Review 2072 : Horrible – Filth

Horrible. Un mot très simple pour décrire cette nouvelle formation.

Créé par le batteur Jonas Sanders (Pro-Pain) et le guitariste Olivier Dris (Resistance), le groupe accueille en 2022 Déhà (chant, Dropdead Chaos, Imber Luminis, Cult of Erinyes, Wolvennest, Clouds…), Sven (guitare, Killthelogo) et Ben (basse, Resistance) et travaille sur Filth, son premier album.

Le groupe attaque avec Horrible, titre éponyme où on repère sans mal les influences les plus violentes et agressives du groupe dans les riffs, mais également un groove intéressant dans certaines parties vocales. Les racines Grind et Death nous heurtent à pleine vitesse, suivies par un break Sludge étouffant avant qu’Allies of Satan ne se dévoile avec une introduction étrangement joyeuse, suivie par la rythmique abrasive qui conserve toutefois des patterns accrocheurs. Le final fédérateur nous laisse avec Filth, le morceau titre, qui prend tout son sens en proposant une instrumentale chaotique sur laquelle les parties vocales infernales prennent leurs marques avant de… changer totalement pour devenir presque accessibles pendant que les touches de Brutal Death apparaissent, suivies par une déferlante surprenante puis par A Thousand Souls qui laisse le vocaliste proposer une nouvelle diversité. Les vagues de fureur semblent être infinies, même lorsque le son ralentit pour devenir plus lourd, puis Dawn viendra finalement nous autoriser un court moment de répit grâce à des sonorités plus modernes et ambiantes. We’ll Rise prendra rapidement la suite avec une rythmique saccadée et des harmoniques torturées pendant que les parties vocales se superposent pour rejoindre le final dans la rage, puis d’atterrir sur Blood Maniac qui ne va pas non plus nous ménager avec des riffs explosifs. L’énergie du Nu Metal rejoint le mélange efficace qui finit par s’alourdir à nouveau avant de céder sa place à Despicable, une composition instrumentale inquiétante et étouffante aux racines Industrial, puis à You Can’t Say No, où la folie et la violence s’exprimeront une dernière fois en compagnie de paroles aussi évocatrices que dénonciatrices.

Horrible est un projet unique, aux influences aussi diverses que variées. Si elles sont majoritairement orientées vers la violence, on remarque aussi dans Filth une extrême cohérence malgré toutes les différentes nuances. Assurément l’un des albums les plus étranges de l’année !

85/100

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Quelques questions à Olivier “Oli” Dris, guitariste fondateur du groupe Horrible.

Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Horrible sans utiliser les habituelles étiquettes des styles musicaux ?
Olivier “Oli” Dris (guitare) : Hello, c’est Oli. Merci de m’accorder cette interview ? Horrible regroupe cinq musiciens qui évoluent depuis plus de vingt ans dans d’autres formations. Nous pratiquons une musique directe, moderne et sans frontières. L’essence même de la création d’Horrible c’est justement de pouvoir faire ce dont nous avons envie, sans concessions, sans se demander si cela passera ou pas auprès d’un certain public, ce qui était le cas dans certaines de nos précédentes formations. Jonas (batterie) et moi-même avons formé le groupé et composé l’intégralité des morceaux. Déhà (chants) est arrivé ensuite et nous lui avons laissé libre cours aux lignes de chants, connaissant son panel vocal plus que varié. Quand tout a été terminé, nous nous sommes penchés sur l’éventualité de se produire sur scène, et le choix de Ben (basse) et Sven (guitare) nous a paru plus qu’évident.

Filth, votre premier album, sort le mois prochain, comment vous sentez-vous ? Est-ce que vous avez déjà des retours à son sujet ?
Oli : Actuellement deux singles sont sortis et les retours ont été excellents, voir mieux que ce que je ne l’espérais. Nous avons fait le pari de sortir deux singles très direct et brutaux pour ensuite sortir un morceau lourd et limite Rap comme troisième single (qui sortira une semaine avant l’album). Nous ne sommes pas un groupe qui veut être à l’aise. Nous avons envie de challenger le public. Bien sûr nous sommes impatients de balancer notre album aux fans de Metal et de voir les retours qu’il aura. Mais nous sommes plutôt confiants. Nous avons pris le temps de mûrir ce projet et nous avons déjà une idée d’où nous voulons aller.

Comment résumerais-tu Filth en trois mots?
Oli : Puissant, impactant, varié

Filth est votre premier album, comment s’est passé sa composition ? Chacun des musiciens a déjà eu au moins une expérience avec un autre projet, quel a été l’apport de chacun au processus de création ?
Oli : Comme je l’ai signalé, Jonas et moi-même nous sommes chargés de l’intégralité de la composition des morceaux, à l’exception des deux interludes qui ont été créés par Déhà. Ayant joué ensemble pendant presque quinze ans dans notre précédente formation (Resistance), nous savons comment nous jouons. C’est même parfois presque trop facile de se retrouver à deux, un jam peut vite devenir un morceau. Ce que j’aime par-dessus tout avec Jonas, c’est qu’il sait ce que nous pouvons faire mais ne s’en contente pas, il veut nous amener plus loin et nous pousser dans nos derniers retranchements. Il a en plus une expérience de la scène metal en général, jouant des dans formations diverses telles que Pro-Pain (USA, Hardcore), Emptiness (Dark/Black), Killthelogo (Fusion/Neo) ou encore Komah (Metalcore). Me concernant, je suis très ouvert musicalement, passant de Devin Townsend à Mortician sans soucis. Déhà, quand à lui, est un acharné de travail et a une imagination créatrice débordante. Il doit sortir des dizaines d’albums par an. C’est un peu le Townsend de l’extrême. Mais ce qui est impressionnant, ce sont ses capacités vocales, passant du mélodique au Black ou Death sans aucun souci. Il suffit de jeter un œil sur sa discographie : tu passes de Dropdead Chaos à Déhà ou Drache et tu te demandes si c’est le même chanteur. L’enregistrement des chants s’est fait en deux fois trois heures, et en créant les paroles sur le moment. Il a ensuite proposé des arrangements claviers et noisy que nous avons directement kiffés. Jonas s’est ensuite penché sur des effets et sur la postprod. Ben et Sven n’ont pas pris part à la composition, mais tu comprendras sur scène pourquoi nous les avons choisis. Ben est un rouleau compresseur et c’est ce dont Horrible à besoin à la basse. Sven est un excellent guitariste qui pratique le Metal en tout genre et qui peut te jouer du flamenco sur guitare acoustique pendant une heure les yeux fermés.    

Vous venez également tous d’univers parfois assez différents, comment avez-vous réussi à vous rejoindre musicalement parlant ? Quelles sont les influences majeures du groupe ?
Oli : En fait, nous nous sommes croisés tout au long de notre carrière sur les routes et dans les salles de concert. Jonas, Ben et moi-même jouons ensemble depuis quinze ans via Resistance. Sven et Jonas jouent ensemble dans Killthelogo. Déhà et Jonas travaillent dans le Blackout Studio. Les liens ont vite été créés. Pour Horrible, les influences de base sont Nails, Lock Up, Trap Them, Dying Fetus et le premier Slipknot. Ce sont ajoutées des influences telles que Code Orange et Korn aux travers des effets, arrangements et chants.

Tous vos titres sont évidemment remplis d’une extrême violence, mais vous la mêlez tour à tour avec de la vitesse, du groove, de la lourdeur, chant saturé, chant clair, presque même Rap sur You Can’t Say No, le dernier titre… comment parvenez-vous à trouver un équilibre sur chaque morceau ?
Oli : Pour être honnête, c’est l’apport de chacun qui a donné le rendu final aux morceaux. La vitesse et groove de la batterie mêlée aux riffs lourds et au chant extrême et mélodique, voilà un mélange qui nous a semblé cohérent et qui est venu facilement à nous. C’est notre manière de jouer. Mais pour ce qui est de You Can’t Say No… honnêtement, j’avais des idées de chants totalement différentes, disons plus conventionnelles. Et puis Déhà nous demande s’il peut tenter quelque chose. Et après une prise, on s’est dit Jonas et moi : voilà, c’est ça que l’on cherche. Le Rap sur du riff lourd amène ce côté varié que nous voulons absolument développer. Déroutant mais addictif.

En parlant du dernier morceau, il m’a interloqué, en particulier au niveau des paroles. Est-ce que le groupe a pour but de dénoncer ? Quelle est l’histoire de ce titre ?
Oli : Il y a souvent une forme de dénonciation dans les lyrics de groupes Metal. Ici, nous nous sommes concentrés sur tout ce qui pourrait être horrible au quotidien et dans le cas de You Can’t Say No, cela a paru évident. La plupart d’entre nous a déjà connu cette situation dans laquelle tu es pressé et oppressé, agressé physiquement ou mentalement. Vient ensuite ce ressenti de frustration et de colère que tu essaies de retenir et de contenir. Mais dans certains cas, les sentiments prennent le dessus et l’irréparable est commis. Tu ne peux plus retenir cela et la triste réalité est révélée.

Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
Oli : Je dirai justement You Can’t Say No. Ce riff d’intro me tient très à cœur. Je gardais secret depuis quelques années et voir ce que cela a donné m’a rendu ultra fier. J’aime les riffs lourds qui peuvent très mal dans les moshpits (rires).

Que peux-tu me dire sur l’artwork ? Quelles ont été les directives pour sa création ?
Oli : Nous voulions un artwork moderne, limite une photo réelle. J’ai découvert le travail de Rob Walden, originaire d’Orlando, sur internet. Son côté ultra moderne et malaisant m’a directement plu. Nous lui avons signalé que nous voulions un visage central malsain, dont la vue serait cachée, qui cracherait de l’or et qui serait torturé. La fumée représente les ténèbres. Et le personnage central représente le monstre horrible qui sort des abysses. Ses yeux sont cachés car il refuse de voir la réalité de la cruauté de ce monde et préfère y prendre part aveuglément. Les clous représentent la torture. Le côté or fait plutôt référence au fait que les riches deviennent plus riches encore de nos jours et qu’il est possible d’être riche trop facilement (influenceurs…). Le monstre vomit cette nouvelle forme de “vie facile” et purement superficielle. 

Filth est une sortie indépendante. Est-ce une volonté du groupe de rester indépendant ?
Oli : Nous nous sommes d’abord dit : “voyons ce que cela va donner avec le premier album.” Nous avons décidé de sortir l’album dans un premier temps de manière digitale. Il y a déjà de la demande de support physique, mais nous verrons bien. Nous avons engagé deux agences de presse pour gérer l’album sur l’Europe. Pour ce qui est de sortir l’album via un label, laissons faire le temps et voyons les retours que cela donnera.

Comment as-tu découvert la scène Metal à l’époque ? Quels sont selon toi les groupes immanquables de la scène actuelle ?
Oli : J’ai découvert la scène metal en 1994, en voyant un reportage sur le festival de Donington à la télé. À l’époque on avait Headbangers Ball, MTV et MCM qui passait du Metal. J’ai débord acheté Smash de The Offspring et Dookie de Green Day à leurs sorties. Ensuite, je me promenais dans mon coin et il y avait un disquaire 100% Metal. Je suis rentré et le vendeur m’a conseillé un nouveau groupe qui sortait son premier album. C’était Machine Head avec son Burn My Eyes. Cet album a littéralement changé ma vision et est devenu une de mes références ultimes avec City de Strapping Young Lad et le premier album de Slipknot. Je me suis vite ouvert sur tous les styles et j’ai vite foncé vers le Death et Deathcore. Des groupes tels que Dying Fetus, Misery Index, All Shall Perish sont des immanquables en ce qui me concerne. Niveau lourdeur, je me suis très vite attaché à Meshuggah et je peux te dire que Rational Gaze qui se trouve sur l’album Nothing est mon réveil depuis plus de vingt ans. Pour te montrer la diversité, un autre immanquable pour moi c’est l’album que Tommy Lee a fait avec des rappeurs Methods Of Mayhem. Sorti en 2000, il est apparu comme un ovni. Si cet album sortait maintenant, il en vendrait des millions.
Actuellement, à mon sens, les formations immanquables sont Gojira ainsi que Lorna Shore.

Quels sont les plans pour la suite d’Horrible ? Penses-tu mener le projet sur scène ? Que ce soit dans l’immédiat, ou dans plusieurs mois.
Oli : Nous travaillons sur un nouveau clip video pour You Can’t Say No qui paraîtra après la sortie de l’album. Quelques autres vidéos intéressantes sont également en cours d’élaboration. A la base, Horrible devait être un projet de studio, mais l’engouement entre musiciens généré par la musique créée nous a amené à la conclusion que nous devions défendre cela sur scène. La musique est faite pour être partagée avec un public. Donc nous commençons tout doucement à planifier quelques shows exclusifs. Nous ne pourrons pas partir sur de grosses tournées, les plannings de certains membres étant déjà bien remplis.

Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels tu souhaiterais collaborer dans le futur ?
Oli : J’aime personnellement avoir des guests sur les albums si ceux-ci peuvent amener quelque chose de différent à nos compositions. J’ai découvert récemment la scène rap allemande et une artiste telle que Antifuchs serait terrible sur l’un de nos morceaux. Le kiff serait Ice-T ou encore Trent Reznor (Nine Inch Nails). Dans un autre registre, j’aimerais une fois me retrouver guidé par un producteur tel que Ross Robinson.

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien avec cet album ?
Oli : Je pense que oui. Les tournées ces dernières années ont fait que je m’améliore, que je vois l’instrument différemment. Le fait de pouvoir laisser libre court à sa créativité sans poser de barrières de genre a contribué à cette amélioration. Je sais que je ne serai jamais Satriani, mais ce n’est pas non plus ce que je veux. Je suis plus qu’heureux du niveau que j’ai actuellement.

Avec quels groupes rêves-tu de jouer ? Je te laisse imaginer une date pour la sortie de Filth avec Horrible en ouverture, et trois autres groupes.
Oli : Slipknot, Gojira, Lorna Shore, Horrible.

Dernière question originale : à quel plat pourrais-tu comparer la musique d’Horrible ?
Oli : Un plat thaïlandais bien épicé. Ca pique, ca fait mal mais on en redemande car on adore ça ! C’est juste horrible ?

C’était ma dernière question, je te remercie pour ta disponibilité, et je te laisse les mots de la fin !
Oli : Un tout grand merci pour l’opportunité de cette interview. Nous attendons avec impatience les retours concernant Filth. N’hésitez pas à venir nous parler sur nos réseaux, on adore ça.

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