Interview : Néfastes

Julien Truchan, vocaliste de Néfastes, a pris le temps de répondre à quelques questions concernant Scumanity, son nouveau projet Black Metal.

Chronique de Scumanity

Tout d’abord merci à toi d’être présent ! Est-ce que tu pourrais me parler un peu du groupe Néfastes ? Quelle est son histoire ?
Julien Truchan (chant) : L’histoire est relativement récente, puisqu’on a monté Néfastes avec Liem (Liem N’Guyen, ndlr) en octobre/novembre 2020, Olivier (Olivier Gabriel, ndlr), on s’est dit que vu qu’on avait commencé tous les deux, autant remettre le trio qu’on a connu il y a 23 ans quand on a commencé Benighted ! Vu qu’il savait jouer de la basse c’était parfait ! Le groupe est né complètement sur une initiative de Liem qui avait préparé des morceaux Black Metal. Il faut savoir que Fred le tout premier batteur de Benighted est décédé en février 2020, et c’est là que Liem a commencé à composer des morceaux Black Metal en rebond à cet évènement super triste, et en octobre il m’a proposé. Il m’a dit “Juju j’ai deux-trois morceaux Black, est-ce que ça te dit d’écrire des paroles, poser du chant dessus…”, et moi je me suis dit que c’était une super occasion, parce qu’à l’époque niveau concerts avec Benighted pour la promotion du nouvel album… (rires) Du coup je me suis un peu jeté dans ce projet avec Liem, en plus j’en avais besoin à l’époque, alors je me suis dit on part sur ce projet, je vais écrire des paroles sur tout ce qui m’énerve et on va voir ce qu’on peut faire ensemble ! Et c’est né comme ça.

Pourquoi avoir choisi ce nom ?
Julien : Ca c’est une idée de Liem aussi ! Il m’a dit “qu’est-ce que tu penses de ce nom là ?”. Je lui ai dit “Eh bien vu que je veux écrire sur tout ce qui m’énerve chez l’Homme, enfin chez l’humain moderne, et de tout ce qui devrait disparaître, Néfastes c’est très bien !” parce que pour moi c’est vraiment ce que l’Homme est devenu ces dernières années, et ça tombe très bien comme nom.

Donc cette musique c’est vraiment en réaction par rapport à tout ce qui t’énerve, ce que tu n’aimes pas chez l’humain ?
Julien : Les paroles oui. C’est surtout ce qu’on est devenus ces dernières années, et j’étais content justement de pouvoir exprimer ça, car dans Benighted je colle vraiment à tout ce qui est maladies mentales et autres, donc là j’ai pu faire des textes beaucoup plus personnels, qui parlent beaucoup plus de ce que je ressens moi et ça a été un super exutoire car justement à cause du covid il y a eu beaucoup de négativité, beaucoup de frustration, donc c’était justement le moment rêvé pour faire ça !

Le groupe a été annoncé en novembre 2020, et l’album est déjà prévu pour juin, avec une signature chez Source Atone Records. Tu m’as dis que Liem avait déjà des choses de prêtes, mais comment est-ce que vous avez continué à composer ensemble ?
Julien : En fait c’est allé tellement vite, même beaucoup trop vite pour nous ! A la base c’était un projet entre copains, on voulait faire un truc tous les trois et quand on a sorti la page Facebook pour Néfastes, c’était plus pour que les copains puissent avoir accès, écouter la musique, qu’on discute ensemble… vraiment un truc entre potes ! Sauf que quand on a mis en ligne Progénitures Décadentes, notre premier single, le morceau a été énormément diffusé, et à l’international, ce qui fait qu’on a eu plein de retours, on a eu 1500 abonnés en 2-3 jours, on a été contactés par le label Source Atone tout de suite, on leur a dit “On veut bien sortir un album mais… on a que trois ou quatre morceaux les mecs ! On peut pas faire un album !” (rires). “On en reparle en début d’année mais pour l’instant nous on veux juste profiter, se faire plaisir… on sait même pas si on veut en faire quelque chose mais en fait Liem a continué à composer, à travailler ensemble avec l’aide de Gab aussi, et on est finalement arrivés avec huit morceaux, et quand Source Atone nous ont recontactés, car ils nous ont recontactés par trois fois je crois, on leur a dit que ça tomberait bien avec eux, car c’est un label qui commence, nous aussi on commence, et vu notre attachement à l’underground, on s’est dit que ça collait parfaitement ! On commence tous de rien, et on voit quelle ampleur on peut donner au projet en bossant juste ensemble, juste avec notre propre motivation et la fraîcheur de deux projets qui avancent conjointement comme ça ! 

L’album s’appelle donc Scumanity, qui est évidemment un mot valise, mais pourquoi ce nom là ?
Julien : Eh bien au travers des paroles, je présente beaucoup l’être humain comme un parasite, donc… la vermine humaine… “scum humanity”, le jeu de mots m’est venu assez rapidement, et je trouve qu’il symbolise bien l’album justement !

Personnellement, j’ai senti des influences assez glaciales, presque tirées d’un Black norvégien, quelles sont vos influences ? Autant pour les riffs que le chant.
Julien : Je suis complètement d’accord avec toi ! Nous notre culture, c’est le Black Metal des années 90, il y avait pas encore toute cette scène Post-Black… qui est géniale, mais qui ne fait pas partie moi de mes racines Old School dans le Black Metal ! Nous on a grandi avec Dissection, Mayhem, Dark FuneralMarduk aussi, donc c’est ce qu’on retrouve dans notre musique. Moi niveau vocal, j’ai essayé de me faire plaisir et de développer cette voix que j’utilisais vraiment avec parcimonie dans Benighted, mais en les poussant un peu plus, pour voir jusqu’où je pouvais aller et je me suis fait plaisir à faire des trucs très émotionnels, très imparfaits aussi que je ne m’autorise pas forcément dans Benighted, et qui font qu’en fait l’album sonne comme un truc super instinctif, sans concession ! Parce qu’il n’y a rien qui a été vraiment calculé, pensé si tu veux. La plupart des textes je les ais écrits en… 15 minutes ou quelque chose, et les placements de voix pareil j’en avais tellement besoin à ce moment là, et j’étais super heureux de le faire ! Les voix on les a faites dans mes chiottes parce qu’il y a un super écho, et on avait pas besoin de retraiter derrière ! L’écho naturel est fantastique et on s’est dits “on fait du one shot, on arrête pas l’enregistrement, je fais du one shot pour tous les titres ! S’il y a des imperfections, la voix qui s’éraille, on garde ce truc parce qu’à la base c’était pas pour faire un album, c’était vraiment pour s’amuser ! On garde l’émotion du moment avec les imperfections qui vont avec, et la voix je l’ai faite en moins de trois heures, j’étais tellement heureux de le faire que c’est passé comme une lettre à la poste ! 

Sur l’album, tous les titres sont très directs, très bruts. Qu’est-ce qui vous a poussés à écrire Charognards, un morceau exclusivement instrumental ?
Julien : On voulait faire un truc beaucoup plus ambiant pour couper l’album en deux. Parce que beaucoup de morceaux sont très intenses, avec beaucoup de blasts, avec une grosse masse à se prendre dans la gueule et à digérer, un titre instrumental qui rajoute une ambiance dégueulasse mais plus posée, ça permet de respirer un peu au niveau de l’album et de se prendre les morceaux de la fin en ayant pu reprendre son souffle. Liem a un vrai talent à ce niveau là pour allier le côté émotionnel et le côté brutal, malsain, dégueulasse… il arrive vraiment bien à inscrire les deux dans un seul morceau. Charognards c’est un morceau instrumental qui prépare tellement bien aux morceaux qui suivent ! C’était pour faire un espèce d’entracte, mais pas du remplissage. C’était vraiment pour avoir ce passage là qui vient poser l’ambiance dégueulasse avant de reprendre tout le reste dans la gueule.

Pourquoi avoir choisi le français pour une majorité des titres ?
Julien : Déjà j’adore chanter dans ma propre langue, et j’adore surtout écrire dans ma propre langue ! L’anglais c’est une langue qui est beaucoup plus passe-partout. Tu peux écrire beaucoup de choses sans que ça ait l’air con, c’est une langue très facile à utiliser. Écrire des textes en français sans que ça ait l’air con, c’est un exercice qui est beaucoup plus difficile, parce qu’on est nous-mêmes très durs avec notre propre langue, et si on faisait la traduction littérale de la plupart des morceaux écrits en anglais… en français ça sonnerait vraiment bête, on aurait l’air vraiment cons ! (rires)

On est d’accord, certains trucs c’est vraiment énorme…
Julien : Voilà ! Donc du coup c’est un exercice que j’adore, parce que ça m’oblige à trouver des figures de style, à bosser les métaphores, les images, écrire des paroles qui sont à double sens, à essayer de trouver un vocabulaire qui soit profond et dégueulasse en même temps ! Un exercice que j’adore faire, c’est essayer de décrire ce qui pourrait être une belle scène, mais qu’avec des mots dégueulasses tu vois ! Transformer le beau en dégueulasse !

En parlant de mélodies, Carved Into The Flesh, le dernier titre, est vraiment beaucoup plus mélodieux et presque mystique, est-ce que vous avez une explication ou une histoire sur ce morceau ?
Julien : Pour moi, les paroles viennent toujours après la musique. C’est Liem qui compose, il m’envoie le morceau et s’il y a des petites modifications, mais on a quasiment pas eu de modifications à faire parce qu’il est tellement bon niveau composition qu’on a pas besoin de redire quoi que ce soit en général (rires) ! Ce morceau il est un peu à part des autres oui comme tu dis, beaucoup plus de mélodies, des intentions différentes… pour moi c’est un morceau qui dénonce pour moi toutes les pulsions pédophiles, comment on flingue les enfants avec ce type de saloperies… c’est quelque chose qui me met très en colère. Et ce morceau parle de ça.

Sans parler de “titre préféré”, est-ce que l’un des titres vous parle le plus ? Pourquoi ?
Julien : Alors moi j’adore Fuck With The Bull, You Get The Horn! Déjà pour le titre en lui-même (rires), j’adore ce proverbe (“Qui sème le vent… récolte la tempête.” ou “Tel est pris qui croyait prendre.”, ndlr) ! Et aussi parce que c’est un morceau qui est violent, mais je me suis éclaté à le faire ! Sur le refrain je dois utiliser deux ou trois types de chant dans le registre Black, des trucs bruts, des trucs où je vais chercher dans un registre plus vicieux, et clairement je me suis éclaté à le chanter celui-là ! 

Justement au niveau du chant, est-ce que ça n’a pas été trop difficile pour toi de passer de Benighted qui est Death/Grind à ce projet là qui est très Black, viscéral, brut ?
Julien : Eh bien c’est un autre exercice en fait ! J’ai ma voix Black dans Benighted, les chants hurlés c’est de la voix Black. La voix plus crade que j’utilise beaucoup plus dans Néfastes je l’utilise avec parcimonie dans Benighted, et ça m’a permis de me concentrer sur ce type de voix et de pousser un peu différemment, pour que quand on écoute Néfastes on se dise pas “Oh tiens c’est le chanteur de Benighted !”. Apparemment vu les retours que j’ai eus, j’ai même une copine à qui j’ai envoyé ça en lui disant que je chantais sur un projet Black Metal, elle m’a répondu “mais tu chantes où et sur lequel ?” (rires) ! Je lui ai dit que c’était le plus beau compliment qu’on pouvait me faire, parce que je chante partout mais tu m’as pas reconnu, alors c’est parfait parce que j’ai pu mettre une autre âme dans mes voix sur ce projet, donc je suis super content !

Une question bête, qui est le batteur sur cet album ?
Julien : Il n’y a pas ! C’est Liem qui a fait de la programmation de batterie, et je ne sais pas sur quel logiciel il a bossé mais ça sonne très naturel !
C’est pour ça, j’ai pensé que c’était forcément un humain !
Julien : Plein de gens nous ont demandé si c’était Kevin Foley… ça aurait pu mais non ! En fait, Liem est très doué avec son home studio et la production de batterie, donc vu qu’à la base comme je te disais on ne voulait pas faire un groupe, juste s’éclater entre potes et mettre des voix sur ce que Liem avait déjà fait, on a pas du tout envisagé de réenregistrer les parties de batterie. On a voulu les garder comme ça, parce que c’est né comme ça, donc on a préféré le garder.

L’album sort dans trois semaines, comment est-ce que ça va se passer pour Néfastes après ça ? Est-ce que vous avez déjà des prévisions pour la suite ?
Julien : Eh bien oui, Litchi (surnom de Liem, ndlr) étant un gros forçat de travail, il a déjà commencé à composer la suite, et on a déjà un morceau entier presque ! Il ne chôme pas, c’est une machine à riffs, et vu que le morceau qu’il nous a pondu est très très cool aussi, j’ai bien hâte de m’éclater à écrire des paroles et à chanter dessus ! C’est pour le moment un projet studio, parce que pour moi quand les concerts vont reprendre entre mon boulot, ma vie de famille et Benighted, j’ai zéro temps pour moi de toute façon donc je ne pourrais pas assurer… sait-on jamais un jour mais pour l’instant c’est vraiment un projet studio entre potes.

Côté artwork, quelle a été votre démarche ?
Julien : Alors moi j’ai fait comme dans Benighted, j’ai commencé à imaginer ce qu’on pouvait mettre dessus, j’ai fait des petits dessins, et comme cette aventure c’est un truc entre amis, c’est l’un de nos meilleurs amis Blod qui a fait le clip et les lyrics vidéos, pour l’artwork on a demandé à Nicko de Metalink Tattoo qui avait déjà fait nos pochettes pour ICP et Identisick de Benighted, qui est un ami de longue date, et tous les tatouages que j’ai sur le corps sont de lui aussi. C’est un super dessinateur, donc on s’est tournés vers lui, on lui a dit “Nicko on a besoin de toi, il faut que ce soit classe, sobre, voilà mes esquisses !”. Du coup il est parti avec son talent à lui il nous a dessiné la pochette. Bon c’est une corde et un arbre, ça va pas chercher bien loin en terme de graphisme, et il a dessiné un cadavre pendu au dos de la pochette qui est le dos de l’artwork, c’est celui qui est sur la pochette de Néfastes qui sort en même temps que l’album, et je le trouve fantastique ! C’est classe, c’est sobre, mais c’est crade, donc c’est juste ce qu’on voulait (rires) !

On va passer à des questions un peu plus fun, quel est ton album culte de Black Metal ?
Julien : Hmm… Panzer Division Marduk !

Et le dernier album de Black que t’as découvert qui t’as marqué ?
Julien : Hmm… Finisterre de Der Weg Einer Freiheit. Je suis fan ultime, je les ai découverts en jouant avec eux, je ne connaissais pas avant et ils sont super cools, en plus ils adorent Benighted, du coup je leur ai dit que j’étais fan absolu ! J’ai acheté l’album et je suis resté sur le cul ! Je l’ai écouté un nombre incalculable de fois. Après je suis revenu à ceux d’avant, Stellar et… le premier (Der Weg einer Freiheit, ndlr). C’est un groupe monumental et j’ai vraiment hâte d’écouter leur nouvel album qui sort cette année !

Pourquoi les capuches sur la photo promo ?
Julien : Ambiance Black, ça va pas chercher bien loin (rires) ! On s’est dit “on va montrer nos gueules un minimum, histoire qu’on sache que c’est nous” et puis voilà (rires) ! On s’est pas cassé le cul tu sais, on est des Old School, on a tous plus de quarante ans, on en est pas à chercher un look ou un déguisement particulier pour la scène, on fait de la musique et on s’amuse. Comme on voulait que ce soit différent de Benighted, on s’est bêtement mis une capuche sur la gueule et puis c’est tout ! Mais la plupart du temps les groupes qui font ça c’est plus du Post-Black, nous on est plutôt Old School, j’espère que ça va pas induire les gens en erreur, qui s’attendraient à écouter du Der Weg Einer Freiheit, du Déluge ou du Regarde Les Hommes Tomber, parce que nous c’est vraiment plus du Metal des années 90.

Y a t’il des artistes ou des groupes avec lesquels vous imagineriez collaborer à l’avenir ? Que ce soit sur un titre, ou plus.
Julien : Oui, je pense qu’on pourrait ! Moi j’adorerais ré avoir Niklas Kvarforth de Shining, on l’a eu pour Benighted mais je l’imagine très bien sur du Néfastes aussi hein ! Mais je sais pas, j’y ai pas vraiment réfléchi parce qu’encore une fois tout va super vite, on a commencé ça comme une blague entre potes en novembre, là on se retrouve à sortir un album six mois après, je t’avouerai qu’avec Benighted au milieu c’est un peu dur à suivre, à anticiper les projets… on court un peu après ce qui se passe parce qu’on est très occupés à assurer ce qu’il y a à faire pour le moment !

A quel plat typiquement français est-ce que tu pourrais associer la musique de Néfastes ?
Julien : Ouh putain quelle bonne question ! Typiquement français en plus…
Ah oui, pas question de me sortir un kebab ou une pizza !
Julien : Ah oui j’avais bien compris (rires) ! Typiquement français… c’est con parce que c’est pas vraiment un plat mais… est-ce que tu as déjà goûté le fromage le piquant ?
Jamais !
Julien : C’est un peu le fromage des Bronzés font du Ski, c’est un mélange de vieux restes de fromage et tout avec du jus d’échalotes et autres… ça macère et quand tu l’ouvres ça embaume, faut pas t’en mettre sur le t shirt parce que tu peux le jeter ! Par contre en bouche c’est absolument délicieux ! C’est répugnant à l’odeur, à la vue, mais quand tu l’as dans la bouche… putain j’en veux encore ! Eh bien voilà, c’est Néfastes (rires) !

Ma dernière question : Avec quels groupes rêveriez-vous de jouer ? Je vous laisse créer une tournée avec Néfastes en ouverture !
Julien : Moi j’adorerai tourner avec les groupes que je t’avais cité, nos principales influences ! Avec Shining, Marduk, ce type de groupe ! Shining et Néfastes, ce serait un rêve !

Merci encore pour le temps que tu as accordé à mes questions, je te laisse les mots de la fin !
Julien : Eh bien déjà merci à toi, j’ai passé un super moment Matt, et je propose aux gens d’aller écouter notre album Scumanity s’ils ne l’ont pas déjà fait, découvrir les titres qui sont déjà sortis et si effectivement vous êtes des fans de Black Metal des années 90 avec beaucoup de haine et beaucoup de parties bien dérangeantes et dégueulasses, je pense que vous pourriez trouver votre bonheur dans Néfastes !

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