
La deuxième journée du Mennecy Metal Fest s’annonce devant nous, et débute tôt avec la traditionnelle conférence de presse présidée dans un premier temps par le maire de la ville, Jean-Philippe Dugoin-Clément, mais également un invité de marque : Jeffrey « Mantas » Dunn (qui n’est nul autre que l’un des fondateurs de l’un de Venom) !
Le festival va très bien, nous confirme le maire, avec une affluence record qui dépasse déjà les 6000 participants attendus (sans compter les billets vendus le jour même) ! Car en effet, l’élu à la culture précise qu’en règle générale, un festival met une dizaine d’années à se pérenniser, et c’est un âge que le festival a dépassé depuis peu, apprenant toujours que ce soit en terme d’affiche ou de disposition (l’espace d’entrée/sortie ayant légèrement changé cette année). Le festival est maintenant reconnu en Île-de-France, et Jean-Philippe Dugoin-Clément en est fier, soulignant les conditions d’accueil des groupes qui sont les mêmes pour tous, chose extrêmement appréciable pour les plus petits noms. Il soulignera également la diversité toujours assumée, ainsi que sa fierté d’accueillir Jeffrey « Mantas » Dunn, qui est l’un des héros d’enfance de tous les metalheads nés dans les années 70/80, et à qui il laisse la parole.
L’intervention de Mantas (qui nous confie avoir été bilingue en français dans ses jeunes années) est évidemment portée sur son approche musicale, et ses premières années en tant que musicien professionnel au sein de Venom. Comment il a créé certains des riffs les plus iconiques, comme l’intervention à la batterie du frère de leur manager de l’époque qui donnera finalement Countess Bathory, Black Metal né d’une envie pressante durant laquelle il avait pris sa guitare ou encore There’s Only Black, titre issu du dernier album de Venom Inc. qu’il a écrit suite à sa mort clinique arrivée en 2018 dont il est revenu (nous avouant au passage les mensonges de la religion avec un “there’s nothing there, I came back”), mais également son outfit de scène, cuir et flying V, qu’il a ouvertement emprunté à K.K. Downing (Judas Priest).
Nous reviendront également sur le terme “Black Metal” (dont les deux groupes phares de la scène sont pour lui Behemoth et Dimmu Borgir), créé pour différencier le son de Venom de celui de Bon Jovi (qualifié à l’époque de “Heavy Metal”), mais également le fait que Mantas n’écoute pas de Black Metal. Il a créé son propre style à base de riffing sans véritable théorie ou recherche de technicité, et cite plutôt des influences Blues, Hard Rock et Heavy, renforcées par le chant, et assume ouvertement avoir des projets très diversifiés, dont celui qu’il développe sur son Patreon et qui s’oriente vers l’Industrial. L’homme terminera son intervention par une phrase qui résonne encore dans la salle : “Music is our last universal language, please don’t let it die”.
Après une courte pause, la musique reprend, et c’est avec Stabwound que nous allons prendre la première claque du jour ! La formation est loin d’être inconnue à mes esgourdes, et c’est donc avec plaisir que j’observe les rouennais menés par Jérémy (chant) qui annonce “On est les premier à jouer, on va foutre un putain de bordel”, et qui vont le faire ! Des riffs groovy à souhaits, un son aussi brut que sur leur premier album (sorti l’an dernier), les musiciens ont tous les éléments pour nous faire passer un bon moment malgré l’horaire, et le mélange prend ! Le public, bien qu’effrayé par le soleil, finira par se prêter au jeu et headbanguer au cours de cette demie-heure de son gras et de leads tranchants à souhaits qui entretiennent la fureur. Une bonne découverte pour certains, une confirmation à mes yeux.
On enchaîne avec le Metalcore de Lies We Sold, formation parisienne qui évolue depuis quelques années déjà sur les affiches orientées Metal moderne, et que je découvre enfin en live avec des riffs efficaces, mais une scène un poil trop large à mes yeux. Les musiciens n’hésitent pas à en tirer profit pour headbanguer ou tournoyer sur eux-mêmes pendant qu’Anthony (chant) se balade, haranguant de temps à autre ou passant du chant clair aux cris pendant que ses camarades jouent leurs mélodies. Quelques samples complètent le tableau, mais les Core-kids sont contents de retrouver le groupe, répondant positivement lorsque le vocaliste comble les moments de flottement, nous remerciant de notre présence.
On enchaîne avec ce qui sera l’un des groupes les plus visuels du jour, le duo américain Krashkarma qui démarre même derrière la régie avec un mégaphone et un message simple : “Wake up, we came from Los Angeles to Mennecy!”. Ils rejoignent la scène, Niki s’installe à sa batterie pendant que Ralf prend sa guitare, et on assiste à ce que l’on peut communément appeler un “joli bordel organisé” : les riffs orientés Groove/Metalcore ne réinventent rien, mais le duo est motivé comme s’il jouait devant un pays entier, n’hésitant pas à hurler à l’unisson ou à se relayer, mais surtout en jouant avec nous autant qu’il le peut. Je pense que Ralf a passé un bon quart du show perché sur la batterie de sa camarade, mais il a également pris le temps de nous montrer que sa guitare fait également basse avant de retourner à leurs riffs. Beaucoup de monde a fait une très bonne découverte aujourd’hui.
Retour sur la scène principale pour une dose de Heavy Metal interprétée par KOB, un combo visiblement vieux comme le monde (dont les premières traces remontent à 1976 sous le nom Wotan) et qui effectue son troisième concert de l’histoire du festival. Au centre, Stéphane Graziani (chant) monopolise l’attention, allant de temps à autre jouer avec ses musiciens dont le sourire communicatif fait plaisir à voir, pendant que les riffs accrocheurs font progressivement leur effet. Le public remue doucement la tête tout comme le groupe, et la dynamique s’installe naturellement, voyant quelques poings se lever à l’unisson sur ordre du vocaliste, et on apprendra que le groupe vient de sortir son quatrième album, avec quelques morceaux joués aujourd’hui. Découverte pour certains, rendez-vous habituel pour d’autres, mais tous les présents ont apprécié.
Retour au son moderne avec Parallyx et son alternance entre quiétude teintée d’Indus suivie de moments beaucoup plus agressifs aux racines Metalcore, mais toujours menés par Lina Benabdesslem (chant), qui n’hésite pas à danser et haranguer un public déjà conquis à la cause du groupe. Les riffs saccadés passent bien, et les quelques incitations assez timides de la chanteuse sur le début du set tels que les habituels “T’es prêt à foutre le bordel Mennecy ?” vont rencontrer un peu de succès et même quelques slams, mais lorsqu’elle lâche le fameux “Ouvrez moi ce public !”, on se rend compte que la chaleur de l’après-midi n’est pas forcément adaptée aux plus gros mouvements de foule… Peu importe, le groupe ne se laisse pas démonter et continue son show jusqu’à la dernière seconde avec la même énergie, récompensée par des applaudissements.
On entre dans le moment Punk du jour avec Les Sheriff, formation française que l’on m’a décrite comme “lé-gen-dai-re”, et qui va rester sur les racines Old School du style. Le groupe est déjà en place lorsque je me motive à rentrer dans le pit photo, et les titres courts mais visiblement énergiques auront tôt fait de motiver quelques spectateurs, qui se rentrent dedans et provoquent des nuages de poussière. Côté scène, les musiciens semblent content d’être là malgré les conseils fortement avisés du vocaliste Olivier : “Vous avez chaud ? N’allez jamais dans le sud !” ou encore “Gardez le sourire, ça aurait pu être pire !”, qui auront tôt fait de me faire rejoindre le bar en face de l’autre scène.
On continue donc avec Dirty Fonzy et son… “t-shirt-backdrop” qui ne laisse rien présager de bon, mais que le groupe assume parfaitement et nous rappellera entre deux morceaux. Digne héritier de la formation précédente, les albigeois ont également le Punk dans le sang, mais ce sont eux avec trois guitares et la même fougue qu’ils délivrent leurs riffs à un public qui semble assez réceptif… par moments. Car si en effet les musiciens sont en pleine forme du début à la fin, remerciant très régulièrement tous les acteurs du festival – allant de la programmation à la mairie, l’orga et les bénévoles, mais aussi le public – la chaleur n’est pas tendre avec nous, et on constate que la majorité préfère rester sur les endroits ombragés en secouant le crâne. Pour ma part, je trouve le bar parfait pour un tel spectacle.
Place à la délicate brutalité d’Impureza (vous avez bien lu) qui ont redécoré la scène pour nous offrir leur Flamenco Death Metal. Pour ceux du fond qui ne suivent pas, c’est un Brutal Death aussi violent que lourd et travaillé mené par Esteban Martin (chant) et ses hurlements surpuissants qui se lance dans des tirades en espagnol entre les morceaux, mais auquel le groupe laisse parfois place à des racines Prog orientées Flamenco. Si sur le papier ça semble étrange, en live c’est tout bonnement parfait, laissant le groove dévastateur faire place à des tonalités plus aériennes et festives, invitant même une danseuse flamenca Cécile “La Cecilia” Capozzo pour donner vie à leurs interludes. Côté public, le pari est réussi puisque le pit déchaîné qui éructe des slammeurs en quasi-continu se retrouve à danser et frapper dans ses mains avant de reprendre lorsque la saturation du Death Metal revient. Le groupe ne manquera pas de nous remercier de notre présence, mais également de nous inviter à écouter leur dernier disque, sorti il y a à peine deux mois, et je ne peux qu’être d’accord avec eux.
A l’annonce de Waltari, j’avais été surpris de deux choses : savoir que le groupe était toujours actif (mais il vient visiblement de sortir un album qui était passé sous mes radars), mais surtout qu’à part trois dates en 2019, ils n’avaient pas joué dans l’un de nos festivals depuis 2013 ! Pour résumer ce concert, j’ai choisi une phrase prononcée par le déjanté fondateur du groupe Kärtsy Hatakka (chant/basse) : “Our music is unlimited joy, fuck off boundaries!”. Et l’homme a bien raison, car si vous cherchez une cohérence musicale, vous allez vous perdre dans leurs frasques sonores sans aucune logique, passant de moments Prog assez légers à un titre ouvertement Death Metal où le growl est majoritaire, juste avant de revenir à des racines Metal Alternatif sans crier gare. Je ne saurais vous expliquer pourquoi, mais à l’inverse de la majorité des curieux qui ne savaient pas à quoi s’attendre, j’ai adoré l’expérience chaotique, malgré les quelques passages hasardeux et problèmes de mix.
Retour sur la scène principale pour le show tout aussi énergique mais déjà beaucoup plus conventionnel d’un autre groupe finlandais, nos agitateurs préférés d’Ensiferum qui sont largement attendus, vu l’affluence avant même le début du show. Je savais évidemment à quoi m’attendre, ayant vu le combo neuf fois en dix ans, mais je reste toujours agréablement surpris par la motivation que le groupe met à l’ouvrage après toutes ces années, mais aussi et surtout à quel point son public est fidèle. Le jeu de scène est roadé : sous des lumières souvent aveuglantes, Petri Lindroos (guitare/chant) reste au centre à haranguer et hurler, Sami Hinkka (basse/choeurs) a le rôle attitré de party animal ultra expressif pendant que Markus Toivonen (guitare/chant) sourit en alignant ses leads. L’arrivée de Pekka Montin (claviers/chant) a permis au groupe de diversifier son panel vocal mais également son jeu de scène, autorisant ce dernier à gérer le chant principal par moments, descendant de son instrument et laissant Janne Parviainen (batterie) derrière son kit pendant que les slammeurs s’en donnent à choeur joie. Le groupe enchaîne les titre entre deux “Hey Mennecy are you with us”, et autres incitations aux mouvements de foule, et tout le monde passe une bonne heure de cardi… un bon concert !
La fin de soirée sera française, à commencer par le Heavy/Power des grenoblois de Nightmare qui ont déjà leurs fans cramponnés aux barrières avant même qu’ils ne montent en selle ! Une fois chose faite, le groupe mené par le duo Barbara Mogore (chant) et Matt Asselberghs (guitare) ainsi que leurs camarades prennent possession de leur espace de jeu en un rien de temps, assurant à eux seuls une présence scénique motivante pendant que les autres tiennent la rythmique. Bien que ce ne soit pas la première fois que j’en fasse l’expérience, je n’avais pas revu le groupe depuis leur changement de chanteuse, et la (plus si) nouvelle tient parfaitement la baraque, n’hésitant pas à partir dans les extrêmes avec une bonne maîtrise. Si quelques larsens viendront de temps en temps nuancer mon propos, le show reste très accrocheur, et on le constate grâce aux sourires des musiciens qui prennent toujours un moment pour nous remercier en se faisant applaudir. La vocaliste prendra même la foule à parti, et sa demande de chanter avec elle sera bien évidemment entendue, rendant certains passages vraiment fédérateurs.
Il est déjà tard lorsque la scène principale se transforme en boîte de nuit géante aux couleurs de Carpenter Brut grâce à la table de son DJ et créateur du groupe, Franck Hueso. Bien que rejoint par Adrien Grousset (guitare) et Florent Marcadet (batterie), le show est ouvertement axé sur ses samples et ses lumières stroboscopiques qui mettent son logo bien en valeur pendant que le son Electro/Synthwave/Industrial frappe Mennecy, et si je ne suis personnellement pas le plus grand amateur du style, je reconnais tout de même que c’est bien fait… à part pour les musiciens. Il va en effet falloir plisser les yeux et avoir de la chance pour les apercevoir entre les nombreux projecteurs ultra-dynamiques et les épais nuages de fumée, mais la plupart du public se contente de danser et slammer, répondant même présent aux quelques demandes du maître du moment qui s’avance pour réclamer plus de folie d’une seule main. En bref, un final très apprécié par une grande partie de l’assemblée.
La soirée prend fin et le parc se vide lentement, chacun racontant son petit coup de coeur de la journée. Pour ma part vous l’aurez compris, Stabwound et Impureza se partagent la vedette, suivis par les mentions honorables décernées à Waltari et Krashkarma ! Mais il est temps de vite se mettre au lit, car la dernière journée est loin d’être la plus reposante…