Review 2244 : Grist – Garden Of Aeolvs

Grist nous conte la vie parisienne avec son premier album.

Actif depuis 2009, le groupe n’a toutefois sorti son premier EP qu’en 2018, suivi d’une démo en 2020. En 2024, Julien “Nutz” Deyres (chant, Gorod, Ahasver, ex-Zubrowska), Nicolas (guitare), Antoine “Pakrette” Perron (basse, Fange) et Thomas “Blastum” Hennequin (batterie, Ritualization, Merrimack, Dawohl…) annoncent leur signature avec Source Atone Records et Dies Irae Productions pour la sortie de Garden Of Aeolvs, leur premier album.

Ayant déjà vu le combo à l’œuvre sur scène, je savais plus ou moins à quoi m’attendre : un Grindcore sauvage et viscéral comme peuvent en proposer les légendes du style, tels Napalm Death ou Rotten Sound. Je n’ai pas été déçu de constater que dès Stigmate, l’inquiétante introduction passé, on retrouve toute cette violence à un tempo bien élevé sous les vocifération de Nutz, mais également des touches parfois Sludge, parfois Black ou même Doom qui témoignent de la diversité de la formation. Par exemple, si Easier nous saisit à la gorge pour nous matraquer consciencieusement avec un rythme entraînant, I’ve Lost est tout son contraire et nous expose à des sonorités lentes et angoissantes avant que Sober ne nous piétine à nouveau, comme une autre preuve de la versatilité cohérente de l’album. Chaque morceau a une identité bien marquée, mais tous ont pour point commun cette bestialité et cette dissonance abrasive qui nous conte la réalité crue de la vie parisienne. Mention spéciale à l’infernale Wrong Glass, la composition la plus longue, qui nous inonde de saturation sur un tempo lancinant, ainsi que The Deepest Hole, reprise d’une autre pointure du Grind, la formation suédoise Nasum, aujourd’hui disparue, mais également à Bret, qui referme l’album avec une approche… déroutante.

Grist et le Grind, c’est une véritable histoire d’amour, que les quatre musiciens n’hésitent pas à pimenter avec des influences venues de leurs différentes expériences. Garden Of Aeolvs vous promet des moments de mosh au lieu des nuits d’amour, mais vous allez apprendre à l’aimer.

80/100

English version?

Quelques questions à Nicolas, guitariste du groupe Grist, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album Garden Of Aeolvs.

Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Sans utiliser les mots “Grind” ou “Grindcore”, comment pourrais-tu décrire le groupe Grist ?
Nicolas (guitare) : Salut, merci à toi. Je dirais qu’il s’agit d’un groupe où tout est relativement permis, même si les blasts beats resteront toujours les bases prépondérantes de Grist, on ne s’interdit rien. Si vient l’envie d’intégrer un passage voir une compo Doom, Sludge voire “blackisante”, on le fera sans se poser de question et je pense que cette “liberté” se ressent assez bien sur l’album.

Comment relies-tu personnellement le nom Grist à la musique du groupe ?
Nicolas : Alcool et metöl faisaient plutôt bon ménage, j’ai tout simplement tapé whisky sur wikipédia (jamais été doué pour trouver des noms de groupes, on va pas se leurrer…) et j’ai trouvé ce nom, Grist, qui est une sorte de farine de malt et d’orge qui fait partie d’une des premières étapes de la fabrication du whisky. J’ai trouvé que le nom était impactant, court et se retient facilement.

Garden Of Aeolvs, votre premier album, est sur le point de sortir. Comment te sens-tu ? Est-ce que tu as déjà eu des retours à son sujet ?
Nicolas : On est content de pouvoir enfin le sortir avec le retard qu’on a eu, il était temps, quant aux retours, ils sont plutôt bons pour l’instant, les personnes qui ont pu l’écouter avant la sortie ont l’air d’apprécier.

Comment résumerais-tu Garden Of Aeolvs en trois mots ?
Nicolas : Intense, varié et sombre.

L’album Garden Of Aeolvs est inspiré par la vie parisienne, et surtout ses côté sombres, comment avez-vous eu l’idée de vous orienter sur ce sujet ? Pourquoi avoir choisi ce nom pour l’album et que signifie-t-il ?
Nicolas : On est inspiré de ce qu’on voit et de ce qui nous entoure. Je travaille beaucoup la nuit un peu partout dans Paris et j’habite sur la ligne 12 qui doit probablement être une des pires avec la 13 et j’ai la chance d’habiter entre les deux. La 12 est énormément squattée par les toxs de l’ancienne colline du crack que je croise tous les jours en allant ou revenant du boulot. On n’est pas là à glorifier ça non plus mais je préfère mettre en avant des choses qu’on connaît, qu’on voit et qu’on côtoie tous les jours. Quant au nom, c’est Julien (chant) qui l’a trouvé, il fait référence entre autre au Jardin D’Eole, un ancien parc au Nord de Paris qui a été squatté un moment quand la Colline a été évacuée, les toxs ont migrés à cet endroit, pour ensuite aller encore ailleurs, bref, une belle démonstration de la fameuse poudre de perlimpinpin d’un gouvernement incapable de gérer quoi que ce soit et qui préfère ostraciser et agir de façon répressive une population qui, à mon sens, devrait plus être considérée comme malade que criminelle.

Cet album arrive six ans après le premier EP, et quatre ans après votre démo Preprod 2020. As-tu observé des changements par rapport aux précédentes productions du groupe ?
Nicolas : Disons qu’on s’est un peu plus éparpillés sur Garden Of Aeolvs alors que City Of Plight était plus dans une vibe à la “suédoise”. Celui là est plus hétéroclite, avec des ambiances qui peuvent aller du Post Hardcore au Doom en passant par du Sludge voire même quelques sonorités Electro, ça revient un peu a ce que j’expliquais à ta 1ere question. Il faut également savoir qu’un certain nombre de compos ont été écrites sur un précédent album qu’on a enregistré mais jamais sorti en 2015, entre autres dû au fait que Gautier notre ancien chanteur est parti de Paris. On en a récupéré quelques unes et remis un peu à la sauce actuelle, c’est pour ça qu’il est crédité sur les lyrics de certaines chansons.

Comment avez-vous décidé des titres à dévoiler pour présenter l’album ? L’ordre des morceaux a-t-il une importance dans la tracklist ?
Nicolas : L’ordre est effectivement toujours très important et sachant qu’on se disperse assez facilement dans l’écriture, il a fallu jongler habilement pour que l’ensemble soit cohérent, mais l’exercice a été moins périlleux que ce que j’imaginais au final et ça s’est fait assez rapidement.

Quelles ont été les directives pour l’artwork ? Comment s’est passée la collaboration avec Flamberge Illustrations ?
Nicolas : On a demandé à Flamberge de s’inspirer d’une peinture que j’avais vu à une exposition il y a peut-être une quinzaine d’années maintenant. Ce tableau m’avait énormément marqué, il s’agit de “La Mort s’invite à table” de Giovanni Martinelli, un peintre Italien baroque du XVII ème siècle. Et je m’étais dit qu’il pourrait être intéressant de s’inspirer du message de cette peinture pour un artwork d’album mais à une époque plus actuelle. Flamberge a complètement compris où on voulait aller et nous a pondu ce dessin du 1er coup. On a tous été bluffé par la qualité de son travail et sa rapidité d’exécution. Un grand merci à elle.

Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Nicolas : Je pense que mon morceau préféré doit être l’outro en fait, Bret. Ce morceau me tient à cœur car il s’agit d’une discussion avec un de mes meilleurs amis qui a mis fin à ses jours il y a un peu plus de deux ans maintenant avec des potes graffeurs qu’on a suivi lors d’une session sur le périphérique une nuit. J’ai retrouvé cet enregistrement qui a été fait par erreur dans mon téléphone, et j’ai eu l’envie de le mettre sur l’album. Mon pote avait oublié de couper la caméra lorsque l’on était sur le périph, il y a donc toute une ambiance que j’ai trouvé très cinématographique. J’ai demandé à A// du Syndicat Électronique, un ancien de l’électro UG si ça l’intéressait de faire une nappe de son à partir de cet enregistrement et il a accepté, j’ai tout de suite adoré le résultat. Pour la deuxième partie de ta question, j’ai le souvenir que Priority a été un des morceaux que j’ai composé le plus rapidement. Il fait notamment partie de ce précédent album qu’on a jamais sorti. Je venais tout juste de trouver une HM-2 à côté de chez moi à un prix dérisoire et ce fameux son “chainsaw” m’a filé les vibes pour composer ce morceau directement sans me poser de questions.

Garden Of Aeolvs sort sur le label Source Atone Records en France, ainsi que Dies Irae Productions à l’international. Comment se passe la collaboration ?
Nicolas : On avait déjà travaillé avec DIP sur le EP précédent, le label est basé à Singapour donc je te laisse imaginer que la communication n’est pas toujours évidente mais on se débrouille et c’est désormais beaucoup plus facile pour nous maintenant que SAR est rentré dans le game, ils bossent bien, nous motivent et les rapports humains sont excellents.

J’ai déjà eu la chance de vous voir à l’œuvre sur scène, mais comment vis-tu personnellement un live de Grist ?
Nicolas : Et bien tout dépend de mon humeur qui, il faut bien le reconnaître, est plutôt instable. Je peux faire deux fois le même concert : un jour je vais l’adorer, le lendemain je vais le détester. Mais quoi qu’il se passe, il faut y aller et toujours donner le maximum et je ne dérogerai jamais à cette règle.

Quels sont les prochains projets pour Grist ? Trois d’entre vous ont également d’autres projets musicaux, comment arrivez-vous à gérer votre temps ?
Nicolas : On va essayer de se balader un peu pour défendre l’album. On a pas joué depuis Février dernier depuis la tournée avec Pilori et je te cache pas que ça commence à gratter un peu. Pour ce qui est des dispos de tout le monde, ça peut vite être compliqué effectivement. Les gars tournent pas mal, on est tous intermittents du spectacle et pour tout arranger, Julien est à Toulouse et Antoine à Rennes. Donc oui, ce n’est pas toujours évident de faire concorder les plannings de tout le monde mais on finit quand même par y arriver.

Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels tu souhaiterais collaborer dans le futur ?
Nicolas : Les collaborations restent souvent dans l’entourage proche. Si j’ai une idée, je sais à qui demander en général. Mais je ne peux pas t’en dire plus pour l’instant car je ne me suis absolument pas posé la question.

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien avec cet album ?
Nicolas : Techniquement non, créativement oui, c’est certain. Mais je pense revenir sur des bases plus à “l’ancienne” pour le prochain qu’on a déjà commencé à composer d’ailleurs. On a même joué quelques nouveaux titres sur la dernière tournée.

Avec quels groupes rêves-tu de jouer ? Je te laisse imaginer ta date de rêve avec Grist en ouverture, et trois autres groupes.
Nicolas : Et bien je te cache pas que j’ai déjà eu la chance de partager la scène avec énormément de groupes que j’appréciais, que ce soit avec Grist ou d’autres d’ailleurs. J’ai d’excellents souvenirs avec Bain De Sang et d’autres aussi mémorables quand j’ai dépanné Karras sur quelques dates avec Blockheads par exemple. Après la plupart des autres groupes que j’écoute sont morts donc difficile de faire une affiche avec haha. Mais une date tranquille entre potes avec ceux que je viens de te citer plus haut me va complètement.

Dernière question : à quel plat pourrais-tu comparer la musique de Grist ?
Nicolas : Une mauvaise crêpe de fin de soirée à Châtelet Les Halles ?

C’était ma dernière question, je te remercie pour ta disponibilité, et je te laisse les mots de la fin !
Nicolas : Merci à toi. Je n’ai pas grand chose à dire mis à part le fait que je viens de gagner un pari parce ce que je devais sortir “album de la maturité”, peu importe le contexte, voilà, c’est fait et maintenant paye ta tournée le B !

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