William Melsness, cerveau de son projet solo de Blackgaze Unreqvited, a répondu à mes questions à propos de son nouvel album, Beautiful Ghosts.
Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment présenterais-tu le projet Unreqvited avec tes propres mots ?
William Melsness (tout) : Unreqvited est un projet musical expérimental qui juxtapose le réconfort et la dépression côte à côte. Le projet est mon exutoire émotionnel principal, et il est l’une des seules façons dont j’ai appris à me servir pour m’exprimer de manière aussi éloquente que possible au fil des années. C’est difficile à catégoriser côté genres, mais ça se trouve quelque part entre le Black Metal Atmosphérique, le Blackgaze, le Post-Rock, et les bandes originales de films.
D’où vient le nom ?
William : Mes sentiments envers le monde, essentiellement. Je me suis toujours senti rejeté, comme les sentiments et les efforts que j’ai entrepris envers autrui qui n’ont jamais été réciproques. Je place le plus d’efforts dans la musique au lieu des gens de nos jours, je sais que je peux compter sur moi-même plus que sur les autres pour le bonheur et l’accomplissement.
Ton nouvel album Beautiful Ghosts vient de sortir, comment te sens-tu à propos de cette sortie ?
William : C’est essentiellement une lettre d’amour à quelqu’un qui m’est très cher. C’était un processus extrêmement cathartique de le créer, et je suis plus que satisfait du résultat. Je me sens toujours anxieux de dévoiler mes albums au public vu à quel point ils me sont personnels, mais vu que c’est le premier album que j’ai écrit entièrement pour/à propos de quelqu’un d’autre, ce sentiment a été amplifié pour cette sortie.
Comment s’est passé le processus de composition ?
William : Le processus de composition est partout pour moi, les morceaux me viennent de différentes façons. Aussi bien que cela puisse paraître d’avoir une formule pour l’écriture des morceaux, j’ai quelque part besoin que ce soit comme ça pour conserver des idées nouvelles et inspirées. Vu que cet album était conceptuel, j’avais déjà beaucoup de thématiques en tête avant de commencer. C’était l’un des albums les plus agréables à composer, car j’avais l’impression que je construisais un cadeau pour quelqu’un qui m’est très proche.
Quand j’écoute Beautiful Ghosts, je sens que le début est très sombre et profond, mais le son devient plus lumineux et aérien. Est-ce qu’il y a un concept derrière cet album ?
William : Cet album est spécifiquement en rapport avec mes sentiments envers une autre personne, en opposition à ce que je fais plus généralement comme parler de ma vie, ce qui est l’élément principal qui le sépare des autres. Le but pour Beautiful Ghosts était de faire tomber ce mur émotionnel et de créer un opus de tous les sentiments que j’ai eus pour cette personne durant l’année 2020.
Quelle est l’histoire derrière ce magnifique artwork ? Et concernant le nom de l’album ?
William : Je préfère laisser ces éléments dans les mains de l’auditeur, qu’il soit créatif et qu’il interprète le tout de sa propre manière.
Quand j’écoute ta musique, j’ai toujours la sensation que c’est un grand rassemblement entre ténèbres et lumière, douleur et joie… comment fais tu pour créer un tel équilibre ?
William : J’écoute une grande variété de styles musicaux, dont ils ont tendance à trouver un chemin vers ce que fais au final. Je pioche toujours dans mes propres sentiments, donc Unreqvited sonne et semble très naturel à mes yeux. Prendre un style de musique que j’écoute massivement en ce moment et le combiner à une émotion spécifique que je ressens a toujours tendance à proposer un son unique quand j’écris. J’explore les hauts et les bas émotionnellement parlant, comme tout le monde. Je fais juste en sorte de mettre les deux extrêmes dans chaque morceau que j’écris, créant ainsi une juxtaposition de sons qui peuvent être polarisants ou confortables pour l’auditeur.
Tu crées chaque note de musique pour Unreqvited, mais tu as déjà sorti un nombre impressionnant d’albums et d’EPs, d’où te vient ton inspiration créative ? Penses tu que c’est plus facile de créer de la musique seul plutôt que d’être dans un groupe avec d’autres membres ?
William : Ce n’est pas forcément plus facile, mais le contrôle créatif est certainement le plus gros avantage au fait de travailler seul. C’est sympa d’être capable de prendre toutes tes décisions et de ne pas avoir à te confronter aux idées des autres avant de les implémenter. Travailler avec d’autres dans un but créatif peut créer beaucoup de conflits, particulièrement en musique. Quand tu renonces au contrôle de la créativité concernant ton art, tu commences à diluer la signification personnelle derrière, et ensuite ça grandit jusqu’à l’en détacher. Quand tu écris en groupe, et que tu essayes de prendre les ajouts de chacun, tu prends le risque de faire de ton art quelque chose de fallacieux, et les morceaux deviennent insignifiants pour tous les membres car tous ont dû faire des compromis sur leur vision personnelle. Ce n’est pas le cas à chaque fois. Maintenant que je suis plus vieux, j’aime assez collaborer occasionnellement avec mes amis, mais c’est idéal pour moi j’ai mes projets solo pour y revenir quand je veux exprimer quelque chose de spécifique.
As-tu déjà considéré l’idée de jouer en live avec peut-être des membres de session ?
William : J’y ai pensé, mais je n’ai pas de plans pour la concrétiser actuellement. Je pense que c’est quelque chose que j’aimerais faire à un certain moment cela dit. Même si ce n’est que quelques concerts/festivals ici et là.
L’an dernier, la crise du Covid-19 a foutu en l’air beaucoup de choses, comment as-tu personnellement fait face à la situation ? Est-ce qu’elle a eu un effet sur le nouvel album ?
William : Ca m’a certainement forcé à passer beaucoup de temps seul et à être introspectif. Je suis plutôt bien ajusté à être seul dans ma chambre 90% du temps, mais je suis certain qu’être confiné n’a pas été bon pour ma santé mentale. J’ai simplement essayé de rester productif et de ne pas laisser les angoisses existentielles s’installer autant que possible. Je pense que c’est ce que la plupart d’entre nous ont fait. Je ne pense pas que le Covid-19 ait vraiment affecté la création de l’album, puisque c’est quelque chose sur lequel j’aurais travaillé de toute façon.
Même si l’album vient juste de sortir, est-ce que tu as déjà des plans pour le futur ?
William : Au moment où je te parle, j’ai une ardoise vide devant moi pour le nouvel album, ce qui est à la fois excitant et terrifiant. Je travaille actuellement sur un split EP qui sortira avec un peu de chance à la fin de l’année ou début 2022. C’est tout ce que je dirais pour le moment.
En tant que multi-instrumentiste, comment et quand as-tu appris à jouer de la musique ? Quel est ton instrument préféré ?
William : Je n’ai jamais appris correctement à faire quoi que ce soit en rapport avec la musique, j’utilise simplement mes oreilles et mon intuition pour tout. Je suis bien meilleur pour écrire tous les instruments que tu retrouves dans ma musique que je ne le suis pour les jouer en fait. Le seul instrument avec lequel je suis compétent est la guitare, car j’en joue depuis une dizaine d’années. Je suppose que je dirais que c’est mon instrument préféré.
Est-ce que tu as des passions en dehors de la musique ? Est-ce que tu as également un travail, ou est-ce que les revenus de ta musique te permettent de vivre ?
William : J’ai essayé de vivre de ma musique pendant environ 2 ans, mais je n’en suis pas au point où je peux le faire de manière assez confortable. Je suis récemment reparti dans le monde du travail normal pour compléter mes revenus, du coup je peux également économiser de l’argent et l’investir dans le projet. Je n’ai pas trop de passions en dehors de la musique, j’essaye de consacrer la majeure partie de ma vie à faire quelque chose en lien avec mes projets musicaux. Ça peut être écrire, jouer, apprendre, imprimer des t-shirts, répondre aux emails, emballer du merchandising pour les commandes, etc…
Comment est la vie de musicien au Canada ? Est-ce que la société l’accepte bien ?
William : Je n’ai pas d’autre chose avec quoi comparer, mais je pense que généralement parlant c’est accepté par la société ici. Je ne suis plus vraiment impliqué dans la scène locale, mais elle était assez vivante à l’époque où je jouais dans des groupes. Peut-être que je suis un peu déconnecté du fait que c’est accepté par la société d’être musicien parce que je fais simplement de la musique dans ma chambre en ce moment, et les seules personnes qui m’entourent réellement sont d’autres musiciens. Je pense que les gens comprennent à présent qu’il est possible de faire beaucoup d’argent en ligne, et que l’ancienne génération commence à questionner de moins en moins la nouvelle génération sur le fait qu’ils gagnent de l’argent en faisant de l’art ou de la création de contenu de quelque sorte.
Quel a été ton premier album de Metal ? Que tu l’aies acheté seul ou offert par quelqu’un. Qu’est-ce qui t’a mené vers l’univers du Metal extrême ?
William : D’autant que je me souvienne, c’était le Black Album de Metallica. Mon père en mettait énormément dans la voiture, et ça m’a amené à découvrir des choses comme Avenged Sevenfold et Trivium. Parce que j’étais happé par l’agressivité du Metal, je pense que j’ai simplement été attiré par de la musique plus extrême au fur et à mesure des années.
Qu’est-ce que tu aimes à propos de ta musique que tu ne retrouves pas dans la musique d’autres groupes ?
William : Mes goûts en matière de musique sont extrêmement uniques, tout comme pour tout le monde. Ce que j’aime à propos de la musique que je fais, c’est que c’est une accumulation massive de toutes les choses que j’écoute personnellement et qui sont toutes reliées ensemble. Je ne retrouve pas le même réconfort dans d’autres musiques que celle que je compose. Ce catharsis ne sera jamais rejoint par autre chose.
Quelle est ta meilleure et ta pire expérience en tant que musicien ?
William : Question difficile. J’ai eu des expériences assez horribles en tournant avec des groupes, où j’ai dormi dans un van pendant 30-40 jours d’affilée. Je ne sais pas quelle expérience au fil des années a été la meilleure, mais récemment ça a été vraiment génial de voir qu’Unreqvited était dans le Metal Hammer Magazine, que je lisais religieusement en grandissant.
Est-ce que tu as déjà entendu parler de la scène française ? Quels groupes français connais et aimes-tu ?
William : Je ne suis pas très familier avec la scène française en réalité, mais je suis un très grand fan de Gojira. Ils sont une grande influence pour moi dans mon side-project The Ember, The Ash. Pour la musique d’Unreqvited, Alcest et Amesoeurs sont vraiment mes plus grosses sources d’inspiration venant de la scène française.
Y a-t-il des musiciens ou des groupes avec lesquels tu aimerais collaborer, pour un titre ou plus ?
William : Alcest, Ghost Bath et Deafheaven sont trois collaborations qui seraient incroyables. Il y a des tas d’artistes avec lesquels j’aimerais collaborer, cela dit.
Et si je te demandais de comparer la musique d’Unreqvited avec un plat ou une boisson ?
William : C’est comme aller au fast-food et prendre un peu de tous les sodas dans un seul verre. Couples cette boisson marécageuse avec un burger vegan, et on y est.
C’était ma dernière question, une fois de plus merci beaucoup de m’avoir accordé de ton temps, mais aussi pour ta musique. Je te laisse les mots de la fin !
William : Merci beaucoup de m’avoir reçu. Merci à tous ceux qui lisent et qui sont arrivés jusqu’ici, je vous apprécie tous plus que vous ne le pensez. Beautiful Ghosts est sorti à présent, allez l’écouter si le cœur vous en dit ! <3