Frostmoon Eclipse célèbre trente ans de noirceur grâce à Immortal Frost Productions.
Actif dans la scène italienne depuis 1994, le groupe créé par le guitariste Claudio Alcara (Aere Aeternus, Stroszek) sort son premier album en 2000. Aujourd’hui à la tête de sept albums, huit splits, six EPs et deux démos, il est complété par Gionata Potenti (batterie, Chaos Invocation, Darvaza, Moloch, Nubivagant, ex-Blut aus Nord…), Lorenzo Sassi (chant, Liber Null) et Davide Gorrini (basse, Nocratai) pour sa signature avec Immortal Frost Productions, qui réédite ses quatre premiers albums, à savoir Gathering the Dark, Death Is Coming, Dead and Forever Gone et Another Face of Hell.
Tous les albums ont été remasterisés par Davide Gorrini à son studio, la Beastcave.
Avec Gathering the Dark, on découvre un véritable trésor de Black Metal Old School. Si les morceaux savent se montrer toujours très bruts dans leur approche, on distingue clairement les passages furieux des moments doux et mélancoliques, avec notamment ce son de basse très mis en avant, ou encore par les parties vocales malsaines. Les morceaux s’enchaînent de manière fluide et possèdent tous leur propre personnalité, à l’image de Worms on Mankind qui est assez saccadé et qui propose de nombreuses ruades, mais aussi la quiétude apaisante d’Ashes, interlude acoustique qui nous permet de respirer entre les déferlantes. Je remarque aussi I Am My Worst Enemy dans cet album, qui nous offre un contraste très important entre les deux mondes auquel le groupe nous confronte, tout en les reliant avec des mélodies entêtantes, tout comme Let the World Burn qui le suit, mais surtout Dusk to Exalt My Triumph qui est le titre le plus intense et qui le reste même dans les moments plus calmes.
Death Is Coming, le deuxième album, nous expose immédiatement à une évolution : on sent que la violence a augmenté d’un cran, et ce dès The Darkest Season of Humanity, le premier morceau. L’album est également plus court, dépassant à peine les trente-cinq minutes, mais les morceaux ne souffrent pas de ce raccourcissement, et se concentrent sur une froideur majestueuse tout en s’inspirant de la scène finlandaise, là où le Black Metal est beaucoup plus incisif. The Black Tide est l’exemple parfait de la dualité que prônait le premier album, tout en revenant à sa sauvagerie initiale, se laissant uniquement apaiser par un interlude, puis s’y abandonnant à nouveau sur In a Sea of Blood et World in Ruin, qui sont selon moi parmis les meilleurs morceaux du groupe. Le titre qui m’a le plus surpris est Blindness, qui reste très apaisant, presque même rassurant, et qui influencera Waiting for the Storm, la dernière composition, en lui apportant cette touche parfois plus nostalgique tout en conservant ses accélérations ravageuses.
Pour une raison inconnue, je n’avais jamais vraiment écouté Dead and Forever Gone auparavant, et je redécouvre donc cet album, entièrement acoustique. S’il est déroutant pour moi d’entendre autant de créations acoustiques (douze, pour plus de quarante minutes), je finis par m’y habituer et même apprécier l’expérience, retrouvant les harmoniques mélodieuses du groupe. Le chant clair est également très bien géré Lorenzo Sassi, qui sait rester apaisant tout en accompagnant les compositions enivrantes, qui restent globalement assez douces. A Moment Long a Lifetime nous propose des tonalités un peu plus enjouées, rappelant par moment des compositions Folk que l’on écoute au coin du feu, mais on retrouve ces touches de noirceur lors des murmures de With Your Emptiness, laissant à nouveau le groupe jouer sur son important contraste. It Heals, It Hurts est un parfait moyen de clore l’album, avec ce que je trouve être les sons les plus pessimistes de tout ce chapitre, et qui résonnent parfaitement dans notre esprit.
Another Face of Hell nous replonge dans cette saturation infernale, d’abord avec un I Hate the Future qui sait aussi bien se montrer lancinant que féroce, prouvant que la coexistence des deux atmosphères fait toujours des ravages, puis avec un rythme assez soutenu. Les influences Old School sont bien sûr très efficaces pour conserver le son brut et furieux, mais elles permettent aussi de créer une atmosphère assez dissonante et entêtante, comme sur Elusion of Sorcery qui nous enferme dans son rideau d’oppression et qui n’hésite jamais à nous frapper de toutes ses forces. Fury of the Elements est sans aucun doute le titre le plus diversifié de l’album, mais j’avoue également avoir eu un coup de coeur pour Drowning Within the Eclipse, la dernière composition, qui reste assez brumeuse.
Frostmoon Eclipse fait partie de ces groupes qui ont participé au façonnement de la scène italienne, et dont l’influence est indéniable sur bon nombre de formations du pays, mais également d’ailleurs. Ces quatre albums sont tous bien différents, et leurs mélodies résonnent autant que leur violence pour les amateurs du groupe, s’offrant ici une seconde jeunesse avec le remaster.