Juste avant que 2020 ne s’achève, j’ai eu l’opportunité de discuter un peu avec Thomas Eriksen, leader et tête pensante du groupe Mork, à propos de Katedralen, son nouvel album.
Bonjour Thomas et premièrement, merci de m’accorder de ton temps. Pourrais tu vous présenter, Mork et toi, pour quelqu’un qui ne connaît pas encore le groupe s’il te plaît ?
Thomas Eriksen (tous instruments) : Mork est un groupe de Black Metal norvégien formé en 2004 à Halden, en Norvège. Le groupe a deux côtés : le côté créatif et enregistrement est l’effort d’un seul homme, moi-même. L’autre côté est le groupe live, qui tourne à travers le monde depuis 2015.
D’où provient le nom du groupe ? Quelle est la connexion entre ce nom et le Black Metal que tu joues ?
Thomas : J’ai créé le nom Mork en 2004, quand je voulais quelque chose qui connectait l’esthétique nekro et des visuels avec le son et la musique. Mork est un dérivé du mot norvégien “morken”, et il signifie décomposé, en ruines.
Mork est sur le point de sortir Katedralen, le cinquième album du groupe. Es tu satisfait du travail accompli sur cet album ?
Thomas : Assurément. C’est mon meilleur travail jusqu’ici. J’ai commencé à écrire et enregistrer pour cet album durant l’enregistrement de Det Svarte Juv. Depuis les premières idées, j’ai compris que ça allait devenir quelque chose de spécial.
Que peux-tu nous dire à propos de la pochette de l’album et de son nom ?
Thomas : Je suppose que c’était il y a environ 12 ou 13 ans que j’ai imaginé le concept de Katedralen. Puis j’ai pensé à faire un EP conceptuel à propos d’une aventure, à atteindre cette énorme cathédrale dans un espace vaste et mort. Cependant, ça a été mis de côté. J’ai fait quelques démos cependant, qui resteront au coffre. Il y a quelques années, l’idée de ramener de titre est revenue. Katedralen est un endroit à la fin d’un long et difficile voyage où les âmes perdues se rassemblent et restent pour une éternelle incarcération. J’ai expliqué ça à l’artiste, David Thiérrée, et il l’a véritablement compris. David a également fait l’artwork de mon dernier album, et j’apprécie vraiment travailler avec lui.
J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup d’influences sur cet album, comme du chant clair sur Arv, des racines très Old School sur ?Det Siste Gode I Meg, des tonalités lentes et oppressantes sur ?Født Til Å Herske?… Quelles sont tes principales sources d’inspiration pour écrire musique et paroles ?
Thomas : Je ne pourrais pas mettre le doigt sur une chose en particulier. Je crée spontanément et hors de mon propre esprit et corps. Ce qui en sort, c’est ce qui se trouve sur l’album. Je suppose que j’ai une capacité à être en contact avec mes côtés les plus sombres et tristes.
Il y a également quelques guests sur cet album, Nocturno Culto de Darkthrone, Dolk de Kampfar et Eero Pöyry de Skepticism. Comment les as tu choisis ? Comment se sont passées ces collaborations ?
Thomas : Ted (Ted Arvid Skjellum, aka Nocturno Culto, ndlr) a été impliqué dans Mork par le passé également. Il a fait un titre sur mon second album Den Vandrende Skygge et joue ce titre avec nous sur scène aussi. Depuis que nous sommes potes, ce n’est pas difficile de lui demander de venir et de chanter sur ce nouveau titre. Il en va de même pour Dolk, nous sommes amis et un jour je lui ai demandé. Je pense que le titre était majestueux et qu’il pourrait coller à son style et sa touche. Les deux titres s’avèrent être excellents. Concernant Eero, c’est une histoire intéressante. Lorsque j’ai découvert le Black Metal et que j’ai commencé à creuser dans les sous-genres du Metal, je suis également tombé sur Skepticism. J’ai écouté leur titre Sign Of A Storm qui m’a totalement submergé. Je ne m’étais jamais autant senti vide et sans espoir de toute ma vie, jusqu’à ce que j’écoute ce titre. Le groupe est crédité en tant que créateurs du genre appelé Funeral Doom. C’est resté avec moi à travers les années. Quand j’ai écrit et enregistré le titre éponyme du nouvel album, je suis tombé sur ce riff qui m’a un peu rappelé le Funeral Doom. Et j’ai pensé que ce serait intéressant de rentrer en contact avec l’organiste de Skepticism. Comme j’ai fait la basse du dernier album de The Deathtrip, j’ai remarqué que nous étions signés sur le même label. Donc je suis rentré en contact avec lui et nous nous sommes rencontrés, j’ai donc connu Eero avant leur concert à Londres, juste avant le Covid cette année. Quelqu’un de génial, et sa contribution à mon album parle d’elle même. C’est une étape majeure pour moi.
Le dernier titre, De Fortapte Sjelers Katedral, est le plus long de l’album, et même de toute la discographie de Mork. Quelle est l’idée, ou le message de ce titre ?
Thomas : Vu que l’EP dont j’ai parlé n’a jamais été réalisé, je voulais que le titre éponyme de Katedralen soit un peu spécial. Ce n’est pas un concept album, alors j’ai essayé de mettre le maximum du thème envisagé dans ce morceau. Donc c’est un voyage à travers une vaste plaine désolée et l’atteinte de la cathédrale à la fin, où ils demeurent pour l’éternité. C’est mon propre ajout personnel au catalogue de Mork. Une fermeture d’album appropriée aussi, enfin c’est ce que je pense.
Est-ce que c’est plus simple pour toi de composer tout par toi même au lieu de composer de la musique avec d’autres personnes ?
Thomas : Assurément oui. Je suis enfant unique et j’ai toujours été forcé d’utiliser ma créativité. Je suis au maximum de mon potentiel quand je crée dans la solitude.
Comment as-tu découvert le Metal à l’époque ? Et concernant la branche extrême ?
Thomas : J’ai d’abord découvert le Metal à travers la collection de vinyles du frère aîné d’un ami à moi. C’était à l’école élémentaire. J’ai trouvé Annihilation Principle de Laaz Rockit et je l’ai copié sur mon walkman, c’était fait. Le Metal extrême, comme mentionné avant dans cette interview, c’est quelque chose qui est arrivé un peu plus tard. J’avais environ 16 ans quand j’ai vu Mayhem en live pour la première fois. Ça a déclenché une soif et une curiosité concernant ce qui sort aussi ici… ou en dessous.
Te souviens-tu de la toute première fois où tu as pris un instrument ? Comment et quand est-ce que ça s’est passé ?
Thomas : Oui, c’était à l’âge de 11 ou 12 ans, à la maison d’un ami. J’ai grandi à Isebakke, qui est l’endroit d’après lequel mon premier album a été nommé. Ici, j’ai rencontré mon premier ami. Il avait une imitation d’une strat que j’ai essayé. Nous étions pas mal dans le Punk Rock des années 70, donc c’est pourquoi j’ai fini par me mettre dans la musique et jouer d’un instrument au début.
Tu viens de Norvège, qui est l’un des plus célèbres pays concernant le Black Metal, que peux-tu nous dire de la scène Black Metal là-bas ?
Thomas : Je ne sais pas quoi dire. Il y a beaucoup de gens qui jouent du Black Metal ici, jeunes ou vieux. Donc le genre est vivant et se porte bien. Mais la Norvège est un pays plutôt petit, la plupart des gens de la scène se connaissent. Mais il y a des sortes de clans ici et là, ainsi que des solitaires tu vois. C’est probablement partout comme ça.
Tu utilises principalement le norvégien dans tes chansons, est-ce que c’est important pour toi de continuer à utiliser cette langue au lieu de l’anglais ?
Thomas : Je n’ai pas de vrai ressenti avec le Black Metal chanté en anglais. La partie norvégienne est vraiment spéciale pour moi.
Que signifie le “Black Metal” pour toi ? Concernant la musique bien sûr, mais également l’attitude.
Thomas : Pour moi, ça concerne la solitude, et faire ce que je pense bien pour moi. Donc, c’est de l’égoïsme pour faire court. C’est également un bon moyen de libérer sa frustration, sa dépression et d’autres parts plus sombres de mon esprit et de ma psyché.
Est-ce que tu as des hobbies, ou un travail à côté de la musique ? Que serait ta carrière de rêve si tu n’avais pas commencé la musique ?
Thomas : Je dois faire d’autres choses pour être capable de nourrir mes habitudes économiques, et payer les factures. Les hobbies, voyons voir. Mork prend un gros espace dans ma vie, donc il n’y a plus vraiment de place pour des hobbies à ce niveau. Ma carrière de rêve, hmm c’est difficile. Peut-être être payé beaucoup pour faire mes podcasts. Haha.
J’ai vu que Mork est supposé jouer un concert pour la sortie de l’album le 6 mars, que peut-on attendre des futurs concerts ?
Thomas : Oui, nous allons infiltrer le légendaire Rockefeller à Oslo, ce qui sera merveilleux. Mork est un bon groupe de scène, et nous délivrons de l’énergie et de la puissance à chaque fois.
Est-ce que tu as un rituel spécial avant de monter sur scène ? Comment te sens-tu sur scène ?
Thomas : Je ne le dirai pas. Cependant, quand je suis sur scène, je me sens entier, si ça peut être descriptible. C’est une super ruée et c’est un sentiment gratifiant de pouvoir apporter ma musique jusqu’à la scène.
Et si je te demandais de comparer la musique de Mork avec un plat norvégien ? Lequel choisirais-tu et pourquoi ?
Thomas : Probablement quelque chose de cru et périmé avec des asticots. Parce que c’est nekro. Et parce que je suis un cuisinier lamentable, du moins, pas très expérimenté.
Quelles sont ta meilleure et ta pire expérience en tant que musicien ?
Thomas : Le pire serait de quitter la scène après un concert vraiment difficile, de ne pas être satisfait de la performance de quelqu’un. Cependant ça arrive rarement ces temps ci. La meilleure chose est de voir à quel point ma création touche, et de voir jusqu’où elle peut aller.
Dernière question : avec quels groupes aimerais tu tourner ? Je te laisse créer une tournée avec Mork et trois autres groupes !
Thomas : On adorerait tourner avec de bons amis, d’abord. Je dirais un package composé de Mork, Satyricon, Dimmu Borgir et Darkthrone.
C’était ma dernière question, un énorme merci d’avoir pris de ton temps, je te laisse les mots de la fin !
Thomas : Merci de votre attention. Nous avons joué en France une fois, c’était en Alsace l’an dernier. Nous aimerions revenir et répandre notre peste dans votre pays. Personnellement, j’adore Paris. J’ai également été à la riviera, et c’était très sympa. Je digresse… Continuez de supporter le Black Metal, et Mork évidemment. Prenez-vous un peu de merch et des vinyles sur le site web du groupe, pour entretenir la flamme. J’ai hâte que vous puissiez faire l’expérience du nouvel album Katedralen le 5 mars 2021. On se voit là-bas. Hails and horns.