Review 2050 : Master – Saints Dispelled

Master - Logo

Master réclame son trône.

Malgré des débuts difficiles, on retrouve des traces du groupe mené par Paul Speckmann (basse/chant, Abomination, Blunt Force Trauma, Death Strike, Speckmann Project, Johansson & Speckmann…) dès 1983 aux Etats-Unis. Désormais installé en Tchéquie et entouré par Alex « 93 » Nejezchleba (guitare, Shaark) et Peter Bajci (batterie, Awrizis), le groupe annonce la sortie de Saints Dispelled, son quinzième album, chez Hammerheart Records.

Le groupe démarre avec Destruction in June, un titre brut et efficace comme on les aime, mêlant la vivacité du Thrash avec la puissance du Death. Les riffs Old School font immédiatement mouche, tout comme les parties vocales morbides, mais on remarque également une batterie plus diversifiée qui n’hésite pas à coupler le blast et la double pédale avec des patterns plus travaillés, puis Walk in the Footsteps of Doom prend la suite en ajoutant des leads tranchants aux riffs accrocheurs. La section rythmique reste solide en permanence, que ce soit pendant les solos ou le final lourd, comme sur Saints Dispelled qui propose un groove malsain mais immédiatement addictif avec lequel le groupe joue pour placer des riffs saccadés. Quelques harmoniques plus criardes rendent le morceau plus agressif, puis le groupe ralentit avec Minds Under Pressure, laissant la rythmique dévoiler des refrains qui ne manqueront pas de fédérer en live avant de revenir à une allure plus vive sur Find Your Life et ses leads perçants. Les musiciens nous offrent une base rocailleuse où la guitare s’autorise des parties plus sombres ou des envolées torturées avant de revenir à ses racines pour Marred and Diseased, laissant une fois de plus les riffs haletants adopter quelques solos acérés. On notera une accélération soudaine qui durera le reste du titre, puis une introduction aux sonorités orientales surprenante sur The Wiseman, avant de revenir à la violence grasse habituelle, qui réservera tout de même une petite surprise vers la fin. La fin de l’album est marquée par The Wizard of Evil, une composition un peu plus longue que les autres où les musiciens nous offriront leur habituelle violence à bonne allure avant de ralentir progressivement pour laisser le son s’éloigner, revenir et enfin cesser.

Deux morceaux bonus sont également au programme selon les éditions, la virulente Nomads et ses riffs agressifs qui restent dans la lignée de ce que propose le groupe habituellement, ainsi que la longue et inquiétante Alienation of Insanity qui se montre tout d’abord lente et oppressante avant de laisser des influences Death/Doom teinter sa rythmique dissonante.

Master est un classique, l’incarnation même de l’expression “simple et efficace”. Pas besoin de complexité pour le groupe, qui va proposer avec Saints Dispelled des titres accrocheurs aux racines Old School marquées que l’on pourrait presque même appeler vintage, mais que l’on aime par-dessus tout.

95/100

English version?

Crédits Photo : Joerg Lobo

Quelques questions à Paul Speckmann, fondateur et bassiste/chanteur du groupe Death/Thrash Master.

Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup pour votre temps ! Comment présenterais-tu le groupe Master sans utiliser les étiquettes musicales habituelles, telles que « Death Metal » ou « Thrash Metal » ?
Paul Speckmann (basse/chant) : Master est et a toujours été un groupe de Rock N Roll qui travaille dur et qui a été catégorisé comme groupe de Death Metal depuis le début du genre, et pour être honnête, au tout début, il n’y avait pas tant de catégories stupides, nous jouions tous simplement du Hard Rock, ou du Metal je suppose, en référence à Black Sabbath, le premier groupe du genre ! Nous avons toujours essayé d’incorporer du Punk, du Blues et beaucoup d’éléments différents dans l’écriture des chansons, en essayant de ne pas nous restreindre à un seul format !

Comment relies-tu personnellement le nom Master à l’identité musicale du groupe ? Te souviens-tu de la raison pour laquelle tu as choisi ce nom au début du groupe ?
Paul : Le nom du groupe vient d’un outsider, Rick Mexican, qui a brièvement jammé deux fois avec le groupe alors que j’étais occupé avec le groupe Warcry, et le batteur original Bill Schmidt a joué avec Rick, alors que j’étais sur scène avec Twisted Sister et Queensrÿche ! Rick a repris le nom d’une chanson de Black Sabbath intitulée Lord of this World, et le nom est resté, même si lui non !

Le nouvel album du groupe, Saints Dispelled, vient de sortir. Qu’en penses-tu ? Quels sont les retours ?
Paul: Je ressens la même chose qu’à chaque enregistrement ! C’est une tuerie, et comme toujours, je me suis investi corps et âme dans ce projet ! Parfois les gens aiment les disques, parfois non. Parfois, il y a de meilleures productions, et parfois plus d’argent derrière, mais dans l’ensemble, tu dois donner le meilleur de toi-même à chaque sortie ! Parfois, la santé ou des problèmes personnels dans la vie en général affectent aussi le résultat ! Les réactions à cette nouvelle sortie ont été plutôt bonnes, à l’exception d’un petit nombre d’Allemands faibles d’esprit ! Mais les magazines allemands les plus importants comme RockHard et Legacy ont donné d’excellentes critiques aux nouveaux enregistrements ! Mais en réalité, tant que je pense que le disque est un chef-d’œuvre, c’est tout ce qui compte ! Les gars et moi avons fait de notre mieux !

Comment résumerais-tu l’identité de Saints Dispelled en trois mots ?
Paul : Un solide casse-noix ! (“A solid nutcracker” ndlr)

Comment s’est déroulé le processus de création de Saints Dispelled ? As-tu remarqué des changements par rapport aux précédents albums du groupe ?
Paul : Rien ne change dans le processus d’écriture, j’écris les chansons sur ma guitare acoustique, je les enregistre sur mon téléphone ou sur une micro-cassette, et je les amène au studio ! Nous les répétons, puis nous les enregistrons à nouveau sur le téléphone. Nous rentrons à la maison et nous discutons de la longueur des chansons, car elles sont souvent trop longues, comme la dernière chanson du CD ! Mais à mon avis, cela fonctionne sur Alienation of Insanity ! Plusieurs autres ont été raccourcies car l’album aurait été une fois de plus trop long !

Qu’en est-il de l’illustration, quelles étaient les lignes directrices et comment s’intègrent-elles à la musique que vous avez créée ?
Paul : Lorsque l’on travaille avec le maître Richard Schouten, il n’y a pas de lignes directrices ! Après avoir vu OMNIA MORS AEQUAT de Richard, j’ai été à nouveau convaincu ! Cette exposition exquise de son travail sur les momies m’a convaincu une fois de plus ! Je lui ai demandé de créer une œuvre d’art dans un style similaire à celui de sa précédente production ! Il a commencé une esquisse et j’ai ri quand je l’ai vue, parce que je ne savais vraiment pas où il voulait en venir. Mais lorsque vous travaillez avec de tels maîtres, vous n’avez pas à vous inquiéter ! Richard a créé plusieurs œuvres d’art au fil des ans pour plusieurs de mes pochettes de disques et celles d’autres artistes. C’est un professionnel avisé !

Le groupe a connu de nombreux changements de line up depuis le début, et a même déménagé en Tchéquie à l’époque. Comment fais-tu pour maintenir le bateau à flot après quarante ans ?
Paul : Je souris à chaque fois que je lis cette question, mon ami. La formation Pradlovsky, Nejezchleba et Speckmann est restée ensemble pendant 16 ans ici en Tchéquie ! Il y a eu un changement en 2018 lorsque ces deux membres ont quitté Master et j’ai été forcé de faire un changement ! En 2018, j’ai fait appel à un musicien extraordinaire, Ruston Grosse, à la batterie, et à un autre joueur hors pair, Pat Shea, à la guitare. Cette formation a réussi à tourner aux États-Unis, au Mexique, en Amérique centrale et même en Europe en 2020 ! L’avancée de Covid a touché le monde entier, et après le Bilbao Deathfest en Espagne, les gars sont rentrés chez eux, pour ne plus jamais revenir en Europe ! Comme toujours, j’ai passé une annonce pour des produits dérivés, et en dessous j’ai mentionné que je voulais reformer le groupe et m’y mettre maintenant que les groupes pouvaient à nouveau jouer en live, car le Covid a soudainement disparu ! Un ancien batteur, Peter Bajci, qui a joué avec nous pendant un an en 2010, m’a contacté et s’est montré intéressé pour réintégrer le groupe, Master ! Il a également parlé avec Alex Nejezchleba, et nous avons recommencé à répéter ! Je maintiens le bateau à flot en continuant d’écrire et d’enregistrer des chansons et en trouvant des gens pour les jouer en live, comme je l’ai toujours fait ! Aujourd’hui, j’ai un groupe solide sur scène !

Comme je l’ai dit dans ma chronique, « Master est un classique, l’exemple même de la simplicité et de l’efficacité”. Comment trouves-tu l’inspiration pour écrire les riffs et les paroles ?
Paul : Le monde qui m’entoure dicte les paroles ! Pour les riffs, la guitare acoustique est mon sauveur ! Je la prends de temps en temps et les riffs apparaissent ! Je suis sûr que c’est la même chose pour beaucoup d’artistes ! Nous vivons dans un monde tellement chaotique de nos jours, qu’il est fréquent de trouver un sujet de chanson, que ce soit dans les nouvelles, ou même dans les rues de n’importe quelle grande ville !

As-tu une chanson préférée sur cet album ? Ou peut-être la plus difficile à réaliser pour l’album ?
Paul : Je ne choisis jamais de chanson préférée, mais je dirai que la basse a été difficile à maîtriser sur The Wiseman ! J’ai écrit le riff principal et j’ai dû m’entraîner un peu pour me détendre en le jouant !

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien et compositeur avec ce nouvel album ?
Paul : Je pense qu’il est important de s’améliorer et qu’on peut le faire sur chaque album, donc oui !

Master a enfin pu revenir en France en septembre dernier, à l’occasion du Mennecy Metal Fest, auquel j’ai assisté. Comment s’est passé ce concert pour toi et pour le groupe ?
Paul : Le concert était génial, mais l’organisation a été un peu difficile, car la compagnie aérienne a annulé un vol sans aucune raison, ce qui a failli nous coûter la représentation ! Nous sommes arrivés à Prague le vendredi soir, après un festival en République Tchèque, et nous avons couru jusqu’à l’aéroport le matin. Nous sommes arrivés à temps ! Alors que nous faisions la queue pour l’enregistrement, j’ai regardé mon téléphone et j’ai vu que l’avion était plein et que nous pourrions prendre l’avion le lendemain matin, et manquer le spectacle ! Heureusement, la gentille dame de la compagnie aérienne a eu pitié de nous et nous nous sommes envolés vers Francfort pour une escale, puis vers Paris. On nous a vus courir jusqu’à l’avion après la douane, car ils l’ont retenu pour nous ! Nous sommes arrivés à temps pour nous détendre pendant environ une heure, manger la nourriture tiède aussi vite que possible, vendre des produits dérivés pendant environ 45 minutes, remballer, et jouer devant un public d’enfer, ce qui, en fin de compte, a fait que tout cela en valait la peine ! Les compagnies aériennes étaient à blâmer !

Paul Speckmann sur scène avec Master au Mennecy Metal Fest 2023

Galerie

Que sais-tu de la scène Metal française ? Y a-t-il des groupes que tu apprécies ?
Paul : Nous avons joué avec plusieurs grands groupes français à l’époque, par exemple lors des tournées de Vital Remains ! Je ne suis pas un grand fan de Death Metal mon ami, mais il y a certainement beaucoup de bons groupes français dans ce genre !

Qu’en est-il de votre scène locale ? Quels sont, selon toi, les groupes émergents dont nous devrions entendre parler ?
Paul : Hmm, encore une fois, quand tu as 60 ans, tu ne sors que pour soutenir tes propres concerts, mon ami ! La scène locale est toujours florissante en République Tchèque, bien sûr ! Mais je joue régulièrement avec des groupes géniaux comme Pandemia, Fleshless, etc…

Y a-t-il des musiciens ou des artistes avec lesquels tu aimerais collaborer ? Que ce soit pour une chanson, ou peut-être plus.
Paul : Je n’ai plus le temps de m’occuper d’autres groupes !

Si tu devais organiser un concert pour la sortie de Saints Dispelled, avec quels groupes aimerais-tu jouer ? Je t’ai laissé créer une affiche avec Master et trois autres groupes !
Paul : Motorhead, Black Sabbath, Judas Priest avec KK Downing et Master bien sûr !

Dernière question amusante : à quel plat comparerais-tu la musique de Master ?
Paul : Le chili à la Speckmann !

C’était ma dernière question, merci à nouveau de m’avoir accordé de ton temps et pour ta musique, je te laisse les mots de la fin !
Paul : Je suis vieux, donc, comme vous êtes jeunes, sortez et soutenez les groupes locaux bien sûr, pour que nous puissions continuer à avoir un avenir dans le Metal, sans les fans et le soutien, la scène mourra ! Si vous êtes intéressés par le groupe, rendez-vous sur speckmetal.net.

Laisser un commentaire