Rå est un hommage.
Créé par le musicien Belge Déhà (Acathexis, Drache, Imber Luminis, Maladie, Silver Knife, SLOW, Wolvennest, Yhdarl…) et la vocaliste suédoise Isa Myling, le projet sort suite au décès d’Asgeir Amort (Herzog) son premier album, Rå.
Änkan ouvre la marche, d’abord très lentement puis avec une vague aérienne de noirceur qui nous emporte, donnant naissance aux hurlements viscéraux d’Isa en arrière-plan qui lui donnent corps, mais qui sont parfois remplacés par son chant clair transcendant qui lui répond et apaise la rythmique. Le flot suit son cours torturé pendant que la vocaliste se déchaîne, nous autorisant de rares moments de répit au sein d’un mix épais dont les leads s’échappent difficilement avant de progressivement disparaître pour la dissonance de Vilse Till Sist qui débute avec un sample. Riffs rapides, blast furieux et vociférations reviennent bien rapidement hanter l’atmosphère déjà pesante d’un mélange de rage et de souffrance qui laissera tout de même une partie lead un peu folle éclore avant son final, rapidement suivi par Värme Och Väta. Cette nouvelle composition est encore plus étouffante que la précédente, combinant un Post-Black étouffant avec des éléments DSBM cinglants et des mélodies enivrantes, mais l’ouragan se brise et nous autorise à reprendre notre souffle avant que des percussions martiales n’annoncent son retour. Nous rencontrons également quelques choeurs sur ce chemin brumeux, mais la douceur est totalement effacée pour les derniers instants avant l’arrivée de Likvaka, l’un des morceaux les plus contrastés entre la violence et la quiétude ambiante notamment lors du break où le sample traduit parfaitement cette dualité avant de revenir aux cris déchirants. La déferlante sévit de plus belle puis mène naturellement à Himmelsfärd où les murmures sont bientôt remplacés par une froideur lourde, mais qui s’autorise quelques petites dérives plus apaisantes ou encore d’autres plus oniriques mais dissonantes voire même quelques racines Folk scandinaves qui se marient parfaitement avec le ton solennel du morceau pour arriver jusqu’au point culminant qui s’éteint brusquement, et l’album avec lui.
Là où certains verraient en Rå un excellent album de Post-Black/Black Atmosphérique, j’y entends le cri du coeur de deux âmes qui en pleurent une troisième. Rå est un projet riche et saisissant qui a demandé une implication toute particulière à ses créateurs.
90/100
