Interview : Deliverance

Etienne Sarthou, guitariste du groupe de Black/Sludge Metal Deliverance, a accepté de répondre à quelques questions pour la sortie de Neon Chaos in a Junk -Sick Dawn, leur troisième album.

Chronique de Neon Chaos in a Junk -Sick Dawn

English version?

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de votre temps ! Comment présenterais-tu le groupe Deliverance sans utiliser les habituelles étiquettes “Metal” ?
Etienne Sarthou (guitare) : Avec grand plaisir, merci à toi ! Pas facile de nous présenter sans utiliser les termes habituels… J’irai alors vers le domaine du cinéma : notre album est comme un film enfanté par Jodorowsky et Kubrick, le tout baigné dans un cauchemard urbain éveillé. Deliverance est un groupe introspectif, à la fois écrasant, oppressant mais aussi lumineux et mystérieux.

D’où vient le nom du groupe, et comment le reliez-vous à la musique que vous jouez ?
Etienne : C’est le film du même nom qui m’a donné envie d’appeler ce groupe Deliverance. J’adore son ambiance ultra pesante. On ne sait plus ce qui est réel et ce qui est du domaine de la peur, de l’imagination, voire de la folie. Je trouve que ce côté malaisant colle bien avec ce que nous faisons.

Votre troisième album, Neon Chaos in a Junk -Sick Dawn, est sur le point de sortir, comment vous sentez-vous à ce sujet ?
Etienne : On se sent bien ! ? On est vraiment très fiers de cet album dans lequel nous nous sommes vraiment lâchés à tous points de vue.

Comment s’est passé le processus de composition ? Ainsi que le processus d’écriture des paroles ?
Etienne : En général je bosse les idées de chanson de mon côté et quand j’ai quelque chose qui me parait intéressant je le propose au groupe et on teste ça en répète. J’écris très régulièrement, dès que j’ai des idées en tête alors le processus d’écriture pour l’album est une sorte de travail en continu qui ne s’arrête que lorsque nous considérons que nous avons tous les titres nécessaires au disque. Dans le cas de ce nouvel album, l’écriture a dû s’étaler sur environ deux années je dirais. Par la suite, Pierre écrit ses textes en partant de ce que lui évoquent les morceaux que nous avons posés tous ensemble.

On remarque dès le premier titre des éléments modernes dans votre mélange oppressant, comment avez-vous géré l’équilibre entre les deux univers ?
Etienne : J’imagine que par “moderne” tu parles des synthés et autres claviers que nous avons utilisés. C’est marrant parce que de notre point de vue c’est tout l’inverse de la modernité. Nous sommes allés chercher plutôt du côté des 70’s avec ces sonorités que nous aimons énormément chez Pink Floyd ou The Doors entre autres. Dans le même esprit, c’est aussi pour cela que nous avons enregistré cet album en grande partie live : batterie, basse et guitare ont été enregistrées tous ensemble dans notre local de répétition pour un esprit plus authentique, voir même “vintage” oserais-je dire. On voulait vraiment nouer un lien fort avec cette période fantastique du Rock Psychédélique et progressif, tout en le mâtinant de nos éléments Black Metal/Sludge et Doom.

Comment s’est passée la création de l’artwork ?
Etienne : Ça a été sacrément compliqué ! On a fait de nombreux tests, de vastes recherches pour arriver à ce résultat. On n’arrivait jamais vraiment à capter l’essence même et la complexité de notre album avec les visuels que nous avions devant les yeux. Puis finalement on a trouvé cette photo de notre ami Mathieu Piranda (qui est également le photographe de nos autres pochettes d’album), que ma graphiste de femme Pauline Talarn (graphiste également de toutes nos autres réalisations) a mis en forme et bingo ! C’était tout bon. Mais on a bien mis plusieurs mois avant d’y arriver et de tomber d’accord sur cette pochette dont nous sommes vraiment super contents. Elle représente parfaitement l’album et là où Deliverance est aujourd’hui.

Sur Neon Chaos in a Junk -Sick Dawn, on remarque deux titres extrêmement longs, mais également plus expérimentaux, comment avez-vous décidé de les garder aussi longs plutôt que d’en faire deux plus courts ?
Etienne : Odyssey est un des premiers titres que j’ai travaillés pour cet album. Et je me suis aperçu au fur et à mesure que j’avançais dessus qu’il me manquait à chaque fois un passage supplémentaire pour boucler la boucle et finaliser ce titre. Les idées se sont enchaînées pour finalement terminer sur un titre effectivement assez long ? Depuis tout petit, j’ai toujours été fasciné par les titres à rallonge : par exemple Echoes ou Shine on your crazy Diamond de Pink Floyd, Fool’s Overture de Supertramp, Telegraph Road de Dire Straits… Ce sont des titres dans lesquels j’ai baigné dès le plus jeune âge. Pour moi ces morceaux sont des chefs d’œuvres, de véritables épopées et je réalise donc un vrai rêve en réussissant à écrire moi-même des morceaux de ce genre, et de manière réussie je l’espère ! En tout cas pour moi ce genre de titre ne doit pas être raccourci ou dilué pour être mieux digéré. C’est à prendre tel quel afin de s’immerger au mieux dans l’atmosphère particulière qui s’en dégage.

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour les paroles et la diversité vocale des morceaux ?
Etienne : C’est d’abord la musique qui nous guide vers telle ou telle voix. Quand on commence l’enregistrement d’un titre, on fait des tests pour trouver la bonne intention, voir la bonne tonalité de voix. Car nos morceaux amènent souvent des changements de voix assez nets. Heureusement Pierre a une fantastique palette vocale et nos possibilités sont très vastes !

Vous avez récemment signé chez Les Acteurs De L’Ombre Productions, comment vous ont-ils convaincu et accompagné pour la sortie de l’album ?
Etienne : Ça fait un paquet d’années qu’on échange avec Gérald et qu’on garde un œil sur nos activités respectives. Quand je lui ai envoyé ce nouvel album, au bout de quelque temps il m’a répondu par message qu’il adorait et qu’il souhaitait bosser avec nous. On est évidemment ravis de faire partie de ce prestigieux label, c’est une équipe de passionnés super motivés et ça nous parle vraiment ! Les conditions de sortie de cet album sont vraiment excellentes, on se sent vraiment très bien entourés.

Depuis 2020, le monde souffre du Covid-19. Comment avez-vous vécu les différentes périodes de restrictions en tant que groupe ? Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’album ?
Etienne : On n’a pas très bien vécu toute cette période, aussi bien d’un point de vue personnel que collectif pour le groupe. Le fait de ne pas pouvoir défendre notre précédent disque sur scène nous a vraiment frustrés, et en ré-écoutant notre nouvel album (et en lisant certaines chroniques de celui-ci), je me dis que toute cette période a forcément eu une influence sur ce disque. Ce sentiment d’oppression et de recherche de lumière représente assez bien ce que j’ai pu ressentir pendant deux ans. Mais c’est vraiment maintenant que je me rends mieux compte que cet album a dû immanquablement être impacté par cette période covid, quand bien même certains titres ont été écrits avant tout ce bazar…

Est-ce que vous avez déjà des plans pour le futur du groupe ? Que ce soit pour des dates live, ou même autre chose ?
Etienne : Oui, on est clairement en recherche de dates mais je suis confiant, ça va le faire. Cette année, avec le Hellfest notamment, pas mal de gens ont pu se rendre compte que Deliverance était une vraie force sur scène et on est vraiment prêts à en découdre. On vient d’ailleurs de signer avec Metallian Productions pour le booking de nos dates, donc attendez-vous à voir Deliverance sur scène en 2023 !

Quel est votre regard sur la scène française actuelle ? Et concernant la scène internationale ?
Etienne : Plein de bonnes choses un peu partout, même si personnellement je regrette parfois que le grand savoir-faire de certains musiciens soit souvent mêlé à un certain manque de volonté de bousculer les codes en vigueur. Dans le Metal en particulier, il règne une sorte de classicisme : chacun reste un peu enfermé dans sa niche et je trouve ça dommage car la musique se nourrit d’imprévu et de “recherche d’autre chose”. Je reste un metalleux dans l’âme mais je suis de manière générale passionné par le Rock au sens large et ces dernières années l’Indie Rock ou le Psyché ont vraiment été formidablement productifs et avant-gardistes. Quant à la scène française, elle est riche et super intéressante à bien des égards !

Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2022 selon vous ?
Etienne : Le premier qui me vient à l’esprit c’est Regarde les Hommes Tomber. C’est vraiment un groupe fantastique !

Est-ce qu’il y a un artiste avec lequel vous souhaiteriez collaborer ? Que ce soit pour un titre, un album, un artwork…
Etienne : On y a pas vraiment réfléchi à vrai dire. Le processus de création d’album pour Deliverance est d’abord une recherche personnelle, dans laquelle nous sommes vraiment entre nous avec peu de place pour une personne extérieure. Mais cela ne veut pas dire que nous ne collaborerons jamais avec d’autres musiciens, on verra bien. Je serais ravi de collaborer avec un artiste que j’aime. Spontanément comme ça je me dis que la voix de Mike Scheidt de Yob pourrait être incroyable sur du Deliverance.

Si je vous demandais à quel plat français pourriez-vous comparer la musique de Deliverance, lequel choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Etienne : Ah mince, je trouve ça compliqué d’illustrer ce que nous faisons avec de la bouffe ! Le plat serait sans doute trop compliqué haha ? Il faudrait peut-être un menu complet avec du chaud, du froid, du salé, un peu de sucré et des vins aux arômes complexes pour avoir une image aussi fidèle que possible de ce que nous faisons.

Dernière question: avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ? Je vous laisse créer une tournée avec trois groupes, plus Deliverance en ouverture.
Etienne : Une tournée mélangeant Yob, Oranssi Pazuzu, Cult of Luna et Deliverance ça aurait une certaine gueule je trouve, non ?

Merci à nouveau de votre disponibilité, je vous laisse les mots de la fin !
Etienne : Merci à toi pour cette interview et pour le soutien ! 

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