Live Report : Psychonaut 4 + Deadspace + Afraid Of Destiny + Eyelessight – Paris (75)

Psychonaut 4 + Deadspace + Afraid Of Destiny + Eyelessight

Presque deux années après leur dernier passage au Gibus, Psychonaut 4 revient déverser sa tristesse sur Paris. Mais cette fois ci, les géorgiens sont en tête d’affiche, et accompagnés de Deadspace, Afraid Of Destiny et Eyelessight.

L’entrée dans la salle se fait dans le calme, vu le peu de public présent pour l’occasion. Les musiciens du premier groupe sont déjà sur scène, en train de finaliser les réglages de leurs instruments, et les spectateurs se ruent sur le stand de merchandising.

Un bandeau ensanglanté sur les yeux, les membres d’Eyelessight sont dos à nous alors que les lumières baissent. Très sombres mais apaisants, les projecteurs permettent à peine de distinguer les musiciens qui commencent à jouer une rythmique lente, mélancolique et surtout très prenante. Les hurlements d’HK (batterie) créent une ambiance toute particulière, car l’homme est caché par Kijel (guitare/chant), V. (basse) et Spread (guitare), qui sont très impliqués dans leur musique sombre et torturée. “We are Eyelesslight, we are from Italy, we want you to relax…” lâche alors le batteur après un premier morceau. Immédiatement, les musiciens entament le deuxième titre de leur setlist, et c’est cette fois de la gorge de Kijel que les hurlements stridents proviennent. La jeune femme semble presque trembler en jouant tellement ses cris sont perçants et expressifs, et c’est finalement à genoux qu’elle achèvera ce morceau, tout en chantant. “This is the last one” annonce sobrement HK alors que les harmoniques reprennent. Malheureusement pour les italiens, le mix ne rend absolument pas hommage à leur musique, mais le groupe a tout de même piqué ma curiosité, et c’est avec intérêt que j’assiste à ce dernier titre, à la rythmique noire et éraillée, pendant que les musiciens terminent leur prestation à genoux sur scène, et reçoivent des applaudissements mérités.
Setlist : Nostomania – Smarrendo Illusioni – Odd

Après de nouveaux réglages de dernière minute, Afraid Of Destiny prend possession de la scène. Si les musiciens arrivent de la manière la plus impassible qui soit, c’est R.F. (chant) qui attirera tous les regards. Posant au centre de la scène, ses mouvements semblent emplis de toute la misère du monde, ce qui donne un relief particulier à ses hurlements, pendant qu’Adimere (guitare), J.A. (basse) et D.D.T. (guitare) alignent leur rythmique avec un calme olympien. A la batterie, F.B. fait également preuve d’une décontraction à toute épreuve, mais sa précision donne un aspect glacial à la musique du groupe. En se tenant à son pied de micro, le chanteur hurle avec toute la force de son âme, et tentera de motiver une foule visiblement endormie. Je me laisse prendre par la noirceur des italiens, et remarque à peine que Thomas Major (guitariste de Deadspace), déjà maquillé, a rejoint la scène en tant que troisième guitariste. Tel un fantôme, il disparaîtra au bout d’un morceau, laissant Afraid Of Destiny continuer leur cérémonie dans la douleur, et devant un public parisien inactif. “Merci Paris”, murmure le chanteur avant de relancer cette machine de souffrance. C’est d’ailleurs avec une corde de pendu dans la main que R.F. continuera de hurler son discours sur une rythmique mélancolique et douloureuse, qui nourrit de plus en plus son attitude théâtrale pendant que les silhouettes des musiciens se découpent dans ce bain de lumière qui les enveloppe. Après un nouveau remerciement, c’est à genoux devant nous, et en se tenant alternativement la tête et les bras que le frontman ne hurlera ses dernières paroles, alors que les musiciens, toujours aussi immobiles, achèvent un sublime riff.
Setlist : Timor Mortis – Take Me Home, Death – Shells – Rain, Scars, and the Climb – Killed by Life – Hear Me

Nouveau changement de scène, et ce sont cette fois les six membres de Deadspace qui envahissent le Gibus, à grand renfort de corpse paint. “Paris, let me see your skinny fists in the fucking air, we are Deadspace from Australia!” hurle Chris Gebauer (chant) avant de pousser un hurlement à glacer le sang. Le début très intense du concert est également servi par la prestance d’Olivier Royer et Thomas Major (guitares) qui alignent une nuée d’harmoniques sur la rythmique malsaine tenue par Herb Bennetts (batterie) et Dan Jackson (basse). Très mobile, le chanteur attire sur lui toute l’attention, et éclipse totalement John Pescod (claviers), qui n’était déjà pas très visible à cause de l’obscurité manifeste sur les côtés de la scène. Posant au centre ou haranguant la fosse, il donne littéralement vie aux textes des australiens, avec une puissance vocale qui dépasse l’entendement. C’est d’ailleurs ce show qui verra les premiers mouvements de foule qui dérangera les premiers rangs, même s’ils sont de courte durée. Comme s’il était possédé, Chris pose sa main sur la tête des spectateurs et hurle en les fixant du regard, avant de revenir haranguer la foule entière en se tenant au plafond. Le groupe ne communique que très peu avec le public, mais leur froideur nourrit ces riffs tranchants et les hurlements effrayants du frontman subjuguent littéralement l’assemblée. Le chanteur viendra même se placer sur les retours, au plus près de la foule pour nous jeter son désespoir en plein visage avant de remonter sur scène, et de jeter le micro sur le sol et de partir, signant la fin d’un show court mais de haute volée.
Setlist : Rapture – The Worms Must Feed – The Malevolence I’ve Born Unto Others – O Sancta Simplicitus

Pour la dernière fois de la soirée la scène change, et c’est sur un sample énigmatique et les hurlements incessants de la fosse que Psychonaut 4 s’installe sur scène. Graf von Baphomet (chant) se saisit de son micro et attend patiemment devant nous. Soudain, le sample introductif se termine et le premier morceau part, avec une violence indicible. Les guitares de Glixxx, S.D. Ramirez et Drifter hurlent à la mort pendant que la basse ronflante d’Alex Menabde rencontre le blast furieux de Nepho (batterie). Littéralement habité, le frontman crie en plein milieu de la scène avant de headbanguer frénétiquement pendant que les musiciens, plutôt en retrait, alignent leurs riffs noirs et tristes. Les hurlements de Graf se muent en pleurs de souffrance, mais l’excellent mixage de la salle donne une autre dimension à la musique, en sublimant chaque instrument tout en les laissant à leur place. Sans un seul mot, c’est le deuxième titre qui débute déjà, alors que le chanteur se met à danser seul devant nos yeux avant de se remettre à hurler, aidé par les choeurs de S.D. Ramirez et Drifter. Quelques larsens viendront entacher le son, mais rien ne peut sortir le groupe de sa transe communicative, et le show se poursuit alors que le frontman recommence à headbanguer. Parfois plié en deux, parfois simplement droit devant nous, Graf exorcise sa souffrance à travers des hurlements de plus en plus puissants, de plus en plus torturés, mais toujours aussi justes. Les guitaristes se placent en avant pour quelques parties lead, mais ils reviennent rapidement en arrière, pour quelques choeurs. “Merci beaucoup, Paris” lance alors S.D. Ramirez avant que le sample introductif de #Todrinkandtodance ne débute. Alors que les morceaux se suivent avec la même perfection dans l’interprétation, Graf prend finalement la parole. “Thank you Paris! It’s a special night” nous annonce t il, “we have a special guest, so I would like to call! Lord Lokhraed from Nocturnal Depression!”. C’est donc le chanteur de la formation française qui monte rejoindre ses camarades pour un Too Late To Call An Ambulance à deux voix après quelques mots. Les deux hommes se partagent aisément les cris, et leurs voix se complètent naturellement pour animer cette part de désespoir et de solitude qui réside en eux. Maquillé et souvent courbé, le français donne un relief particulier à ce morceau que j’apprécie tout particulièrement avant de laisser la scène aux géorgiens. “Paris, this song is for you!” annonce Glixxx alors que Ramirez nous explique l’histoire de Song Written In Paris. Ecrit en tournée lors de leur premier passage dans la capitale, il semblait important pour Psychonaut 4 de nous jouer ce superbe morceau ce soir, mais quelques spectateurs commencent à bouger. Heureusement vite calmés, ils n’ont pas réussi à rompre la communion que le groupe avait instauré. Graf est particulièrement mobile sur le titre suivant, et n’hésite pas à danser au rythme des riffs de ses camarades, voir même à s’asseoir pendant que les musiciens jouent leurs riffs avec une concentration exemplaire, fermant les yeux pour mieux ressentir leurs riffs. Mais l’apothéose sera atteinte sur le dernier titre, Sweet Decadance, sur lequel le chanteur, totalement absorbé par son univers, sortira une cigarette qu’il fumera alors que la rythmique a totalement envahi la salle, et que chaque note nous frappe comme une lame de rasoir affutée. Allongé devant la batterie, le frontman prend le temps de respirer alors que les guitaristes chantent les quelques choeurs qui transcendent la foule. Le chanteur finira le concert assis sur les retours, à headbanguer au plus près du premier rang, alors que la rythmique vit ses derniers instants.
Setlist : Bad t.RIP – Bad Morning – Moldy – My Despair Can’t Be Explained – #Todrinkandtodance – Too Late to Call an Ambulance (feat Lord Lokhraed from Nocturnal Depression) – Song Written in Paris – We Will Never Find The Cure – Antihuman – Sweet Decadance

 

Lorsque le concert se termine, la pression ne redescend pas tout de suite. Encore sous le choc de la prestation ahurissante et criante de souffrance de Psychonaut 4, les spectateurs quittent peu à peu la salle. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir enchanté le Gibus ce soir. L’entrée en matière offerte par Eyelessight était excellente bien que souffrant d’un son assez mauvais, tout comme Afraid Of Destiny qui a plongé la foule dans une torpeur contemplative avec ses riffs dépressifs. Quand à eux, Deadspace ont proposé un show d’une qualité incroyable grâce à leur frontman habité par une énergie débordante et une capacité à incarner ses textes. Une sorte d’exorcisme de la douleur qui sommeille en chacun de nous.

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