : Merci beaucoup pour ces questions bien pensées. Je les apprécie vraiment. Au public et à ceux qui continuent à s’intéresser à cet art, restez forts et persévérez, la gloire ultime vous appartient. Salut. Obliterator.