Trëma vit toujours.
Un an après la sortie de son premier album en 2022, le musicien Disheol (chant/tous instruments) collabore avec L’Ordalie Noire pour annoncer la sortie de Volutes Oniriques, son nouvel EP.
A noter que l’EP se présente en version physique sous la forme d’une enveloppe avec un cachet de cire. Une chose unique à ma connaissance, et qui prouve déjà l’implication du musicien.
Les premières notes mélodieuses et mélancoliques d’Animal commencent à nous envoûter avant de s’éteindre pour laisser un hurlement perçant apparaître, révélant une rythmique plus épaisse aux sonorités Old School. Les leads apportent une dimension entêtante et presque épique à cette base lancinante peuplée d’interventions vocales brumeuses diversifiées, passant des cris désespérés aux mots sombres avant de laisser à nouveau la rage s’exprimer, pour finalement placer des riffs apaisants qui nous mènent à Les Rêves De l’Alb-Atroce, la composition suivante, qui s’ancre dans une lenteur pesante pour développer sa noirceur. La rythmique torturée reste placée sous le signe de la plus intense mélancolie alors que les lamentations lugubres en arrière-plan se transforment peu à peu en choeurs aériens et rassurants avant de devenir beaucoup plus menaçants lorsque les riffs s’enflamment à nouveau, révélant leurs racines les plus agressives et brutes. La vague de haine est suivie par des influences Shoegaze enivrantes qui mènent à Onirisme et à sa courte introduction au chant diphonique, mais la fureur reprend rapidement le dessus et nous inonde de cette déferlante dissonante avant de la laisser s’apaiser puis laisser libre cours à sa folie pendant que les parties vocales diversifiées volent à nouveau autour de nous en nous guidant jusqu’à ce final très contrasté.
Tout en restant enraciné dans un Black Metal viscéral et saisissant, Trëma se diversifie en intensifiant ses influences Shoegaze ou en créant la surprise avec des parties vocales inattendues. Volutes Oniriques est aussi dévasté qu’imprévisible.
90/100
Quelques questions à Disheol, tête pensante de Trëma.
Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Trëma sans utiliser les habituelles étiquettes des styles musicaux ?
Disheol (tous instruments/chant) : Trëma est un projet né courant avril 2022, à la suite de nombreuses désillusions personnelles. Le projet s’imprègne donc de toute la haine, toute la tristesse qui s’est littéralement emparé de moi durant toute cette période. Il a fallu ce moment où je devais absolument non pas fuir les ombres qui me tourmentent depuis longtemps mais au contraire, les laisser s’emparer de toutes mes pensées et me dévorer. Trëma est ce qui me représente le mieux, sans artifice social, la partie que je cache le plus au quotidien, que j’aime car elle est ma source de création, mais que je déteste tout autant car elle est un véritable supplice. Trëma représente également la dualité en chacun de nous, mêlant à la fois douceur et froideur, colère et tristesse qui sont à la fois deux émotions antagonistes et jumelles. Cela représente également l’espoir et la fatalité. Mais aussi un retour au primal, en cherchant le sens d’une émotion si profonde qu’aucun mot ne saurait en donner une définition, ce qui est en soi une contradiction puisque Trëma tente de le faire (encore une forme de dualité).
Volutes Oniriques, ton nouvel EP, vient juste de sortir, comment te sens-tu ? Est ce que tu as déjà eu des retours à son sujet ?
Disheol : Volutes Oniriques est assez particulier, il fait office de transition entre l’album sorti fin juin 2022 et la suite qui commence à entrer en préparation. Un chemin se dessine lentement, mêlant tout ce dont traitait A l’Aurore Du Crépuscule avec une notion plus onirique, ésotérique. Ce qui est lié à l’état actuel de ce que je ressens. C’est assez étrange de composer, d’enregistrer, de sortir un album. J’y consacre presque tout mon temps et c’est presque comme si je me livrais à de l’écriture automatique, n’ayant jamais vraiment le sentiment d’être auteur de tout cela. Quant aux premiers retours, ils sont d’une manière générales positif, quand bien même je n’arrive pas vraiment à m’en convaincre !
Comment résumerais-tu Volutes Oniriques en trois mots ?
Disheol : Passé, présent, Futur
Volutes Oniriques sort un an après A L’aurore Du Crépuscule, ton premier album, comment s’est passé sa composition ? Est-ce que tu as remarqué des changements, ou des évolutions dans ton processus créatif ?
Disheol : Le processus créatif n’a pas vraiment changé, ça reste toujours un être parmi d’autres, se laissant envahir, sans savoir par quoi. Il y a un peu plus de recherche sur les nouveaux morceaux, comme une part plus assumée de ces communications que j’aimerai avoir avec ce qui se cache tout autour de nous. Mais je suis encore trop rationnel et je pense que je le resterai. Mais j’aime cette atmosphère qui flotte au travers de l’ésotérisme. Cette sensation d’hypnose, transcendant le corps vers une paix étrange. La sauge poussant l’âme à une volute onirique…
Quel est le concept de cet EP ?
Disheol : L’idée est partie du fait que Les Rêves De L’Alb-Atroce allait être perdu. En effet, suis à un souci bien terre à terre (un problème de disque dur), il ne me restait plus aucune trace de ce morceau mis à part un mp3. Je ne sais par quel miracle, le maître en mastering Pierrick Noël a réussi à le sublimer. Bref, je ne voulais pas perdre ce morceau qui me tient à cœur. Pour autant, je ne me voyais pas le mettre dans le prochain album. Onirisme est bien plus récent, il sera probablement retravaillé pour une version future. Il est une ébauche de ce prochain opus pour lequel je me mets beaucoup de pression. J’ai notamment la crainte de me recycler, que Trëma devienne une parodie de Trëma.
Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet EP ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Disheol : Effectivement la question est rude. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que même si je suis l’auteur, je ne considère pas que ces morceaux sont de moi. Je n’arrive pas à me sentir auteur. Alors, lorsque j’ai écouté l’EP, je l’ai vraiment fait comme j’écouterai n’importe quel album, du début à la fin, d’une traite. Les morceaux n’existant pas vraiment, ils sont plus les chapitres d’une œuvre plus globale. Maintenant, si je devais forcer, je dirais que c’est Les Rêves De L’Alb-Atroce qui me donne des frissons. La voix y est spectrale, les guitares se rapprochent du DSBM traditionnel avec une pointe de Doom et d’Atmosphérique. Mais c’est surtout le texte qui me touche, je ne m’étendrai pas plus à son sujet, les auditeurs se feront leur propre avis.
Alors qu’A L’aurore Du Crépuscule était une sortie indépendante, tu as collaboré avec le label L’Ordalie Noire pour la sortie de Volutes Oniriques. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Disheol : Ayant peu de contacts, étant dans une période très sombre, avec un désir de vouloir me prouver je ne sais quoi, j’ai en effet sorti le premier album de façon indépendante. Tout du moins sur Bandcamp. Mais il reste que cet album n’est pas encore tout à fait terminé. Trëma est un projet à la fois musical, textuel, philosophique et visuel. Il me manquait la dernière partie. Je me suis donc mis en quête d’un label qui pourrait participer à la sortie physique de celui-ci. Je cherchais un label humain, de passionné, proche de chez moi (y en a marre de tomber sur des sonneries à rallonge et/ou des menus numériques). J’avais besoin d’avoir des personnes avec qui discuter, quelqu’un capable de me pousser et de me faire plus confiance que je n’en suis capable. J’ai entendu parler de L’Ordalie Noire, fraîchement né. J’ai eu un premier contact par mail avec le président Matthieu et après deux petites semaines, il est revenu vers moi. Visiblement, ils ont apprécié le projet. J’ai par la suite rencontré des personnes extraordinaires ! Glënn, Manon, Kratos, Eva, Gaël et Jô de Newsalem. Le courant est tout de suite passé, ils me laissent vraiment carte blanche et n’interviennent pas dans le processus créatif, ce qui est un élément essentiel pour moi étant donné que Trëma ne pourrait être Trëma en faisant des concessions. Ils se comportent tels des guides, soumettant des idées et je suis libre d’y adhérer ou non. En dehors de cela, ils sont de réels passionnés, à la fois de la musique mais aussi de tout ce qui l’entoure. Cela se ressent vraiment et je les remercie pour tout ce qu’ils m’apportent et apportent à la scène underground. Un grand label en devenir !
Est-ce que le fait d’avoir bénéficié de l’appui du label a changé quelque chose à ta manière de travailler ?
Disheol : Pas vraiment dans la façon de travailler car comme je le disais, L’Ordalie me laisse une totale liberté. Ils me permettent cependant de me dépasser et de voir les choses en plus grands que ce dont je me serai senti capable par moi-même. Ils me soutiennent et c’est vraiment ce dont j’ai besoin.
As-tu déjà des plans pour la suite de Trëma ? Est-ce qu’un passage au live (avec d’éventuels musiciens de session) est envisageable pour toi ?
Disheol : C’est en effet plus qu’envisagé puisque nous travaillons actuellement pour cela. Cela fait maintenant 6 mois que nous avons sérieusement commencé les répètes et nous serons bientôt prêts. Je ne veux cependant pas bâcler les représentations. J’ai rencontré de super musiciens. Nous avons tous hâte de pouvoir présenter Trëma sur scène qui prendra une autre dimension.
Comment as-tu découvert l’univers du Black Metal et quel est selon toi l’album incontournable de ce style ?
Disheol : J’ai découvert le Black au collège mais mon âme n’était probablement pas assez mûre encore pour comprendre toute la dimension autour du Black. Puis, j’y suis venu petit à petit, attiré par cette aura qui s’en dégage allant de découverte en découverte, avec un sentiment de réponses à une sorte de vide. Pour finir, j’ai rencontré un gars à l’université avec qui je suis devenu pote et cet idiot à décidé de me partager un album qui m’a fait sombrer un peu plus. Un album que j’ai refusé d’écouter tout de suite pour les mêmes raisons que j’ai refusé le Black Metal au début. Mais j’ai été attiré de la même manière par cette aura qui bien plus sombre encore. Une aura si sombre que le black paraissait presque coloré à côté. Il s’agit de Death Pierce Me de Silencer.
Concernant le style de Trëma, on y retrouve des influences Atmosphériques relativement Old School, mais aussi des éléments Blackgaze/Post-Black plus récents, comment trouves-tu le juste milieu entre tes influences ?
Disheol : Je ne saurai pas vraiment le dire, je compose de façon assez erratique. Je débute un riff et je vois ce qui vient après. Au fur et à mesure, des couches se distinguent, tout en respectant le postulat de base. Je ne vais pas mentir, je suis ULTRA influencé par Alcest, Amesoeurs et globalement toute la scène tournant autour de Neige qui est l’un des plus grands compositeurs de Black en France. Il m’arrivait même de découvrir bien plus tard, parfois même des années après que Neige était dans tel ou tel groupe. Je pense notamment à Amesoeurs et Lantlôs… Je suis également profondément inspiré par le DSBM qui était une sorte de mur infranchissable au départ. J’essaie de ne pas trop y penser cependant, j’ai vraiment peur de ne faire que du copier/coller, que Trëma ne soit qu’un projet parmi d’autres, avec tous le même son etc… Je pense notamment à l’époque très Pagan qu’il y a eu dans le Metal à une époque. Tous les groupes avaient le même son…
Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels tu souhaiterais collaborer dans le futur ?
Disheol : Oooh que oui ! Je pense notamment à Spellbound (Aorlhac, Jours Pâles), Neige (Alcest) bien sûr, Thomas Terreur (Regarde Les Hommes Tomber). Mais j’avoue que j’ai un rêve, se serai de collaborer avec les deux maîtres du Metal Noir Québécois, Annatar et Icare (Sombres Forêts, Miserere Luminis) !
Quand et comment as-tu commencé à jouer de la guitare ? Qu’en est-il du chant, et de la pratique des autres instruments ?
Disheol : J’ai commencé la guitare assez tard, je devais avoir 13 ans (merci pour la claque au passage, rire). Je me suis très vite tourné vers l’improvisation de riffs, vers des sont très aériens. Certaines vidéos ne doivent jamais ressortir d’ailleurs ! Pour ce qui est du chant, j’ai commencé un peu plus tard, en découvrant le Black d’ailleurs, mais à l’époque, comme aujourd’hui, je n’avais pas vraiment l’occasion de m’exercer. Il faut dire que ce type de chant a une légère tendance à en choquer certains. Le problème c’est que la musique est une drogue dont j’ai essayé de me sevrer mais cela m’est impossible. J’ai été contraint de renoncer pendant plusieurs années faute de moyens financiers. J’avais été dans l’obligation de tout revendre. Des années plus tard, je sentais toujours les effets du manque.
Avec quels groupes rêverais-tu de jouer ? Je te laisse imaginer une date avec Trëma en ouverture, et trois autres groupes.
Disheol : Il y en a beaucoup mais clairement, faire la première partie d’une soirée avec en tête d’affiche Miserere Luminis serait vraiment incroyable. Il y aurait aussi Hecate, un merveilleux groupe français trop peu connu (mais j’ai récemment appris qu’ils ne monteraient plus sur scène) et pour finir Shining. Même si c’est un cas complexe, Niklas reste l’une de mes principales inspirations et Shining ne m’a jamais déçu en live !
C’était ma dernière question, merci pour ta disponibilité, et je te laisse les mots de la fin !
Disheol : J’espère sincèrement que Trëma saura au moins vous faire ressentir quelque chose, des émotions perdues ou oubliées. Nous avons hâte de vous retrouver sur scène afin de partager tout cela ensemble. Je remercie encore L’Ordalie pour le boulot incroyable qu’ils fournissent et te remercie tout autant de m’avoir permis cette expression.