A l’occasion de la sortie de Vowed to Decline, le premier album de Toward The Throne, Gauthier Ressel (basse/chant) et Jérémy Binsinger (guitare lead) ont répondu à quelques questions.
Bonjour à vous, et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenteriez-vous le groupe Toward the Throne sans utiliser les étiquettes de genre habituelles ?
Gauthier Ressel (basse/chant) : Toward The Throne, c’est 4 musiciens qui tentent de transmettre avant tout des émotions à travers leur musique. De la mélancolie, de la rage, du désespoir… Chacun y trouvera ses références musicales et personnelles. C’est justement en ayant écouté et digéré depuis des années différents genres que nous essayons aujourd’hui de sortir des étiquettes habituelles : Death, Black, Prog, Post, Symphonique… Nous ne le savons pas nous-mêmes. Atmosphérique et émotionnelle, assurément.
Jérémy Binsinger : On se connait depuis plus de 20 ans pour certains d’entre nous et on est tous originaire d’Alsace. On part du principe qu’on fait du Death Metal Atmosphérique, mais on a surtout voulu proposer une musique qui nous ressemble, sans se poser la question de savoir si on voulait faire du Black Metal ou du Death Mélodique. Nos morceaux sont assez différents les uns des autres. Il n’y a rien de pire qu’un album où les titres se ressemblent, on veut proposer une musique captivante.
D’où vient le nom du groupe et quel est son lien avec votre musique ?
GR : Chacun pourra l’interpréter comme il le souhaite selon son imaginaire, mais à l’origine, Toward The Throne représente le chemin qui nous mène tous individuellement ou collectivement à nos aspirations profondes. Ça sous-tend surtout les désillusions, les obstacles, les barrières que notre environnement nous impose mais dans lequel nous sommes bien contraints d’évoluer. Musicalement, ça se traduit par des progressions parfois lancinantes, parfois plus urgentes. Notre musique nous vient des tripes.
JB : On voulait aussi un nom accrocheur, ni trop long, ni trop court et qui sonne bien. “TTT”. La signification quant à elle se ressent dans notre musique, notamment à travers certains morceaux qui gagnent progressivement en intensité.
Votre nouvel album, Vowed to Decline, sort prochainement, est-ce que vous êtes satisfaits de ce que vous avez accompli ?
JB : On est à la fois satisfait mais aussi hyper fier de notre album. C’est plusieurs années de travail, des idées, et des envies qui se réalisent.
GR : Là où notre précédent EP Claiming the Sun, Bringing the Darkness avait été composé d’une traite, dans une certaine urgence personnelle d’écrire, les titres de Vowed to Decline ont mûri progressivement et ont trouvé leur place au sein de l’œuvre. Nous avons pu approfondir les atmosphères et les différentes facettes que nous voulions exprimer.
Nous sommes ravis sur tout un tas d’autres plans, à commencer par la production. L’album a été mixé par Gwen Kerjan au Slab Sound Studio en Bretagne. Il a été très à l’écoute de nos envies. Il a compris nos attentes et a travaillé le son exactement dans l’approche que nous espérions. Nous avons aussi collaboré avec Victor Bullok pour le mastering, plus connu sous le nom de V. Santura, guitariste de Dark Fortress et Triptykon, deux groupes dont nous sommes fans. Costin Chioreanu, un autre monstre de la scène ayant travaillé pour des mastodontes (At The Gates, Ghost, Enslaved, Emperor…), a réalisé les illustrations de l’album. Nous n’aurions jamais pensé pouvoir travailler avec eux. Et puis bien-sûr, nous avons reçu un soutien et une confiance énorme de Laurent Gisonna et son nouveau label Metal East Productions. Être signé sur ce label, c’est une grande réussite pour nous, car nous partageons des valeurs et nous nous sentons réellement accompagnés. D’autres personnes ont grandement contribué à la réussite de cet album. Je pense à Cédric Duseyau, Matt de l’association Headbang, l’équipe du Grillen de Colmar… Nous sommes très reconnaissants envers eux pour leur implication et leur soutien énorme, ça représente beaucoup pour nous.
JB : On a aussi eu la chance de bosser avec Brice Hincker (Smash Hit Combo, CHS prod) qui a su mettre en valeur notre musique et nos idées à travers le clip vidéo The Ashes of Pain.
Comment s’est passé le processus d’écriture de l’album ?
JB : La phase d’écriture a démarré en 2018 et s’est étendue jusqu’en 2020. C’est assez long, mais c’est essentiellement dû au fait que nous étions en pleine période de promotion de notre EP Claiming the Sun, Bringing the Darkness sorti en 2017. En général, les titres sont chacun composés à 80% par une seule personne, soit Gauthier, soit moi. À ce stade, ils sont proposés à l’ensemble du groupe, puis Gauthier ou moi apportons des arrangements et des ajustements nécessaires au titre. En ce qui concerne les paroles, elles sont intégralement écrites et chantées par Gauthier.
Quel est le lien entre cette pochette chaotique et le son de l’album ?
GR : Costin est un artiste incroyable. Nous aimons que chacun puisse s’approprier notre musique, qu’elle puisse parler et réveiller en chacun des émotions personnelles. Costin a un style qui colle parfaitement à ça : ses dessins sont abstraits, explosifs et très expressifs. Il faut le dire, nous avons cherché et analysé le travail de beaucoup d’artistes pendant de nombreux mois. Il a été difficile de trouver celui qui fait aujourd’hui l’unanimité au sein du groupe. La pochette de l’album représente donc de manière abstraite les notions de temps et de déclin, deux thématiques fil rouge de notre album. Des illustrations complémentaires sont disponibles à l’intérieur du Digipak. Chacun pourra les appréhender à sa manière et y trouver un sens plus personnel.
De manière générale, l’album reste assez sombre et pessimiste. Est-ce que Vowed to Decline a un concept ?
GR : Vowed to Decline n’est pas un concept album, mais ses titres parlent de thèmes assez similaires et complémentaires. Clairement, le nom du groupe est une feinte, car loin de parler de succès, de réussite ou de domination comme il pourrait le suggérer, les paroles de l’album évoquent surtout des échecs, des désillusions et l’environnement moderne et hostile qui nous entoure. Notre époque, notre manière de vivre et de consommer, nos manières de communiquer, d’interagir, notre considération pour l’autre… Tout cela est un désastre et nous pousse doucement vers le déclin.
Dans votre son, on retrouve la rage du Death Mélodique, la complexité du Metal Progressif, mais également quelques éléments majestueux et dissonants qui sonnent très Post-Metal, comment arrivez-vous à créer un tel mélange d’influences ? Quelles sont d’ailleurs vos influences, à la fois pour la musique et les paroles ?
JB : On a des goûts assez différents entre nous. Quand on compose, on se laisse porter par nos envies et nos ressentis du moment. On ne cherche pas particulièrement à mélanger les genres, on veut juste que ça sonne bien et que ça nous ressemble. Dans une même journée, je peux écouter des groupes assez différents comme Jinjer, Deafheaven, SepticFlesh, In Mourning, mais aussi Leprous, Alcest ou un bon vieux Kreator ou Dimmu Borgir. Tous ces groupes ont eu une influence à un moment ou à un autre sur notre musique.
GR : Nous avons tous un background dans le Death Metal Mélodique, mais nous nous en sommes tous plus ou moins éloignés avec le temps. Personnellement, je n’en écoute plus ou presque. Nous ne sommes pas du tout inspirés par des groupes comme Insomnium, Swallow The Sun ou Dark Tranquillity qui pourraient nous ressembler selon certains. Au contraire, nous sommes beaucoup plus influencés par le travail de Deafheaven par exemple, même si musicalement ça ne s’entend pas forcément. En fait, nous n’avons jamais cherché à sonner comme tel ou tel groupe. Notre musique, c’est le résultat de plein d’influences digérées, d’artistes qui nous transportent quelques soient leurs genres musicaux, et surtout, elle est composée avec les tripes. Elle nous parle et nous fait vibrer avant tout. Les paroles sont à l’image de la musique : elles sont personnelles, tirées d’expériences et de vécu. Couplées à la musique, elles me prennent aux tripes encore aujourd’hui pour ce qu’elles évoquent en moi.
Pourquoi avoir choisi le titre The Ashes of Pain pour dévoiler l’album ?
GR : The Ashes of Pain a à la fois une rage et une mélancolie folles. Le titre accentue les émotions à mesure qu’il progresse. Il représente assez bien les différentes facettes de l’album, et surtout, il nous représente nous.
JB : C’est un morceau qui résume assez bien l’album globalement avec des atouts qu’on a choisi de mettre en avant dans notre clip : un refrain hyper catchy, des couplets rapides et
intenses et un break acoustique. C’est un titre qui traduit assez bien l’ambiance globale de l’album.
GR : D’ailleurs, à propos de notre clip, il n’était pas question de choisir le titre le plus court pour des questions de budget ou de promo. Nous voulions un titre qui nous tient particulièrement à cœur, tout simplement.
Il y a un an et demi, le monde a été comme mis en pause par la crise du Covid-19, comment avez-vous vécu les différentes périodes de confinement et de restrictions en tant que groupe ?
GR : Par chance, la crise ne nous a pas trop impactés. Nous n’étions pas en tournée mais en pleine phase de composition et de pré-production au début de la crise. Nous avons donc échappé aux annulations de dates et avons pu nous consacrer pleinement à la production, aux arrangements, aux enregistrements et à tout le travail de préparation que nécessite un album. Notre dernier concert remonte à août 2019 : depuis, nous avons passé tout notre temps sur Vowed to Decline.Est-ce que l’album en lui-même a été affecté par la crise sanitaire ?
Est-ce que l’album en lui-même a été affecté par la crise sanitaire ?
GR : Initialement, l’album aurait dû sortir plus tôt, aux alentours du mois d’avril 2021. Nous l’avons repoussé car nous savions que nous ne pourrions pas le défendre en live. Encore aujourd’hui, il est très compliqué pour nous de trouver des dates. Des tonnes de tournées ont été reportées, les plannings des salles sont pleins, certains organisateurs ont jeté l’éponge… Difficile de défendre notre album dans ce contexte. La scène nous manque évidemment et nous rêvons de pouvoir défendre nos nouveaux titres en tournée. Heureusement, avec le soutien de l’association Headbang, nous pourrons remonter sur les planches au Grillen de Colmar (68) pour notre Release Party le 17 octobre 2021. La soirée est gratuite et promet quelques surprises. Nous aurons aussi la chance d’avoir avec nous deux groupes que nous apprécions particulièrement, à savoir Swarmageddon et Deficiency.
Est-ce que vous avez déjà des plans pour le futur du groupe, après la sortie de l’album ?
GR : Dans le futur proche, nous avons quelques clips à sortir fin d’année et début d’année prochaine. Nous cherchons également à partir en tournée en France et en Europe en 2022, mais comme je l’ai évoqué, la situation est compliquée. Je n’en sais pas plus pour la suite, pour le moment nous sommes vraiment concentrés sur la sortie de notre album.
Qu’aimez-vous dans votre musique que vous ne trouvez pas dans d’autres groupes ?
JB : Si je devais résumer ça en quelques mots, je dirais qu’on peut y trouver de la diversité et une ambiance globale assez captivante. C’est important pour nous que chaque titre puisse avoir une identité propre et trouver une place singulière dans l’album. Aujourd’hui, c’est assez difficile de trouver des groupes qui pondent des albums dans lequel chaque titre est une vraie découverte et transmet des émotions différentes du reste de l’album.
GR : J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, beaucoup de groupes essaient de suivre les traces de leurs aînés sans proposer de réelle personnalité. Certains le font très bien cela dit. Aussi, les productions actuelles se ressemblent beaucoup en termes de mixage-mastering, tout le monde cherche à avoir le même son énorme. Ce n’est pas vraiment notre manière de voir les choses. Musicalement d’ailleurs, rares sont les groupes de la scène Death Mélodique / Atmosphérique actuelle à ne pas avoir plongé dans les productions aseptisées je trouve. Alors certes, les groupes émergents comme nous rencontrent logiquement beaucoup de difficultés pour grandir et proposer de la musique et une production de qualité : se payer un studio pro, un illustrateur, un PR… Ce n’est pas évident, mais on donne notre maximum.
Comment a débuté votre parcours musical ?
JB : J’ai reçu une guitare à Noël quand j’avais 11/12 ans, guitare que je n’ai absolument pas touché pendant plus d’un an. Par la suite, Fabrice a lui aussi récupéré une guitare et on a commencé à jouer ensemble sur des vieux fichiers Guitar Pro 3. C’était assez chaotique globalement. On a évolué petit à petit jusqu’à composer des titres nous-mêmes.
GR : Personnellement, j’ai commencé par un groupe de reprises vers l’âge de 12 ans avec mon frère, guitariste. Son groupe était à la recherche d’un bassiste pour assurer un concert deux semaines plus tard. J’ai récupéré une basse d’occasion et après deux semaines d’entraînement, j’étais sur scène. Le chant est arrivé bien plus tard, progressivement.
Qu’est-ce qui vous a poussé dans l’univers du Métal, et principalement du Metal Extrême ? Quel a été votre premier album de Metal ?
JB : Mon père écoutait déjà pas mal de Metal, Heavy, Power… C’est d’ailleurs lui un peu plus tard qui me fera découvrir des groupes comme Dimmu Borgir, quand j’avais une quinzaine d’années. L’apprentissage de la guitare m’a assez rapidement dirigé vers des groupes comme Children Of Bodom ou Arch Enemy. Mon premier album Metal, c’est certainement Wishmaster de Nightwish.
GR : Comme beaucoup de monde de ma génération, l’album qui m’a fait entrer dans l’univers du Metal est Meteora de Linkin Park. C’est le point de départ d’un parcours assez dingue : après les classiques Metallica, Guns N’ Roses ou Aerosmith, j’ai très vite adhéré au frenchcore et à la Team Nowhere avec Pleymo et le titre World. Je le trouvais quasi inécoutable à l’époque : sa manière de chanter, la production froide et les sons dissonants, j’étais très intrigué. Je me cachais pour écouter l’album ! Puis j’ai mis la main (par erreur) sur l’album Nymphetamine de Cradle Of Filth. Encore une fois, j’ai trouvé ça extrême, j’avais 12 ans. J’ai acheté toute la discographie et je suis devenu fan inconditionnel de Cruelty and the Beast et V Empire. S’en est suivi une quête acharnée vers de nouveaux groupes toujours plus extrêmes : Communion de Septicflesh, Anaal Nathrakh, Triptykon, le Blackjazz de Shining (Nor), Rengeteg de Thy Catafalque, Converge… Jusqu’à Deafheaven et l’album New Bermuda, incroyable de bout en bout, peut-être mon album préféré de tous les temps.
Le groupe est actif depuis 2012, mais vous avez également tous participé au projet Ethropia auparavant, comment avez-vous vu l’évolution de la scène française ? Quels sont vos groupes français préférés ?
GR : Il y a d’excellents groupes français, mais qui manquent de lumière malheureusement. Depuis 2012 (et même 2009), on a vu plein de groupes émergents lâcher l’affaire. J’en profite pour citer quelques groupes régionaux qui valent vraiment le détour : HORSKH, BOARS, CROWN, Unburnt, Swarmageddon… Parmi les plus connus, je citerais Klone, Perturbator et The Algorithm.
Avez-vous des passions en dehors de la musique ?
JB : La cuisine, le sport… Mais quand on a un job à plein temps et qu’en parallèle on sort un album qu’on veut porter le plus haut possible, il ne reste plus beaucoup de temps pour d’autres passions !
GR : Effectivement. J’ai beau réfléchir, toutes mes passions me ramènent à la musique, qu’il s’agisse d’organiser des concerts et réaliser des visuels avec l’association Headbang, ou de mes autres projets web ou musicaux, tous plus ou moins en pause par manque de temps.
Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels vous souhaiteriez collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
JB : Personnellement je suis un fan de David Maxim Micic, guitariste et compositeur de talent. Peut-être qu’on le sollicitera un jour pour poser quelques passages de guitares Lead sur nos titres, qui sait ?
GR : Il y a plein d’artistes qui ont un univers singulier et avec qui il serait intéressant de collaborer. Je pense surtout à des chanteurs ou chanteuses. Zofia Fra? par exemple, chanteuse de Obscure Sphinx : elle a une voix et une manière d’exprimer les choses incroyables. En fait, nous ne nous sommes jamais vraiment posé la question au sein du groupe.
A quel plat ou boisson typiquement français pourriez-vous comparer la musique de Toward the Throne ? Pourquoi ce choix ?
JB : Une tarte flambée, histoire de promouvoir notre région ! Tout simplement parce que lorsqu’on compose nos titres, on s’assure d’avoir une base solide, une âme pour chaque morceau, une ambiance globale. Après, les riffs et les lyrics posés dessus sont là pour sublimer l’idée générale du morceau. Une tarte flambée, c’est pareil : quand tu as une bonne pâte et une bonne sauce, tu peux te permettre de mettre ce qui te fait envie dessus, ça sera forcément une réussite !
GR : Pas mieux.
Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Toward the Throne en ouverture !
JB : Slipknot (avec Joey Jordison) / Ghost / SepticFlesh / Toward The Throne.
GR : Tellement de groupes. Je tente : Deftones, Deafheaven, Triptykon et Toward The Throne.
Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
JB : Merci à toi pour l’intérêt que tu nous portes.
GR : Rendez-vous le dimanche 17 octobre 2021 au Grillen de Colmar pour fêter la sortie de l’album ! Merci infiniment pour ton soutien.