Review 1506 : Monolithe – Kosmodrom

Monolithe a fêté ses vingt ans.

Créé en 2001 en France par Sylvain Bégot (guitare, ex-Anthemon) et Benoît Blin (guitare), le groupe se fait progressivement un nom dans la scène Doom française, puis internationale. En 2022, c’est accompagné par Olivier Defives (basse, Jadallys, Inner Chaos), Thibault Faucher (batterie, Light Deflection, ex-Jadallys), Matthieu Marchand (claviers, Abstrusa Unde) et Rémi Brochard (guitare/chant, Ethmebb) que le groupe annonce la sortie de Kosmodrom, leur neuvième album, accompagné par Kassiopea, un EP de reprises.

Le groupe accueille London Lawhon pour donner une touche très douce et apaisante à Sputnik-1, le premier morceau, qui reste profondément ancré dans un Doom/Death mélodieux et mélancolique. Les parties lourdes accompagnent parfaitement le chant de l’invitée ou les leads hypnotiques qui nous mènent lentement à Voskhod, un titre assez lancinant et accrocheur où la basse joue un rôle assez important, apportant aux guitares dissonantes une certaine diversité pendant que quelques hurlements massifs ressortent du mix. Certains riffs plus énergiques révèlent des influences plus brutes et saccadées pendant que les leads et les claviers apportent la touche planante, comme sur Kudryavka et sa lenteur pesante, doublée de mélodies entêtantes plus douces. L’ambiance est également plus apaisante, même lorsque le chant s’invite dans cette vague de mélancolie ou lorsque Jari Lindholm (Enshine, Exgenesis), chargé du mix/mastering de l’album, intervient sur les leads. Un clavier cosmique nous guide jusqu’à Soyuz, un titre introduit par une communication en russe suivie de cette rythmique qui s’enflamme peu à peu pour devenir pesante, voir même inquiétante avec l’ajout de ces claviers sinistres. L’album touche à sa fin avec la très longue Kosmonavt, une composition de vingt-six minutes qui nous laisse naviguer entre ces vagues lentes et lancinantes en rencontrant distorsion, leads épiques, effets cybernétiques et autres hurlements, mais également des touches claires plus Prog, mais les tonalités imposantes et aériennes ne sont jamais loin, et ce jusqu’à la toute fin du morceau, même lorsqu’on les croît disparues.

Le groupe enchaîne sur les versions limitées avec Kassiopea, un recueil de reprises, avec notamment quelques surprises au niveau des styles choisis. On retrouvera donc Kold, reprise de Cold du groupe The Cure en compagnie de Frédéric Gervais (Orakle) qui conserve sa touche Post-Punk, Orion’s Misery, un assemblage de Orion et My Friend of Misery de Metallica sur lequel le groupe accueille Benjamin Belot (Penumbra, ex-Lux Incerta) pour une touche lancinante de Thrash, ou Invasion AD de Carpenter Brut qui permet aux claviers et aux leads une totale liberté d’expression. Brave Murder Day réunit trois titres emblématiques de Katatonia, légende du Doom suédois, chantés par Rémi Brochard (growls) et Melody Gruszka (chant clair, Neko Light Orchestra) pour alimenter cette dualité envoûtante, puis The Killing Moon du groupe de Rock Alternatif Echo & the Bunnymen apporte une touche apaisante avec Florent Gerbault (Kera, Nord, ex-Nesseria) avant que Special Cases n’accueille Manuel Munoz (The Old Dead Tree, Arkan, Melted Space) pour une percée éclectique dans l’univers de Massive Attack.

Monolithe nous prouve avec Kosmodrom qu’ils règnent toujours sur la scène Doom Metal française, mais qu’ils sont également capables de proposer des sonorités légèrement différentes avec Kassiopea. On ne peut que saluer leur maîtrise.

90/100

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Quelques questions à Benoît Blin, guitariste de Monolithe.

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de ton temps ! Comment présenterais-tu le projet Monolithe sans utiliser les habituelles étiquettes “Metal” ?
Benoît Blin (guitare) : Monolithe est un projet qui existe depuis un peu plus de vingt ans. On joue une musique lourde qui, même si elle est axée sur la lenteur, est très vivante avec des rythmes variés et des ambiances très différentes notamment grâce à une part importante donnée aux claviers et parties orchestrales. Avec les années, de nombreux éléments et instruments non conventionnels ont incorporé notre musique pour l’enrichir. Le concept général tourne autour de la science-fiction et plus globalement vers tout ce qui concerne l’espace. Créé à l’origine par une seule personne en temps que projet studio, Monolithe s’est transformé progressivement en véritable groupe, notamment depuis 2015 où nous avons monté une formation live. Nous avons depuis donné un certain nombre de concerts, principalement en Europe, avec quelques incursions dans des régions un peu plus éloignées.

D’où vient le nom du groupe, et comment le relie-tu à la musique que vous jouez ?
Benoît : Le nom vient du monolithe du film 2001, l’Odyssée de l’Espace de Kubrik et le concept initial tournait autour de cette image : un seul homme pour écrire et enregistrer un album composé d’un seul morceau massif. De plus, cet objet apparaît dans le film de manière inattendue sans savoir trop d’où il vient, un peu à l’image du groupe à l’origine. Il s’est avéré que pour simplifier les choses, d’autres musiciens ont intégré le projet dès le début mais uniquement pour l’interprétation sur disque. C’était l’idée de départ et le format est resté le même pour les quatre premiers albums, tous constitués d’un seul titre de près d’une heure. Même maintenant, alors que nous jouons des morceaux plus courts, le nom du groupe a toujours du sens car la musique que l’on joue est toujours lourde, massive et percutante et empreinte d’un certain mysticisme. Cette référence à Kubrik montrait aussi dès le départ qu’on allait traiter de sujets qui était assez différents de la scène Doom de l’époque, autant au niveau du concept général que de la musique. Il y a un côté lumineux chez Monolithe qu’on trouve assez rarement dans ce style.

En 2022, le groupe sort Kosmodrom, son neuvième album. Quels sont les retours sur l’album ?
Benoît : On n’a pas encore eu beaucoup de retours car le disque vient tout juste de sortir et aussi parce qu’on n’a pas voulu faire de promo avant sa sortie, histoire d’éviter ce qu’il s’est passé avec notre album précédent Okta Khora qui s’est retrouvé en ligne trois mois avant sa sortie dans une qualité vraiment médiocre. Cela dit, pour le moment, la presse semble y trouver son compte. Ce n’est pas toujours simple de se renouveler au bout de neuf albums et le travail est exigeant pour ne pas faire de la redite dans ta musique. En tout cas, les premières chroniques sont très encourageantes et globalement, les auditeurs adhèrent à notre évolution et progression. Nous avons sorti deux singles dans l’année Sputnik-1 et Soyouz, et, d’après les commentaires faits à ces moments, on savait que l’album était attendu. Certains autres groupes nous font aussi de la pub, on sent bien que c’est un bon disque. Aussi, nous avons enchainés quelques concerts entre septembre et novembre pendant lesquels nous avons joué notre morceau Soyuz et le public semblait très réceptif à ce titre en particulier.

Comment s’est passé le processus de composition ? Ainsi que l’écriture des paroles ?
Benoît : Quand on a sorti Okta Khora début 2020, l’idée était d’enchaîner avec une série de concerts et de faire une pause, du moins, sur le côté composition. Avec la pandémie, tous ces projets ont été remis en question et tous nos concerts annulés. Avec les différents confinements, il y avait beaucoup de temps libre et donc ce nouvel album est né. Autant parce que de nouvelles idées commençaient à germer que dans le but de s’occuper de manière constructive. Concernant les paroles et le concept en général, on voulait s’éloigner légèrement de la science-fiction des précédents albums tout en traitant d’un sujet lié à l’espace.

En plus de Kosmodrom, vous avez également choisi de nous dévoiler Kassiopea, qui ne contient que des reprises. Comment les avez-vous choisies ?
Benoît : Le choix des morceaux a vraiment été fait de manière collégiale, en fonction des influences et des envies de chacun. L’idée d’origine était de trouver des morceaux en lien avec les sujets que l’on traite. On voulait aussi interpréter à notre sauce des groupes très peu repris dans le Metal ou, dans le cas de Metallica, leur ajouter quelque chose pour en faire une sorte de nouveau titre à part entière. C’est un exercice très intéressant car l’intention d’une chanson peut vraiment différencier en fonction de comment tu veux la faire sonner mais au final, ça reste toujours une bonne chanson. Je pense qu’on a réussi à faire honneur à ces groupes sans les dénaturer.

Comment s’est passée la collaboration avec les invités sur cet album (et EP) ?
Benoît : C’était assez facile pour nous car ce sont tous, pour la plupart des amis à nous et, connaissant leur capacité, ils ont fait un super travail. La seule qu’on ne connaissait pas est London Lawhon qui chante sur Sputnik-1. À l’origine, il était question qu’une grande chanteuse d’un groupe de Metal européen intervienne sur ce titre mais pour différentes raisons, ça ne s’est pas fait. On a cherché sur internet quelqu’un qui pouvait assurer dans le même registre et on est tombé sur elle. On lui a donné quelques instructions mais elle n’a rien suivi et a fait quelque chose de bien plus personnel et le rendu est largement au-dessus de ce qu’on pouvait espérer. C’est une personne qui n’a aucun lien avec le Metal et c’est probablement une des raisons pour laquelle ça rend si bien. De fait, c’est peut-être mon morceau préféré du disque. Avec les années, on a su s’entourer de musiciens extrêmement talentueux pour ajouter un petit plus à notre musique, c’est une chance !

Depuis quelques années, le groupe a délaissé le Funeral Doom pour partir vers un Doom/Death Mélodique aux influences parfois Prog, mais cet album semble y revenir. Est-ce que vous ressentez la même chose ?
Benoît : Pour clarifier les choses, on n’a jamais trouvé qu’on faisait du Funeral Doom. Dès le premier album, même si certains passages très lents pouvaient nous affilier à cette scène, on variait déjà beaucoup les tempos. Maintenant, je suis d’accord avec toi en disant qu’il y a une sorte de rappel des premiers albums, principalement sur le dernier morceau du disque Kosmonavt. C’est le plus long et le plus lent de l’album et on y retrouve certains éléments déjà présents à nos débuts.

Quels sont vos plans pour le futur du groupe ? Que ce soit un éventuel passage au live, d’autres sorties…
Benoît : Nous envisageons le futur proche autour de la scène, avec notamment la France que nous avons un peu délaissée lors de nos premières années. On revient tout juste de deux concerts à Nantes et Brest et le public était génial. On avait cette fausse idée que le groupe marchait mieux à l’étranger qu’en France mais on se rend bien compte qu’on est très appréciés et attendus ici aussi. Au niveau des sorties, en plus de l’album qui vient d’arriver, un coffret regroupant les premiers disques de groupes est sorti un peu plus tôt dans l’année. C’est un très bel objet avec notamment une version boitier en bois réalisée à la main, magnifique. Beaucoup de gens qui nous suivent sont des collectionneurs car nous avons déjà pratiquement tout vendu. Pour la suite, on a déjà quelques riffs dans la tête mais il est encore trop tôt pour penser au prochain disque.

Est-ce qu’il y a des musiciens avec lesquels vous souhaiteriez collaborer ? Que ce soit pour un titre, un album…
Benoît : C’est une question compliquée car il y a énormément de gens talentueux sur terre avec qui on pourrait collaborer si on en avait la possibilité. Je suis un inconditionnel de David Gilmour et de James Hetfield par exemple et ils auraient tout à fait leur place sur un disque de Monolithe.

Avec quels groupes aimeriez-vous tourner ? Je vous laisse créer une tournée ou une date avec trois autres groupes !
Benoît : Il y a quelques semaines, on a failli avoir une belle affiche avec Carpenter Brut et Ulver à Paris mais finalement Ulver a annulé sa tournée. Je me serais très bien vu en leur compagnie sur cette date ou pour une tournée. Trois groupes très différents mais avec une approche un peu similaire, notamment sur le côté cinématographique de leur musique. Aussi, on pourrait faire un vrai retour aux sources et tourner avec Paradise Lost, Anathema (s’ils se reformaient) et My Dying Bride. Ces trois groupes sont les premières influences de Monolithe et ils sont toujours présents, même inconsciemment, dans notre musique.

Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
Benoît : Merci à vous pour le soutien, grâce à vous, la musique de Monolithe circule un peu plus et, pour nous, c’est ce qui est le plus important.

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