Review 2414 : Kozoria – The Source

Le temps est enfin venu pour Kozoria d’annoncer son premier album.

Près de 10 ans après sa création, le groupe mené par Julien Perdereau (chant/guitare), Kevin Delcourt (guitare), Pierre Gelinotte (batterie) et Bertrand Janicot (basse, Remember the Light) signe sur le label suédois Black Lion Records pour la sortie de The Source.

L’album débute dans la technicité avec Pandora’s Box et sa rythmique saccadée entêtante, complétée par un chant clair mystérieux, ainsi que quelques choeurs hurlés et une ambiance majestueuse, créant immédiatement un certain contraste accrocheur. On retrouve autant d’influences Symphoniques que Metalcore sur ce long morceau, suivi par le plus direct Demonize Them où le groove l’emporte dans un premier temps avant de revenir à des parties plus aériennes et accessibles, comme les refrains fédérateurs où les musiciens ralentissent légèrement la cadence. Le break puissant nous permet de nous briser la nuque avant que Leviathan ne place ses sonorités sombres pour débuter le titre, suivies par des éléments plus motivants aux teintes Prog intrigantes. On remarque également une diversité vocale intéressante, notamment ce passage du chant clair au saturé, puis le groupe enchaîne avec Division titre qu’ils jouent en live, et qui a donc déjà fait ses preuves autant en terme d’efficacité brute que de mélodies planantes et aériennes. Les choeurs ajoutent un aspect majestueux à la composition suivie par Dawn, un interlude instrumental mystérieux qui débouche sur Reborn, création également déjà connue et qui n’a pas manqué de faire ses preuves, contribuant à l’atmosphère martiale et pesante tout en plaçant des moments plus apaisants bienvenus. We’re Wolves continue à utiliser des samples imposants ainsi que des choeurs agressifs, alimentant la dualité du morceau qui se base sur une double pédale parfois très présente, mais qui saura également se montrer très apaisant sur le final avant que Fading Embers ne lui emboîte le pas, tout en continuant à placer des touches hypnotiques dans sa rythmique solide. La partie lancinante puis le final explosif nous emportent jusqu’à The Source, le morceau éponyme qui avoisine les neuf minutes au cours desquelles les quatre musiciens s’illustrent d’abord dans une quiétude apaisante, puis avec des patterns furieux qui explorent toutes leurs influences pour finalement créer cette sorte de point d’orgue avec lequel le groupe nous laissera.

Cela fait maintenant quelques années que je connais Kozoria, et le groupe a énormément progressé. The Source est un condensé protéiforme où rage, groove, complexité et acharnement se mélangent de la manière la plus harmonieuse qui soit, révélant des parties aussi intenses que surprenantes.

90/100

English version?

Quelques questions à Julien Perdereau, guitariste, chanteur et fondateur de Kozoria, à l’occasion de la sortie de leur premier album, The Source.

Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Sans utiliser les étiquettes Metal habituelles, telles que “Prog” ou “Metalcore”, comment pourrais-tu décrire le groupe Kozoria ?
Julien Perdereau (guitare/chant) : Avec plaisir, merci de me recevoir ! Tu commences avec une bien belle question. Kozoria est un groupe fondamentalement mélodique. Il y a des parties plus Death, plus atonales, comme dans Leviathan ou The Source, mais la base des morceaux reste la mélodie, qu’elle soit portée par la voix ou par la guitare. On essaye toujours de se placer au point de jonction entre richesse de composition et efficacité, d’aller au fond des choses dans chaque morceau sans que ce soit redondant. En gros, Kozoria fait des morceaux plutôt longs mais catchy. C’est pour ça que, de toute façon, ni l’étiquette Prog ni Metalcore ne me paraissent adaptées, parce qu’on navigue vraiment entre deux eaux (et je n’écoute pas vraiment de Metalcore). 

Comment relies-tu personnellement le nom Kozoria à la musique du groupe ?
Julien : Déjà, au moment de créer le groupe, avec Julien Bazile (le premier chanteur), on voulait un nom qui évoque la racine des choses, l’infiniment petit pour expliquer l’infiniment grand. On avait pensé à “Cause Area”, qu’on a changé jusqu’à trouver Kozoria. Ce projet c’est donc beaucoup de choses pour moi. C’est un apprentissage, un vecteur d’expression ; c’est quelque chose qui a mûri avec moi. J’affectionne ce nom car j’ai toujours cette volonté d’aborder des thèmes qui vont à la racine des choses, qui creusent dans la psyché humaine. J’aime à croire que c’est la force de Kozoria, c’est de sa musique plutôt simple qui amène une certaine richesse d’inspirations aux auditeur.ice.s. 

The Source, votre premier album, est sur le point de sortir. Comment te sens-tu ? Est-ce que tu as déjà eu des retours à son sujet ?
Julien : Je suis vraiment impatient. On l’est tous les quatre. Comme je le dis souvent, tu en connais beaucoup des grossesses qui ont duré plusieurs années toi ? C’est LONG. Je suis aussi un peu nerveux, c’est sûr, parce que c’est un premier album, il doit convaincre et plaire. Tu as beau être fier de ton bébé et le trouver magnifique, tu ne peux jamais être sûr que tout le monde l’aimera ! Quelle cruauté ce monde. Mais bon, en vrai, on a déjà eu plusieurs retours très positifs dessus. Un des plus beaux compliments qu’on nous a fait était “ un excellent exemple de musique intelligente mais accessible”. C’est exactement ce qu’on essaye d’offrir. Quelque chose qui nous amuse beaucoup aussi est que chacun y entend un peu les influences qu’il veut y entendre. On a rarement deux fois les mêmes noms de groupes qui sont cités ! C’est une bonne chose je pense, c’est que ça parle aux gens.

Comment résumerais-tu The Source en trois mots ?
Julien : Aller, sans tricher je dirais “Riche, catchy, contrastée”. Ça me semble bien !

L’album The Source sort près de dix ans après la création du groupe, pourquoi avoir choisi ce nom pour l’album et que signifie-t-il ?
Julien : Le nom est venu assez vite. Comme je te le disais plus tôt, il y a chez Kozoria toujours cette volonté d’observer la racine des choses, les déclencheurs des émotions et des relations humaines. Par exemple, dans Pandora’s Box, le mythe de Pandore permet d’aborder les mécanismes à l’œuvre dans la mémoire traumatique. Dans Demonize Them, la tonalité est plus brutale, puisque le protagoniste s’enivre de haine pour bloquer empathie et résilience. L’Amour est souvent impliqué dans tous ces mécanismes, que ce soit l’amour de soi, des autres, ou d’idéaux, puisqu’il peut être notre moteur comme notre poison. C’est une dualité qui m’a toujours attirée. Pour tout cela, le nom The Source semblait tout indiqué.

As-tu observé des changements ou des évolutions entre ce morceau et les dernières compositions finalisées ? Qu’en est-il de l’évolution par rapport au premier EP, sorti en 2016 ?
Julien : Le premier EP de Kozoria était déjà différent par la composition du groupe. Je suis le seul membre restant du line-up de cette époque là. Alors oui, je composais déjà et c’était un premier jet duquel je suis toujours fier, c’est une première expérience qui m’a beaucoup appris, mais 8 ans se sont écoulés, mes goûts ont changé et j’écoute des choses beaucoup plus variées. Tout cela fait que la composition s’est enrichie. Le chant choral par exemple, qui a été mon point d’entrée dans la musique : je n’aurais jamais osé utiliser des chorales dans ma musique il y a 8 ans. Et quand j’ai pu le voir dans d’autres formations, je me suis dit que je n’allais pas m’en priver alors que j’aime vraiment ça. Cet album est un peu la synthèse de toutes les connaissances et que j’ai pu accumuler ces dernières années, de tout ce qui me fait vibrer en musique. 

Le titre éponyme, The Source, est de loin le plus long du groupe, totalisant près de neuf minutes. Comment l’avez-vous composé ?
Julien : Il faut savoir que le processus de composition a été le même pour tous les morceaux de cet album. La composition s’est faite “en vertical”. C’est à dire que je n’ai pas composé d’abord les instruments un par un, puis la voix, puis les synthés et autres chorales. C’était tout en même temps. C’est maintenant le processus le plus naturel à mon sens pour composer. Ça permet de garder la tension sur chaque section et de garder un bon équilibre sur l’ensemble de la composition. Pour résumer, chaque morceau est comme une équation : il n’existe qu’une seule solution pour que tout tombe sous le sens, le processus de création ne sert qu’à la trouver ! La seule différence avec The Source, c’est qu’on savait qu’il serait en dernier sur l’album. On s’est donc autorisés à composer un morceau plus long. Sa composition s’est donc étalée sur presque 2 ans, car il y avait beaucoup de couleurs que je voulais explorer et exprimer dedans. Et je ne regrette pas, on en est très fier !

Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Julien : Oui, question difficile. Je pense qu’en ce moment, mon morceau préféré est Pandora’s Box. Tous les riffs me rendent toujours fou, et il recoupe pas mal d’influences que j’ai pu avoir au cours de mon “cheminement musical” depuis ces dernières années. Mudvayne, Haken, System Of A Down, Gojira… Mais j’avoue que The Source me touche particulièrement aussi, les morceaux à tiroirs sont toujours une super expérience. Quoi? Deux morceaux? J’ai triché?

Quelles ont été les directives pour l’artwork ? Comment s’est passée la collaboration avec l’artiste ?
Julien : On avait déjà la composition en tête. On savait qu’on voulait un arbre gigantesque duquel émane une lumière assez mystérieuse. On a donc dû expliquer tout ça à l’artiste tout en la laissant s’exprimer aussi, et définir une direction artistique. Après quelques aller-retours, on est arrivé à la version que le monde s’apprête à recevoir ! On est vraiment content d’avoir fait appel à Aude (Brisson).

The Source sort sur le label Black Lion Records, comment se passe la collaboration ? Qu’en est-il de votre partenariat avec Hell Frog Promotion, côté management et booking ?
Julien : Hell Frog Promotion est vraiment un partenaire-clé pour faire grandir le groupe, car Brigitte André (aux manettes) a très vite compris la démarche du groupe. Désormais, c’est son expérience du monde de la musique qui nous aide grandement à structurer le groupe en un projet de long terme. Notre partenariat est bâti sur la confiance, c’est précieux dans les moments de rush et quand des échéances importantes approchent. On bénéficie aussi de son savoir-faire pour le booking en France et en Europe, et c’est grâce à elle qu’on a la chance de jouer dans de belles salles et des festivals européens depuis deux ans, aux côtés de groupes expérimentés de son roster (Havamal, Slow Fall, Raven Throne, Thy Kingdom Will Burn) ! Quant à notre label Black Lion Records, il nous accorde une grande liberté pour nos choix artistiques et notre communication. Il a été convaincu par notre musique et notre démarche, et il compte sur nous pour grandir avec notre premier album. En retour, on sait qu’on peut compter sur lui pour nous ouvrir de nouvelles portes et développer le projet avec nous, et que sa force de frappe et de communication sera faite en bonne intelligence. Dans les deux cas, on a beaucoup de chance d’avoir une vraie relation de confiance avec nos partenaires.

J’ai déjà eu la chance de vous voir à l’œuvre plusieurs fois sur scène, mais comment vis-tu personnellement un live de Kozoria ?
Julien : Un live de Kozoria c’est avant tout beaucoup de préparation. On essaye de ne rien laisser au hasard, on veut que le public soit avec nous du début à la fin, qu’il n’y ait pas de moments de flottements qui brise cette bulle. C’est pour moi, le meilleur moment de la vie d’un groupe, quand tu sens que tu es connecté avec les gens présents, que tu partages quelque chose avec eux. C’est quelque chose que j’admire beaucoup dans certains concerts hors Rock/Metal, c’est la capacité à créer quelque chose de spécial avec le public, comme peut le faire Jacob Collier. J’aspire un peu à ça pour le futur, même si je sais que les codes musicaux du Metal limitent un peu cela.

Quels sont les prochains projets pour Kozoria ? Le groupe a également prévu une release party le 11 octobre au Backstage, est-ce que vous nous réservez quelques surprises pour ce show ? Comment avez-vous choisi la première partie, le groupe Maudits ?
Julien : Une tournée en Europe, avec notamment des dates déjà prévues en Allemagne ! On aimerait aussi aller rencontrer notre public dans le sud de la France, on sait que du monde nous écoute là bas. Pour la release party, sans aller jusqu’à parler de surprise, on proposera un concert durant lequel nous jouerons l’intégralité de l’album, dans des versions exclusives et adaptées pour ce concert. Ça va être chouette. Et pour la première partie, nous voulions un groupe qui sorte de l’ordinaire et qui colle avec notre univers. Quand Bertrand (basse) m’a parlé de Maudits, j’ai directement accroché avec leur musique, et le fait que ce soit instrumental avec un violoncelle a fini de me convaincre. Mais ça n’a pas été évident, il y a tellement de bons groupes français émergents que j’aurais aimé inviter et dont j’admire le travail : Horama, Rest In Furia, Synapse, Giant Fragments

Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels tu souhaiterais collaborer dans le futur ?
Julien : Pas spécialement, je crois. Mais on ne ferme pas la porte à la collaboration, mais on y pense pas vraiment. Même si collaborer avec des chanteur.euse.s connu.e.s serait bien sûr une super expérience. Je pense à Matt Heafy de Trivium, Joe Duplantier de Gojira, Manuel Gagneux de Zeal and Ardor… J’aime aussi beaucoup le travail de Gautier Serre dans Igorrr, de Louis Cole avec Clown Core ou encore de l’ancien claviériste de Haken, Diego Tejeida

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien avec cet album ?
Julien : Sans l’ombre d’un doute. Déjà en termes de jeu, mais aussi de production ! Tout le travail d’arrangements et de composition dans le cadre d’un album nous a tous énormément fait progresser. Et j’ai plus que jamais faim de nouveautés à écouter, afin de ne pas tourner en rond avec les mêmes gimmicks, les mêmes atmosphères.

Avec quels groupes rêves-tu de jouer ? Je te laisse imaginer ta date de rêve avec Kozoria en ouverture, et trois autres groupes.
Julien : Très bon exercice. Je ne vais parler qu’en mon nom car je sais que les réponses diffèrent chez mes comparses (Pierro notre batteur dirait sûrement Cult Of Luna et Amenra !). Pour ma part, je dirais donc Kozoria Haken Leprous Gojira. C’est difficile de ne se limiter qu’à trois groupes, elle est vilaine ta question !

Dernière question : à quel plat pourrais-tu comparer la musique de Kozoria ?
Julien : Génial cette question ! Je dirais que c’est un gros couscous. Chacun met ce qu’il veut dans son assiette, ça peut être vegan, il y a beaucoup de goûts différents, c’est un plat très riche. Et on peut se servir à l’infini. C’est vraiment bien le couscous.

C’était ma dernière question, je te remercie pour ta disponibilité, et je te laisse les mots de la fin !
Julien : Merci à toi de faire vivre le Metal en France. Et merci à celleux qui nous lisent, on a VRAIMENT hâte de vous faire kiffer avec cet album, et cette release party. Il reste quelques places, c’est le moment de prendre votre billet !

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