La fatigue s’accumule, les cartes mémoire se remplissent, mais qu’importe, nous sommes au Hellfest ! Il fait beau, il fait chaud… enfin il faisait, parce qu’en arrivant sur le site, c’est la pluie qui m’accueille, alors que je comptais faire quelques sorties hors tentes… Advienne que pourra, et en avant la musique !
A noter que je m’autoriserai une pause interview avec George Kollias, batteur de Nile, ainsi qu’à déléguer une partie des live reports à Raven et Manon, principalement ceux sur les styles dont je suis le moins familier (le Folk, pour ceux du fond qui ne suivent pas).
Je commence avec Nakkeknaekker, quintet danois au nom aussi imprononçable que leur musique est violente, et il ne faudra pas longtemps aux cinq gamins (je me permets ce terme, tous semblent avoir vingt ans tout au plus !) pour envoyer leur riffs ! Le Death Metal Old School est plus que vivant que jamais avec eux, et surtout avec Christoffer Kofoed (chant) qui ne va cesser d’ordonner des circle pits et autres mouvements plus ou moins ordonnés pendant que le public se réfugie sous la tente. Certains découvrent avec joie la violence du combo et commencent à se faire de nouvelles courbatures, d’autres sont horrifiés de tant de rage au son vintage, mais vous savez dans quel camp je me trouve !
Eihwar profite alors d’un public venu s’abriter en nombre pour débuter son rituel. Vient d’abord Mark (samples/percussions/choeurs), bien en retrait et qui restera principalement caché dans l’ombre, puis c’est Asrunn (chant/percussions) et son impressionnante tenue qui entrent en scène. Le duo développe une approche d’abord assez calme quoique bien rythmée, mais qui réserve quelques moments de furie où la vocaliste se met à arpenter la scène et à matraquer son tambour, provoquant la surprise au sein des néophytes. Je resterai peu sur ce show, mais le contraste entre les sonorités Viking traditionnelles et des influences plus modernes semble assez prometteur.
Je profite d’une éclaircie pour rejoindre une Valley boueuse à l’occasion du show de Konvent, l’un de ceux que j’attendais le plus aujourd’hui, et je n’ai pas été déçu ! Malgré un public assez timide au demeurant, les cinq danoises vont nous offrir un son d’une lourdeur pachydermique aux odeurs de Doom/Sludge, complété par les hurlements monstrueux de Rikke Emilie List (chant) qui teintent le mélange de Death Metal brut. J’étais bien heureusement prévenu de la puissance du combo, leurs deux albums tournant assez régulièrement dans mes esgourdes, mais le passage au live prend une tournure bien plus imposante, piochant même parfois dans une mélancolie assommante et plus qu’addictive !
Place au dépaysement avec Uuhai qui, comme leurs cousins l’an dernier, nous viennent tout droit de Mongolie, et mélangent également une base Rock/Metal avec la musique traditionnelle de leurs contrées. Place donc autant au trio basse/batterie/guitare qu’aux percussions, au Morin khuur et au chant chant diphonique pour enchanter une Temple extrêmement réceptive, qui acclame le groupe dès son entrée en scène et à chacune de ses interventions, aussi simples mais sincères soient-elles. L’intégralité de la fosse danse au rythme des sonorités mongoles, s’accroupit sur demande, puis remue sur les moments les plus agressifs, et tout se fait dans une bonne humeur communicative, autant sur que devant la scène !
On reprend dans la violence avec les français de Kronos qui ont récemment remis le pied à l’étrier, et qui ont visiblement autant envie d’en découdre que l’intégralité de l’assemblée. Il n’a pas fallu une minute au groupe pour semer le chaos dans la fosse, mais également sur scène avec un son gras et puissant joué par des musiciens survoltés. Christophe Gérardin (chant) ne tient pas en place, proposant des mouvements saccadés pour accompagner ses vociférations féroces pendant que ses camarades donnent de leur personne pour nous offrir brutalité et complexité musicale. On notera ce mix aux petits oignons qui nous permet d’apprécier chaque note (et il y a de quoi faire !), chaque cri, chaque accélération et chaque break pour un plaisir maximum.
On continue avec Hrafngrímr, une autre formation française, mais qui évolue dans un univers totalement différent : la musique Folk aux inspirations nordiques. L’ambiance est une fois de plus à la ferveur sous la Temple lorsque Mattjö Haussy (chant/) et sa troupe débarquent, nous emportant dans leur communion parfois martiale, parfois plus aérienne, et chacun y participe à sa façon. Danse, percussions, instruments folkloriques, performances avec des armes ou boucliers… tout est présent sur scène pour les français, et le public le leur rend bien en répondant présent lors de chaque morceau et à la moindre sollicitation.
Du point de vue de Manon : Un groupe qui donne la sensation d’être dans une tribu partant en guerre par la puissance des percussions. L’animation des guerrières nous plonge encore plus dans ce monde. Le chant clair de la chanteuse et les danseuses nous apportent de la douceur.
Et côté Raven : Oh que je l’attendais ce concert, avec des étoiles dans les yeux en avance et on peut dire que je n’ai pas été déçue. Autant adoratrice de Black que de Folk, je me suis laissée emporter par l’univers du corbeau masqué et et ses percussions brutales qui m’ont plongée en transe. Je n’étais pas la seule et ce fût un concert formidable. J’aimerais les revoir dans un set plus long pour les voir déployer toute leur puissance !
Je profite donc d’un court moment de calme pour aller poser quelques rapides questions à George Kollias, batteur de Nile, qui nous apprendra que le show de ce soir sera différent des autres : Karl Sanders, guitariste/chanteur et fondateur du groupe, est malade, et ne pourra être sur scène, reléguant le groupe à un trio. Mais George est confiant à ce sujet, car il sait que le Hellfest les recevra tout aussi bien que les fois précédentes, car après tout “here is just the best festival in the world”.
Il reviendra brièvement sur le choix de Brian Kingsland (guitare/chant) de ne plus vouloir jouer en live pour raisons familiales, et me décrira le nouveau lineup comme l’un des plus solides connus à ce jour pour Nile, ce qui le rend également très fier du nouvel album. “It’s definitely the most technical we’ve ever created, because we always try to push ourselves”. Le batteur m’avouera également écouter énormément de Jazz, ce qui l’a probablement influencé pour la création de The Underworld Awaits Us All, mais aussi jouer de beaucoup de styles différents, pour toujours revenir aux anciennes créations grâce à sa “muscle memory”, ce qui lui facilite la tâche pour les tournées. L’interview se referme avec ses derniers mots : “Thank you everyone for coming and sticking with us! See you on tour!”.
Il est temps de poser son cerveau quelques minutes avec l’arrivée des poids-lourds de Sanguisugabogg qui vont en quelques minutes faire de l’Altar un véritable charnier au QI négatif. Pour ceux qui les connaissent ou les ont déjà vus (comme en ce début d’année à Paris), vous savez que le groupe joue avec la graisse auditive, avec les riffs bêtes et méchants, mais surtout avec son public, comme lorsque Devin Swank (chant) harangue la fosse à coups de “I want to see so fucking moshpits”, ou d’encourager les slammeurs. Côté son, on se retrouve face à un véritable mur de groove et de brutalité permanent qui ne nous laisse que quelques instants pour respirer avant d’encaisser la composition suivante. Un excellent moment que je recommande à tous !
Setlist: Black Market Vasectomy – Hungry for Your Insides – Feening for Bloodshed – Face Ripped Off – A Lesson in Savagery – Mortal Admonishment – Dragged by a Truck – Permanently Fucked – Necrosexual Deviant – Dead as Shit
Côté Mainstage, Raven et Manon profitent des mélodies épiques de Rhapsody of Fire : Des titres très populaires nous ont été donnés. La foule était très dense et réactive. La qualité du son était bonne, et les solos guitares impeccables. Du Rhapsody comme on le connaît.
Passage dépaysant à nouveau, mais cette fois par l’Ouest Américain avec Wayfarer qui nous viennent tout droit du Colorado pour nous conter leurs mystères. Si pour ma part je suis le groupe depuis quelques années déjà, on sent qu’une bonne partie de la Temple les découvre, eux et leurs riffs aériens complétés par les voix puissantes de Shane McCarthy (guitare/chant) et Jamie Hansen (basse/chant) qui ne manqueront pas d’apporter à leur son une touche viscérale. L’ambiance de leurs morceaux est toujours aussi apaisante, en partie grâce à ce mix cristallin qui permet d’exploiter le bottleneck de Joe Strong-Truscelli (guitare) ainsi que le jeu de cymbales dynamique d’Isaac Faulk (batterie), mais également d’optimiser l’entre-deux titres grâce à quelques interventions de Shane, tels qu’un “Okay Hellfest here we go again” qui relance immédiatement la machine et qui nous replonge dans la torpeur tiède du désert américain. Je l’avais déjà dit il y a quelques mois, mais c’est à nouveau trop court.
Nouveau détour par la Valley pour le phénomène Belge Brutus, qui est tombé dans une de mes playlists il y a quelques temps, et le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne suis pas le seul à vouloir profiter ou essayer leur musique en live ! L’endroit est bondé, et il faudra jouer des coudes pour pouvoir accéder au pit photo devant lequel Stefanie Mannaerts (batterie/chant) matraque déjà son instrument aux côtés de ses collègues tout en plaçant ses parties vocales aériennes. La mélancolie du Shoegaze se mêle parfois à la fureur du Post-Hardcore pour prendre totalement possession de l’intégralité de la foule, nous faisant entrevoir l’éventail d’émotions que le groupe est capable de produire en nous, que ce soit avec les effets de leurs instruments ou leur approche sincère et plus douce. La ferveur qu’ils suscitent me fait penser que le groupe aurait parfaitement sa place en Mainstage.
Setlist: War – Liar – Justice de Julia II – Miles Away – Brave – What Have We Done – Victoria – Sugar Dragon
Retour dans le froid nordique pour accueillir les islandais de Skálmöld qui semblent déjà très heureux d’être présents, et fêtent par la même occasion leurs quinze ans cette année ! Le public est comme à son habitude très motivé par les sonorités Viking/Folk, parfois même empruntées au Black Metal, mais un léger souci demeure : la puissance des six musiciens réside dans l’harmonie vocale qu’ils construisent à six, et le mix n’y rend pas hommage. Pour avoir déjà croisé plusieurs fois leur route sur scène, je sais à quel point le groupe peut être fédérateur, mais ce sera moins le cas cette fois-ci, et je préfère m’éloigner après quelques titres.
Et selon Raven : Pour changer un peu, du Folk islandais mâtiné de Heavy et de battle. Comme pour tous les groupes du genre le samedi, la foule était au rendez-vous et débordait de partout. Il y a manifestement un public pour le genre en France ! Un concert pêchu avec du Folk sous stéroïdes, bref pour les afficionados du genre un must à voir et à écouter avec un public très réceptif.
Setlist: Miðgarðsormur – Ullur – Verðandi – Niðavellir – Að vetri – Kvaðning
Pas de temps à perdre pour The Haunted, qui passe immédiatement à l’offensive avec Death Mélodique 100% suédois au groove accrocheur et aux riffs sanglants. Le public répond évidemment par l’affirmative et commence à headbanguer pendant que Marco Aro (chant) et ses camarades abusent de leurs instruments pour maintenir cette atmosphère agressive à souhaits en suivant une setlist taillée pour ne nous laisser aucun temps mort. Le vocaliste ne se prive évidemment pas pour nous inciter à remuer, descendant même de scène pour haranguer un public qui lui mange littéralement dans la main, et se dépensera tout autant que les musiciens pour faire vivre leur musique. Au final, ce sera une setlist “best-of” qui nous fait réaliser une chose : The Haunted nous a manqués !
Setlist: Brute Force – 99 – Trespass – The Flood – The Medication – All Against All – No Compromise – Hollow Ground – Undead – D.O.A. – Dark Intentions – Bury Your Dead – Hate Song
Je connaissais principalement Corvus Corax de nom, mais notre chère Raven m’a convaincu d’aller y jeter une oreille, et je me retrouve non pas devant le show acoustique, mais bel et bien le show Era Metallum des allemands ! Le coeur de leur son est toujours présent, mais il prend une toute autre ampleur pour cette Temple pleine à craquer qui n’hésite pas à soutenir le groupe, même lorsqu’ils annoncent quelques problèmes techniques. Ils ne dureront heureusement pas, et le concert reprend de plus belle, que ce soit pour les musiciens qui se mettent en avant ou la foule qui frappe dans ses mains, danse et profite de cette heure de show festive.
D’ailleurs, voici les impressions de Raven : Que dire, que dire. Trop de choses mais ce fût une claque auditive monstrueuse. Deuxième fois de ma vie que je les vois en live (le groupe tourne très peu en France) et j’avais des étoiles dans les yeux. Le public n’était pas en reste, ça débordait de tous les côtés ! (Altar a moitié remplie, public qui dépasse les bar devant la temple et côté droit hors Temple saturé). La foule était en transe et participait. Le fait que ça soit l’album Era Metallum y était pour quelque chose. A revoir au Hellfest pour un prochain album Metal !
Au tour des cousins de Kataklysm de se jeter à l’assaut de l’Altar devant un parterre qui les attend de pied ferme. Sans surprise, comme à chaque fois que les canadiens foulent nos scènes, le chaos est imminent, et ce n’est pas pour en déplaire à Maurizio Iacono (chant) qui headbangue avant de vociférer pendant que Stéphane Barbe (basse) et Jean-François Dagenais (guitare) haranguent du haut de leurs bancs tout en assurant leur rythmique avec le soutien de James Payne (batterie). Les classiques tels que Push the Venom et As I Slither sont repris en choeur, mais le groupe ne se contente pas de se reposer sur ses lauriers, et nous demande toujours plus de violence, que ce soit en français ou en anglais, mais il va sans dire que le public s’exécute sans broncher jusqu’aux dernières notes.
On reprend dans la joie et la bonne humeur avec Skyclad, dont les membres affichent un sourire communicatif pour accompagner leur Folk Metal vivifiant et fédérateur. Le son est très correct, mais on sent déjà que le public décide de rester massé pour se protéger de la pluie, qui a repris il y a peu, et qu’il est divisé en deux groupes : ceux qui sont réceptifs et qui s’amusent devant les vétérans menés par Kevin Ridley (chant/guitare), et les autres. Mais qu’importe, le groupe nous joue ses riffs festifs avec des accents Heavy efficaces, haranguant de temps en temps les premiers rangs, et les mines ravies parlent d’elles-mêmes !
Setlist: Earth Mother, the Sun and the Furious Host – Spinning Jenny – Change Is Coming – Cry of the Land – Another Fine Mess – The Song of No-Involvement – Emerald (Thin Lizzy cover) – The Widdershins Jig – Words Fail Me – Great Blow for a Day Job – The Parliament of Fools – Anotherdrinkingsong – Penny Dreadful – Inequality Street
Il devient de plus en plus ardu de circuler lorsque Nile – réduit comme nous l’avait annoncé Georges à un trio – entre en scène. Mais une fois le pit photo rejoint, l’enfer prend une toute autre signification : le technicien lumières semble avoir une véritable dent contre les épileptiques. Côté son, Dan Vadim Von (basse/chant), Zach Jeter (guitare/chant) et George Kollias (batterie) tiennent parfaitement la baraque en l’absence du maître des lieux, ce qui incitera à tous les mouvements de foule possibles et imaginables, déversant des slammeurs à gogo (qui écourteront notre temps dans le pit), et c’est tout à leur honneur vu la configuration exceptionnelle des évènements ! Cependant, n’espérez pas voir autre chose que des flashs désagréables qui viennent vous chatouiller la pupille pendant que les américains se montrent magistraux.
“Concert pluvieux, concert heureux” ? Pas me concernant pour Korpiklaani. Il est tout simplement impossible, même un moment à l’avance, de traverser cette marée humaine persistante, et je finis par abandonner l’idée de prendre des photos du groupe, ou même rien que de les apercevoir. De ce que j’entends, le son semble correct, les compositions sont enchaînées avec un bon rythme, mais je ne pourrais vous en dire plus ! Je réessayerai une prochaine fois.
Du côté de Raven : 8 ans entre deux Hellfest pour Korpiklaani et on peut dire que le groupe n’a rien perdu de son enthousiasme. Le public dansait, participait et montrait son bonheur à l’écoute du groupe. Des titres festifs sur lesquels on se retrouve, bref du très bon Korpiklaani qui vous fait passer un bon moment.
Dernier concert de la soirée pour ma part, et c’est avec Dismember et ses tronçonneuses que je le passerai ! La mythique HM-2 s’exprime pleinement, dans les riffs des suédois menés par Matti Kärki (chant), hurlant ou headbanguant avec son pied de micro, ce qui en fait pour ma part un véritable régal. Le vocaliste nous remercie à coups de “Thanks for coming to see us and not Metallica” (qui me fera beaucoup rire) avant que le carnage ne reprenne de plus belle, mais je constate que la tente est beaucoup moins remplie qu’auparavant… la fin de la pluie aurait-elle chassé les plus farouches pour revenir devant les Mainstages ? Eh bien tant mieux, car les irréductibles que nous sommes profite pleinement d’un show Old School où musiciens et spectateurs headbanguent à l’unisson sur ces tranches de graisse auditive sanglante distillée par un groupe au top de sa forme ! Une performance inoubliable.
“C’est jour de pluie, c’est jour de fête”, chantait Jours Pâles. Eh bien pas pour tout le monde visiblement, vu mon aversion pour ce caprice météorologique, mais une chose est sûre : le Death Metal était à l’honneur aujourd’hui, que ce soit par des pointures comme Dismember et Nile, ou par des formations récentes telles que Sanguisugabogg, Nakkeknaekker et Konvent. Le Folk a également eu son heure de gloire, qu’il soit nordique, américain ou même oriental, et je rentre tout de même satisfait de la journée. Mais n’oubliez pas que le festival n’est pas terminé !