Le nouvel album de Gaerea est sorti. Un peu avant sa sortie, j’ai eu l’opportunité de parler avec son maître à penser.
Bonjour et premièrement merci de m’accorder de ton temps. Pourrais-tu te présenter ainsi que le groupe avec tes propres mots pour quelqu’un qui ne connaîtrait pas le groupe s’il te plaît ?
Gaerea: Gaerea est un projet de Post/Cathartic Black Metal sorti du Portugal. Nous avons débuté mi-2016, on a sorti notre premier EP la même année et on est devenus très actifs en début 2017. En 2018 nous avons sorti notre premier album Unsettling Whispers via Transcending Obscurity Records et nous avons débuté un long et vaste raid entre Europe et Asie qui a duré près de deux ans. Nous sortons notre deuxième album Limbo dans moins de 10 jours via Season of Mist et après ça nous planifions de passer autant de temps que possible à promouvoir cet album autour du monde.
Gaerea est né en 2016, et a depuis le tout début une identité visuelle très forte. Qu’est ce qui t’a motivé à créer un tel concept ?
Gaerea : Je suis moi-même artiste visuel depuis 5 ou 6 ans maintenant, et je pense que ça m’influence de manière très brutale en tant que catalyseur visuel du groupe. Aucun de nos albums n’a été créé avec uniquement des influences musicales. Je peux pas vraiment spécifier ou expliquer ce besoin interne d’exposer mes pensées intérieures à travers ce groupe dans un premier temps, mais je me souviens du premier EP qui était une sorte de “manifeste” pour moi. Quelque chose que j’ai pu laisser sortir de mon esprit en sorte. Aujourd’hui je suis vraiment content d’avoir fait ça de manière si organique et vraie.
Limbo, votre deuxième album, va bientôt sortir. Combien de temps est-ce que vous avez mis à l’enregistrer ? Est-ce que vous êtes confiants à propos de sa sortie ? Est-ce que vous avez déjà eu des retours ?
Gaerea : Ca nous a pris une semaine et demie pour l’enregistrer entièrement en réalité. Nous essayons d’enregistrer très rapidement en studio car nous préparons très bien nos titres, nous savons comment nous voulons qu’ils sonnent et notre relation avec notre producteur est la meilleure qu’il est possible d’espérer. Nous sommes très confiants à propos de cet album, et ce serait cynique si je le disais autrement. C’est de la pure évolution naturelle pour Gaerea et le concept et la réaction aux titres qui sont déjà sortis est unanime. Nous savons combien nous avons travaillé pour ce moment et chaque petite part de reconnaissance remplit nos coeurs sans gâcher notre stratégie et notre but. Il y a encore tant à faire. Tant à accomplir.
Comment s’est passé le processus de composition de cet album ? Était-il différent du précédent ? Est-ce que la collaboration avec Season of Mist a changé quelque chose à votre travail ?
Gaerea : J’écris les morceaux individuellement quand le moment est venu et quand j’ai cet état d’esprit spécial où tout est prêt à affluer naturellement. Limbo a été écrit entre les tournées et quand j’étais seul chez moi, dans mon propre environnement. Nous n’écrivons pas les morceaux en groupe. Une fois que les morceaux sont prêts pour les premières répétitions, tout le monde va faire de son mieux pour inclure sa propre touche artistique dans les morceaux, et honnêtement c’est là où tout commence à prendre forme. Au début, ces idées doivent avoir un seul esprit autour d’eux, comme ça ils peuvent être aussi intimes dans leur essence qu’ils doivent être. C’est probablement la raison principale pour laquelle Limbo doit être le rendu le plus personnel et dévastateur que j’ai pu écrire à ce jour. Ce processus était presque le même dans l’album précédent, même si je me souviens que certaines parties ont été écrites en jammant ensemble, ce que j’ai trouvé très frustrant à cette époque comme manière de faire. Même si j’aime ces parties spécifiques, je sais que ce n’est pas ma méthode naturelle d’écriture. La musique est sensée être personnelle car c’est un moyen de ressentir par soi-même et non en tant que collectif. Du moins c’est mon opinion. Ce processus n’a pas changé avec Season of Mist car nous n’avons signé avec eux qu’après avoir eu les premières esquisses du studio. Cela dit, s’il y a un nouvel album dans les prochaines années, je ne pense pas que c’est une mauvaise chose de savoir que Season of Mist est juste derrière nous.
Le son du groupe est très atmosphérique, mais aussi plein d’émotions et viscéral. Qu’est ce qui t’inspires pour créer de la musique et des paroles ? Est-ce qu’il y a des groupes que tu citerais comme tes principales influences ?
Gaerea : Je voulais créer un merveilleux final grotesque pour ce tourment à l’intérieur de mon cerveau. Limbo est sans aucun doute un album très intense et plein d’émotions pour quiconque y a laissé sa marque. Il nous a quelque part consumés d’une manière très personnelle. Ces paroles traitent de ce désespoir constant et cette séparation entre haine et amour, vie et mort, salut et libération. Limbo traite de la libération, du salut et précisément de notre inspiration principale: les humains. Nous sommes très inspirés par d’autres formes d’art au delà de la musique, même si nous pourrions mentionner des artistes que nous aimons pour leur expression artistique et leur liberté (Watain, Shining, Primordial, Obsidian Kingdom, etc). En littérature, Jose Saramago ou Thomas Ligotti. En arts visuels, Bill Viola or Olivier de Sagazan. Concernant le cinéma, entre autres, je dirais Dennis Villeneuve, Wim Wenders, Billy Wilder, Pedro Costa ou même quelques travaux d’Elias Mehrige.
Comment avez vous choisi de sortir To Ain en premier ? Et comment avez vous choisi l’ordre de la setlist ?
Gaerea : To Ain n’a pas été le premier morceau a être révélé. Le premier était Null, le deuxième morceau de l’album et tout spécialement après To Ain, le morceau d’ouverture de Limbo. Nous avons décidé de montrer ces trois aspects du monde de Gaerea dans trois clips vidéos, titres et esthétiques très différents. Premièrement, nous avons la férocité et l’agressivité qui se répandent à travers Null, puis nous sombrons profondément dans notre propre pourriture intérieure avec To Ain, et ensuite nous sommes prêts à le libérer à ce monde ouvert et de le regarder brûler de loin. C’est Conspiranoia.
Vous venez du Portugal, comment est la scène Metal là bas ? Et à propos de la scène Black Metal en particulier ?
Gaerea : Nous avons pas mal de groupes dans ce pays. Probablement trop. Trop qui gâchent de l’argent dans des investissements futiles et qui ne se concentrent pas sur une carrière musicale. Trop qui cherchent à faire aimer leur groupe et moins d’intérêt en live une fois que tu vas enfin les voir jouer. Mais j’aime cette scène. Nous avons beaucoup de qualité dans cette scène et heureusement de bons musiciens, même si la plupart de savent pas se promouvoir de la bonne façon. A propos de la scène Black metal, je n’imagine pas vraiment beaucoup de groupes émerger après nous en réalité. Nous rendons un hommage éternel aux groupes qui ont ouvert les portes du monde au Metal portugais. Je parle évidemment de Moonspell, Corpus Christii, The Ominous Circle, Infernal Kingdom entre autres.
Je sais que la situation actuelle du Covid-19 est difficile pour tout le monde, mais comment est-ce que ça t’a affecté en tant que musicien ?
Gaerea : Eh bien nous avions un agenda très rempli pour ce groupe au début de cette étrange année. Nous aurions dû vivre cette année très occupée et nous focaliser à 200% sur ce groupe, laissant en suspens la plupart de nos activités personnelles. Même si le virus en est arrivé à annuler ou reporter ces plans, c’était quand même intéressant de tester nos forces et si nous pouvions vivre en mettant tous ces efforts dans ce projet. J’aime penser que nous sommes prêts pour cette tâche. Nous avons fait tellement de choses en étant confinés chez nous. C’était un bon moment pour se poser, repenser nos stratégies et voir le monde se consumer lentement depuis notre fenêtre.
A propos des concerts, comment te sens tu avant de monter sur scène ? Est-ce que tu as un rituel d’échauffement spécial ?
Gaerea : En effet. J’aime être silencieux pendant un moment et repenser au chemin que j’ai dû tracer moi-même à travers les années, aux sacrifices que j’ai faits pour suivre et saisir ce rêve à mains nues et me préparer pour la dévastation de l’âme à suivre qui survient pendant 45 à 60 minutes. Nous laissons tous une part de notre âme sur chaque scène que nous foulons. Chaque concert change une part de nous en bien ou en mal, nous devons être prêts à cela.
Est-ce que tu te souviens de la première fois où tu as pris un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Gaerea : En Mai 2009. Ça, je ne l’oublierai jamais. J’ai toujours cette guitare acoustique que mon père m’a achetée. J’ai à peine été à l’école de musique en apprenant car je pouvais reproduire ce que j’entendais dans les morceaux que j’aimais écouter. J’ai commencé à jammer sans même m’en rendre compte. Juste en essayant d’atteindre le même son, la même émotion, cette étincelle qui fait sens dans n’importe quel titre. La musique a vraiment façonné ma vie depuis ce moment précis. Je peux te l’assurer.
Quel était le tout premier morceau de Metal que tu aies écouté ? Et celui qui t’a introduit au Black Metal ?
Gaerea : Ragnarok. C’est toujours celui auquel je pense quand je réfléchis aux bons groupes qui m’ont inspirés au début de mon processus d’écriture pour ce genre de musique. Murder et Blackdoor Miracle ont été les deux premiers morceaux que j’ai écouté qui étaient très différents de Death Magnetic. La vache. C’était tellement différent !
Si je te demande de comparer la musique de Gaerea à un plat ? Lequel choisirais tu et pourquoi ?
Gaerea : Bien sûr, ce serait le plus agressif mais également rassasiant des Francesinha. Il faut que tu cherches ça Tu ne sais pas à quel point le chaos et l’orgasme ont en commun jusqu’à ce que tu aies essayé ça.
Quelles sont tes meilleures et pires expériences en tant que musicien ?
Gaerea : La meilleure : rentrer dans une arène pleine à craquer à Shanghai pour le tout dernier concert de notre tournée chinoise l’an dernier. Une nuit où les larmes, la furie et la joie ont rempli notre âme. Je ne pourrais jamais exprimer ce que ces 45 minutes représentent et combien ça a impacté mon moi futur. La pire : Notre supposé troisième concert qui n’a jamais eu lieu. Une nuit nous avons conduit 600km pour y prendre part et au dernier moment le promoteur a prétendu que nous n’étions pas présents et a sauté notre concert au point qu’il était trop tard pour nous de pouvoir espérer jouer. Nous avons appris beaucoup de cette nuit. Vraiment beaucoup.
Avec quels groupes voudrais tu tourner ? Je te laisse créer une tournée avec Gaerea et trois autres groupes.
Gaerea : Ok allons-y. Watain. Shining. Tribulation. Dool.Je ne veux pas jouer sur une tournée aussi dévastatrice. Je veux simplement être présent chaque nuit et laisser mon âme se faire déchirer de ce monde pendant un mois.
C’était ma dernière question, merci à nouveau de ton temps. Est-ce que tu as quelque chose à dire à tes fans français pour conclure ?
Gaerea : Mes amis français, nous sommes tout proches de vous révéler notre nouvel album, et nous espérons vous voir nombreux à nos prochains concerts en France. La France a toujours été un pays spécial pour nous, et un endroit que nous respectons profondément. Laissez nous vous remercier pour le soutien que vous nous avez apporté ces dernières années en vous dévoilant notre plus profond et intime album à ce jour : Limbo.