Interview : Gronibard

Albatard et Necronembourg, respectivement bassiste et guitariste du groupe de GoreGrind français Gronibard, ont pris le temps de répondre à mes questions. Et ça vaut le détour.

Chronique de Regarde Les Hommes Sucer

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenterais-tu le groupe Gronibard sans utiliser les habituelles étiquettes de votre style ?
Gronibard : Salut ! On est une bande de 5 potes qui nous retrouvons pour faire un peu de musique quand on peut. On essaye juste d’être drôle et efficace en s’inspirant de ce qu’il y a autour de nous, que ce soit musicalement (avec une bonne partie GoreGrind mais pas que) ou des news insolites qu’on peut voir passer sur les réseaux sociaux.

Est-ce que vous vous souvenez de la réflexion qui a précédé le choix du nom du groupe? Qu’est-ce qui a motivé la création du groupe ?
Gronibard : Alors à la base c’est une histoire de potes. On était vraiment complètement cramés de métal en général et on se tenait au courant de tout ce qui se passait des plus gros groupes à la moindre démo obscure. Comme 95% des metalleux on voulait se lancer aussi dans un groupe mais on était 3 guitaristes et pas de bassiste ni de batteur. Du coup chacun s’est mis à un instrument, et comme tu peux l’imaginer le niveau ne permettait pas d’aller très loin. Du coup on a fait une première démo avec quasiment que du Noise, puis les choses ont évolué. Le nom du groupe a été proposé par notre ancien batteur, c’était validé à l’instant même.

Quatorze ans après votre précédent album, vous avez annoncé Regarde les Hommes Sucer, votre troisième album. Comment avez-vous décidé de revenir sur le devant de la scène ?
Gronibard : On n’a jamais vraiment arrêté mais pour plein de raisons, on ne peut répéter que 4 ou 5 fois par an. Comme on fait 2 à 3 dates par an, ça laisse peu de temps pour bosser de nouveaux trucs. Et puis on s’est cherché aussi, on voulait faire quelque chose de différent et on a tenté de la new wave (j’espère qu’on pourra aller plus loin dans le futur, perso ça me ferait marrer de retenter le coup) puis le style qu’on a sur Regarde Les Hommes Sucer. Mais avec le rythme dont je te parlais, ça a mis environ 6/7 ans pour tout mettre en place.

Il ne faut pas plus de deux neurones pour comprendre la référence derrière le nom Regarde les Hommes Sucer, un groupe signé sur le même label. Vous vouliez leur rendre un hommage à votre manière ?
Gronibard : Pas spécialement, en fait on déconnait sur les noms de groupe de black en français genre Au Dessus ou J’ai si froid (celui-là nous faisait vraiment marrer). Du coup on imaginait des noms de groupe genre “Priorité à droite” ou “J’ai mal aux pieds”. Ça a dérivé sur Regarde les Hommes Tomber et quand l’un de nous a sorti Regarde les Hommes Sucer, c’était clair qu’il deviendrait le nom de l’album.

J’ai également remarqué pas mal de titres assez parodiques, comme Fast Gays of Humanity, Individual Thought Pâté ou encore De Mysterfriize Pomme Bananas, comment vous viennent vos inspirations délirantes ?
Gronibard : C’est un peu notre marque de fabrique, on avait déjà ce genre de trucs dans le premier album avec Morfondu de Belenos qui est devenu Mort Fondue Savoyarde et d’autres titres comme ça. Il n’y a pas de recette particulière, généralement l’un sort une connerie, un autre rajoute un truc et ainsi de suite, et ça donne ce genre de titre. On est vraiment fier du De Mysterfriize Pomme Bananas.

Bien que le groupe affiche une décadence et des références crades, je vois dans ce nouvel album des riffs très efficaces. Comment arrivez-vous à intégrer un peu de sérieux dans votre délire quasi-permanent ?
Gronibard : Je pense qu’il y a plusieurs raisons : déjà nos influences sont assez variées mais se mélangent super bien. Évidemment il y a Gut et Dead Infection mais tu peux aussi avoir des trucs plus catchy comme S.O.D. Et là sur le nouvel album il y a l’ombre de Necrophagia qu’on avait déjà repris sur We Are French Fukk You. Ensuite tu as le fait qu’à part notre batteur on est tous musicalement à chier et qu’on compense par un truc simple et efficace. Et limite tant mieux si on joue mal, on a vu des centaines de groupes où les mecs savaient jouer mais voulaient le montrer au lieu de chercher un truc efficace. Et puis étrangement, autant on n’est pas exigeants sur scène par exemple, autant sur les morceaux, la prod et l’artwork on est beaucoup plus vigilants.

Côté chant, je m’interroge réellement. Vous arrivez parfois à proposer des parties hurlées caverneuses et violentes, tout comme des cris à la limite de la parodie. Pourquoi ce choix ?
Gronibard : Pour les cris aiguës, on a tout piqué à Gut (en tout cas leurs débuts). Mais c’est vrai que sur cet album Anal Capone a tenté plein de chants différents, dont une grosse partie qu’on a découvert en studio.

Où trouvez-vous les samples que vous utilisez ? Je pense notamment aux introductions de Finger In Anus ou Fast Gays of Humanity.
Gronibard : Pour Finger in Anus ça venait du bêtisier d’une vieille VHS et malheureusement on ne sait plus l’origine. Pour Fast Gays (et d’autres dans l’album) ça vient d’un film qui s’appelle Outrages.

Depuis 2020, le monde souffre du Covid-19. Comment avez-vous vécu les différentes périodes de restrictions en tant que groupe ? Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’album ?
Gronibard : Oui complètement. Pour l’enregistrement on a eu un gros coup de bol parce qu’on avait planifié ça pile entre les deux confinements. Mais après pour toute la partie mix/mastering on a dû tout faire en visio et c’était trèèèèèès long. Et pareil par la suite, pour la fabrication des vinyls il faut compter 6 mois de délai. En gros ça fait bientôt 2 ans que l’album est enregistré mais on a mis un an pour finir le mix/mastering et lancer toute la machine avec Season of Mist.

Bien que le futur soit toujours incertain, est-ce que vous avez déjà des plans pour le futur du groupe ?
Gronibard : Quelques dates sont prévues, notamment le festival des Arts Bourrins en Normandie, une date à Lyon et une autre à Grenoble. J’aimerais bien commencer à composer de nouvelles choses pour la suite, mais j’aimerais qu’on trouve une nouvelle approche. Et c’est ça qui prend généralement le plus de temps. Parfois on se dit qu’on voudrait partir dans un trip plus Punk, parfois un album de reprises, voire même un album de Black Metal complet. Mais rien de défini pour l’instant.

Qu’est-ce qui vous a poussé dans l’univers du Grindcore ? Quel a été votre premier album de ce style ?
Gronibard : Je crois que mon premier disque de Grind c’était les Peel Sessions de Napalm Death. Evidemment sur le coup j’ai détesté, j’étais surtout dans Morbid Angel et Entombed à l’époque et le choc était trop violent. Maintenant c’est ce que je préfère du groupe. A l’époque c’est Albatard qui était en avance sur nous, il était à fond dans Gut, Impetigo et ce genre de trucs. Comme j’étais assez sceptique à l’époque, il a été malin et m’a fait écouter Dead Infection, qui est une excellente passerelle pour attaquer le genre. C’était vraiment la pierre angulaire entre le Grind et le GoreGrind.

Comment s’est rencontré le groupe ?
Gronibard : En gros je connaissais Natachatte et Albatard/Anal Capone se connaissaient de leur coté. J’ai rencontré Albatard au Graspop Meeting Festival en 96. Il était venu avec un gars qu’il connaissait à peine et qu’il a rapidement perdu de vue, et pareil de mon côté. On a rapidement discuté et on était tous les deux hyper surpris d’écouter chacun des groupes totalement inconnus, de lire les mêmes fanzines etc… On a gardé le contact et c’est comme ça que ça a commencé. 

Quel est votre regard sur la scène française ? Et la scène internationale ?
Gronibard : Aujourd’hui on est assez déconnectés de la scène underground. On n’a plus le temps de suivre et il y a vraiment trop de choses qui sortent (et beaucoup de copies de groupes sans intérêt). Pour autant, la scène française est vraiment devenue incroyable. Quand on repense à la situation d’il y a une quinzaine d’années où la France était totalement à la traîne de la scène internationale et que depuis des groupes comme Blut Aus Nord ou Deathspell Omega tirent la scène Black vers le haut, c’était totalement impensable. Il y a vraiment des choses super aujourd’hui entre The Great Old Ones, des groupes de GoreGrind comme Vomi Noir ou Pulmonary Fibrosis ou encore des vétérans comme SUP pour qui on a un profond respect.
La scène internationale, en tout cas pour le GoreGrind, est quand même bien moins intéressante qu’il y a quelques années. Il reste de chouettes groupes comme Meat Spreader ou Grotesque Organ Defilment, mais pour le reste ça tourne beaucoup en rond. On est loin de l’époque où il y avait des tonnes de groupes intéressants comme Dahmer, Warsore, Regurgitate

Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels vous aimeriez collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
Gronibard : Ah c’est une bonne question ça… A une époque on devait faire un truc avec Jean Louis Costes qu’on adore, mais on a pas donné suite parce qu’on bossait sur le nouvel album. A part ça je ne sais pas, mais forcément un groupe qui serait totalement différent de ce qu’on fait.

Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2022 selon vous ?
Gronibard : Alors je sais qu’il y a l’éternel débat sur les membres du groupe mais pour moi Deathspell Omega est, dans leur genre, à des années lumières au-dessus des autres. Tout est impeccable : la démarche exploratoire (entre Paracletus et Drought il y a un monde), le son limpide mais avec une ambiance dingue (et puis ce son de basse bordel), la qualité des compos, les visuels. Tout y est. Je suis moins fan de Blut Aus Nord, c’est plutôt le truc d’Albatard, mais la démarche est assez similaire. Sinon il y a Skelethal, Pulmonary Fibrosis, Defecal of Gerbe

Vous souvenez-vous de votre première expérience avec un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Gronibard : Alors de mon côté j’ai commencé par la basse. J’ai insisté auprès de mes parents pour en avoir une et ils ont vu une annonce dans le journal (il n’y avait pas internet à l’époque) pour une basse et un ampli pas chers. J’ai commencé à bosser dessus, à me niquer les doigts et un jour je-ne-sais-plus-qui est passé à la maison, voit ma basse et me sort “tu veux apprendre à bosser sur une fretless, t’es con?”. Évidemment je ne savais pas qu’une basse sans frets se jouait complètement autrement et que c’était pour les bassistes aguerris. On a dû revendre la basse pour en trouver une autre. Mais avec le recul ça explique plein de choses sur mon niveau musical ahaha.

Pour ma part, je vous ai vus au Motocultor 2019, pendant lequel j’étais photographe. Quel souvenir gardez-vous de ce concert ?
Gronibard : C’est toi qui a pris cette photo géniale ou on voit une bière sur la scène en premier plan et le groupe en flou derrière ? On adore cette photo ! (Malheureusement non ! ndlr). C’était absolument génial, comme je le dis souvent ça aurait fait un dernier concert parfait. Pour une fois on était à peu près accordés, le son était génial et le public complètement dingue. Après il y a eu l’histoire de la boue et très franchement, on ne s’en est pas rendu compte sur le coup tellement on était dans l’euphorie du truc. C’est quand on a vu la tête des bénévoles et l’état de la scène qu’on a compris qu’on aurait dû calmer le jeu. On s’est excusés plusieurs fois et c’était pas cool de notre part, mais visiblement ils ne nous en veulent pas trop. Mais le concert était incroyable.

Comment vous sentez-vous avant de monter sur scène ? Qu’est-ce qui fait qu’un show est réussi pour vous ?
Gronibard : Alors il faut savoir qu’on picole toujours AVANT le concert et pas APRES comme tout le monde. Du coup pour nous un show réussi c’est le bon timing entre la picole et le set, le fait d’être accordés un minimum (on est vraiment à chier là dessus) et d’entendre correctement ce qu’on joue (ce qui n’est pas toujours évident). On aime beaucoup les dates où on joue avec des groupes qui n’ont rien à voir. On en a parlé sur Facebook y’a pas longtemps, notamment concernant un fest avec Epica et Therion, en général c’est le type de date où on rigole le plus.

Quels sont vos hobbies en dehors de la musique ? Est-ce que vous réussissez à vivre de votre musique, ou est-ce que vous avez un métier qui n’a pas de rapport avec la musique pour vivre ?
Gronibard : On ne touche strictement rien personnellement, le peu d’argent qui rentre va dans la caisse du groupe et c’est ce qui nous permet d’aller en studio notamment. Ce serait peut être différent si on faisait des tournées, mais ce n’est pas gérable de notre côté avec le boulot et la vie de famille. Pour les hobbies oui on en a tous des tonnes que ce soit le cinéma (notamment asiatique dans mon cas), les BD, mangas et évidemment la musique.

Si je vous demandais à quel plat français vous pourriez comparer la musique de Gronibard, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Gronibard : Alors forcément un truc avec de la viande parce qu’on est des viandards… Allez, du foie gras parce qu’on gave beaucoup de gens avec nos blagues pourries !

Dernière question : avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Gronibard en ouverture.
Gronibard : Alors je vais te répondre en plusieurs temps :
– On adorerait faire quelques dates au Japon, si ça pouvait se faire ce serait génial de tourner avec Coffins, Final Exit ou Unholy Grave par exemple, ou des vieux groupes qui jouent encore de temps en temps comme SOB ou Carcass Grinder
– Pour une tournée type GoreGrind, je me dis que partager l’affiche avec Last Days of Humanity et Gut ça pourrait avoir de la gueule
J’aimerais bien rejouer avec SUP aussi, on a ouvert 2 fois pour eux et comme je te le disais c’est un groupe pour qui on a beaucoup de respect. Par contre, comme ce sont de grands timides et nous aussi (malgré les apparences) on n’a pas tellement eu l’occasion de nouer des liens.

Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
Gronibard : Merci à toi pour l’interview, j’espère que Regarde les Hommes Sucer te plaira ainsi qu’à tes lecteurs ! Bisous.

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