Interview: Point Mort

Interview

Juste avant l’ouverture des portes de l’Espace B, c’est Point Mort qui se prête au jeu des questions-réponses. Venus défendre R(h)ope, dont c’est la release party, le combo parisien semble plutôt détendu et insensible à la pression.

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Bonjour et merci de votre temps ! Comment décrirais-tu Point Mort ?

S (chant) : C’est un orchestre de musique qui fait… non mais là ça commence à partir en couille (rires) !
O (guitare) : On est un groupe de Post-Metal, ça veut dire que c’est de la musique saturée. On a un peu d’Atmosphérique, de chant hurlé, de chant clair… c’est un melting-pot, on est cinq et… avec une fille !
S : C’est important de le noter !
O : Un grand et quatre euh… normaux ? (rires)
S : Plus sérieusement, Point Mort c’est un groupe qui existe depuis 4-5 ans environ, qui s’est formé essentiellement au départ sur un noyau d’amis qui voulaient faire de la musique très simplement, sans volonté particulière. Et du coup la composition avançant on a eu cette envie de vraiment structurer le truc. Je suis arrivée, ensuite le batteur, des changements de line-up et aujourd’hui on est à cinq personnes, un nouveau guitariste qui est là depuis quelques mois, autour d’une esthétique Post-Metal/Post-Hardcore et comme on aime le dire, “Post-Lovecore” parce que ça nous correspond bien. Une musique assez duelle, puisqu’il y a du chant clair, du chant saturé, des passages calmes, énervés, intenses…. C’est construit autour de tout ça.

Qu’est ce qui vous a poussé à vous orienter vers ce style ?
A : La spontanéité. Y a pas eu de vraie réflexion… A part la voix claire en fait, tout est venu spontanément… on va en studio à la maison, on enregistre on voit ce qui se passe, y a pas de mot d’ordre. On écrit, on observe.
O : A aucun moment il ne faut que les cinq personnes qui font partie de l’entité se sentent absentes dans le morceau parce qu’il y a une partie qu’ils aiment moins. On essaye démocratiquement de trouver un équilibre afin que tout le monde parvienne à sentir le morceau de la manière la plus pleine possible et la plus complète possible.

Je vous ai découverts au Motocultor, quelle expérience vous en gardez ?
O : Une seule (rires)
S : Non pas ça ! (rires) On en garde du super positif, parce que c’est à l’heure actuelle le festival le plus gros qu’on ait fait et qu’on a été accueillis royalement par rapport aux conditions dans lesquelles on a l’habitude de jouer, faut pas se mentir. C’est pas ce qui est le plus important mais c’est quand même agréable. Après, c’est marquant parce que les conditions étaient géniales, on a eu une super scène, un public nombreux comme on en a rarement autant, on ne va pas le cacher. Mais aussi une tranche de drôle, et O va la raconter parce qu’on a eu notre moment favori qui nous a bien marqué et auquel on pense toujours avant de monter sur scène maintenant, mais je vais le laisser raconter la fameuse anecdote !
O : Je ne sais pas comment j’ai réussi mon compte, mais j’ai réussi à faire une balayette de kung-fu à S qui s’est littéralement étalée sur scène devant 2000 personnes… y a d’ailleurs eu un gif qui a été créé et on a quand même eu très peur qu’elle se fasse mal… mais c’est un chat elle retombe toujours sur ses pattes ! Et donc je me suis prosterné devant elle !
S : J’ai quand même eu une énorme bosse à l’arrière du crâne !
O : Ça s’est quand même fini assez bien parce que quand tu y réfléchis, on a pas beaucoup de chances dans sa vie de jouer dans des conditions pareilles et le meilleur truc que tu pourrais faire ? On va aller mettre une petite balayette à la chanteuse ! (rires)
S : O est toujours plein de surprises, et ça continue de se vérifier mais… c’est très bien comme ça, on s’en plaint pas !

Comme il le disait tout à l’heure, la spontanéité !
S : Voilà !
O : Exactement ! Mais après… on fait un peu plus attention… (rires) Que ce soit S ou les autres membres du groupe, ça navigue les coups de guitare, mais…
S : Comme on est côte à côte sur scène, à priori sur la dernière tournée je lui ai mis deux gros coups de pieds, donc l’équilibre se rétablit (rires)

Votre nouvel EP, R(h)ope vient de sortir, comment est-ce qu’il a été composé ? Toujours dans la spontanéité ?
O : Clairement. Bon on devrait pas dire ça mais quelques jours avant l’enregistrement… On avait des morceaux pas terminés.
S : Pas qu’on était pas prêts mais on aurait être mieux préparés. Mais on l’était quand même un peu. Je te reprends sinon ça fait pas très pro (rires).
O : On était pas à 100% prêts.


Tu es perfectionniste ?
O : Totalement, ce qui n’est pas toujours une qualité (rires). Mais au dela de ça, ça a été beaucoup d’écriture, on a rebondi d’idée en idée… Même s’il y avait pas mal d’hésitations dans l’esthétique musical on avait l’idée globale de sûre, qui était itinérante aux cinq personnes avec la voix de S qui donne la tonalité générale aux cinq morceaux. On avait pas d’idée préconçue, on ne se disait pas “on va faire un morceau de deux minutes, un de dix minutes”… Ca fait cinq minutes quarante c’est cool, ça fait une minute vingt c’est cool, ça nous va. On sait que sur scène on saura comment agencer. On a posé ça de manière totalement spontanée et c’est ce qui donne l’attitude générale. Après je trouve qu’on a une capacité à arranger nos idées ce qui fait que nos morceaux ne partent pas complètement dans le décor mais… on a pas de limites. On ne se fixe pas de limite, si l’idée convient à tout le monde, ce sera joué et ça nous va.

Le nouvel EP semble très poussé, est-ce que tu as senti une réelle évolution dans la composition ?
O : Oui. En tout cas moi oui.
S : Pareil. Il y a une évolution. Déjà parce que c’est pas les mêmes personnes, on avait pas le même batteur à l’époque et Si (batterie) arrive avec une patte assez forte.
O : Il est très impliqué dans le processus de composition. Je ne dis pas que l’ancien batteur ne l’était pas, mais pas de la même manière.
S : Oui, pas de la même manière en tout cas.
O : Il a un vrai intérêt, il est aussi guitariste.
S : Et on se connaît mieux aussi, très clairement ça oriente la musicalité puisqu’on sait ce que l’autre est capable de proposer, on réussit à s’aider parce qu’on se connaît, on peut se donner des pistes, notre champ des possibles à chacun, mais aussi de se tirer vers le haut. Si fait ça très bien, et on a vraiment ressenti un clivage quand il est arrivé. Mais surtout on a tous progressé, du coup on a senti cette évolution qui j’espère va continuer ouais !

O : Comme je le disais, j’ai l’impression qu’on est un groupe plus mature… Après on fait toujours le coup de “c’est l’album de la maturité” ou “le nouvel album est forcément mieux que le précédent”, mais je pense qu’on a quand même plus de recul sur l’écriture que sur l’autre, et aussi plus de temps. Même si c’était pas si évident que ça, puisque Look At The Sky on l’a enregistré en une journée de 10h à 16h avec tout le monde en même temps et un concert la veille ce qui n’arrange rien. La on a eu cinq jours de mémoire, donc on a pu prendre du recul sur ce qu’on faisait parce qu’avec Sylvain (Biguet) on avait pas vraiment le temps. Et là avec Amaury (Sauvé) on a eu un vrai temps de mixage, un vrai temps d’écoute. Le fait d’avoir ce temps d’écoute supplémentaire sur ce qu’on a enregistré a été hyper bénéfique puisque je pense que sur l’album on sent qu’il y a un vrai fil rouge, une vraie continuité. Je dis pas que sur Look At The Sky il n’y avait pas ça. Mais elle est plus évidente sur celui-là.
A : C’est assez marrant parce que sur le précédent les morceaux on les faisait tourner depuis des mois, presque un an… et là ces morceaux on a fini de les composer deux semaines avant l’enregistrement… non une journée avant, je voulais la jouer politiquement correct (rires). Donc la veille, avec un nouveau batteur avec un peu plus de violence on est à la fois plus serrés mais aussi plus spontanés, c’est assez étrange. Sur l’autre on avait plus travaillé, on avait éprouvé le batteur, mais Si est plus réfléchi. 

Tant qu’on est dans les changements, qu’est ce que ça implique de changer de line-up au sein d’un groupe ? Comment est-ce que ça se gère ?
O : C’est dur.
S : Et c’est chouette. Je fais la contrebalance : c’est dur parce que mine de rien très récemment on a un nouveau guitariste, alors que le précédent était là depuis le début. Ce sont des liens vraiment forts qui se défont pas, parce qu’il est toujours là, il sera là ce soir, on est toujours potes, mais il faut renouer de nouveaux liens avec de nouvelles personnes qui ont leur propre musicalité et il faut apprendre à composer avec ça dans tous les sens du terme. Humainement mais aussi musicalement. C’est hyper intéressant et c’est aussi ce qui fait évoluer le groupe. On parlait de Si, et Si n’était pas J (ancien batteur) mais il apporte autre chose, quelque chose de différent, et nous on doit se retrouver au point d’unisson. Les groupes c’est à… 75% d’humain et 25% de musique. Et l’inverse. Donc c’est pas forcément évident, mais c’est ce qui fait la vie d’un groupe et son évolution.
A : Le but c’est pas de trouver un gars qui sait jouer les parties, les riffs, il faut trouver quelqu’un qui peut apporter quelque chose de supplémentaire. On arrive à un point où on peut toujours trouver quelqu’un d’autre, qui va apporter quelque chose. C’est forcément bien. Après, c’est jamais facile d’avoir une nouvelle personnalité. On accorde énormément d’importance à l’humain, à la personnalité. On va pas à l’usine.
S : Comme on fonctionne énormément au sensoriel, l’unité humaine du groupe est hyper importante. On fait pas une musique qui est très écrite. On parle tout le temps de spontanéité, mais c’est une réalité, il faut que ça fasse partie du groupe, il faut qu’elle existe entre nous pour exister au sein du groupe.

Le fameux “feeling” tu veux dire ?
S : Ouais, c’est ça ! Pour pouvoir présenter quelque chose d’authentique et d’honnête, il faut qu’on soit honnêtes au moins entre nous. Et du coup, ça veut dire qu’on pourrait pas jouer avec n’importe qui. Mais au delà du niveau technique et musical. Il faut qu’on se sente tous bien dans nos baskets, entre nous et que ça matche. Ensuite la musique peut se développer comme il faut. Mais l’inverse n’est pas vrai je pense.

On va revenir à la genèse du groupe : pourquoi avoir choisi ce nom de Point Mort ? Quel est pour vous le lien avec votre musique ?
S : C’est marrant parce que du coup on nous pose rarement la question et on vient de nous la poser (rires). En fait au tout début quand le groupe a commencé à se réunir de manière assez régulière, il y a eu une période où on cherchait un nom et on n’en trouvait pas. On répétait dans un studio à l’heure et toutes les semaines on arrivait avec un nouveau nom, mais c’était totalement incongru ! Ca faisait énormément marrer les gars qui prenaient la réservation, et ils ne savaient plus à qui ils avaient affaire vu qu’on se marrait autour de ça. Mais concrètement on arrivait pas à trouver de nom. Mais c’est le mari d’O, qui nous a dit “Non mais les gars, vous arrivez pas à trouver un nom, appelez vous Point Mort”. Et du coup…
A : C’est la première fois que les cinq personnes étaient d’accord !
S : Ca a fait l’unanimité, on s’est dit que ça sonnait bien, que ça pouvait coller au style, à cette lutte pour trouver un nom alors ça s’est créé comme ça !

Vous avez quand même fait pas mal de dates entre la création et aujourd’hui, quel est votre meilleur et votre pire souvenir de scène? A part cet incident du Motocultor !
S : En fait c’est pas “un meilleur” mais “plein de meilleurs”.
O : Ca dépend si c’est sur scène ou hors de la scène, mais sur cette tournée à la fin des concerts pas mal de gens sont venus nous voir pour nous remercier. “Merci d’être venu”. Pas forcément “Ouais c’était une claque, c’était fou !”, mais tu sentais que ces gens là tu les avais touchés, tu sais pas dans quel contexte de vie ils sont… des fois on joue dans des squats, c’est des gens qui ont pas une vie facile et le squat est peut être la meilleure chose qu’ils ont eu dans leur vie. Et toi tu viens les voir, tu joues pour eux, les gens viennent serrer la main à tout le monde en te remerciant d’être venu… ouais pour moi c’est un bon moment, ça donne un sens à toute cette histoire là. Après sur scène…
S : Pour moi toute la tournée à Cuba c’était un bon moment. Parce que c’est comme ça qu’on a vraiment “découvert” Si, qui à la base venait avec nous mais il n’était pas sensé rester, et vu que ça s’est tellement bien passé il a décidé de rester. Mais surtout c’était une expérience assez folle. Vivre de la musique dans un pays dont on ne maîtrise pas les codes, où le Metal c’est assez nouveau pour eux… On a eu un concert sur un rooftop où il y avait 1000 pelos qui étaient là, on sentait limite l’immeuble bouger tellement y avait du monde ! Et les conditions étaient très spartiates. Tu joues à la débrouille totale, je t’explique même pas pour les toilettes… Mais voilà, les gens eux sont là…
A : Ah oui ils sont vraiment là, parce que ça bouge, ils rigolent pas !
S : C’est pour ça qu’il n’y a pas de meilleur moment, mais des confluences de moments comme ça, juste… qu’il y ait deux personnes ou mille, du moment qu’on sent qu’on leur a fait du bien grâce à notre musique, ça nous fait du bien, parce qu’on est content de délivrer quelque chose. Ca prend du sens tout simplement. Et des mauvais moments… y en a pas ! Enfin si, y en a quelques uns parce que comme tout groupe en tournée, c’est des hauts et des bas, de la fatigue, beaucoup de logistique ! Décharger un camion entier, le recharger et aller dormir dans un endroit où on se pèle parce qu’il fait froid ça arrive ! Mais si tous les meilleurs effacent les bons, on est là pour ça ! Du coup il n’y a pas eu de réel “mauvais concert”. Il y en a peut être qui se sont moins bien passés parce qu’on est tous humains à ce moment là, on peut avoir des contrariétés de vie, mais dans l’ensemble si il n’y a qu’une seule personne qui ressort contente de notre show, on a fait ce pourquoi on est venus.

Est-ce que c’est simple de vivre de sa musique quand on fait du Metal ? Comment est-ce que vous arrivez à concilier passion et profession ?
O : Tu veux dire entre notre métier et le groupe ? Pour le moment tout se fait assez simplement.
A : La réponse c’est que c’est pas simple. Clairement pas. Parce que le temps n’est pas élastique, on a une journée, elle fait 24 heures, tu fais ton boulot qui n’a parfois aucun lien avec la musique parce qu’on a parfois aucun lien avec la musique dans notre travail ! Mais t’es quand même obligé de te reconcentrer sur ton instrument, sur tes parties, poser tes vacances en fonction de tout… c’est pas simple mais ça se fait très bien.
Sam : Alors apparemment je fais aussi la billetterie ! (rires) Ouais en fait c’est une question de hiérarchisation des choses et pour nous tous le groupe est hyper important, alors on fait ce qu’il faut pour être présent du mieux possible. Et on y arrive. On a tous un boulot, des horaires compliqués, mais on se débranche tous quand on arrive en répète ou en concert. Et je m’absente deux minutes, je reviens ! (rires)

Quel est le premier morceau de Metal que tu aies écouté ?
A : Le premier qui m’a marqué… Panasonic Youth de Dillinger Escape Plan.
O : Moi c’est Hallowed be thy Name d’Iron Maiden. Je suis pas très original, mais ça marque !

Question d’imagination maintenant : je te laisse créer une tournée avec 3 groupes pour lesquels tu rêverais d’ouvrir avec Point Mort !
O : Alors moi ça va être clair, c’est Dillinger Escape Plan, même s’ils existent plus !
B : Moin c’est trois fois Convulsif ! On a ouvert pour eux en 2018. On a joué avec eux à Cuba en tournée… et ce qu’ils font c’est super ! Cet espèce de Drone avec de la clarinette et le batteur de Nostromo… ça joue du feu de dieu !
(S revient)
S : Ouais Convulsif ça joue ! (rires) Perso j’ai pas vraiment de groupe de prédilection ! Si humainement ça le fait, pourquoi pas. Avec Convulsif on a accroché en tournée. Y en a d’autres évidemment, par exemple Pearl c’est dans les bons papiers depuis un petit moment. Il doit y en avoir plein d’autres. Sinon dans le style, Pearl ouais, vraiment.
A : Et sinon, ton premier morceau de Metal, vu que t’étais pas là tout à l’heure ?
S : Mon premier morceau de Metal ? Je suis pas vraiment arrivée par le Metal, je suis arrivée par Nirvana… sinon niveau Metal… Sepultura je pense.

Je vous laisse les mots de la fin ! Encore merci !
O : Bon ben je vais dire le même à chaque fois hein… (rires)
A : Il en a trouvé un cool !
S : So-li-da-ri-té ! (rires) Non je rigole
O : Sortez ! Allez dans les salles, soyez curieux ! Ne cliquez pas seulement “je participe” sur votre Facebook sans bouger, toute cette scène a besoin de vous !
S : Faites le même taf que t’es en train de faire, faire découvrir des groupes !
O : Clairement ! Y a pas que Point Mort, c’est aussi tous les groupes comme tu dis qui ont un taf, qui sont pas “pro”, et toutes les orgas aussi !
S : Mais oui ! Venez au SMF (rires)  (Saturday Mud Fever, ndlr)
O : L’important c’est pas de se déplacer seulement pour un Slipknot ou un System of a Down qui réunit 20 000 ou 30 000 personnes !
S: Et y a Below the Sun qui fait des dates juste à côté ! Fauchage Collectif, faut aller voir ces gens là ! Je fais du prosélytisme à fond pardon (rires)

Les petites asso qui font jouer des groupes locaux oui !
Bassiste : En plus pour le prix d’une bière (rires)

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