Review 1647 : Etat Limite – Emil Mihai Cioran

Etat Limite ne peut pas s’arrêter.

Après deux albums en 2022, suivis par quatre double-singles, Wintersieg (tous instruments/chant, ex-Deinos Mastema, ex-Lying Figures) annonce la sortie du troisième album de son projet, Emil Mihai Cioran, dont les titres sont tirés des écrits de l’homme du même nom.

Avant toute chose, je me suis demandé qui était Emil Mihai Cioran. Car bien que son nom me soit familier, je ne savais rien de ce philosophe pessimiste sceptique et ascétique roumain, devenu apatride et ayant résidé en France jusqu’à sa mort en 1995.

Je ne suis évidemment pas devenu expert en la matière avec Emil Mihai Cioran, mais lire une courte biographie de l’homme m’a permis d’appréhender l’album différemment, à commencer par Vanité de la Compassion, la première composition assez épurée qui laisse quelques paroles samplées apparaître entre quelques claviers sombres, suivie par Le Bréviaire des Vaincus, un titre à l’approche très Old School qui mêle mélancolie et hurlements rauques, qui semblent lointains. La lenteur lancinante donne une touche pesante à cette instrumentale sombre, complétée par un sample, puis par le retour d’un chant plus intense qui nous guide jusqu’à Le Livre des Leurres et à ses sonorités entêtantes ouvertement plus macabres. On le ressent dans cette quiétude étouffante, mais également dans les paroles et dans la progression des parties vocales, qui semblent s’enflammer progressivement en nous conduisant au coeur des ténèbres avant de nous libérer pour laisser l’agressive La Chute dans le Temps frapper avec ses riffs vifs. Sans rogner sur le message délivré, le son est beaucoup plus abrasif et rapide, créant un ouragan de rage viscérale qui ne ralentira qu’après une courte pause pour se renforcer à nouveau, suivi par la lancinante Le Crépuscule des Pensées. L’approche est plus brumeuse pour ce titre entêtant, laissant des notes apaisantes rencontrer la noirceur et l’oppression qui alimentent un voile étouffant mais fascinant avant ce final théâtral qui laisse Moi et le Monde nous mettre face à une vérité déchirante mais intense, illustrée par ce vortex d’agressivité continue. Le seul moment de flottement sera écrasé par des sonorités pesantes, qui accélèreront à nouveau pour nous mener à Rencontres avec le Suicide, un long titre qui pioche dans toutes les influences du projet pour dévoiler un mélange aussi saisissant, surprenant et sombre, qui possède évidemment deux lectures. Perturbant mais très cohérent, le son va progressivement retourner vers la saturation avant de la laisser le consumer puis prendre fin pour qu’Apocalypse ne mette le point final à l’album avec des tonalités désespérées et sombres, sans saturation nécessaire, pour nous étouffer une dernière fois. 

Avec ce nouvel album, Etat Limite offre une approche plus philosophique de sa noirceur viscérale qui se propage naturellement. Que l’on adhère ou non à ses idéaux, Emil Mihai Cioran dévoile des éléments bruts et sincères qui collent à la perfection à son image.

95/100

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