Review 1977 : Laang – Riluo

Laang continue d’errer dans les ténèbres.

Deux années après la parution de son deuxième album, le groupe créé à Taiwan par Haitao Yang (guitare/chant/claviers, Abyssius), puis rejoint par Willy Krieg Tai (basse, Bloody Tyrant) et Zak King (batterie, ShadowStrike, Uncured, ex-Dzö-nga) dévoile Riluo, son troisième album, chez Talheim Records.

L’album débute sur Baoyu, un véritable torrent de fureur brute où les leads lancinants rencontrent les cris viscéraux, ainsi que des hurlements profonds pendant que les claviers nous offrent un paysage majestueux. Les éléments se mêlent et se complètent naturellement tout en accueillant quelques notes plus froides tout comme sur Liuxue de Taiyang, où les mélodies hypnotiques se multiplient entre deux vagues de violence, parfois recouvertes d’une dissonance fascinante qui renforce les parties vocales agressives avant de nous faire revenir dans des sonorités inquiétantes avec Honghai et ses harmoniques tranchantes. Le tempo rapide laisse un blast Old School mener les passages les plus sauvages, alors que le groupe s’oriente vers des claviers imposants pour donner à ses riffs une ampleur plus importante, sans jamais négliger le côté plus vif, que l’on retrouve sans attendre sur Zhemo, une composition qui joue également sur les différentes nuances sombres que le groupe sait développer entre deux éruptions de colère. Les musiciens nous réservent tout de même quelques moments plus planants, comme ce break final où l’on retrouve des instruments folkloriques avant que Gui Xiang ne nous enveloppe dans son introduction aérienne, suivie comme toujours par une charge plus virulente et intense où les vociférations déchirantes mènent la danse. Le titre est très rythmé, alternant des parties très lentes avec des leads cinglants, et il est suivi par l’oppressante Yequ, qui place des riffs lourds et saccadés sous un voile de dissonance avant de laisser la batterie exploser. Mais le morceau est long, et il permet au groupe de gérer son allure de manière parfois surprenante tout en restant extrêmement cohérente avant de nous offrir un court instant de répit, suivi par l’introduction martiale de Juren, qui nous emporte jusqu’aux ténèbres les plus étouffantes. Le chant est totalement différent, offrant une expérience terrifiante avant de nous extirper de ce puits sans fond pour découvrir Riluo, dernière composition et titre éponyme, qui débute avec un passage beaucoup plus apaisant, mais qui revient bien vite à un son entêtant où le vocaliste déverse littéralement ses sentiments, que ce soit en chant saturé ou avec quelques mots plus plaintifs, accompagnés de choeurs.

Sans que je ne puisse réellement expliquer pourquoi ou comment, Laang m’a bouleversé à la première écoute. Riluo est certes différent des précédentes sorties du groupe, mais il reste tout aussi poignant et déchirant à sa façon, laissant ses créateurs donner vie à une âme meurtrie.

95/100

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Quelques questions à Haitao Yang, fondateur et désormais guitariste/chanteur du groupe taïwanais Laang.

Bonjour et tout d’abord merci beaucoup de m’accorder de ton temps. La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était il y a deux ans, comment te sens-tu aujourd’hui ?
Haitao Yang (chant/guitare) : Merci beaucoup ! C’est agréable d’être de retour. Je pense qu’il y a eu beaucoup d’améliorations depuis notre dernière conversation. J’ai l’impression que le groupe a grandi, que nous avons eu plus de développement et d’opportunités, et je dirais que ma situation personnelle concernant le sujet du groupe a continué à s’améliorer, comme en témoignent certaines chansons de l’album.

Ton nouvel album, Riluo, est sur le point de sortir, comment te sens-tu à ce sujet ? As-tu déjà des retours ?
Haitao : J’ai hâte qu’il sorte ! Il a été écrit il y a un peu plus d’un an, alors je suis très impatient qu’il soit enfin dévoilé. Jusqu’à présent, nous avons reçu de très bonnes réactions de la part des critiques, des commentaires et des messages sur les réseaux sociaux. Je pense qu’au fur et à mesure que nous progressons en tant que groupe, nous avons commencé à nous créer une niche de gens qui réagissent au type de musique que nous faisons, et la « police du genre » qui aime souligner l’évidence que nous ne sommes pas un groupe de trve kvlt Black Metal a commencé à se faire entendre.

Comment résumerais-tu l’identité de Riluo en trois mots ?
Haitao : Deuil, douleur, espoir

Que signifie Riluo, et comment le relies-tu à la musique qu’il contient ?
Haitao : Riluo signifie « coucher de soleil » en français. Dans le cas présent, le coucher de soleil est une métaphore du départ d’une vie passée et de l’avancée vers l’avenir. Il s’agit d’accepter que je suis définitivement changé par ce qui m’est arrivé, et qu’il ne sert à rien de s’attarder sur le passé. Je dois simplement accepter que ma vie est ainsi faite maintenant et essayer d’aller de l’avant tout en saluant les dernières lueurs de mon ancienne vie. C’est doux-amer. La musique explore cette question, en particulier sur le titre de l’album. L’album revisite des éléments du traumatisme que j’ai vécu, et culmine dans une acceptation mélancolique, représentée par le coucher de soleil.

Riluo est le deuxième album que vous créez en tant que groupe, comment s’est déroulé le processus de création cette fois-ci ? As-tu remarqué des changements par rapport à l’album précédent ?
Haitao : C’était très similaire en fait ! Comme Willy et moi dirigeons tous deux des studios de musique, nous sommes très habitués au travail de production et à l’indépendance. J’ai terminé la préproduction, enregistré des guitares et quelques démos de batterie et de basse pour m’en inspirer, et je les ai envoyées à Willy et à notre batteur de session Zak pour qu’ils écrivent et enregistrent leurs parties. Nous avions un dossier Google Drive dans lequel chacun mettait ses enregistrements, et j’ai ensuite passé beaucoup trop de temps à me remettre en question pendant le mixage ! Je pense que nous étions peut-être plus habitués à travailler ensemble personnellement après les tournées, mais à bien des égards, cela ressemble beaucoup à la façon dont nous fonctionnons dans nos emplois musicaux quotidiens !

Quelles ont été tes influences pour créer Riluo ?
Haitao : L’album représente l’extériorisation de mes pensées et de mes émotions alors que je travaillais sur un traumatisme. Chaque album est un instantané de l’état dans lequel je me trouve à ce stade de ma guérison. Dans le cas de Riluo, cette étape est celle de l’acceptation, tout en explorant et en discutant des éléments de ce qui s’est passé que je n’étais pas à l’aise de partager auparavant. Musicalement, je puise mon inspiration dans de nombreuses sources. Comme auparavant, mes principales influences sont Alcest, Katatonia, Karg, Harakiri for the Sky et Chthonic. Mais d’autres influences sont venues des bandes originales de jeux vidéo comme le travail d’Akira Yamaoka, du Néoclassique comme Cedric Vermue, et d’une nouvelle découverte surprenante de Panzerfaust.

J’ai remarqué que la batterie a été enregistrée par Zak King, fait-il officiellement partie du groupe, remplaçant Wanling (qui jouait sur l’album précédent) ?
Haitao : En effet ! Je ne lui ai pas demandé de faire officiellement partie du groupe, mais il sera notre batteur live jusqu’à ce que nous trouvions un membre permanent. Il a joué de la batterie pour nous lors de notre tournée aux États-Unis car Wanling ne pouvait pas faire le voyage, et il a été incroyable. C’est probablement le meilleur batteur avec lequel j’ai jamais joué. Je voulais qu’il joue sur le nouvel album après avoir tourné ensemble, parce qu’il est tout simplement incroyable. Mais il est très occupé, donc je ne sais pas s’il pourrait se joindre à nous à plein temps. 

En ce qui concerne les voix, j’ai personnellement ressenti plus de diversité sur cet album. Penses-tu t’être amélioré en tant qu’auteur-compositeur et musicien ?
Haitao : Merci ! Je pense que oui. J’ai pris plus de cours de chant depuis l’album précédent, ce qui m’a permis d’élargir mon registre. J’ai également eu envie d’intensifier le style vocal utilisé. La raison pour laquelle j’ai utilisé le style vocal initial était qu’il me permettait d’être fort et de vraiment crier mes sentiments, alors que le style typique de fry scream est en fait très calme et franchement mou. Pour cet album, j’ai trouvé une combinaison qui me convenait et qui me permettait d’utiliser davantage la technique du fry tout en restant fort et en me poussant à exprimer les émotions que j’essaie d’exprimer. Et j’apprends toujours plus et je m’améliore en tant que musicien et écrivain, nous ne devrions jamais devenir stagnants ou égoïstes !

Y a-t-il une raison à l’ordre des chansons ? La dernière, Riluo, sonne comme un retour aux chansons précédentes, juste après Juren, qui me semble être la plus sombre, par exemple.
Haitao : C’est une séquence de narration, qui passe par les souvenirs de l’événement, les souvenirs de la guérison et les luttes menées depuis l’événement, et enfin l’acceptation. La juxtaposition de Juren et de Riluo est intentionnelle. On dit que « c’est toujours avant l’aube qu’il fait le plus sombre », ou dans le cas présent, avant le coucher du soleil. Alors que Riluo consiste à accepter que j’ai changé et à dire au revoir à ma vie passée, ce n’est pas nécessairement une chose facile à faire. Non seulement j’en fais le deuil, mais c’est aussi assez terrifiant. À bien des égards, je suis encore terrifié par tant de choses à cause de ce qui s’est passé. Juren représente cette dernière terreur à surmonter avant de pouvoir accepter Riluo. Yequ est un peu le précurseur de Juren. Yequ est la peur de la mort, alors que Juren est la peur d’être mort et d’avoir trépassé. 

Par rapport à la dernière fois, le monde est à nouveau ouvert et Laang a pu donner ses premiers concerts aux États-Unis avec Dzö-Nga. Comment se sont déroulés ces concerts ? Avez-vous un souvenir particulier à partager ?
Haitao : C’était une expérience merveilleuse ! Je dirais même que cette tournée a été la plus heureuse de ma vie. Nous nous sommes fait de grands amis pendant cette tournée, aussi bien avec d’anciens membres de Dzo-Nga qu’avec des gens que nous avons rencontrés pendant les concerts. Je pense que mon meilleur souvenir de la tournée est probablement celui de Cincinnati, dans l’Ohio. C’était probablement la foule la plus énergique que nous ayons jamais eue. C’était incroyable, quelqu’un a plongé sur scène pendant Dongshang, un Américain à l’avant hurlait sur une chanson en mandarin, et quand nous avons fini, quelqu’un a pris d’assaut les coulisses et a exigé que nous jouions une autre chanson. Après ce concert, et bien d’autres encore, des gens m’ont abordé pour me faire part de leurs expériences personnelles de survie et de traumatisme, et pour me dire que notre musique les avait aidés à se sentir moins seuls dans cette situation, et qu’ils s’étaient sentis en phase avec notre musique. C’était très gratifiant, et j’aimerais repartir en tournée dès que possible.

Avez-vous des projets pour la sortie de l’album et après ? Surtout en ce qui concerne les tournées.
Haitao : Les tournées sont toujours quelque chose que nous voulons faire. Nous en sommes au tout début de la planification d’une nouvelle tournée aux États-Unis. Cela fait des années que nous essayons d’organiser une tournée européenne, mais nous n’avons pas eu beaucoup de chance avec les agences de booking européennes. Si quelqu’un veut nous engager, qu’il nous le dise ! Nous sommes toujours heureux de tourner n’importe où ! En ce qui concerne le reste du travail, j’ai écrit des démos pour environ la moitié du prochain album, qui a pour l’instant une approche musicale plus agressive et chaotique qui, je l’espère, plaira aux gens !

As-tu constaté une évolution de la scène locale autour de toi ?
Haitao : Au risque de paraître pessimiste, honnêtement non. Cela dit, je ne suis pas non plus très connecté à la scène musicale locale qui m’entoure. J’ai tendance à être assez introverti et, pour être honnête, je ne sors pas beaucoup. Il y a quelques groupes sympas dans le coin, mais je ne suis pas vraiment dans un haut lieu du Metal. C’est génial que les tournées aient lieu à nouveau, que le monde se soit rouvert, mais je ne pense pas avoir personnellement vu beaucoup d’évolution au niveau local. Cependant, à l’échelle mondiale, il y a de très bons groupes qui apparaissent partout, y compris à Taïwan. J’espère qu’il y en aura d’autres à l’avenir !

C’était ma dernière question, alors encore une fois, merci beaucoup de m’avoir accordé de ton temps ! Je te laisse les derniers mots de cette interview !
Haitao : Merci beaucoup de m’avoir reçu ! Notre nouvel album, Riluo, sortira très bientôt, le 24 novembre. Nous avons mis beaucoup d’émotion et de travail dans cet album, et j’espère que vous l’apprécierez tous. Par ailleurs, nous aimerions partir en tournée partout où se trouvent nos fans, donc toutes les suggestions ou connexions que vous pourrez nous fournir seront utiles pour que cela se réalise !

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