Review 2581 : Obscura – A Sonication

Obscura change encore de forme.

Toujours mené par le guitariste/chanteur Steffen Kummerer (Thulcandra, ex-Death DTA, ex-Cynic en live), le groupe est complété par Robin Zielhorst (basse, Crown Compass, ex-Cynic), James Stewart (batterie, Berzerker Legion, Decapitated, ex-Vader) et Kevin Olasz (guitare, Deadborn, ex-Maladie) pour dévoiler A Sonication, son septième album.

L’album démarre à toute allure avec Silver Linings et ses harmoniques furieuses, qui rejoignent des parties vocales tout aussi agressives. Le titre est l’incarnation même de la violence sur les couplets, mais aussi celle de la beauté sur les refrains mélodieux et les parties lead, mais l’atmosphère s’apaise sur le final qui mène à l’inquiétante Evenfall. Le son de basse est assez sombre, et il teintera l’intégralité de la composition qui reste assez lente et parfois même théâtrale grâce à quelques choeurs qui adoucissent l’obscurité, mais le groupe reviendra vite à la férocité avec In Solitude et sa rythmique saccadée. L’approche vive reste dans la lignée de ce que l’on connaît du groupe, ce qui ne l’empêche pas de nous offrir des harmoniques complexes et entêtantes comme sur la courte The Prolonging qui nous déverse toute sa rage en à peine plus de deux minutes, mettant à rude épreuve la technicité des musiciens. Beyond The Seventh Sun débute avec une touche de douceur aérienne, mais malgré qu’il garde cette approche éthérée, le groupe replonge sans mal dans les sonorités agressives, rendant cette composition instrumentale riche et intéressante à écouter avant de retrouver les hurlements sur Stardust, le titre suivant. La touche lourde et dissonante rappelle des moments d’oppression, rapidement effacés par les refrains plus accessibles avant que le final ne nous autorise à souffler avant de rejoindre les patterns bruts de The Sun Eater, où le growl rivalise les cris habituels de Steffen. Les leads sont également beaucoup plus torturés qu’à l’habitude, mais l’alternance reste appréciable et laissera finalement place à A Sonication, la composition éponyme qui enchaîne plus de sept minutes de riffs rapides, de passages intrigants et techniques, ainsi que de vociférations infernales et de longues parties lead qui finiront par rejoindre le silence.

Malgré un tumulte quasi-permanent au sein de son line-up, Obscura parvient à nous délivrer un album extrêmement solide à tous points de vue. A Sonication sait se montrer furieux ou mélodieux tout en restant travaillé à l’extrême !

90/100

English version?

Quelques questions à Steffen Kummerer, chanteur/guitariste fondateur d’Obscura, à propos de la sortie du nouvel album du groupe, A Sonication. L’interview a eu lieu début janvier 2025.

Bonjour et tout d’abord, merci beaucoup de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Obscura sans utiliser le terme “Death Metal” ?
Steffen Kummerer (chant/guitare) : Obscura peut être décrit comme un groupe de Metal ouvert d’esprit avec une approche exigeante en termes de capacités techniques, de thèmes lyriques et d’esthétique visuelle et sonore cohérente.

Le nom Obscura me rappelle l’album de Gorguts de 1998. Te souviens-tu de la raison pour laquelle tu l’as choisi, et quel lien fais-tu avec la musique que tu joues aujourd’hui ?
Steffen : L’album du même nom du groupe canadien Gorguts était très unique et ne ressemblait à rien de comparable à l’époque. Le nom était également accrocheur, universel dans de nombreuses langues et n’était utilisé par aucun groupe à l’époque. Il représente toujours nos objectifs et notre vision, un bon choix, même avec le recul.

Le groupe est sur le point de sortir son septième album, A Sonication. Qu’en penses-tu ? Avez-vous déjà des retours ?
Steffen : L’album est devenu un disque mature d’un groupe établi, avec des arêtes, des performances authentiques et une production parfaitement adaptée. Les réactions des fans et de la presse ont été excellentes. Un grand magazine l’a qualifié de “véritable album de Metal, loin d’être réduit au seul Death Metal”. C’est très flatteur, et dans l’ensemble, nous recevons de bonnes réactions à l’égard de l’album. Je ne prends rien pour acquis et je considère comme un grand compliment le fait que les gens écoutent attentivement l’album et le trouvent attrayant. 

Comment résumerais-tu l’identité d’A Sonication en trois mots ?
Steffen : Mélancolique, introverti, authentique.

Comment s’est déroulé le processus de création d’A Sonication ? Le line-up du groupe a été remodelé en 2024, a-t-il été facile de créer de la musique avec un nouveau groupe ?
Steffen : A Sonication est le fruit d’un long processus de collecte d’idées pendant que j’étais sur la route pour l’album précédent. J’ai rassemblé des riffs, des idées de paroles, de l’esthétique et des sons en voyageant. De retour chez moi, j’ai commencé à assembler une pré-production et j’ai contacté des musiciens de classe mondiale pour participer aux enregistrements. La collaboration avec les gars s’est déroulée sans heurts et a été très positive. Nous avons partagé la scène lors de plusieurs festivals cet été, et tout le monde était en pleine forme et s’est montré à la hauteur. Ce sont des gens formidables et des personnages de grande classe.

Le son du groupe est bien sûr ancré dans le Death Metal d’une manière technique et progressive, mais comment créez-vous votre propre touche ?
Steffen : Au fil des années, nous avons trouvé notre propre signature sonore. Je ne pense pas qu’il y ait eu un tournant, juste une évolution constante, l’expérience associée à la joie de combiner ce style particulier avec de nouvelles idées pour le garder frais, nouveau et joyeux. Travailler dans différents domaines avec différentes approches et changer de perspective permet d’avoir une vue d’ensemble du groupe, du son et de l’esthétique.

As-tu une chanson préférée sur cet album ? Ou peut-être la plus difficile à réaliser pour l’album ?
Steffen : Stardust et le titre éponyme A Sonication ont une touche très personnelle, une certaine vibration que j’entends et ressens en écoutant les chansons. Stardust pourrait devenir l’une des chansons que nous jouerons jusqu’à la fin de nos jours, elle est très unique et très attirante à mon goût.

Où trouves-tu l’inspiration pour créer de la musique ? Y a-t-il un concept sur l’album A Sonication ?
Steffen : A Sonication est le deuxième album d’une trilogie qui a commencé en 2021 avec l’album A Valediction. Alors que le premier album contient un art couleur bronze, le second a une finition argentée et le dernier une touche dorée. A Valediction traitait de l’adieu dans différentes significations et directions, tandis que le nouvel album montre une position plus réfléchie. Sans filtre, pur et humain dans tous les sens du terme – production, œuvres d’art, photos, musique et performance. Pour moi, un album est une œuvre d’art dans son intégralité – l’image globale à tous les niveaux et toutes les expressions doit être équilibrée pour devenir une œuvre intemporelle. A Sonication s’est avéré très proche de cette approche, et je suis heureux du résultat.

Vous avez de nouveau collaboré avec le célèbre artiste Eliran Kantor pour la pochette, comment se passe cette collaboration ? Lui avez-vous donné des directives ?
Steffen : Après avoir terminé un concept de quatre albums qui a pris plus de 10 ans, j’ai longtemps cherché le bon artiste avec qui collaborer pour les trois albums suivants. Parler à Eliran m’a semblé tout à fait naturel, et son travail parle de lui-même. Il a transposé dans son propre univers les schémas et les mises en page avec lesquels nous avons toujours travaillé, il a ajouté ses idées à celles que j’avais émises, et il en a résulté deux splendides œuvres d’art. Je lui laisse une liberté artistique et je dois lâcher prise à un moment donné. Eliran comprend parfaitement les visuels, nous parlons le même langage. Il travaille également dans une direction plus tendue et plus authentique qui soutient parfaitement les idées musicales. C’est un plaisir de travailler avec lui, avec ses idées et sa contribution pour compléter les albums avec des œuvres d’art exceptionnelles.

Penses-tu t’être amélioré en tant que musicien et auteur-compositeur avec ce nouvel album ?
Steffen : Pour moi, chaque album reste sur les bases de l’album précédent et en construit un autre. L’idée de travailler autour des chansons, puis autour des guitares a fonctionné à merveille. Avec cette idée globale, tous les instruments ont eu plus d’espace pour briller, et plus d’options pour arranger et travailler sur l’écriture des chansons. En tant que producteur, l’idée d’un mur de son était la direction à suivre, et avec Fredrik Nordström, son expérience et ses conseils, nous avons travaillé sur un grand disque qui sonne unique, qui a de la place pour respirer et qui garde la touche humaine que je recherchais. Avec chaque album, chaque concert ou même chaque répétition, on grandit en tant que musicien – depuis le premier jour. Ce voyage ne s’arrête jamais, et j’attends avec impatience le prochain, où d’autres idées et d’autres visions pourront trouver leur place. En tant que guitariste et chanteur, j’ai gagné en confiance avec cet album. L’opinion des autres n’a pas d’importance si l’on est satisfait du résultat.

Le groupe a effectué une tournée européenne complète au début de l’année 2024, puis a donné quelques concerts dans des festivals, et a maintenant planifié une nouvelle tournée européenne pour 2025. Comment vous préparez-vous pour une telle tournée ?
Steffen : Obscura est depuis longtemps un groupe de tournée internationale. J’adore voyager, me produire dans le monde entier et jouer sur scène. En plus de répéter et de préparer les chansons, il faut entretenir ses instruments, son matériel et travailler avec des techniciens et une équipe sur le long terme. Nous travaillons depuis des années avec le même cercle d’amis pour nos tournées et nos spectacles, ce qui nous permet de nous concentrer sur la scène et d’apprécier le voyage tandis qu’un pays après l’autre disparaît. 2025 sera peut-être une année où nous jouerons à nouveau plus de 100 concerts, ce qui sera brillant, épuisant et excellent.

Le groupe a joué en France plusieurs fois depuis ses débuts, vous souvenez-vous de ces concerts ? Avez-vous un souvenir particulier que vous aimeriez partager avec nous sur le fait d’avoir joué en France ?
Steffen : Nous avons joué quelques-uns de nos meilleurs et aussi de nos pires concerts en France au fil des ans. Je me souviens très bien de la première fois où nous avons été invités pour la promotion de notre premier album Retribution il y a environ 15 ans. Des petits concerts, des lieux underground, mais à chaque fois nous nous sommes sentis les bienvenus, qu’il s’agisse d’un petit concert ou d’un grand festival. Pour moi, l’hospitalité a plus de valeur que n’importe quoi d’autre. Vous pouvez jouer dans la meilleure salle du pays, mais si vous êtes traité comme un cafard, vous n’apprécierez pas le concert. En revanche, si vous jouez dans la pire grotte de Punk Rock, avec à peine de l’électricité, mais que tout le monde fait de son mieux, vous met à l’aise et trouve des solutions, vous passerez une bonne soirée. Si je dois choisir entre les deux, je préfère la grotte de Punk Rock. Le pire concert dont je me souvienne, c’est celui du Hellfest en 2022. Nous avions un nouveau lineup et du nouveau matériel qui venait juste d’être connecté et assemblé. Au lieu d’annuler le concert, j’ai décidé de tenir bon. Nous avons trouvé un chef d’orchestre de dernière minute pour nous remplacer, mais la tâche était trop lourde sans aucune préparation. C’était un jour triste pour nous sur scène et pour les fans qui venaient de loin pour assister au concert. Nous avons été contraints d’arrêter le spectacle à mi-parcours. Une journée très embarrassante pour nous et pour les fans. Cerise sur le gâteau, nous avons attrapé le Covid et avons été gravement malades pendant environ 4 semaines d’affilée. Quoi qu’il en soit, il y a une règle d’or : si vous n’êtes pas mort, vous pouvez vous produire. Je préférerais sauver le spectacle et m’en sortir à tout prix plutôt que d’annuler un concert.

Comment vous préparez-vous à monter sur scène ? Comment te sens-tu lorsque vous jouez sur scène ?
Steffen : Un petit échauffement est nécessaire, surtout pour les batteurs qui doivent se mettre en forme et se préparer avant d’entrer en scène. De mon côté, j’ai une routine pour vérifier et préparer mes instruments, mon matériel et mes réglages à chaque fois. Cela prend environ 45 minutes et permet de se mettre dans le bon état d’esprit et de se concentrer sur le concert. Ce n’est pas tant la demande physique que l’état d’esprit qui doit trouver la paix et la concentration. Si vous êtes stressé avant un concert, vous risquez de commettre des erreurs. La concentration est la clé.

Y a-t-il des musiciens ou des artistes avec lesquels tu aimerais collaborer ? Que ce soit pour une chanson, ou peut-être plus.
Steffen : Il y a en effet quelques musiciens avec lesquels j’aimerais travailler en tant qu’invités sur l’un de mes albums. Dans ce cas, je cherche une couleur ou une palette sonore qu’aucun membre de notre groupe ne pourrait offrir. Sur A Valediction, Björn Strid de Soilwork nous a rejoints pour une chanson en tant que chanteur invité. Une performance brillante, et un son vocal d’une forme unique et spéciale. Une collaboration avec Mikael Akerfeldt pourrait être très intéressante. Sa sonorité et son jeu sur une guitare acoustique ont une vibration unique que j’admire. Bien sûr, ses capacités en tant que chanteur sont incontestables. Il faut d’abord la bonne chanson et la bonne ambiance.

Que sais-tu de la scène Metal française ? Y a-t-il des groupes que tu connais et que tu apprécies ?
Steffen : Il y a beaucoup de groupes avant-gardistes qui viennent de France ces dernières années. Des sons doux comme Alcest, à l’artiste audio indéfini Igorrr, de Pertubator à Gojira, la bande passante semble n’avoir aucune limite. Nous avons eu la chance de tourner avec plusieurs groupes français au fil des ans et de partager la scène avec Gorod, Xaon, Persefone, bien qu’ils soient originaires d’Andorre, Exocrine et des dizaines d’autres groupes pendant les festivals. Avec plusieurs labels comme Osmose, Seasons Of Mist et un nombre incalculable de festivals animés par des fans et des passionnés, la scène semble de haute fidélité, vivante et forte depuis.

Si vous deviez organiser un concert pour la sortie d’A Sonication, avec quels groupes aimeriez-vous jouer ? Je vous laisse créer une affiche avec Obscura et trois autres groupes ! Même les réponses irréalistes sont acceptées.
Steffen : Obscura, Necrophagist, Spawn Of Possession, Martyr. Un paradis du Death Technique.

Dernière question amusante : à quel plat comparerais-tu la musique d’Obscura ?
Steffen : Une quiche – il faut beaucoup de temps pour la faire, le plat combine beaucoup de goûts différents, mais les gens l’adorent, sous n’importe quelle forme ou version.

C’était ma dernière question, alors merci à nouveau de m’avoir accordé de ton temps et pour ta musique, je te laisse les mots de la fin !
Steffen : Merci pour ce reportage et ces questions intéressantes. Écoutez A Sonication et rendez-vous dans une salle près de chez vous !

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