Guillaume et Boris, respectivement batteur et bassiste du groupe Parlor, m’ont accordé de leur temps afin de répondre à quelques questions concernant Comments, le nouvel EP du groupe.
Bonjour à vous, et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenteriez-vous le groupe Parlor sans utiliser les étiquettes de genre habituelles ?
Guillaume (batterie) : Salut Acta Infernalis ! Merci de nous revoir dans vos colonnes et de prendre du temps pour nous, on est ravis d’être là! Parlor, c’est un groupe de quatre amis, basé à Paris, qui joue une forme d’agression musicale, honnête et intense, saupoudrée d’une forme de second degré et de blagues potaches, qui s’ouvre un peu à des territoires musicaux plus planants! Chaud ta question en fait! hahaha
Boris (basse) : Salut Acta ! Le groupe est composé de Guillaume Quincy à la batterie, qui jouait auparavant dans Observer avec Arthur Leparc, le chanteur, et de Yann Desti et moi respectivement à la guitare et à la basse. On se connaît depuis un sacré bout de temps avec Yann, puisqu’on joue également à côté dans SaaR. Je dirais qu’on joue une musique extrême et bruyante, qui au fil des années tend à muter vers un objet plus construit, davantage nuancé, où affleurent même de temps en temps des touches de textures minimalistes ou aériennes… Tout un programme!
D’où vient le nom du groupe ?
Guillaume : De l’aspect très littéral d’un parloir de prison, de la parole qui s’échange de l’extérieur à l’intérieur et vis-versa, des messages cachés qui peuvent transiter… On avait aussi abordé cet aspect sur notre tout premier EP Zamizdat qui décrit des livres interdits, imprimés en cachette et distribués sous le manteau en URSS.
Boris : On a d’ailleurs failli s’appeler Zamizdat à l’origine, mais on trouvait que le nom correspondait mieux à un EP, qui est en effet resté très confidentiel!
Comments, votre nouvel EP, sort dans quelques semaines, comment vous sentez-vous ? Est-ce que vous avez déjà eu des retours dessus ?
Guillaume : Alors déjà désolé pour le retard de notre réponse, on a été pris par pas mal de choses avec des concerts, une résidence et plein d’interviews, bref désolé du temps de notre réponse! Comments est sorti il y a deux semaines, on a déjà des supers retours et on a pu toucher plein de nouvelles personnes grâce à cette sortie, on est super content! On a aussi la chance d’avoir pu remonter sur scène pour cet EP, ce qui n’était pas encore sur il y a quelques mois! C’est super agréable de pouvoir jouer ces nouveaux morceaux face à un public! La sortie vinyle a été un peu repoussée en raison des pénuries de matière première mais ils arrivent la semaine prochaine! Tout beaux, tout rouges, chez Source Atone Records!
Boris : On a déjà reçu pas mal de retours enthousiastes sur l’EP, notamment concernant l’évolution du son du fait de notre rencontre avec Francis Caste, ou plus généralement de la “maturité” de nos compos actuelles comparé à Softly. La thématique des réseaux sociaux et l’aspect complètement déconne du clip d’Instacat a aussi pas mal fait réagir le public et les journalistes… On nous en parle sans arrêt! On espère continuer sur notre lancée pour défendre l’EP un max sur scène maintenant.
Bien qu’assez court, le nouvel EP vous permet d’exploiter des influences plus axées Post-Hardcore/Post-Metal, comment avez-vous vécu la transition ?
Guillaume : Je pense que ça s’est fait plutôt naturellement. Sans se poser trop de questions sur la direction qu’on prenait. On voulait davantage gagner en efficacité, un sentiment urgent et “in your face” mais aussi s’aventurer parfois sur des ambiances plus posées, plus Post.
Boris : ça correspondait à une évolution naturelle du groupe. Yann, qui écrit les bases des compos à la gratte, combine énormément d’influences, et le Post-Rock/Metal instrumental qu’on pratique dans SaaR a certainement joué une influence sur le son de cet EP. Chacun de nos projets se nourrit l’un de l’autre.
Pouvez-vous m’expliquer le concept du titre Instacat, ainsi que son clip qui reste dans l’esprit déjanté du groupe ?
Guillaume : Instacat parle de nos addictions aux réseaux sociaux, l’évolution de nos comportements sociaux face à ces nouvelles technologies. Pour l’illustrer, on a choisi l’un des symboles incontestés d’Internet: les chats. Le clip raconte le rise and fall d’un chatfluencer, qui ne vit que pour son nombrilisme, ses likes et son image, qui causeront sa perte. Je réalise les clips dans Parlor, et on veut garder un côté second degré, débilos avec si possible un certain cynisme. A mon goût le format du clip permet d’exploiter en peu de temps des narrations courtes en s’affranchissant de pas mal de règles propres au cinéma de fiction. Donc autant s’amuser et raconter une petite histoire!
Les titres qui m’ont le plus surpris sont Q&A, qui propose une sorte de progression, presque de transition ainsi que Pervitin, le dernier morceau. Comment avez-vous composé ces morceaux ?
Guillaume : C’est Yann (Desti, guitare), qui compose tous les riffs dans Parlor. Dans Q&A, tout s’est plutôt fait naturellement. Yann et moi composons la majorité des structures, qu’on affine avec Boris en répet, avant de les proposer à Arthur qui intègre ses lignes de chants un fois les instrumentaux posés. Pour Pervitin, pour la première fois on a composé en s’appuyant sur des paroles déjà existantes qui racontent la mort lente d’un jeune soldat drogué à son insu sur un champ de bataille et ses hallucinations. C’était assez intéressant de travailler de cette manière, on va peut-être la ré-exploiter dans le futur!
Pour ces deux morceaux, l’aide de Francis Caste a été précieuse, notamment sur Q&A et le traitement de voix, d’orienter Arthur vers quelque chose de plus plaintif, plus torturé. Il nous a aussi permis d’aller droit à l’essentiel dans Pervitin, en nous conseillant de tailler dans le gras, d’affiner certains riffs, roulements, transitions etc…
En 2020, votre tournée a été annulée par la crise sanitaire, comment avez-vous vécu cette pause en tant que groupe ? Comment avez-vous mis à profit le temps qui s’est dégagé ?
Guillaume : On a pris pas mal de recul en se disant que le monde était à l’arrêt et que c’était un peu pareil partout… Avec le recul, je me dis qu’à titre personnel, ça m’a fait pas mal de bien, j’ai pu prendre du temps pour moi, bosser mon instrument, avancer sur des choses. En tant que groupe, malgré les différents confinements et couvre-feu, on a pu prendre du temps pour créer, travailler et donner vie à Comments, ça a été tout bénef!
Je sais que l’avenir est encore assez incertain, mais est-ce que vous avez déjà des plans pour le futur ? Ou du moins après la sortie de l’album ?
Guillaume : On a de plus en plus de concerts qui se calent pour l’année prochaine et on espère jouer le plus possible. Aussi et surtout, on bosse actuellement sur un nouvel album qu’on devrait enregistrer en 2022, en espérant le sortir vers la fin de cette année.
Comment a débuté votre parcours musical ?
Guillaume : Boris et Yann ont un groupe Saar (qui sort son nouvel album chez Source Atone Records dans quelques jours !) et avec une formation de l’époque qu’on avait avec Arthur (chant), Observer. On partageait des plateaux, on est vite devenu pote avec la volonté de créer un groupe qui se rapprocherait de Breach ou Converge !
Boris : A titre personnel, j’ai commencé la guitare ado, comme beaucoup, avant d’étudier pour devenir ingénieur du son après le lycée. Plus tard, j’ai rencontré Yann en studio en tant qu’ingé son pour enregistrer l’un de ses précédents projets, et on s’est découvert une passion commune pour le Post-Rock… ça rapproche! Du coup, quand l’ancien bassiste de SaaR a quitté le groupe en 2014, il m’a proposé de reprendre le poste, et je me suis donc mis à la basse sur le tard, vers 25 ans… L’aventure Parlor a quant à elle débuté 2 ans plus tard, en 2016, à force de se croiser à toutes les soirées de “musiques underground” avec Guillaume, Arthur et Yann, on s’est dit que le moment était venu de monter ce projet noisy joyeusement débile, au départ pour le fun, mais qui est devenu beaucoup plus sérieux avec le temps.
Qu’est-ce qui vous a poussé dans l’univers du Hardcore et du Metal ? Quel a été votre premier album dans ces styles ?
Guillaume : Comme beaucoup de gamins à l’époque pour moi le Neo-Metal a ouvert pas mal de portes pour moi mais très rapidement j’ai découvert les gros classiques de Death Metal : Morbid Angel, Obituary, Death, Carcass, etc… Ça m’a rendu zinzin et j’ai voulu directement plonger plus dedans, dans le grind, dans le black aussi…. J’étais à fond. Pour le Hardcore j’y suis venu plus vieux, vers 18 piges, et Kickback m’a fait plonger dedans ! Et puis après Youth of Today, Leeway, je me suis mis à digguer le plus possible!
Boris : De mon côté je lisais assidûment les news de Metalorgie gamin, et j’ai découvert un paquet de groupes et de sous-genres à travers de nombreux webzines comme le votre, que je digguais à fond à l’époque. Très vite, je me suis retrouvé soit dans groupes assez barrés comme Will Heaven, Norma Jean, The Dilinger Escape Plan ou Nostromo, ou bien des trucs plus hardcore, très frontaux, genre Arkangel et Black Bomb A… Je peux citer les albums Dead Man Walking d’Arkangel, ou Calculating Infinity de DEP parmi mes premières véritables claques et rencontres avec les musiques extrêmes… Sans oublier le Jane Doe de Converge, ou We are the Romans de Botch… Par la suite, j’ai vraiment été happé par toute la veine Post-Metal/HxC, tout d’abord avec les premiers albums de Cult Of Luna, l’eponyme, The Beyond (le single The Watchtower !), et surtout Salvation, qui, avec des groupes comme Isis, Tool ou Neurosis (écoutez Times of Grace), ont énormément contribué à forger mes affinités musicales. A côté de ça, je redécouvre toujours avec autant de plaisir la scène Hardcore Punk et Post-Hardcore/Noise américaine des 80/90’s: Minor Threat, The Minutemen, Black Flag, Lungfish, Jawbox, Helmet, Sonic Youth, sans oublier Fugazi, le groupe à la discographie parfaite, en toute objectivité cela va sans dire!
On retrouve à la fois du sérieux et un aspect déjanté, moqueur, dans votre musique, mais également dans vos visuels, comment arrivez-vous à conjuguer les deux aspects ?
Guillaume : Pour nous ça se fait de manière ultra naturelle! On a toujours voulu conserver un aspect second degré dans notre musique et aussi dans nos visuels. On ne sera pas à l’aise de faire les gros méchants coreux qui posent et tirent la gueule. On ne veut pas non plus faire un “groupe à blague, mais autant rester qui nous sommes: une bande de potes qui veulent faire de la musique bruyante avec un aspect potache et cynique.
Avez-vous des passions en dehors de la musique ?
Guillaume : Le cinéma! Je suis chef-op image “dans la vraie vie” et je suis cinéphile depuis gamin, j’adore les films noirs et d’horreur!
Boris : Je bouquine pas mal, et, comme pour les vinyles, j’ai tendance à ne jamais ressortir les mains vides de chez le libraire, je finis donc toujours par me retrouver avec une sacré pile de romans ou d’essais entamés sur ma table de chevet… Récemment, j’ai reçu l’intégrale des textes de H.P. Lovecraft, dans un très beau coffret, réédité dans la nouvelle traduction de David Camus, via un financement participatif et une dizaine d’années de travail acharné des éditions Mnemos… C’est une superbe initiative et une bonne occasion de replonger dans les abîmes de noirceur du maître de l’horreur.
Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels vous souhaiteriez collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
Guillaume : Faire du grind avec Alkapote me semble un projet cohérent.
Boris : Ou de la trap avec Sublime Cadaveric Decomposition au choix… Plus sérieusement, j’ai adoré le son de W!zard qui ont enregistré leur premier EP chez Amaury Sauvé récemment, après pas sûr qu’ils acceptent le split avec nous! On a bien accroché également avec nos camarades de label Nature Morte, on leur proposerait bien une petite collab, on aura le temps d’en rediscuter en concert, on rejoue ensemble fin janvier en Belgique!
A quel plat ou boisson typiquement français pourriez-vous comparer la musique de Parlor ? Pourquoi ce choix ?
Guillaume : Du Maroilles! C’est du fromage donc c’est la vie! Surtout ça te blinde, te tombe sur le bide et te fait puer de la gueule : un peu comme la musique de Parlor !
Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Parlor en ouverture !
Guillaume: Converge et Birds in Row ! et je fais du forcing pour pouvoir ramener Nick Cave sur certaines dates !!
Boris : Bon alors quitte à se faire plaisir sur l’affiche, je programmerais Human Impact (le projet indus noise avec les gars de Unsane, Cop Shoot Cop et Swans), Uniform parce que c’est la branlée atomique en live, et Chat Pile parce que j’ai poncé leur EP Remove your Skin Please l’an dernier, et qu’ils n’ont encore jamais joué en France! Une belle tournée noise en perspective!
Merci à vous de m’avoir accordé de votre temps, je vous laisse les mots de la fin !
Guillaume : Merci encore à vous Acta Infernalis, et merci à vos lecteurs d’avoir pris le temps de nous lire ! On espère vous voir bientôt en concert, n’hésitez pas à faire vivre la scène après cette période trouble : aller voir des dates, soutenir des groupes, faisons tous (re)vivre la scène
Boris : Merci à vous Acta Infernalis pour l’interview, ainsi qu’aux lecteurs qui ont pris le temps de nous lire. Écoutez de la musique, soutenez les groupes et les labels indés que vous kiffez, sortez aux concerts tant qu’ils sont de retour… Et on espère vous retrouver pour discuter autour d’un verre quand on viendra jouer près de chez vous !