
Frayle entame son troisième chapitre.
Suite à quelques performances live lors de festivals internationaux, Gwyn Strang (chant) et Sean Bilovecky (guitare) – accompagnés sur scène par Jon Vinson (batterie) et Jason Knotek (basse) – dévoilent leur nouvel album, Heretics & Lullabies, chez Napalm Records.

La pesante quiétude nous enveloppe dès les premiers instants de Walking Wounded, la première composition qui en plus de captiver notre attention va nous offrir quelques leads aériens avant de laisser Gwyn placer sa voix enivrante. Les passages les plus épais deviennent presque rassurants, créant un contraste avec les instants de mystère qui nous mènent à la toute aussi brumeuse Summertime Sadness, reprise de Lana Del Rey dont l’intensité croît avant de nous souffler sur place. Le morceau entier dégage une sorte de sensualité imposante au sein de laquelle on laisse volontiers notre esprit vagabonder, rejoignant la danse saccadée de Boo, titre dont le refrain se veut plus agressif, proposant même un peu de chant saturé qui vient surprendre la rythmique mid-tempo. On enchaîne avec Demons et son groove macabre qui nous hypnotise tout en nous mettant en alerte pour encaisser le retour de la saturation massive qui nous mène à Souvenirs Of Your Betrayal et à sa mélancolie oppressante qui n’hésite pas à s’embraser sur les refrains, nous berçant à sa manière et frappant régulièrement. Glass Blown Heart finira par prendre sa place, se dévoilant lentement puis imposant son voile de douceur aux harmoniques dissonantes et aux percussions très présentes qui guident notre errance fiévreuse jusqu’à Hymn For The Living où le rythme accélère légèrement, devenant presque même enjoué sur les refrains vaporeux. Le son finira par s’éteindre pour laisser Run prendre sa place avec une lenteur presque ironique et une sorte de fausse innocence dans la voix, créant un contraste avec les paroles beaucoup plus explicites alors qu’Heretic va immédiatement instaurer un climat plus sombre, comme le confirmera ce duo vocal avec des hurlements. Le morceau est définitivement l’un des plus violents de l’album, et Only Just Once qui le suit de près est sans aucun doute l’un des plus entêtants grâce à des guitares parfaitement maîtrisées pour clore l’album.
Bien que très mystérieux, Frayle nous dévoile son univers avec une pureté et une douceur presque hors du commun. Heretics & Lullabies nous hypnotise du début à la fin, livrant une à une ses couches de noirceur comme si elles faisaient partie d’un rituel.
95/100

Quelques questions à Gwyn Strang, chanteuse du groupe Frayle, à propos de la sortie de leur nouvel album Heretics & Lullabies.
Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de nous accorder un peu de ton temps ! Comment présenterais-tu le groupe Frayle sans utiliser les étiquettes musicales telles que “Doom Metal, “Post-Metal” ou tout autre sous-genre ?
Gwyn Strang (chant) : Nous aimons toujours dire “Lullabies over chaos” (“des berceuses sur le chaos”, ndlr). Notre approche consiste à associer une voix douce et mélodieuse, semblable à une berceuse, à un son de guitare Sludge et une batterie agressive.
Vous souvenez-vous comment vous avez trouvé le nom Frayle et quel est le lien avec la musique que vous jouez ?
Gwyn : Nous avons pensé que le mot “frail” (“fragile” en anglais, ndlr) nous correspondait bien, tant au niveau des paroles que du chant, donc cela nous a semblé naturel. Nous avons décidé de séparer le mot et de le recomposer en changeant l’orthographe. Comme dans l’art japonais du kintsugi, où l’on répare quelque chose de cassé avec de l’or, ce qui le rend plus précieux après… Et d’une certaine manière plus solide.
Frayle sortira son troisième album dans quelques semaines, Heretics & Lullabies. Que pensez-vous de cet album ? Avez-vous déjà reçu des retours ?
Gwyn : Nous sommes impatients de le dévoiler au monde entier. En tant qu’artistes, il est très difficile de se retenir et de ne sortir que quelques singles, mais nous comprenons que c’est ainsi que cela doit se passer. Nous avons reçu des commentaires de personnes qui l’ont déjà écouté et ils sont positifs. Nous avons le sentiment que cet album nous permet vraiment de nous affirmer musicalement. Nous avons en quelque sorte fait abstraction de ce qui se passe actuellement dans le monde de la musique et nous nous sommes concentrés sur le fait de nous enthousiasmer mutuellement pour ce que nous avons écrit.
Comment résumerais-tu l’identité de Heretics & Lullabies en trois mots seulement ?
Gwyn : Lourd, envoûtant, émotionnel.
Frayle était d’abord un duo, puis deux autres membres ont rejoint le groupe. Participent-ils également au processus de création ? Comment cela se passe-t-il au sein du groupe ? Est-ce devenu plus facile de composer avec le temps ?
Gwyn : Au fond, Frayle, ce sera toujours Sean et moi. Nous écrivons tout. Nous ne voulions pas partir en tournée juste tous les deux, alors nous avons invité d’autres musiciens à nous accompagner. La composition du groupe change en fonction des disponibilités, mais nous avons quelques personnes qui sont des musiciens incroyables, avec qui nous nous sentons à l’aise et qui sont toujours les premiers sur notre liste pour partir en tournée. Au fur et à mesure que nous évoluons, nous sommes de plus en plus ouverts à l’idée de laisser d’autres personnes participer à notre processus créatif.
Le son du groupe est un mélange atmosphérique d’éléments Doom et d’influences Post-Metal qui lui confère une identité propre. Quels groupes citerais-tu comme vos principales influences ?
Gwyn : Nous trouvons l’inspiration partout. Nous écoutons beaucoup de bandes originales de films, en particulier celles de films d’horreur, qui influencent parfois certaines parties de nos chansons. Au niveau vocal, je suis éternellement inspirée par Beth Gibbons et Allison Shaw. Ce sont deux chanteuses très vulnérables et imparfaites, ce qui suscite des émotions en moi. Elles créent de l’émotion à travers des couches plutôt qu’à travers une progression de notes spécifiques.
Où trouvez-vous votre inspiration pour créer de la musique et des paroles ?
Gwyn : Les paroles sont inspirées par les faiblesses du cœur et de l’esprit. Elles sont très personnelles et évoquent différentes périodes de ma vie où j’ai traversé des moments qui m’ont profondément marquée. Les mélodies me viennent naturellement. J’ai une bibliothèque de mélodies à laquelle je me réfère parfois quand il est temps d’écrire une mélodie pour une chanson, mais en général, je crée simplement une ébauche à partir de quelque chose que Sean a écrit, puis je développe la mélodie et les paroles au fur et à mesure.
Comment avez-vous construit l’esthétique mystérieuse de Frayle ? Penses-tu que les chansons auraient le même impact sans vos tenues ?
Gwyn : Je pense que la musique se suffit à elle-même. Il est certain que lorsque nous avons commencé, nous ne nous habillions pas comme nous le faisons aujourd’hui. À ce stade, le look n’est vraiment qu’une extension de la musique. Nous réfléchissons à ce que nous voulons exagérer ou mettre en valeur, puis nous construisons un look/un décor à partir de là.
Avez-vous une chanson préférée sur Heretics & Lullabies ? Ou peut-être celle qui a été la plus difficile à réaliser pour l’album.
Gwyn : Ma chanson préférée est probablement Heretic. Quand Sean a commencé à jouer avec une mélodie au synthé, j’ai tout de suite su que nous avions quelque chose de spécial. J’étais impatiente d’aller au studio pour chanter une mélodie qui m’était venue à l’esprit dès que je l’avais entendue. C’est finalement devenu le fredonnement du début.
Penses-tu avoir progressé en tant que musicienne/compositrice avec ce nouvel album ?
Gwyn : C’est toujours l’objectif. Progresser et être capable de traduire ce que l’on ressent en mots et en sons. Je pense que plus on travaille quelque chose, plus on s’améliore. J’espère m’améliorer encore avec le prochain album que nous écrirons.
Heretics & Lullabies vous a permis d’intégrer le catalogue de Napalm Records. Comment cette collaboration a-t-elle commencé et comment se passe le travail avec eux ?
Gwyn : Napalm nous a beaucoup soutenus. Ils veulent vraiment que tu puisses réaliser pleinement ta vision. Ils ne se mettent pas en travers de ton chemin et te laissent faire ce que tu veux pour réaliser ta vision. Cela dit, ils te poussent aussi à donner le meilleur de toi-même. C’est formidable de travailler avec leur équipe !
Je n’ai jamais eu l’occasion de voir Frayle sur scène, comment vis-tu un concert de ton point de vue ? As-tu des rituels avant ou après les concerts ?
Gwyn : Avant le concert, j’aime toujours prendre quelques minutes pour méditer afin de me mettre dans le bon état d’esprit. Le concert lui-même est toujours une expérience pour moi. J’aime attirer les gens dans mon univers et visiter le leur pendant un court instant. Cet échange d’énergie fait que le spectacle ressemble davantage à un rituel qu’à une simple performance devant un public. C’est plutôt une performance AVEC le public.
Y a-t-il des artistes avec lesquels vous aimeriez collaborer ? Que ce soit pour une chanson, un album, une pochette d’album…
Gwyn : Il y a un million de personnes qui m’inspirent. Certaines sont des musiciennes, d’autres des artistes ou des mannequins. Sur le plan musical, j’adorerais écrire quelque chose avec Emma Ruth Rundle ou Beth Gibbons.
Quelle est la prochaine étape pour Frayle ? Peut-être des concerts ou une tournée ?
Gwyn : Nous travaillons sur plusieurs projets, mais nous avons un concert le 11 octobre au festival Tennessee Metal Devastation.
Avez-vous déjà entendu parler de la scène Metal Française ? Y a-t-il des groupes que vous connaissez et appréciez ?
Gwyn : Gojira est probablement mon groupe de metal français préféré en ce moment. Ils se sont vraiment fait un nom à l’international. Nous avons joué avec Bruit il y a deux tournées en Allemagne. Nous avons été associés à eux par hasard lors d’un concert à Munich. Ils étaient incroyables !
Si je te demandais de créer une affiche avec Frayle en tête d’affiche et trois autres groupes pour la sortie de Heretics & Lullabies, avec quels groupes aimerais-tu jouer ? Même les réponses irréalistes sont acceptées.
Gwyn : Il y a tellement de groupes qui font des choses incroyables qu’il est difficile de choisir. Ce serait probablement un mélange hétéroclite. Disons Frayle avec Chelsea Wolfe en première partie, puis Neurosis et Portishead pour réchauffer la foule.