Review 2416 : envy – Eunoia

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envy se dévoile à nouveau avec un huitième album.

Depuis sa création en 1992, le groupe s’est fait un nom dans la scène Screamo, qui s’étend désormais aux confins du Post-Rock et de ses dérivés. En 2024, Tetsuya Fukagawa (chant/claviers), Nobukata Kawai (guitare), Manabu Nakagawa (basse), Yoshi (guitare), Yoshimitsu Taki (guitare) et Hiroki Watanabe (batterie, Heaven in her Arms) dévoilent Eunoia, chez Pelagic Records.

L’album débute avec la vaporeuse Piecemeal, qui nous replace dans la dissonance que l’on connaît du groupe tout en nous captivant sans mal, laissant les quelques mots du chanteur apparaître alors que les guitares se mettent en place pour exploser sur Imagination and Creation, laissant lourdeur et tonalités lancinantes se mêler. La batterie embrasera la rythmique, qui laisse place aux cris ainsi qu’à du chant clair plus apaisé, servant la dualité que l’on retrouve à chaque instant de cette composition troublée qui combine parfaitement les éléments les plus aériens avec un blast furieux. Le son s’éteint naturellement, puis laisse place à The Night and the Void, où la douceur règne, se teintant progressivement d’une noirceur planante qui verse peu à peu dans la rage, laissant les cris apparaître au point d’orgue avant que la quiétude ne nous transporte vers Beyond the Raindrops où les effet ambiants jouent un rôle proéminent. La saturation ne manquera pas d’assombrir la berceuse alors que Whiteout se laisse d’abord mener par une approche saccadée aussi accrocheuse qu’agressive avant de s’autoriser une pause plus brumeuse qui ne durera pas. Les musiciens s’emportent à nouveau et proposent des sursauts de folie travaillés, alors que Lingering Light place des tonalités plus inquiétantes, à la limite de l’angoisse lors des passages les plus prenants avant de revenir à la furie sur Lingering Echoes, où l’intensité se développe par vagues pour devenir une véritable tornade aussi sauvage que saisissante. Le groupe revient plus serein avec January’s Dusk, où leurs racines Shozgaze s’expriment pour accompagner les spoken words du vocaliste, qui malgré la barrière de la langue parvient à nous faire ressentir toute la viscéralité de cette montée en puissance, et on peut réellement dire que l’éruption majestueuse finale est le point d’orgue de cet album.

La réputation d’envy est déjà bien établie, mais le groupe continue d’exploiter sa recette pour nous gifler avec son vent de fraîcheur à chaque album. Eunoia est aussi furieux que complexe, témoignant d’une maîtrise aussi poussée que viscérale. L’album fait déjà partie des classiques.

95/100

English version?

Quelques questions à Tetsuya “Tetsu” Fukagawa et Nobukata “NOBU” Kawai, respectivement chanteur et guitariste du groupe japonais de Screamo envy, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album Eunoia.

Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder de votre temps ! Comment pourriez-vous présenter le groupe envy sans utiliser d’étiquette musicale, comme “Screamo” ou “Post-Rock” ?
Tetsuya “Tetsu” Fukagawa (chant) : Les paroles plongent dans un monde intérieur profond. C’est une expérience comme si les émotions humaines inexprimables (colère, tristesse, espoir) étaient incarnées dans le son. Une énergie sonore et une houle émotionnelle écrasantes.

D’où vient le nom envy et quel lien faites-vous avec la musique que vous jouez ?
Tetsu : Je l’ai choisi dans le dictionnaire. J’ai pensé que c’était celui qui se rapprochait le plus de la musique que nous voulons faire. Le nom du groupe exprime la faiblesse humaine et les émotions complexes. Nous voulons exprimer musicalement les fluctuations émotionnelles et les conflits. Je pense qu’il symbolise la philosophie et la musicalité du groupe.

Le groupe est sur le point de sortir son huitième album, Eunoia. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà des retours ?
Tetsu : Je pense que nous sommes très satisfaits du produit fini. Nous avons supprimé les parties inutiles et n’avons gardé que les parties essentielles. Nous avons reçu de bonnes critiques de la part de personnes en qui nous avons confiance.

Comment résumeriez-vous l’identité d’Eunoia en trois mots ?
Tetsu : Mots, créativité, transparence

Comment s’est déroulé le processus de création d’Eunoia ? As-tu remarqué des changements ou des évolutions par rapport aux albums précédents ?
Nobukata “NOBU” Kawai (guitare) : Il n’y a pas eu de changement particulier. Je prépare des phrases et des idées et nous les arrangeons tous ensemble. Cela a toujours été ce style.

Qu’en est-il de la pochette, quelles étaient les directives que vous avez données à l’artiste et comment s’accorde-t-elle avec la musique que vous avez créée ? Y a-t-il un concept derrière l’album ?
Tetsu : Pour moi, la musique est une question d’harmonie intérieure et de “belles pensées”. Des designs d’une beauté tranquille, pas trop tape-à-l’œil, mais visuellement apaisants. Des images douces comme les vagues, le vent, la lumière, les éléments de lumière et d’ombre, l’espoir et la paix. Je pense qu’ils sont bien adaptés pour transmettre visuellement un sentiment de clarté. Le développement personnel et la compréhension de soi sont également des thèmes abordés.

Le son du groupe a toujours été ancré dans la dualité entre la violence et les mots parlés et la musique aérienne. Comment créez-vous et alimentez-vous la coexistence de ces deux éléments ? Pourquoi avez-vous décidé de garder le japonais comme langue principale d’envy ?
Tetsu : La parole est un moyen de transmettre directement des émotions. Les mots ont une signification précise dans la musique et peuvent rivaliser avec la musique pour créer de l’intensité. Le japonais est la langue dans laquelle je peux exprimer mes émotions et mes pensées le plus naturellement et le plus profondément, et je peux m’adresser directement aux auditeurs. Le son du japonais lui-même est très beau, et je peux transmettre fidèlement le message que je veux faire passer.

Avez-vous une chanson préférée sur cet album ? Ou peut-être la plus difficile à réaliser pour l’album ?
NOBU : Chaque chanson a sa propre signification, il est donc difficile de se limiter à une seule !

Où trouvez-vous l’inspiration pour créer de la musique ? Y a-t-il un concept sur Eunoia ?
NOBU : Dans la vie de tous les jours. Je travaille souvent sur cet album en ramassant des sons après être rentré chez moi, en me souvenant de choses que je ressens dans la vie de tous les jours ou de mélodies qui commencent à se former dans ma tête. Je voulais que cette œuvre soit compacte et un peu sombre, en utilisant beaucoup de tonalités mineures. J’ai atteint mon objectif de compacité, mais je n’ai pas réussi à en faire une pièce sombre. Je ne pouvais pas. Cela s’est fait naturellement.

Pensez-vous vous être amélioré en tant que musicien et auteur-compositeur avec ce nouvel album ?
NOBU : Je ne pense pas avoir de talent musical au départ, et je ne pense pas en avoir développé. Cependant, mon désir de transmettre simplement mes sentiments et mon désir de voir jusqu’où je peux aller dans ma carrière musicale avec le temps qu’il me reste à vivre ont grandi. Je pense que mon prochain album sera complètement différent de celui-ci.

Depuis sa création, envy a joué dans de nombreux pays, du Japon, votre pays d’origine, aux États-Unis, à l’Europe… Que ressentez-vous à l’idée de jouer en public ? Avez-vous un “rituel” ou une habitude particulière avant de monter sur scène ?
Tetsu : Les auditeurs japonais ont tendance à se concentrer et à écouter la musique, et à exprimer leurs réactions émotionnelles de manière interne. En Amérique et en Europe, le public exprime ses émotions de manière plus extravertie, et je ressens une réaction plus dynamique. Mais même dans les parties les plus calmes, ils écoutent souvent avec respect. Je n’ai pas de rituel particulier, mais j’aime fermer les yeux et respirer profondément pour calmer mon esprit.

J’ai eu la chance de vous voir deux fois, au Hellfest 2019 puis à Paris en 2022, vous souvenez-vous de ces concerts ? Aimes-tu jouer en France ? Peut-être prévoyez-vous de revenir en Europe prochainement ?
NOBU : Bien sûr.

Y a-t-il des musiciens ou des artistes avec lesquels vous aimeriez collaborer ? Que ce soit pour une chanson, ou peut-être plus.
Tetsu : Personnellement, il n’y a pas d’artiste avec lequel j’aimerais collaborer. Je n’écoute pas beaucoup de musique.

Que sais-tu de la scène Metal française ? Y a-t-il des groupes que tu connais et que tu apprécies ?
Tetsu : Le batteur de Gojira (Mario) est venu nous voir dans une salle en France. J’étais très heureux et honoré. La performance aux Jeux Olympiques de Paris était aussi très unique et bien produite. J’ai pris plaisir à la regarder à la maison.

Si vous deviez organiser un concert pour la sortie d’Eunoia, avec quels groupes aimeriez-vous jouer ? Je vous laisse créer une affiche avec envy et trois autres groupes !
Tetsu : Le concert de sortie a déjà été décidé et sera un concert avec envy uniquement. Je ne vois aucun groupe avec lequel j’aimerais jouer. Désolé pour cette réponse ennuyeuse.

Dernière question amusante : à quel plat comparerais-tu la musique d’envy ?
Tetsu : Pourquoi pas le curry ? Beaucoup d’épices sont mélangées pour créer un plat. Et il y a beaucoup de sortes de curry. Les auditeurs peuvent choisir entre le riz et le naan.

C’était ma dernière question, alors merci à nouveau pour votre temps et votre musique, je vous laisse les derniers mots !
Tetsu : Écoutez le nouvel album et s’il y a un concert près de chez vous, prenez le temps de venir le voir. J’attends aussi avec impatience le concert en France.

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