Review 1637 : Shores of Null – The Loss Of Beauty

Shores of Null revient alimenter la mélancolie.

Créé en 2013 en Italie, le groupe composé de Davide Straccione (chant, Zippo), Raffaele Colace (guitare/chant), Gabriele Giaccari (guitare/chant, ex-Mantra, ex-The Orange Man Theory), Matteo Capozucca (basse) et Emiliano Cantiano (batterie, Embrace of Disharmony, Ivory Moon, ex-Anthelion) annonce la sortie de The Loss Of Beauty, son quatrième album, chez Spikerot Records.

Le son lancinant revient à la vie avec Transitory, une courte mais mélodieuse introduction qui nous mène lentement à Destination Woe, un titre légèrement plus énergique sur lequel la voix claire apparaît. On retrouve aussi des cris plus bruts sur les refrains, mais également des leads aux influences Black Metal perçantes qui s’estompent à peine lorsque le vocaliste reprend le contrôle, mais qui laisseront place à des sonorités planantes sur The Last Flower et sa douloureuse quiétude. La rythmique se renforcera avec une saturation oppressante mais entêtante, laissant le duo vocal nous enchanter et nous agresser avant cette accélération centrale inattendue mais intense qui sera amenée à ralentir à nouveau avant que Darkness Won’t Take Me ne prenne la suite pour nous étouffer sous ses riffs mélancoliques et pesants. Le chant se mêle parfaitement dans les vagues envoûtantes qui nous entraînent sans mal sur Nothing Left to Burn, une composition légèrement plus sombre qui crée un contraste saisissant avec le titre précédent, mais également avec la douceur des parties vocales. On notera également l’intensité dans les refrains désespérés et dans les hurlements, puis Old Scars enflammera à nouveau la rythmique à l’aide de racines brutes, abrasives et tranchantes, qui rappellent parfois une formation finlandaise mondialement reconnue. L’ambiance mystique accueillera des hurlements sur le final, puis The First Son laissera piano et violons apaiser les pleurs d’enfants avant de laisser sa quiétude s’assombrir avec A Nature In Disguise, le titre suivant, qui pioche à nouveau dans des influences épiques et planantes pour alimenter un son lancinant. La noirceur explose littéralement avec l’arrivée du chant saturé, puis elle sera nuancée lorsque les deux voix se rejoignent, laissant finalement place à la fureur sur My Darkest Years, une composition qui mêle rage et leads mélodieux beaucoup plus doux. Le break viendra rythmer le chaos avant que le chant clair ne le rende hypnotique jusqu’au final, qui nous mène à Fading As One et à son atmosphère glaciale. Le titre reste imposant et étouffant même lorsque les leads nous laissent entrevoir des sons plus lumineux avant que A New Death Is Born ne se montre plus accessible tout en conservant les éléments lourds et agressifs, qui sont écrasés sous la douceur du duo vocal imposant. Underwater Oddity renoue avec des riffs accrocheurs sans toutefois abandonner les deux voix complémentaires qui nous font naviguer dans cet univers majestueux, qui prendra fin avec Blazing Sunlight, le dernier titre, qui laisse un piano répondre au vent glacial.

Shores of Null continue de naviguer dans un océan de mélancolie et de tristesse, guidés par un duo vocal intense et complémentaire, qui fait de The Loss Of Beauty un album riche, accessible mais surtout extrêmement intense.

95/100

English version?

Quelques questions à Davide Straccione, chanteur de Shores of Null.

Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder de ton temps ! Pourrais-tu vous présenter, le groupe Shores of Null et toi, sans utiliser les « étiquettes » habituelles du Metal ?
Davide Straccione (chant) : Bonjour, je suis Davide, le chanteur du groupe. Nous avons commencé il y a dix ans, bien que quelques démos aient circulé entre Gabriele, Raffaele et moi pendant un certain temps avant que nous ne décidions que le moment était venu de faire nos débuts dans le monde. Nous jouons un Metal lourd et mélancolique. 

The Loss of Beauty, votre quatrième album, sortira bientôt. Comment vous sentez-vous à ce sujet ? Avez-vous déjà des retours ?
Davide : L’album sortira le 24 mars et nous sommes à la mi-janvier, donc je pense que les critiques commenceront à apparaître le mois prochain. Pour nous, c’est un sentiment très étrange car l’album est déjà prêt depuis un certain temps. Nos deux premiers singles, Nothing Left To Burn et The Last Flower, ont été très bien accueillis sur nos plateformes sociales, par les anciens comme par les nouveaux fans.

Comment résumerais-tu The Loss of Beauty en trois mots ?
Davide : Mélancolique, sombre, beau. 

Vous avez déclaré que le processus d’enregistrement s’est déroulé entre 2019 et début 2020, ce qui correspond à la même période que pour votre précédent album, Beyond The Shores (On Death And Dying). Quelle est la principale différence entre les deux albums selon vous ?
Davide : Exactement, The Loss Of Beauty n’est pas vraiment un nouvel album pour nous, car il a été composé en 2018 et enregistré en 2019. Vous vous demandez peut-être pourquoi tout ce temps, eh bien, c’est une assez longue histoire. Après la sortie de Black Drapes For Tomorrow, qui est sorti sur Candlelight/Spinefarm, nous avons commencé à écrire du nouveau matériel pour notre troisième album, ce matériel était en fait ce qui allait devenir The Loss Of Beauty. Nous sommes entrés en studio à l’été 2019 et avons enregistré la batterie et la basse pour cet album, puis nous avons fait une pause avant d’enregistrer les guitares et les voix. Pendant cette période, nous étions perplexes quant à notre avenir, notre ancien label voulait bénéficier de l’option sur le troisième album qui était dans le contrat, mais nous voulions en sortir car nous étions mécontents de la mauvaise campagne promotionnelle dont Black Drapes avait bénéficié. Nous avons écrit un autre album avec l’idée de faire quelque chose d’extrêmement différent de notre parcours habituel, avec l’espoir que le label le refuserait. Cet album est devenu Beyond The Shores (On Death And Dying), un album d’un seul titre de près de 40 minutes. Nous sommes de nouveau entrés en studio, avons enregistré la batterie et la basse pour cet album également, puis nous avons utilisé le même temps de studio pour enregistrer les guitares et les voix pour les deux albums. Début 2020, nous nous sommes retrouvés avec deux albums entre les mains, mais notre ancien label n’a heureusement jamais répondu à notre email, nous avons donc décidé de les sortir via mon propre label Spikerot Records, en commençant par Beyond The Shores, qui est sorti en novembre 2020. La principale différence entre les deux est que Beyond The Shores, comme son titre l’indique, est quelque chose qui va au-delà de ce que nous faisons habituellement, il prend un aspect spécifique de notre son et en fait le protagoniste de toute la composition, un morceau de 38 minutes de Gothic Doom Metal avec des violons et du piano, avec une approche presque Funeral et Death/Doom dans certaines parties. The Loss Of Beauty est plus équilibré et il est composé de plus de morceaux, plus courts, et c’est la parfaite continuation de la voie tracée par Quiescence et Black Drapes For Tomorrow.

Que peux-tu me dire à propos du nom et de l’artwork de The Loss of Beauty ?
Davide : Le titre contient ce que l’on peut appeler une antiphrase, l’accent devrait être mis sur le mot Beauty, et non sur Loss, ce qui me fait penser davantage à la recherche de la beauté. Mais on peut aussi le lire au sens littéral, et cela aurait encore beaucoup de sens. Les guerres, les pandémies, les gens qui se battent pour leurs opinions inutiles sur un réseau social stupide, c’est de la beauté perdue d’une manière ou d’une autre, la beauté utopique d’une vie en harmonie. La pochette de l’album reflète l’esthétique wabi-sabi, très répandue dans la culture japonaise, et repose sur l’acceptation du caractère éphémère et de l’imperfection des choses. The Loss Of Beauty se veut une invitation à rechercher la beauté dans les petites choses, en particulier dans celles qui sont inattendues et éphémères, des choses que les yeux des gens ordinaires ne voient pas mais qui sont tout autour de nous. La pochette reflète parfaitement ce concept fragile et c’est une photo de la photographe italienne Sabrina Caramanico, avec laquelle nous avons également collaboré pour Beyond The Shores. Nous voulions vraiment que la même artiste apparaisse sur ces deux albums, car ils sont d’une certaine manière liés.

J’ai l’impression que la différence entre le chant clair et le chant saturé est plus nette qu’avant, pensez-vous vous être améliorés sur ce point ? Qu’en est-il de vos capacités en tant que musiciens ?
Davide : J’ai commencé à hurler avec Shores Of Null, mes racines sont dans le chant clair et je ne me suis jamais considéré comme un chanteur de Metal extrême. Mes hurlements et mes cris se sont nettement améliorés au fil des ans et j’essaie toujours de me donner à 100 % quand je suis en studio, mais cette fois, Marco « Cinghio » Mastrobuono m’a encouragé à me donner encore plus. Nos capacités musicales se sont également améliorées au fil des ans, puisque nous avons eu la chance de jouer environ 200 concerts ensemble avec le même line-up.

Quelle chanson a été la plus naturelle à créer, et laquelle est pour vous la plus profonde ?
Davide : The Last Flower et My Darkest Years sont certainement celles qui sont venues le plus naturellement et le plus facilement, du moins d’un point de vue instrumental. Il est difficile d’en choisir une seule, mais je pense que My Darkest Years est la plus profonde parce que les paroles sont inspirées de l’histoire vraie du grand-père de Raffaele, qui a déserté la guerre et survécu à la Seconde Guerre Mondiale.

L’une des chansons que j’aime le plus sur cet album est Old Scars, sur laquelle je ressens des inspirations d’Amorphis. Quelle est l’histoire de cette chanson, si vous voulez bien la raconter ?
Davide : Je suis content que tu aimes cette chanson, car je suis sûr qu’elle ne figurera pas toujours sur la liste des morceaux que nous jouerons à l’avenir. Ne vous méprenez pas, c’est une super chanson, mais nous ne l’avons pas choisie comme l’un de nos singles/vidéos, donc nous ne la jouerons en live que lorsque nous aurons des sets plus longs. Les paroles parlent de vivre nos vies tout en montrant les cicatrices du passé. Les choses évoluent, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire, mais au final, nous n’avons qu’une seule vie à vivre et nous devons être courageux et la regarder en face.

Avez-vous des projets pour l’avenir du groupe ?
Davide : Nous avons une tournée avec Swallow The Sun, Draconian et Avatarium en avril/mai, puis, je l’espère, quelques festivals d’été, d’autres concerts en automne et d’autres encore en 2024. Je suppose que nous commencerons à composer de nouveaux morceaux à un moment donné, je sais que Gabriele et Raffaele ont tous les deux quelques riffs en préparation.

J’ai eu la chance d’assister à deux de vos concerts à Paris (en 2017 et 2019), mais comment vous sentez-vous lorsque vous jouez sur scène ?
Davide : Nous avons toujours eu un bon accueil en France et surtout à Paris, donc nous avons hâte d’y rejouer en avril prochain. Nous aimons jouer sur scène et rencontrer les gens après le concert. Quand nous sommes sur scène, nous nous sentons à notre place.

Qu’est-ce qui vous a amené à l’univers du metal ? Quel est le tout premier album que tu as acheté ?
Davide : J’avais besoin de quelque chose de spécial, j’aimais la musique depuis que j’étais tout petit, mais je cherchais ce genre de musique capable de me procurer des émotions fortes, et je l’ai trouvé dans le Metal et le Punk. À l’époque, j’ai copié et échangé de nombreuses cassettes avec certains de mes camarades de classe, mais le premier disque que j’ai acheté consciemment est Antichrist Superstar de Marilyn Manson

Que sais-tu de la scène Metal française ? Quels sont les groupes français que tu connais et que tu apprécies ?
Davide : La France a une très bonne scène Metal, absolument excellente dans de nombreux genres, en particulier le Black Metal. J’aime Alcest, The Great Old Ones, Blut Aus Nord, Hangman’s Chair, et bien d’autres encore.

A propos de votre scène locale, peut-être avez-vous des groupes italiens underground à nous recommander ?
Davide : En Italie, il se passe beaucoup de choses en ce moment, vous avez peut-être vu l’explosion de Messa et de Lili Refrain, des artistes que nous suivons depuis leurs débuts et qui gagnent enfin une reconnaissance mondiale, ce qui est extrêmement positif pour la scène italienne dans son ensemble. Les autres groupes que je recommande sont, sans ordre particulier et sans me soucier du genre, Master Boot Record, Guineapig, Ottone Pesante, SednA, Zolfo, Hierophant, Selvans, Nubivagant.

Y a-t-il des musiciens ou des groupes avec lesquels vous aimeriez collaborer ? Que ce soit pour une chanson, un album…
Davide : Sur notre précédent album, Beyond The Shores (On Death And Dying), nous avons eu le plaisir d’avoir Mikko Kotamäki de Swallow The Sun et Thomas AG Jensen de Saturnus comme invités spéciaux. Pour ce qui est de l’avenir, j’ai quelques idées, mais je les garde pour moi.

Dernière question : Avec quels groupes aimerais-tu partir en tournée ? Je te laisse créer une tournée (ou juste un concert) avec Shores of Null et trois autres groupes !
Davide : Il y a beaucoup de groupes avec lesquels nous aimerions jouer, mais pour l’instant, je me contenterais d’Amorphis, Paradise Lost et Borknagar.

C’était ma dernière question, merci beaucoup de m’avoir accordé de ton temps et pour votre musique, je te laisse les mots de la fin !
Davide : Merci pour cette discussion très cool, nous espérons vous voir sur la route. Suivez-nous sur nos plateformes sociales, Facebook et Instagram en particulier, ou consultez notre site officiel shoresofnull.com si vous êtes Old School, vous pouvez même vous inscrire à notre newsletter.

 

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