Review 2122 : Junon – Dragging Bodies to the Fall

Reprise des activités pour Junon.

Trois années après leur premier EP, le groupe monté sur les cendres de General Lee mené par Arnaud Palmowski (chant), Fabien Zwernemann (guitare/choeurs), Alexis Renaux (guitare), Martin Catoire (guitare), Florian Urbaniak (batterie) et Clément Decrock, récent remplaçant de Vincent Perdicaro (basse/choeurs), annonce la sortie de leur premier album, Dragging Bodies to the Fall, chez leur nouveau label Source Atone Records.

L’album débute sur Segue 1 – The Final Voyage, une composition assez courte qui nous rappelle sans attendre à quel point le groupe aime jouer avec la dissonance et les riffs imposants, mais également avec les rythmes entêtants avant que Caught in Hypocrisy Loops ne place ses patterns chaotiques et saccadés. Les leads apportent la touche aérienne dans cet océan de violence contrasté empreint de mélancolie pesante, puis Out Of Suffering débute avec une quiétude étrange, qui se confirmera rapidement être fausse lorsqu’elle volera en éclat avec l’arrivée de la lourdeur. Le mix contribue également à l’ambiance étouffante, en particulier au niveau des frappes de caisse claire qui nous mènent au final intense puis à la vaporeuse et mystérieuse The Day You Faded Away et à ses vagues de saturation imposantes qui se font toujours plus présentes et nous ballottent dans leur progression. Le groupe nous autorise un temps de répit avec Segue 2 – Dragbody, court titre où une mélodie lancinante et une voix effacée nous accompagnent avant de s’intensifier tout en restant ancrés dans leurs racines qui s’embrasent dès que Dead Ends Lead To Somewhere ne débute, marquant une cassure significative avec la quiétude pendant que le chaos se propage à nouveau dans cette rythmique énergique. Another Bar To Your Cage continue dans cette direction musicale bourrée de soubresauts caractéristiques entre lesquels les leads angoissants s’installent, puis c’est avec un larsen que le son nous mène à Making Peace With Chaos où la dualité complémentaire règne sans partage dans ce nuage irrespirable où la vindicte occupe une part importante du paysage.

Bien qu’étant la dernière composition, Halo Of Lies occupe à elle seule quasiment un tiers de l’album, mêlant dans une dissonance mi-majestueuse, mi-inquiétante les hurlements intenses, les mélodies apaisantes sur la première moitié, puis c’est dans le silence que les claviers apparaissent à nouveau, offrant des influences supplémentaires avant de s’enflammer une dernière fois.

On remarque chez Junon une sorte d’assagissement. Dragging Bodies to the Fall n’a pas abandonné ses racines agressives, mais c’est avec un son plus aérien et toujours aussi lourd qu’il développe la nouvelle personnalité du groupe, tout en nous enfermant dans son cocon de saturation.

85/100

English version?

Quelques questions à Arnaud Palmowski, vocaliste du groupe Junon.

Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu pre?senter le groupe Junon sans utiliser les habituelles e?tiquettes des styles musicaux ?
Arnaud Palmowski (chant) : Junon c’est une espèce de monstre à 6 têtes qui, par je ne sais quel miracle, arrive à se mettre d’accord entre explosions massives, fureur et atmosphères aériennes.

Le nom Junon est lie? a? un titre emble?matique de General Lee, mais comment le relies-tu a? la musique actuelle du groupe ?
Arnaud : Junon est l’ouverture du second EP de General Lee sorti en 2003. C’est un titre qui nous avons énormément joué en concert et qui représente toujours assez justement nos intentions même 20 ans après. Ça nous paraissait donc évident de regarder un peu en arrière en mode changement dans la continuité et de choisir ce nouveau nom.

Dragging Bodies to the Fall, votre premier album, est sur le point de sortir, comment te sens-tu ? Est-ce que tu as de?ja? eu des retours a? son sujet ?
Arnaud : On est vraiment très impatients de faire découvrir l’album aux personnes qui nous suivent depuis General Lee, à ceux qui nous ont découvert avec le premier EP de Junon et surtout à un maximum de monde pour qui on est encore totalement inconnus. On a essayé d’éclater le carcan Post-Hardcore/Post-Metal et de le reconstruite à notre façon avec la multiplicité de nos influences et sans se donner de limites. On a suivi notre propre voie.

Comment re?sumerais-tu Dragging Bodies to the Fall en trois mots ?
Arnaud : Rampant, lumineux, abyssal.

Dragging Bodies to the Fall sort trois ans apre?s votre premier EP, The Shadows Lengthen, comment s’est passe? sa composition? Est-ce que tu as remarque? des changements, ou des e?volutions dans ton processus de cre?ation ?
Arnaud : On est dispatchés dans toute la France depuis des années donc on n’a pas la possibilité de se retrouver chaque semaine pour composer. On a donc bloqué plusieurs gros week-ends de session de composition à 6 un peu partout en France afin de voir ce qu’on avait en stock et dégrossir un maximum nos idées. Après ces sessions intenses on rentrait chacun chez nous afin de peaufiner le tout et s’échanger les arrangements sous forme de maquettes. Concernant le chant, j’ai travaillé sur des démos quasi quotidiennement et dès que le résultat me paraissait à la hauteur, j’envoyais le tout aux autres pour avis et souvent pour tout recommencer encore une fois lol. Je me suis mis pas mal la pression pour cet album car c’était une première pour nous de changer de studio. En effet, depuis le début de General Lee et jusqu’au premier EP de Junon, on a toujours enregistré avec Clément Decrock du Boss Hog Studio. C’était vraiment devenu la maison et on avait envie de se mettre un peu en danger, sortir de notre zone de confort. On peut dire que Francis Caste du Studio Sainte Marthe nous a mis un bon coup de pied au cul pour que l’on se dépasse.

Vous avez choisi de de?voiler a? l’avance les titres Out Of Suffering et Dead Ends Lead to Somewhere, pourquoi les avoir choisis pre?cise?ment pluto?t que d’autres ?
Arnaud : Vu les multiples ambiances développées sur l’album, c’était assez difficile de ressortir un titre représentatif de l’ensemble. On a choisi Out of Suffering en premier single afin de mettre en avant le côté massif et oppressant du groupe mais avec cette nouveauté au niveau des chœurs sur les refrains et le final. On a trois chants aux textures assez différentes dans Junon et ça apporte de la diversité, une certaine urgence, le tout avec une base plus mélodique. Le clip – réalisé par le mystérieux polonais Chariot of Black Moth avec la précieuse aide de notre ami Emmanuel Poteau pour les images live – est à l’avenant avec son ambiance menaçante en noir et blanc et cette nature qui se déchaine et qui englouti le monde des humains. En second single Dead Ends Lead to Somewhere nous semblait un bon choix car c’est la suite thématique du titre Carcosa tiré de notre premier EP qui traitait de la manipulation et des horreurs perpétrées par les sectes. Cette suite décrit la fuite d’un vieil homme qui a été embrigadé dans une secte depuis son plus jeune âge et qui pour la première fois ouvre les yeux sur le monde mystérieux qui l’entoure. C’est un des titres que je préfère sur l’album et pour vivre l’expérience dans sa totalité il faut écouter en introduction Segue 2 – Dragbody qui fait partie intégrante du morceau.

On retrouve dans votre univers une approche tre?s ae?rienne de la violence, faite a? la fois d’oppression et de sonorite?s hypnotiques ou saccade?es, comment travaillez-vous avec vos influences ?
Arnaud : Après 20 ans de General Lee et cette suite avec Junon, on a enregistré assez de matières pour que notre propre musique nous influence. On n’a jamais sorti deux fois le même album donc Junon est à la fois un condensé de tout ce qu’on a préféré composer et jouer en live durant toutes ces années, mais aussi une fenêtre grande ouverte à de la nouveauté au niveau des ambiances et des agencements des morceaux afin de ne trop s’enfermer dans un style parfois trop balisé. Après on reste tous fans de Neurosis, Deftones, Breach, Will Haven, Botch, Vision of Disorder… que des jeunes premiers !

Le titre Halo Of Lies est a? la fois le dernier et le plus long de l’album, mais il comporte deux parties bien distinctes, se?pare?es par un silence. Comment a e?te? cre?e? ce morceau, et quelle est sa signification ?
Arnaud : La première partie de Halo of Lies est comme une grosse locomotive qui prend son temps pour se lancer, ce qui laisse le temps de développer ses ambiances de fin du monde et de descente dans les entrailles de la terre. On a d’ailleurs fait appel à un trio de cuivres afin de renforcer le côté épique. Après le silence vient This Dead Place qui est en fait un morceau caché. Le voyage est terminé, nous sommes arrivés dans les profondeurs.

Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau pre?fe?re? sur cet album ? Ou celui qui t’a semble? le plus naturel a? composer ?
Arnaud : J’ai longtemps eu des sentiments ambivalents avec le premier titre de l’album que nous avons dévoilé et qui s’appelle Out of Suffering. En effet, j’ai passé un temps dingue à essayer de me mettre dedans et de trouver un flow et un texte pour coller à cette espèce de valse de l’enfer. C’est d’ailleurs un des derniers titres que j’ai maquetté juste avant de partir en studio. Après des semaines de galère, un jour tout est devenu clair, j’ai enfin trouvé le flow et la version démo était en boite en 10 minutes. Ce titre est depuis un de mes préférés, il fait un lien avec les premières années de General Lee avec son côté rampant et menaçant.

L’artwork est une cre?ation de Martin Catoire, votre guitariste, quelles ont e?te? les e?tapes de sa cre?ation ?
Arnaud : J’ai imaginé que l’espèce humaine a été forcée de descendre dans les profondeurs de la Terre pour survivre après que la nature ait repris ses droits, suite à des siècles de saccages. Martin a eu cette idée d’utiliser ces différentes textures de lave et cette main qui en sort pour illustrer la pochette de l’album. Le rendu final colle vraiment bien au concept de l’album.

Vous avez signe? chez Source Atone Records pour la sortie de Dragging Bodies to the Fall, comment se passe la collaboration avec le label ?
Arnaud : En 2021 on venait de finir l’enregistrement de notre premier EP The Shadows Lengthen et on cherchait un label pour le sortir et soutenir au mieux cette première sortie après 5 ans de pause et la fin de General Lee. Une amie commune nous a mis en contact avec Krys et Arnaud qui venaient de monter Source Atone Records. Le courant est passé très vite et ils nous ont proposé de sortir l’EP. Il faut savoir que sortir un EP pour un label est assez risqué car l’investissement financier est le même pour un 4 titres que pour un album alors que sa durée de vie est forcément plus courte en termes de communication. Le deal était donc de signer avec eux pour un EP et un album dans la foulée. On aura mis 3 ans pour venir à bout de Dragging…  donc on les remercie pour leur patience haha. Ils mettent énormément d’énergie dans ce label et on peut dire que leur roster commence à avoir une sacrée gueule avec les excellents Alta Rossa (quelle tuerie en live…) SaaR (fallait pas arrêter les gars…), Virgil, Sunstare, Sycomore et j’en passe…On est content de faire partie de cette belle famille.

Quels sont les plans pour la suite de Junon ? J’ai de?ja? remarque? quelques dates, mais en avez-vous a? plus long terme ?
Arnaud : La sortie de l’album a été retardée de deux mois ce qui est un mal pour un bien puisque ça nous a permis de jouer la quasi intégralité de l’album sur plusieurs dates avant sa sortie. On travaille actuellement sur des gros weekends de dates en France jusque fin juin et on espère faire une tournée plus conséquente à l’automne en France et à l’étranger. On aimerait beaucoup partager la scène avec les copains de Alta Rossa et 20 SFM entre autres.

Il y a quelque temps, vous avez e?galement annonce? le de?part de votre bassiste Vincent Perdicaro, remplace? par Cle?ment Decrock, qui jouait de?ja? avec vous dans General Lee. Comment s’est ope?re?e cette “passation” ?
Arnaud : Tout naturellement vu que Clément est un ami de longue date qui était à la batterie dans General Lee jusque l’album Roads et qui est à la base du son General Lee/Junon vu qu’il a enregistré l’intégralité de nos sorties sauf le nouvel album. Il avait envie de rejouer en groupe, de refaire des concerts et de passer du bon temps avec nous. On ne pouvait pas rêver mieux car il aurait été difficile pour une autre personne que Clément de passer après Vincent.

Je n’ai malheureusement jamais eu la chance de vous voir sur sce?ne, comment se passe un concert de Junon de ton point de vue ?
Arnaud : On joue chaque concert comme si c’était le dernier, avec beaucoup d’énergie et d’investissement.

Avec quels groupes re?ves-tu de jouer ? Je te laisse imaginer une date pour la sortie de Dragging Bodies to the Fall avec Junon en ouverture, et trois autres groupes.
Arnaud : Je dirais Botch (encore et toujours eux…), Vision of Disorder à l’époque de Imprint et Deftones. Une affiche fortement improbable !

C’e?tait ma dernie?re question, je te remercie pour ta disponibilite?, et je te laisse les mots de la fin !
Arnaud : Merci à toi pour avoir pris le temps de préparer cette interview et merci à celles et ceux qui ont pris le temps de la lire dans son intégralité afin de mieux nous connaître. Allez écouter l’album et on se voit bientôt en concert !

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