Peu après la sortie de A Romance With Violence, le quatrième album de Wayfarer, j’ai parlé un peu avec Shane McCarthy, le guitariste et chanteur du groupe.
Chronique de A Romance With Violence
Bonjour et tout d’abord merci de ton temps. Pourrais tu s’il te plaît vous présenter, le groupe et toi ?
Shane McCarthy (chant/guitare) : Bonjour – merci de prendre le temps de nous poser des questions. Mon nom est Shane McCarthy – je joue de la guitare et je chante dans Wayfarer. Nous sommes un groupe qui vient de Denver dans le Colorado, et qui est composé de moi-même, James Hansen à la basse et au chant, Isaac Faulk à la batterie, et Joe Strong-Truscelli aux guitares.
Wayfarer vient de sortir A Romance With Violence, le quatrième album du groupe. Êtes-vous satisfaits de cet album ?
Shane : Nous le sommes, absolument. Je pense que nous avons exécuté ce que nous avions prévu de faire, on a fait d’un grand film de western sanglant un album de Metal qui heureusement sonne bien. La réponse à cette sortie a été très encourageante jusque là.
Comment s’est passé le processus de composition ?
Shane : Ca dépend, nous travaillons souvent entre les sessions de tournée de ce groupe ou des autres. Nous aimons dédier de longues périodes de temps à l’écriture d’ailleurs. On parle donc d’une idée de la direction musicale et de sa place dans l’album dans son tout qui nous conduit à amener sur la table un squelette et nous travaillons collaborativement à un créer la chair grâce aux parties individuelles et discuter des arrangements. Puis enfin on en fait des démos, et on dissèque depuis là, on ajoute et on change où on voit que c’est nécessaire pour faire en sorte que l’album soit fluide, ou pour accentuer une partie de cet arc général. Presque tout est fait avant d’aller en studio, mais nous laissons la porte ouverte au fait d’explorer quelques idées là bas également.
Pour moi, cet album est un parfait voyage à travers les paysages merveilleux du Far West. D’où vous est venu l’idée de recréer cette ambiance Western ? Pensez vous en utiliser plus dans le futur ?
Shane : Eh bien, je pense que c’est certainement parce que c’est de là que nous venons – ce paysage et cette histoire d’endroit est quelque chose avec lequel nous avons grandi donc forcément ça influe sur notre mental. Cet album en particulier était un regard sur l’endroit en tant que concept de manière plus importante que l’endroit en lui-même, un regard sur le “Western” comme il est représenté dans la culture et les légendes, comme un film. Donc nous voulions faire de cet album un film de western en lui-même, tentaculaire et épique mais sanglant et tragique. Nous voulions également explorer cet univers et lever le voile sur les ténèbres et la brutalité qu’une telle chose cache en réalité.
Je pense qu’explorer ce sujet qui est pour ainsi dire notre terre natale est quelque chose dans lequel nous nous sommes installés, et nous continuerons à en faire plus. Mais à chaque fois c’est vu d’un œil différent, ou alors nous explorons différentes parties. Donc nous continuerons de vivre dans notre monde de sons et thèmes, mais le prochain album couvrira sûrement un autre sujet.
Vous êtes basés à Denver dans le Colorado. Vivez-vous à la ville ou à la campagne ? Penses-tu que votre mode de vie affecte votre musique, comme une sorte d’échappatoire ? Est-ce que vous êtes fiers de cet état ?
Shane : Moi je vis dans la ville, j’ai grandi pas très loin d’ici. La ville a sa propre perspective, et elle a également beaucoup en commun avec les autres villes, bien sûr. Mais il y a tellement d’endroits proches d’ici qui sont des escapades de nature ou d’histoire, et tout cela affecte certainement la musique. Je suis vraiment fier d’être originaire d’ici, vu que c’est un superbe endroit, et dans les Etats-Unis modernes je suis fier de comment on se compare aux autres états de pas mal de façons. Ma famille est ici depuis des générations. Tout ça façonne la musique aussi.
Qu’est ce qui vous inspire pour créer de la musique ? Ca peut être des groupes que tu aimes, ou toute autre chose qui n’est pas liée à la musique.
Shane : Je suppose, et je pense que c’est plus largement vrai pour nous trois, que c’est à la fois la musique et aussi beaucoup d’autres facteurs. Nous sommes tous de gros nerds de musique et on creuse vraiment profondément les choses que nous aimons. Trois d’entre nous sont d’avides collectionneurs de musique et nous lisons également beaucoup, on fait des recherches sur l’histoire des musiciens qui retiennent notre intérêt. Donc nous avons tous une vision du fait de jouer de la musique en tant que quelque chose que nous voulons faire de notre vie, et faire partie du groupe peut nous affecter autant que les groupes que nous aimons l’ont fait. Au delà de ça, il y a des influences par d’autres moyens, comme les films – qui est une influence majeure pour Wayfarer, sur cet album en particulier – qui est un genre d’influence qui se reflète dans ce que nous voulons créer et représenter dans notre musique. La fiction, la bande dessinée – beaucoup d’autres formes d’art nous apportent de l’inspiration pour créer de la musique. Et puis évidemment, il y a la vie elle-même – via l’endroit dans lequel nous sommes, l’histoire et les paysages – et nos émotions et expériences en tant que personnes. Si ça n’influence pas ou n’inspire rien à quelqu’un à un certain point – même si c’est pour inspirer une envie de s’échapper – eh bien cet art n’est probablement pas très éloquent.
Il y a des éléments acoustiques dans votre musique, est-ce que vous avez pensé à enregistrer un album acoustique ? Sans les éléments Black Metal.
Shane : C’est quelque chose dont nous avons parlé auparavant, bien sûr. Nous aimons beaucoup de trucs “non-metal”, et ça a clairement sa touche dans notre musique comme tu le dis. Nous avons parlé de poursuivre des sphères en dehors du Metal avec ce groupe, d’une manière ou d’une autre, et ça pourrait être un album entièrement acoustique, je suis certain que ça arrivera un jour.
Qu’est ce qui t’a fait plonger dans l’univers du Black Metal ? Quel était le tout premier morceau de Metal que tu aies écouté ?
Shane : Nous avons tous notre porte d’entrée séparée dans ce genre je pense. Mais à l’âge auquel nous sommes, on a tous eu notre entrée dans la musique lourde aux alentours de 12 ans, et à cette époque les portes d’entrée dans le Black Metal étaient des groupes comme Dimmu Borgir et tout. C’était mon premier contact dans tous les cas (et je devrais ajouter que ça l’est toujours) puis ensuite ça m’a mené à Immortal, puis plus profondément à partir de là. Isaac par exemple était déjà un de ces démons nourris au Black Metal quand il était ado. On a tous passé notre adolescence à découvrir des groupes de toutes les manières que l’on pouvait – dans les dernières années des magazines et des CDs avant que le streaming ne prenne le dessus sur tout !
Le premier titre de Metal que j’aie écouté ? Ca devait être Metallica ou quelque chose comme ça – pour ne pas dire tout le Nu Metal de la fin des années 90 et début 2000 qui se trouvaient par là hahaha!
Vous avez tourné en Europe, y compris en France, l’an passé avec Dark Buddha Rising. Comment s’est passée cette tournée ? Est-ce que tu as des souvenirs particuliers que tu voudrais partager avec nous ?
Shane : La tournée était bien ! C’était notre première fois en Europe et l’expérience était fantastique. Les concerts étaient bien pour la plupart, surtout sur la partie avec Dark Buddha Rising. Ces mecs sont vraiment géniaux et des performers éblouissants. C’était le type de correspondance étrange entre groupes qui marche plutôt bien je pense. C’est difficile de sortir un ou deux souvenirs en particulier lors d’une tournée de cinq semaines – mais nous avons passé un bon moment à Lille à jouer avec un plafond extrêmement bas, et évidemment à courir autour du Roadburn pour voir des amis de tous les coins du monde.
De nos jours il y a les élections présidentielles aux Etats-Unis. Sans te demander tes opinions politiques, comment est la situation aux Etats-Unis ? Que ferais tu si tu pouvais suggérer quelque chose au nouveau président ?
Shane : Ha! Evidemment c’est étrange. Au moment où j’écris, les élections présidentielles ont été décidées, bien que ce soit contesté d’une manière assez hilarante, si ce n’est pas embarrassante. Si je pouvais suggérer quelque chose au président… je suppose que ce serait de ne pas avoir trop peur du progrès et du changement. Trop de choses pour plaire aux lobbyistes et rien n’est fait, alors que les problèmes attendent toujours d’être résolus. Mais je suis juste un mec qui joue de la guitare, alors qu’est ce que j’y connais.
Est-ce que tu as quelques mots à propos de la scène Metal américaine ? Et à propos de la scène Black Metal précisément ?
Shane : Eh bien je dirais que la scène Metal underground en Amérique se développe pas mal récemment, et c’est bien. Quand j’étais plus jeune, je pensais que tous les bons groupes venaient d’Europe, et pour les groupes intéressants qui venaient d’ici, c’était compliqué de trouver une place. Maintenant, à Denver par exemple, il n’y avait pas de groupes d’envergure nationale qui parlaient aux gens en dehors de Cephalic Carnage, maintenant nous avons tellement de groupes qui tournent à l’international et qui sortent de la musique importante. Ça arrive beaucoup au sein du pays et c’est bon de voir des groupes américains qui atteignent des festivals européens et tout, il semble qu’il y avait peu de place pour eux auparavant. Concernant la scène Black Metal – c’est définitivement un peu différent ici, et il y a de petites poches qui existent mais je ne pense pas qu’on appartienne à l’une ou l’autre. Par exemple, je pense que nous sommes plutôt différents des “Cascadia” comme Wolves In The Throne Room, et des trucs angulaires de New York comme Krallice et Imperial Triumphant, bien que nous ayons des amis dans cette scène. Nous avons toujours voulu faire notre petit coin qui reflète là d’où nous venons.
Quand est-ce que ton aventure musicale a commencé ? Te souviens-tu de la première fois que tu as pris un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Shane : Moi j’avais 11 ans, j’écoutais de la musique lourde pour la première fois et je suis allé demander à mes parents de m’acheter ma première Warlock bronze series pas chère. J’étais buté et je ne serais probablement pas allé très loin avec ça, mais j’ai été tactiquement contraint de prendre des cours avec un musicien de Metal. Les gens que j’ai rencontré lors de ces débuts m’ont converti à tout un tas de groupes fous et de méthodes de jeu, et je suis devenu assez assidu au fil des années suivantes. Chose drôle, quand mon prof de guitare a déménagé en Allemagne, il m’a passé à son meilleur étudiant qui était pourtant encore très jeune, qui était Joe Truscelli, il avait sept ans de plus que moi. Il m’a enseigné pendant mon adolescence et ensuite nous sommes restés amis, puis il a finalement rejoint Wayfarer.
Je sais que la crise du Covid a foutu en l’air pas mal de choses, mais comment avez vous géré la situation en tant que musiciens ? Et comment ça s’est passé pour toi personnellement ?
Shane : Eh bien, ça a pour sûr causé des retards avec l’album comme je l’ai mentionné plus haut, mais au final le produit fini est bon. En tant que musique c’était une période étrange pleine d’incertitudes sur le fait de ne pas savoir si on pouvait ou non se retrouver pour jouer ensemble, mais finalement on a réussi à trouver comment le faire en toute sécurité. Bien évidemment, la partie la moins cool est de ne pas pouvoir prendre la route, surtout lorsque l’on est en période de promotion d’une sortie comme ça, et qu’on est super excités. Mais tout le monde est dans le même bateau, alors c’est simplement quelque chose qui doit être accepté.
Personnellement, j’ai juste dû adapter mon quotidien en restant à la maison, et voir ce que je pouvais faire de chez moi. Nous avons d’autres projets au sein des membres de Wayfarer que nous sommes en train d’écrire puisque nous avons terminé d’écrire cet album et que nous n’avons pas d’opportunité de tournée à l’horizon pour une fois. Donc c’est bon de rester productif et de tirer avantage du temps dont nous disposons. Restez à l’affût des sorties de notre camp l’an prochain. Lykotonon par exemple va sortir un album, c’est un groupe très différent qui traverse les domaines de la musique électronique ainsi que du Black et Death Metal.
Quels sont tes meilleurs et pires moments sur scène jusque là?
Shane : Oh il y en a tellement des deux hahaha. Moi en particulier j’ai dû faire face à une pléthore de soucis techniques au cours des années et beaucoup d’entre eux m’ont vraiment agacés. Mais il y a tellement de moments cauchemardesques en tournée au fil des années que c’est difficile d’en sélectionner un. Je pourrais dire la même chose des moments heureusement positifs – il y en a également un paquet et c’est très difficile de se limiter à un tel choix. Voir que certaines personnes s’intéressent vraiment, c’est toujours quelque chose. C’est surréaliste d’être un jeune groupe qui aime tellement la musique et de voir que des gens vous regardent en pensant la même chose que ce que nous pensions en découvrant des groupes. La première fois que nous avons vu des gens chanter toutes les paroles de nos morceaux à un concert à New York était un moment cool. Et finir notre première tournée européenne dans une grande et bonne salle à Cracovie où une mer de personnes secouaient leur tête, c’était super. Ca te donne envie de continuer de faire ce que tu fais.
Si je te demandais de comparer la musique de Wayfarer avec un plat américain, lequel choisirais tu et pourquoi ?
Shane : Ah ! Ca c’est une question que je n’ai jamais vue auparavant. Je n’ai aucune idée de quelle pourrait être ma réponse honnêtement, mais au point où on en est, ça serait quelque chose recouvert de piment vert.
Quelle est ta meilleure et ta pire expérience en tant que musicien ?
Shane : Avec un autre musicien tu veux dire ? Je ne suis pas très partant pour partager les pires, je n’aime pas vraiment étaler ces parties là, mais des fois tu apprends à connaître le vrai visage des gens. L’un des meilleurs était peut-être quand Tomas Lindberg, un de nos amis mais bien sûr également une personne que nous admirons, a porté notre t-shirt qu’il nous avait acheté un peu plus tôt à un concert en Belgique pendant le set en tête d’affiche d’At The Gates au Roadburn pendant qu’on jouait sur la petite scène. Ca a rendu nos jeunes nous fiers je pense.
Avec quels groupes rêverais tu de tourner ? Je te laisse créer une tournée avec Wayfarer et trois autre groupes de ton choix !
Shane : Oh – ça c’est de la question. Beaucoup de groupes me viennent à l’esprit – Enslaved, Rotting Christ, At The Gates, des groupes modernes comme Oranssi Pazuzu… Mais je pense que nous mettre dans un package étrange avec Fields of the Nephilim en tête d’affiche ainsi que Primordial et Wovenhand en tant que support, ce serait comme nous faire jouer à la maison.
C’était ma dernière question, un énorme merci à toi pour ton temps et ta musique, je te laisse les mots de la fin !
Shane : Merci beaucoup d’avoir pris ce temps – c’était un plaisir de te parler ici. Nous espérons vous voir de l’autre côté de l’océan au plus vite !